Chapitre 32
Le désespoir qu'avait causé la mort d'Euphemia et Fleamont s'était transformé en une rage destructrice pour James et Sirius. Ils s'étaient lancés à corps perdu dans la chasse aux mangemorts, comme si combattre le mal qu'ils représentaient leur permettaient également de combattre leur peine. Et surtout, retardaient le moment où ils devraient faire leur deuil. La moitié du temps, ils étaient au quartier général de l'Ordre du Phénix, l'autre moitié, ils étaient en patrouille qui se terminait presque inévitablement en duel. Dumbledore lui-même avait été contraint de les rappeler à l'ordre, non seulement pour leur sécurité mais aussi pour celle de l'organisation secrète.
Petit à petit, ils avaient accepté leur perte et avaient assuré pouvoir reprendre les missions la tête froide.
Ce soir-là, Sirius et moi, ainsi que Caradoc Dearborn, Dorcas, Alastor, Elphias et Franck, étions posté aux alentours de la demeure de Harold Minchum, le ministre de la Magie. À vrai dire, le sorcier à la tête de la communauté magique britannique ignorait tout de notre présence. Il devait recevoir dans le plus grand des secrets ses homologues français et allemand. Des aurors étaient bien entendu déjà affectés à la sécurité des ministres, pour autant, nous avions estimé qu'une protection supplémentaire ne serait pas de trop. Si Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom venait à apprendre l'existence de cette réunion, l'idée de supprimer trois figures de l'autorité d'un seul coup, avec les conséquences que cela entraînerait sur le monde des sorciers, serait bien trop alléchante.
Nous étions tous embusqués de part et d'autre de la maison. Suivant les recommandations de Caradoc, j'avais une fois de plus rabattu la capuche de ma cape sur ma chevelure blonde, qui attirait la lumière comme un phare les marins. Une heure passait sans que rien ne se passe. Les deux dirigeants étrangers étaient arrivés en toute discrétion et sans aucun accrochage.
Une seconde heure s'écoulait. Les sens en alerte, je veillais au moindre bruissement suspect. Maugrey n'avait cessé de nous répéter que le terrain boisé qui cernait le bâtiment constituait un avantage considérable pour les mangemorts, qui pourraient transplaner furtivement pour assaillir le domaine.
Mais les fidèles du mage noir avaient choisi un autre angle d'attaque. Ce fut lorsque plus aucun son ne me parvenait que je comprenais que quelque chose clochait. Plus la moindre brise, plus le moindre craquement d'arbres. J'étais brusquement devenue sourde. En levant les yeux vers le ciel, je n'apercevais plus aucune étoile. Presque instantanément, un froid glacial s'insinuait en moi, jusque dans la moelle de mes os. Pas la température mordante due à la saison, non, cette brusque chute de degrés ne pouvait être provoquée que par une chose : des détraqueurs.
– Spero Patronum !
Le patronus d'un puissant hibou grand-duc, qu'avait fait apparaître Dorcas avec des réflexes doublés d'une grande dextérité, fondait sur les ignobles créatures. Sa lumière d'un blanc éclatant les faisait s'éparpiller. Ils étaient peu nombreux, mais c'était amplement suffisant pour agir comme diversion, comme nous le comprenions vite. Les partisans de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avaient déjà commencé à apparaître dans des nuages noirs. Je pointais ma baguette en direction de sombres volutes annonciatrices d'un mangemort.
– Confringo !
Elles se dissipaient sous l'effet de mon sort avant que le sorcier lui-même n'ait pu prendre pied. Je faisais volte-face pour courir en direction de la maison. Les défenses qui l'entouraient étaient déjà sérieusement endommagées. Des étincelles fusaient en tous sens, accompagnés d'éclair de lumière. Je me joignais à la mêlée, envoyant des salves de sortilèges. Les entraînements avec Sirius avaient porté leurs fruits.
J'entendais les beuglements des aurors, les accents français et allemands se joignant aux exclamations anglaises. Bientôt, je me retrouvais aux côtés de Franck, résistant aux assauts des silhouettes masquées.
– Endoloris !
Un hurlement à glacer le sang résonnait jusque dans ma chair. Un éclat émeraude jaillissait, heurtant de plein fouet une fenêtre. Une pluie de verre se déversait sur nous et de multiples coupures perçaient ma peau. Plusieurs corps gisaient à terre.
– Repulso !
– Sectumsempra !
Mon sang se glaçait dans mes veines en voyant le maléfice louper de peu Sirius. Mais il éclatait de rire, toisant son adversaire avant d'agiter sa baguette dans un mouvement circulaire gracieux. C'était comme si le revers d'une immense main s'était soudain abattu sur le mangemort pour l'expédier à plusieurs mètres.
Je perdais de vue Patmol durant le reste de l'affrontement. Le calme ne revenait qu'au bout d'une longue et éprouvante demi-heure. Des plaintes nous parvenaient depuis l'intérieur de la bâtisse. Je terminais d'envoûter un morceau de tissus pour faire un garrot à la jambe d'un des gardes allemands, puis je me redressais pour regarder autour de moi et constater l'étendue des dégâts. Je me sentais chavirer en voyant Sirius blessé. Le Sectumsempra ne l'avait donc pas totalement manqué. Son prénom s'échappant d'entre mes lèvres en un couinement d'angoisse, je me précipitais et faisais passer son bras valide autour de mes épaules.
– Tu verrais la gueule de l'autre... ricanait-il bêtement, le nez en sang.
Je lui répondais d'un grognement, trop anxieuse pour être capable de rire à cette réplique douteuse.
