Chapitre 33
La lumière s'infiltrait furtivement à travers la fenêtre. Une lumière froide comme elle ne pouvait l'être qu'en hiver. Pourtant, une douce chaleur m'enveloppait. Les paupières encore closes, je respirais lentement, toute à la paix que je ressentais en cet instant. Je savourais l'harmonie et la sérénité qui imprégnaient chaque fibre de mon être, comme je n'en avais plus ressenti depuis longtemps. Petit à petit, mon esprit s'extirpait de cet onctueux cocon pour me raccorder à la réalité. Les souvenirs de la nuit remontaient tranquillement dans mon conscient.
Sirius... Sa bouche trouvant la mienne, ses bras me soulevant pour m'emporter dans sa chambre, mes jambes s'enroulant autour de sa taille, nos vêtements s'échouant un à un sur le sol. Et le contact brûlant de nos corps.
J'ouvrais les yeux et reconnaissais la chambre du Maraudeur. Allongée sur le flanc, je me sentais encore agréablement engourdie. Jusqu'à ce qu'une pensée sournoise ne me tire complètement du sommeil. Mon cœur chavirait dans ma poitrine. Et si... ce qu'il s'était passé cette nuit n'avait aucun sens à ses yeux ? Et s'il avait agi sur un coup de tête, une impulsion ? Et si après l'affrontement de la veille, il avait simplement eu besoin de lâcher prise ?
J'allais me redresser quand je percevais du mouvement dans le lit, près de moi. Le bras de Sirius se glissait contre mon ventre, en même temps que son torse se blottissait dans mon dos, son nez dans mes cheveux, me serrant contre lui. Chassant cette petite voix perfide de ma tête. La pression autour de mes poumons s'évanouissait. Je me laissais aller contre son corps endormi, me lovais un peu plus dans son étreinte, toute peur s'envolant aussi rapidement qu'elle était apparue. Un sourire flottait sur mes lèvres alors que je refermais les yeux.
Une heure et demie plus tard, j'avais été la première à m'extirper de la bulle que nous nous étions créés. Le plus silencieusement possible, je m'étais glissée hors des draps et après avoir remis mes sous-vêtements, j'avais déniché une de ses chemises. Sur un dernier regard attendri pour mon amant, j'avais quitté la chambre sur la pointe des pieds.
Je me tenais à présent dans la cuisine, m'improvisant chef pour préparer le petit-déjeuner. Toutefois, je ne restais pas seule très longtemps. Les toasts venaient de terminer de griller et l'eau commençait tout juste à bouillir lorsque la porte de la chambre s'ouvrait. Un nouveau sourire ornait mes lippes pendant que j'éteignais le feu d'un coup de baguette.
Les mains de Sirius se frayaient un chemin sous la chemise empruntée que je portais, pour atterrir sur la peau tendre de mes hanches. Dans la pression de ses doigts, je croyais reconnaître un certain soulagement. Avait-il craint en se réveillant que je ne sois partie, comme j'avais moi-même craint plus tôt que cette nuit ne signifie rien à ses yeux ? Son souffle chaud venait chatouiller mon oreille.
– Hello, susurrait-il.
Mon sourire s'élargissait. Je pivotais dans ses bras pour lui faire face. Il était resté torse nu. Mes bras se nouaient autour de son cou pendant que je détaillais son visage. Ses lèvres dessinaient ce sourire en coin que je connaissais si bien. J'adorais la façon dont il me regardait, me souriait, et tout ce qu'il parvenait à me faire ressentir à travers ce simple regard, ce simple sourire. Il se penchait pour m'embrasser. Délicatement, sans se presser. Comme si nous avions tout notre temps devant nous.
– Tu regrettes ? questionnait-il à voix basse, sans s'écarter.
– Pas le moins du monde, répondais-je sur le même ton.
– Merveilleux.
Je riais légèrement puis il reprenait le baiser là où il l'avait arrêté.
Nous finissions par nous détacher l'un de l'autre pour emporter toasts, confitures, œufs brouillés et lard sur la table du living-room. Il me servait une tasse de thé pendant que je m'occupais de lui verser du café dans la cuisine. Je prenais place à la table, près de lui.
– Comment va ta jambe ?
Je le regardais sans comprendre.
– Tu n'arrêtais pas de malaxer ton genou quand on est rentré hier, expliquait-il.
J'étais agréablement surprise de voir qu'il avait remarqué ce petit détail.
– C'est rentré dans l'ordre.
– Décidément, tu as le chic pour être blessée à cet endroit, persiflait-il.
Les choses auraient pu sembler bizarres, décalées, et pourtant, tout me paraissait naturel. Comme l'évolution de notre relation au fil des mois, c'était fluide, simple. Comme si notre couple était une évidence. Nous parlions de tout et de rien pendant que nous mangions. Nous ignorions encore quelle avait été l'ampleur du massacre de la veille, à la maison du ministre, et pour l'instant, nous nous en moquions. La réalité nous rattraperait suffisamment vite pour s'embarrasser de la culpabilité de voler cet intervalle hors du temps.
