Chapitre 3
Un an.
Un an avait passé depuis ma dernière crise cardiaque. Je vivais avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. Où en étais-je sur la liste ? En un an j'avais avancé de deux rang, de dixième j'étais passé huitième. Pourquoi ? On aurait pu penser que les deux personnes au dessus de moi sur la liste avaient eu leur cœur et qu'ils vivaient maintenant une belle vie paisible. Mais non... Ils sont tout les deux morts, quand j'ai appris cela le peut d'espoir qu'il me restait s'est envolé. J'allais mourir et c'était inévitable.
***
Ma mère me déposa comme chaque jour devant mon établissement ; elle m'enlaça, comme chaque matin avant de me rendre en cours, ayant peur que ce jour soit le dernier. Je lui souris, un sourire qui réchauffait son cœur mais qui n'atteignait jamais le mien. Je quittais donc l'air ambiant de la voiture pour l'air un peu trop frais de l'extérieur. Une fois l'établissement franchit j'ai dû me rendre au centre documentaire du lycée ; mes deux heures de sport étant passé et étant dispensé de toute activité physique j'ai eu « la chance » de commencer plus tard que les autres. Il me restait deux heures de libre avant le début des cours. J'aurais pu rester à la maison mais maman devait aller travailler et je n'aimais pas me retrouver dans un lieu dépourvu de présence humaine. Etre seule face au silence m'effrayait. J'aurais à faire face à mes pensées et à mon irrémédiable avenir noir. Je préfère être bercée par l'illusion du commencement de ma vie en me retrouvant en immersion avec de jeunes étudiants sans problème de santé, travaillant à construire leur avenir qu'à regarder le mien s'effondrer.
Assise à une table centrale, je sortis mon classeur de philosophie essayant du mieux que je pus à comprendre ce texte de Durkheim sur l'éducation moralecar je devais rendre un commentaire dessus.
« Toute les fois que nous délibérons pour savoir comment nous devons agir ; il y a une voix qui parle en nous et qui nous dit : »
-CA !
Je détournais mes yeux du texte pour voir d'où venait cette appellation. Je ne remarquais rien et repris ma lecture ;
« Voila ton devoir. Et quand nous avons manqué à ce devoir qui nous a été ainsi présenté, la même voix se fait entendre et proteste contre notre acte. Parce qu'elle nous parle sur le ton du commandement ».
Des livres furent posés violemment sur la table ou je me trouvais et me coupèrent, car surprise par le bruit, dans ma lecture.
-Et bien CA, on t'appelle et tu ne nous réponds pas ce n'est pas très gentil. Ce n'est pas parce-que tu es malade que tu dois manquer de respect. Adeline une fille de ma classe me regarda avec supériorité et ses iris d'un brun sombre qui reflétaient une âme ne connaissant pas l'existence de l'empathie me fixèrent avec dédain, ta mère t'a-t-elle éduquée ? Ou la seule chose qu'elle a été capable de faire, c'est harceler notre proviseur pour que tu ais des avantages dans ce bahut que nous n'avons pas ?
Un gloussement de ses deux compagnons, Beth et Célia, termina cette jolie agression verbale. Beth était très simpliste comme fille, elle suivait la mode jusqu'au bout des ongles ne laissant place à aucune originalité dans sa sphère parfaite qu'elle s'était crée ; une peau sombre toujours bien entretenue, des vêtements banaux mais « branchés » une longue chevelure châtain clair toujours lissée avec la frange cachant l'œil gauche. Seule originalité, ses yeux d'un rose rougeâtre qui se trouvaient être des lentilles. Célia était comme Beth à la seule différence qu'elle avait la peau claire et que ses yeux brun étaient naturels ; ses cheveux étaient la réplique exacte de ceux de Beth sauf qu'elle les avait teint de la même manière que ceux d'Adeline d'un blond aux pointes d'un vert sombre. Ces trois adolescentes m'avaient choisi pour être leur souffre douleurs, trois poupées vivantes dont l'une manquait de confiance en elle, l'autre se complexant et la dernière étant atteinte de jalousie maladive s'étaient amusées à me trouver un petit surnom affectif. «CA » pour cadavre ambulant, oui ma maladie les dérangeaient ou les enviaient je ne sais trop... En tout cas une chose était sûre, je n'étais pas normal alors elles devaient me persécuter, ce que je trouvais dommage car Adeline n'avait pas l'air d'être mentalement sous développée. Je me contentais de regarder Adeline gentiment avec un sourire, que j'essayais, d'être le plus sincère possible et lui répondis :
- Que veux-tu Adeline ? Si tu ne le vois pas, j'essaye de me concentrer sur le commentaire que nous devons rendre.