– Je te ramène, marmonnais-je.
– Alohomora.
La serrure de l'appartement de Sirius se déverrouillait d'elle-même. Soutenant toujours le Maraudeur, je nous faisais entrer et manœuvrais pour le faire asseoir dans le canapé.
– Ayden, tout va bien, protestait-il.
Je lui lançais un regard torve en réponse à son expression moqueuse. Ce n'était pas la première fois qu'il était blessé et ce ne serait certainement pas la dernière. Pour autant, une profonde inquiétude s'était emparée de moi. Il dut s'en apercevoir car il ne tentait plus de plaisanter.
Je l'aidais à ôter sa chemise souillée de sang, découvrant ainsi une entaille béante sous ses côtes. Ma gorge se nouait. Le silence se faisait entre nous tandis que je lavais précautionneusement la plaie avant d'appliquer de l'essence de dictame. Depuis le Ministère, j'avais pris l'habitude d'en avoir toujours un flacon à portée de main. La fumée verdâtre se dissipait pour découvrir sa peau reconstituée, comme si la blessure remontait déjà à plusieurs jours. Je lâchais un soupir, comme si j'avais retenu ma respiration pendant tout ce temps.
– Que ça ne devienne pas une habitude... grommelais-je en songeant à la scène similaire qui s'était joué chez les Potter à l'anniversaire de Lily.
Je relevais la tête et surprenais son regard déjà posé sur moi. Mes joues s'enflammaient pendant que les secondes s'égrenaient lentement.
– Tu devrais aller te reposer...
J'avais toutes les difficultés du monde à m'extirper des bras de Morphée. Avec une grimace, je me redressais en position assise dans le sofa. Toute la partie gauche d'une de mes jambes était encore endolorie, l'œuvre d'un mauvais sort qui m'avait percuté. Je jetais un coup d'œil à l'horloge fixée dans la cuisine de Sirius. Nous n'étions rentrés que depuis quelques heures. Il faisait encore nuit noire dehors.
Tandis que je me levais du canapé où je m'étais assoupie, je retenais un juron en massant ma cuisse ankylosée. Je passais derrière le comptoir qui séparait la cuisine du living-room. Dans l'évier, le feu magique que j'avais allumé sous un chaudron ronflait toujours. La potion à l'intérieur, d'une couleur bleu électrique, produisait paresseusement quelques petites bulles. Bien que j'ai forcé Sirius à aller s'allonger une fois douché, j'avais été incapable de trouver immédiatement le sommeil. Je l'avais donc concocté après m'être rapidement lavé, faisant disparaître le sang coagulé pour mieux révéler les contusions que j'avais moi-même récolté lors du combat.
J'étais en train de la remuer lorsque la porte de la chambre s'ouvrait, dévoilant un Sirius encore torse nu. Après avoir lorgné sa blessure que j'avais traité plus tôt avec l'essence de dictame, je me forçais à ne pas trop le détailler. Il traînait les pieds en avançant vers moi, passant une main dans ses cheveux noirs.
– Je t'ai réveillé ?
– Non, t'inquiètes. Qu'est-ce que c'est que ça ? ajoutait-il, méfiant, en se penchant au-dessus de mon épaule pour aviser de la mixture.
– Une potion revigorante.
Il fronçait le nez, visiblement peu alléché, puis s'appuyait contre le rebord du plan de travail en croisant les bras.
– Je pensais que tu serais rentrée à Godric's Hollow.
Je haussais vaguement les épaules pour toute réponse, m'épargnant ainsi d'admettre ce qui m'avait poussé à rester. Sirius continuait de me dévisager, faisant naître cette curieuse chaleur que j'avais déjà senti dans ma poitrine. Je m'appliquais à mélanger le breuvage sans le regarder, avant d'attraper un verre pour y verser une dose généreuse. Je me décidais enfin à me tourner vers lui. La distance nous séparant se révélait plus maigre que je ne le croyais.
– Bois, l'enjoignais-je en le lui tendant.
Il haussait légèrement un sourcil, un sourire faisant frémir sa bouche devant mon ordre. Mais il obtempérait sans discuter. J'étudiais les traits de son visage tandis qu'il avalait la potion d'un trait. Il esquissait une moue écœurée en reposant le verre.
– C'est dégueulasse.
– Je sais.
À nouveau, mes yeux se perdaient dans le gris des siens. Son visage était empreint du même sérieux que ce soir-là, lorsque nous avions dansé, lorsqu'il avait voulu... S'il continuait à me regarder comme cela, je...
Une fraction de seconde plus tard, sa main se glissait sur ma nuque. Son geste était suffisamment lent pour me laisser l'opportunité de me dérober, mais cette fois-ci, je ne songeais pas un seul instant à le faire. Mes paupières se fermaient lorsque ses lèvres rencontraient les miennes. Douces et fermes, elles foudroyaient toute pensée cohérente, m'électrisaient tout entière. Mon cœur cessait momentanément de battre avant d'exploser dans une cadence désordonnée. Tout mon corps paraissait se relâcher pour m'abandonner à son étreinte. Au bout de quelques instants cependant, Sirius s'écartait délicatement, me donnant envie de hurler de frustration.
- Ayden... commençait-il, d'une voix légèrement rauque.
Je ne lui laissais pas le temps d'en dire plus. Me laissant submerger par des sentiments que j'avais fui trop longtemps, je posais à mon tour ma main sur sa mâchoire pour attirer son visage au mien et me collais tout contre lui. Ses bras se refermaient autour de ma taille, m'enveloppaient, pendant que nous nous perdions avec délectation dans notre baiser.
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