– Je voulais t'embrasser au mariage de James et Lily.
Me revenait à l'esprit des images de ce jour d'été. La puissance de son regard sur moi. Notre danse, enlacés sur le rythme de San Diego Serenade du moldu Tom Waits. Le picotement qu'avait provoqué sa peau contre la mienne, des picotements qui, depuis, ressurgissaient à chaque fois que nous nous effleurions. Ces instants coupés de toute réalité autre que la musique qui nous berçait. La pénombre qui nous entourait lorsque nous nous étions ensuite retrouvés seuls dans la maison des Potter. Le mouvement qu'il avait esquissé. Ma fuite.
– Je sais, affirmais-je, un brin malicieuse.
– Petite impertinente...
Il me pinçait les côtes, me faisant rire, puis m'attirait en travers de ses genoux. Nous continuions de sourire, mais je remarquais son air pensif.
– Pourquoi tu ne m'as pas laissé faire ?
Sa voix n'était plus qu'un chuchotement. Redoutait-il ma réponse pour employer cette intonation ? Après tout, je l'avais cruellement laissé baigner dans l'interrogation pendant des mois. Le poids de la honte et des remords me rongeait l'estomac.
– J'avais peur, confessais-je.
– ...et maintenant ?
Je songeais à Regulus, cette âme sœur que j'avais perdu et au gouffre qu'il avait laissé dans mon existence. La douleur que j'avais ressenti avait fait naître une angoisse viscérale de perdre un autre être cher et m'avait poussé à la fuite. Je songeais à l'amour que s'étaient porté Euphemia et Fleamont. Les solides sentiments qui les avaient uni durant toute leur vie. Je songeais aux sentiments semblables qui s'étaient tissés dans l'ombre, sans cesser de se renforcer, pour Sirius. Malgré mes belles paroles sur les occasions à ne pas louper, j'avais d'abord cherché à les nier, dans un égoïste instinct de survie. Mais grâce au couple Potter, j'avais fini par réaliser que c'était un risque qui en valait la peine. Il en valait la peine. J'avais failli tout gâcher, mais à présent, je me battrais bec et ongle pour lui.
Pour nous.
– Maintenant, je regrette d'avoir perdu tout ce temps à cause de ma lâcheté...
J'effleurais la courbe de sa mâchoire. Sirius souriait à mes paroles, rassuré. Nous ne disions plus rien, béats devant le bonheur que nous éprouvions. Dans un geste léger, ses doigts remontaient lentement le long de mes jambes nues. Lorsqu'il parvenait à ma cuisse, il sentait l'irrégularité de ma cicatrice. La nuit dernière, lorsque ses mains exploraient mon corps, il en avait déjà perçu le relief rugueux. Il s'était contenté de la caresser, avec une telle tendresse que je m'en émouvais encore.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
– Un souvenir de ma rencontre avec mon père.
Ses sourcils se haussaient et je lisais de la stupéfaction dans ses yeux. Rares étaient les personnes à qui j'avais raconté cet épisode de ma vie.
– Quand j'avais sept ans, il a voulu m'emmener avec lui. Ma magie s'était éveillée peu de temps avant. Il est venu à Godric's Hollow le soir du réveillon de Noël. Bathilda m'a ordonné de me cacher, alors je me suis glissée sous le sapin.
Une lueur de compréhension s'allumait dans ses pupilles.
– Mais elle n'a pas pu le retenir. Elle a été assommée et il a envoyé valser le sapin, qui m'a écorché la cuisse au passage.
– Voilà qui explique certaines choses...
Je hochais la tête. Je me souvenais que la veille du mariage de James et Lily, il avait fait une remarque sur ma phobie. Et encore avant, quand nous avions passé la journée ensemble à Pré-au-Lard, j'avais évoqué les problèmes que j'avais rencontrés avec ma magie lorsque j'étais enfant. Il avait avancé que ces difficultés pouvaient résulter d'un évènement traumatisant, mais je n'étais pas rentrée dans les détails.
– Et comment...
– On s'est débarrassé de lui ? complétais-je à sa place. Je me souviens seulement que Dumbledore est arrivé...
Abrutie de douleur et de terreur, j'avais perdu connaissance peu de temps après l'apparition de l'illustre directeur. Lorsque je m'étais éveillée, il ne restait plus du passage de mon père que l'affreuse balafre et l'effroi.
Le bout des doigts de Sirius continuait de frôler la cicatrice en des gestes indolents. Pendant quelques minutes, je ne faisais que me délecter de cette nouvelle sensation. Elle occultait tout du souvenir que je venais de lui raconter. Ma respiration se faisait plus courte.
– C'est agréable... murmurais-je.
Il relevait les yeux pour plonger son regard dans le mien. J'aurais pu me liquéfier face aux flammes qui embrasaient maintenant ses iris. Mon ventre se contractait délicieusement pendant que nos lèvres se rejoignaient, grisant tous mes sens. Mes propres doigts se perdaient dans ses cheveux. Nos peaux grésillaient l'une contre l'autre.
Une impression indescriptible se déclenchait en dessous de mon nombril.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro