Chapitre 9
Un mois. Un mois sans la moindre nouvelle de Regulus. Ce qui, pendant toutes ces années d'amitié, n'avait rien eu d'anormal, faisait à présent naître en moi une angoisse sourde. Il n'était pas rare que le cadet Black ne se manifeste pas, ou très peu, pendant l'été. Mais au vu de la période dans laquelle nous vivions, et après lui avoir demandé de se voir pendant les vacances, l'absence de signe de vie de mon meilleur ami me rongeait les sangs. Les sombres premières pages que continuait de publier la Gazette du Sorcier n'aidaient en rien à soulager mes craintes. Chaque jour, le quotidien annonçait d'autres attaques, disparitions, tortures ou meurtres. Parfois un mélange détonnant de ces quatre ingrédients. La guerre faisait rage autour de nous. Et j'ignorais comment il allait.
Le mois d'août commençait tout juste lorsqu'une Lily surexcitée frappait à notre porte. Quand je venais lui ouvrir, un sourire éclatant illuminait son visage. Du rouge colorait ses joues sous l'effet de l'excitation. Je ne l'avais jamais vu aussi rayonnante et je ne pouvais que sourire à mon tour en la voyant dans cet état.
– Ayden ! piaillait-elle. Par Merlin, Ayden ! Il faut que je te dise quelque chose !
La boule d'énergie qu'était la jeune Evans s'engouffrait dans la maison. Je riais en refermant la porte, sa bonne humeur dissipant pour un instant mes idées noires.
– Ayden, James m'a fait sa demande !
Pendant une fraction de seconde, je restais abasourdie devant la main gauche qu'elle agitait sous mon nez. Puis ses mots faisaient sens dans mon esprit. Je poussais une exclamation ravie avant d'éclater de rire et de la serrer dans mes bras. Nous nous retrouvions à nous éteindre l'une l'autre, pouffant comme deux adolescentes devant les Bizarr' Sisters. C'était bon de rire dans l'insouciance. Je remarquais à ce moment-là combien elle m'avait manqué. Lily Evans était un soleil à elle seule et j'avais tendance à l'oublier trop facilement ces derniers temps.
– Je suis tellement contente pour toi... lui murmurais-je doucement.
Une nouvelle émotion s'emparait de nous. Cet instant, lorsqu'on vit un moment de bonheur intense avec ses proches, et que soudainement, on les regarde en songeant à quel point on les aime, à quel point on a de la chance de les avoir dans notre vie. C'était ce sentiment-là qui nous envahissait à présent. Quand nous nous écartions, des sillons de pleurs marquaient respectivement nos joues. Des pleurs de joie. Voir des larmes similaires sur le visage de l'autre nous faisaient nous esclaffer à nouveau.
– Tu accepterais d'être mon témoin ? me demandait-elle.
– Rien ne me ferait plus plaisir, assurais-je.
La question ne se posait même pas. C'était un honneur pour moi.
– Tu vas te marier ! Avec James Potter !
Et nous repartions dans une crise de fou rire.
Bathilda, attirée par nos gloussements et nos cris, nous avait rejoint dans l'entrée. À son tour, elle avait félicité Lily, avant de nous entraîner, tout sourire, dans le salon. Pour l'occasion, elle nous servait à toutes les trois un verre de Whisky Pur Feu. La jolie rousse nous expliquait que les parents de James auraient souhaité organiser le mariage au plus vite, pour la fin de l'été. Elle avait dû batailler pour calmer leurs ardeurs, leur disant que ses propres parents voulaient aussi participer à l'organisation des festivités. À leur manière. Un mariage moldu prenait bien plus de temps à préparer qu'un mariage sorcier. Leur union ne serait donc célébré que dans un an.
Fleamont et Euphemia Potter avaient tout de même tenu à faire une soirée pour fêter les fiançailles. Je me retrouvais pour la première fois dans la maison des Potter et je n'étais pas franchement à l'aise. Peut-être était-ce dû à la robe de soirée vert menthe qui étreignait mon corps ou le simple fait d'être une Grindelwald. L'ambiance y était pourtant chaleureuse, et les parents de James m'avaient accueilli à bras ouverts. Le bonheur qui émanait des deux fiancés était contagieux. Mais malgré moi, je songeais à Regulus. À ce qu'il m'avait dit sur l'arrangement de son mariage. À quoi pouvait ressembler une soirée de fiançailles chez les Black ? Je doutais qu'il y règne la même frivolité et s'il cédait aux exigences de sa famille, il ne ferait certainement pas preuve de la même exaltation que les deux amoureux.
Je repérais Remus. Me faufilant parmi les invités mêlant camarades de classe et personnalités influentes du monde magique, je venais trinquer avec lui. Nous souriions tous les deux, pensant l'un comme l'autre à toutes ces années où James avait couru après Lily, au nombre de fois où nous avions échangé ensemble des regards tour à tour entendus, amusés ou las, en les voyant faire. Jusqu'au jour où Lily avait enfin admis ce qu'elle ressentait.
Il allait prendre la parole mais Peter intervenait soudainement. Il était complètement paniqué, déblatérant à propos d'un vase qu'il avait cassé et qu'il ne parvenait pas à reconstituer. Il craignait les remontrances des parents Potter. Je doutais que ces derniers lui reprochent quoi que ce soit, mais d'un autre regard dans ma direction, le jeune Lupin s'excusait et disparaissait avec Pettigrow. Je prenais une nouvelle inspiration et sirotais la coupe que je tenais, mes yeux divaguant d'une personne à l'autre, perdue dans mes pensées. Mon regard tombait sur James et Lily. Il se tenait derrière elle, l'enlaçant tout en déposant un baiser dans son cou. Elle riait aux paroles qu'il lui chuchotait à l'oreille. Lily parvenait à illuminer à elle seule toute l'assemblée. L'amour qui émanait d'elle ajoutait encore à sa beauté. Mais au-delà de son charme, Lily avait toujours marqué les esprits par sa gentillesse, sa générosité et son optimisme.
