Chapitre 35
Un silence assourdissant accueillait ses paroles. L'hébétement nous paralysait. Non... Non, c'était impossible.
– Fumseck nous a donné le signal. Nous nous sommes retirés sans encombre... commençait Franck d'une voix hésitante.
Le jeune Lupin secouait la tête, les traits contractés. La bile remontait dans ma gorge et enflammait la boule qui s'y était formée à l'annonce de l'apparition du mage noir.
– Il est arrivé après. Après votre départ, balbutiait-il en tâchant de maîtriser son souffle laborieux.
J'avais l'impression que mon cœur s'était transformé en bloc de granit et qu'il tombait dans ma poitrine. Il tombait, dégringolait en arrachant mes organes les uns après les autres.
– Il faut qu'on y retourne...
Ma voix n'était guère plus qu'un chuchotement. L'horreur m'oppressait. Plus rien n'avait d'importance, si ce n'était l'homme qui partageait ma vie depuis trois semaines.
– Ayden...
– On ne peut pas les laisser là-bas.
Lily cherchait à me prendre la main, mais je me dérobais. Je ne voulais pas l'écouter, je ne voulais pas la regarder, parce que je savais déjà ce qu'elle allait me dire.
– Ayden, s'il te plaît...
Je refusais de la laisser parler. J'amorçais un mouvement en direction de la porte. Remus s'interposait. Son visage portait les stigmates de l'inquiétude, mais restait empreint de détermination.
– Ayden, non.
Sa voix indiquait qu'il ne souffrirait aucune contestation et je le défiais du regard en réponse. La colère montait doucement en moi, bouillonnait avant de se déverser dans mes veines, se disputant avec l'effroi qui m'avait envahi. Les autres étaient debout autour de nous, leurs mines sombres et tendus. Je les ignorais, mon regard noir dirigé tout contre Lunard.
– Remus, il faut qu'on y retourne.
– Non, Ayden, répétait-il calmement mais fermement.
– Alors tu veux qu'on les abandonne !? explosais-je.
Sans m'en apercevoir, j'avais glissé une main dans ma poche, à la recherche du contact de ma baguette.
– On savait tous le risque que comportait cette mission. Tu connais les ordres. On ne doit pas y retourner.
Remus et moi nous faisions face. Chacun de mes muscles étaient bandés, prêts à forcer le passage s'il le fallait. Pendant de longues minutes, plus personne ne bougeait. Mais je savais que je n'avais qu'à lever le petit doigt pour qu'ils soient forcés de me neutraliser.
Ma fureur retombait brutalement, ne laissant plus place qu'à la détresse. Je savais qu'il avait raison. Je desserrais doucement l'étreinte sur ma baguette. Résignée et au désespoir.
Ce furent les heures les plus longues de toute ma vie. Rester dans l'attente, l'interdiction d'agir, me rongeait de l'intérieur. Certains étaient réapparus, au compte-goutte, présentant diverses blessures plus ou moins graves. Les frères Prewett avaient dû transporter d'urgence Sturgis à Ste Mangouste.
Petit à petit, nous avions pu retracer les évènements.
Notre présence au manoir ce soir-là devait être purement passive. Le couple Malefoy, Lucius et Narcissa, organisait une réception dans leur demeure. Lucius était étroitement surveillé par l'Ordre et nous avions de bonnes raisons de croire que beaucoup de mangemorts devaient se trouver chez eux. Bien qu'audacieuse, notre mission était simple : contourner le système de sécurité et espionner. Aucune intervention, juste de la reconnaissance. L'avant garde, dont je faisais partie, devait tracer le chemin pour les autres en perçant les défenses qui cernaient le manoir avant de céder la place aux équipes suivantes. Maugrey préférait que nous ne mettions pas tous nos œufs dans le même panier, aussi, s'il n'y avait aucun accroc, nous avions consigne de repartir les premiers.
À deux, Sirius et Benjy glanaient autant de renseignements qu'ils pouvaient, pendant que les autres groupes couvraient leurs arrières. Ils repartaient ensuite, équipe par équipe. Dans la plus grande discrétion. Fumseck, le phénix de Dumbledore qui faisait office de guet, nous avertissait.
Mais peu après notre départ, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avait fait son apparition. Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : l'Ordre comptait bel et bien un espion dans ses rangs, comme nous le redoutions. Sinon, comment expliquer la venue soudaine du Seigneur des Ténèbres à une réception qui se voulait mondaine ? Des murmures se faisaient entendre d'un coin à l'autre de la pièce. Tout le monde en était arrivé aux mêmes conclusions. Le traître était-il parmi nous en ce moment même ?
Je n'avais pas la force de soupçonner qui que ce soit en cet instant. Tout ce qui occupait mes pensées, c'était Sirius. L'aube pointait, et il n'y avait toujours pas le moindre signe de vie de lui. Les yeux gonflés de fatigue, la tête lourde d'angoisse, je restais prostrée seule dans un coin. Mon esprit rejouait tous les instants de complicité que nous avions partagé, chaque baiser échangé, chaque rire étouffé, tout. Je gardais les paupières étroitement closes pour contenir mon désarroi, appuyant mon front dans mes mains. Lily était restée avec moi jusqu'à ce que James ne rentre à son tour, mais son absence à mes côtés ne changeait rien à mes entrailles nouées.
Le soleil émergeait lentement à l'horizon, colorant le ciel d'un dégradé de rose et d'orange et baignant les visages de mes compagnons d'une lumière crue, quand la porte d'entrée s'ouvrait à la volée.
– Ici ! vociférait la voix de Sirius.
Je sautais sur mes pieds. Remus et Elphias avaient déjà accourus dans le hall. Quand je me stoppais à l'entrée du couloir, ils récupéraient un Benjy couvert de sang, incapable de tenir sur ses jambes, mais vivant. Sirius, le souffle court après l'avoir soutenu tout ce temps, les regardait l'emporter. Puis il relevait les yeux vers moi.
Il n'y avait alors plus que lui. Je m'élançais, le sang battant à mes tempes. Il m'attrapait derrière les cuisses lorsque je me jetais dans ses bras, entourant ses hanches de mes jambes, ses épaules de mes propres bras. J'enfouissais ma tête dans son cou et le serrais à le briser contre moi. J'agrippais sa cape entre mes doigts frémissants et des larmes dévalaient mes joues. Elles paraissaient exorciser toute ma peur, expulsaient de mon corps toute la pression de la nuit. Sirius emprisonnait ma taille pour m'étreindre avec la même force.
– Sirius... sanglotais-je dans sa nuque.
– Je suis là. Je suis là... me murmurait-il, apaisant.
Mon corps était parcouru de tremblements. Je ne voulais plus le lâcher. J'avais du mal à seulement m'écarter pour pouvoir plonger mes yeux dans les siens.
– C'est la dernière fois que je te quitte sans t'embrasser, me promettait-il, toujours à voix basse.
D'une main dans mes cheveux, il attirait mon visage au sien et m'embrassait comme il ne l'avait encore jamais fait, sans se soucier une seule seconde du public que formait les autres membres de l'Ordre.
Lorsque nous consentions enfin à nous détacher l'un de l'autre, Sirius me reposait au sol, sans retirer son bras de mon dos pour autant. Au bout du couloir, depuis la pièce que j'avais précipitamment quitté, plusieurs têtes nous dévisageaient. À travers la surprise générale, je décelais également quelques petits sourires, dont celui de Lily, qui paraissaient incongrus après les évènements du manoir.
– Il y a un traître parmi nous.
Tout le monde se tournait vers Gideon dont la voix avait résonné dans le hall. Fabian et lui étaient rentrés cinq minutes plus tôt. Sturgis était toujours entre les mains des guérisseurs, suspendu entre la vie et la mort. Ils se tenaient, raides, au pied de l'escalier. Et ils me fixaient. Je ployais encore trop sous le poids de l'angoisse pour m'en émouvoir, mais la main de Sirius se crispait sur ma taille et il avançait d'un pas.
– Commence pas, Prewett, prévenait-il dans un grondement canin.
– T'es complètement aveugle, Sirius !
– Insinue encore une fois qu'Ayden nous a trahi...
– Calmez-vous tous les trois, intervenait James avant que mon amant ne puisse terminer sa phrase.
Ils continuaient d'échanger des regards vénéneux. L'atmosphère était sombre et orageuse. Parfaite pour disloquer l'Ordre du Phénix et donner l'avantage à Celui-Dont-On-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom et ses mangemorts.
– Nous ne pouvons pas nous permettre de nous diviser, c'est clair ?
James regardait alternativement son meilleur ami et les frères, attendant leur assentiment. La mâchoire contractée, les poings serrés, Sirius opinait.
– Rentrons, disait-il à mon intention.
Lorsque je sortais à mon tour de la salle de bains, je trouvais Sirius dans la cuisine, les mains appuyées à l'évier, le regard perdu sur le paysage londonien qui apparaissait derrière la fenêtre. Je passais mes bras autour de son abdomen, ma poitrine reposant contre son dos. Fermant les yeux, j'appuyais ma joue contre sa chemise. Il était vivant. Sa chaleur se communiquait à mon corps, ses muscles jouaient contre ma pommette, sa respiration gonflait son torse. Il était vivant. En songeant que j'avais failli le perdre, je raffermissais un peu plus mon étreinte.
Il touchait délicatement mes doigts pour les délier et lui permettre de pivoter vers moi. Il effleurait ma joue du dos de sa main avant de glisser ses doigts sur le haut de ma nuque, l'enfouissant dans mes boucles. Je savourais chacune de ses caresses. Pendant plusieurs heures éprouvantes, la peur de ne plus jamais sentir son corps contre le mien, de ne plus jamais revoir ses magnifiques yeux d'argent, de ne plus jamais ressentir ce que je ressentais actuellement s'était insinuée en moi. Elle m'avait comprimé, ravagé. Mes yeux s'embuaient à ces pensées. Je baissais la tête pour ne pas le laisser me voir pleurer. Mais dans un geste empli de tendresse, il relevait mon menton et plongeait ses pupilles dans les miennes.
– Ayden... appelait-il doucement.
Il faisait disparaître la larme qui avait roulé sur ma peau.
– Je t'aime.
C'était la première fois qu'il prononçait ces mots. Mon cœur bondissait prodigieusement dans ma poitrine en les entendant dans sa bouche. Ils galvanisaient tout mon corps. Je me hissais sur la pointe des pieds et unissais nos lèvres dans un baiser à la fois tendre et passionné, doux et enflammé.
Le baiser d'un amour vibrant.
– Je t'aime, murmurais-je également. Je t'aime tellement...
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