Je m'efforçais de ne pas regarder Stebbins, un Gryffondor de deux ans de plus, qui était planté devant moi. Assise seule à la table des Serdaigle, je gardais les yeux résolument baissés sur mon assiette. Mes cheveux blonds lâchés formaient un rideau, dissimulaient mes joues en feu. Je comprimais ma fourchette entre mes doigts, le cœur martelant dans ma poitrine. La panique que je ressentais m'empêchait de comprendre les paroles de mon harceleur. Tout ce que je savais, c'était qu'il cherchait à m'intimider et que j'en craignais les conséquences. Ma baguette, posée sur la table près de mon autre main, produisait déjà quelques étincelles argentées. J'écarquillais les yeux derrière mes boucles en m'en apercevant et les coups de mon palpitant redoublait d'intensité.
" Non, non, pas ça... pas maintenant..." pensais-je.
– Fiche-lui la paix, Stebbins !
Je n'osais pas regarder à qui appartenait cette voix. Je les entendais se quereller quelques instants, avant de discerner des bruits de pas qui s'éloignaient. On tirait le banc en face de moi et une silhouette se glissait pour s'asseoir. Des doigts fins apparaissaient dans mon champ de vision et se posaient sur ma main contractée.
– Ça va ? demandait la voix, devenue douce.
Je relevais lentement la tête. La fille que j'avais vu quelques jours plus tôt dans la volière m'observait avec une réelle inquiétude. Elle avait une épaisse et magnifique chevelure rousse. Quelques tâches de rousseur parsemaient son visage et soulignaient ses yeux d'émeraude. Je hochais doucement la tête et consentais enfin à lâcher le couvert martyrisé que je tenais.
– Je ne me suis pas présentée l'autre fois... Lily Evans.
Elle me tendait la main, un large sourire aux lèvres. J'hésitais quelques secondes avant de la prendre et de la serrer.
– Ayden... Grindelwald.
Je retenais ma respiration, attendant le moment où elle ferait le lien entre le mage noir et moi, le moment où elle retirerait brusquement sa main de la mienne pour faire demi-tour. Le moment où, comme ce fameux Stebbins avant elle, elle m'incriminerait.
Mais elle n'en faisait rien.
– Enchantée, affirmait-elle en continuant de me sourire.
Je me souvenais comme si c'était hier de ce jour où Lily s'était présentée, quand j'avais onze ans. Je savais que même dans le cas où elle aurait grandi dans une famille de sorciers, même si elle aurait toujours su qui était Gellert Grindelwald, elle n'aurait pas réagi différemment en apprenant qui j'étais. Elle était comme ça, Lily. Elle ne rejetait pas les gens sans réfléchir, elle trouvait de la beauté dans chaque personne. Et j'avais conscience de la chance que j'avais d'être sa meilleure amie.
Perdue dans mes souvenirs, je ne m'étais pas aperçue de la présence de Fleamont près de moi.
– Ayden, nous n'avons pas encore eu le plaisir de discuter.
Je me tournais vers lui. James tenait indéniablement du sourire de son père. Il exprimait la même chaleur et je ne pouvais m'empêcher de lui sourire en retour.
– James m'a dit qu'il te restait encore une année à Poudlard, c'est bien cela ?
– Oui, c'est ça. Poudlard va être bien calme sans eux, répondais-je en souriant plus largement.
Je désignais les Maraudeurs, tout quatre réunis un peu plus loin. Sirius avait coincé James en le maintenant d'un bras passé autour du cou et ébouriffait ses cheveux déjà en bataille. Ils s'esclaffaient bruyamment avec Remus et Peter. Le premier conservait en filigrane le sérieux qui lui avait valu d'être choisi comme préfet, tandis que le visage du second portait encore les marques de l'admiration qu'il leur vouait depuis toujours.
Fleamont avait suivi mon regard. Il éclatait d'un rire franc, rejetant la tête en arrière comme j'avais déjà vu faire son fils à de nombreuses reprises.
– Je crois que le corps enseignant mérite bien un peu de répit, renchérissait-il.
Je ne pouvais que l'approuver. Sept ans à tenter de gérer ces énergumènes avait dû demander une énergie considérable. Pendant un instant, j'imaginais McGonagall confortablement installée dans un fauteuil tapissé de tartan écossais, les yeux fermés, le visage détendu, à savourer le silence d'un château débarrassé des Maraudeurs.
– Comment se porte ta grand-tante ?
– Elle va très bien, merci beaucoup. commençais-je à répondre, m'apprêtant à lui parler du dernier livre qu'elle avait écrit.
– Fleamont ? Euphemia m'a envoyé te rappeler de prendre ta potion.
L'aîné Black nous avait rejoint après avoir consenti à relâcher son meilleur ami.
– Ah, merci, Sirius.
Fleamont lui donnait une claque affectueuse sur l'épaule puis serrait brièvement mon coude pour s'excuser avant de s'éloigner. Un silence gênant s'installait entre Sirius et moi. Sa ressemblance avec Regulus me serrait la gorge. Je n'avais toujours pas digéré les dernières fois où nous nous étions retrouvés en tête à tête, en particulier dans une des serres de l'école de sorcellerie. Et je n'avais pas envie de réitérer l'expérience, c'est pourquoi après m'être raclé la gorge, je me détournais pour m'éclipser à nouveau parmi les invités.
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