Elle haussa un sourcil, posa une main sur sa hanche plissa l'autre bras et tripota ses ongles ; elle venait de rendre réelle ce cliché de la peste arrogante perfectionniste, c'est d'une tristesse.
-Justement c'est de ça que l'on voulait causer. Tu pourrais nous donner un coup de main, comme tu ne fais rien de tes journées à part te morfondre sur ta misérable vie. C'est vrai, nous on ne passe pas notre temps à l'hôpital ou chez nous à avoir peur de mourir, enfin c'est ce que tu dis, donc tu pourrais taffer notre commentaire pour nous s'il te plait ?Elle joignit ses mains sous forme de quémande.
-Je vais voir ce que je peux faire, vous me laissez maintenant ?
-Super CA, tu gères pour une fois, peut-être que tu peux servir à quelque chose finalement.
Les trois compères sortirent sans demander leurs restes. Je soufflais d'exaspération devant tant de stupidité et me replongea dans ma lecture. Enfin visiblement, on ne voulait pas que je travaille aujourd'hui car quelqu'un vînt, pour ne pas changer, me déranger.
-Est-ce que je peux m'assoir ?
En levant mes yeux énervés, je découvris un jeune garçon d'une peau blanche mais plus foncé que la mienne. Des yeux d'un vert tacheté de mordoré, des iris nous amenant dans une forêt luxuriante accordés à son parfum nous rappelant l'odeur du bois humide après l'averse. Il me souriait gentiment, ce qui adoucissait son visage assez viril dû à un fin duvet châtain en concordance avec sa couleur de cheveux.
-Oui vas-y, dis-je simplement.
Il s'installa et posa son sac à dos, d'un noir banal, sur la table devant lui et me fixa. Je fis comme si de rien n'était et essayais tant bien que mal de me concentrer. Malheureusement, son regard insistant me perturbait.
-Ca va ? me demanda-t-il assez gêné.
-Heu... Oui ?Je le regardais intrigué par cette demande.
Il passa une main dans ses cheveux assez épais et décoiffé avant de me répondre :
-Je suis désolé, je dois te paraitre étrange mais en fait j'ai entendu votre conversation avec Adeline et ses deux amies, je le coupais.
-Ha, je vois. Tu t'es dit « Ouatch ce n'est pas très sympa ce qu'elles disent à la mourante du lycée ; aller par pitié je vais aller lui parler comme ça je passerais pour un gentleman et cela me rendra encore plus irrésistible que je ne le suis déjà ».
-Heu... Non pas du tout. Par compassion dirais-je en plus je ne savais pas que tu étais malade je pensais que ce qu'elle disait était faux. Et puis tu avais l'air triste en arrivant au CDI, les épaules voutées, comme si tu portais le poids du monde sur tes épaules.
Ho... Je ne m'attendais pas à ça, il a l'air sincère ; cela fait bizarre de voir quelqu'un se préoccuper de mon ressentiment avant ma santé. De s'inquiéter pour moi sans savoir que je suis gravement malade, c'est une première. Les autres le font par pitié ou par éthique mais pas lui, enfin c'est ce qu'il laisse à penser.
-Je suis désolé c'est juste que je n'ai pas l'habitude qu'on vienne me voir pour moi sans vouloir quelque chose en retour...
-Je vois ça en effet, il joignit ses deux mains et tapota son pouce sur sa phalange, alors comme ça je suis irrésistible ?
Cette phrase a été dite sur le ton de l'humour pour détendre l'atmosphère, enfin j'espère.
-C'était du sarcasme, je sentis mes joues rosir son regard était vraiment intense comme s'il essayait de me disséquer du regard pour découvrir mes entrailles.
-J'ai réussi à te faire sourire, c'est mignon. Alors, dit moi comment t'appelles-tu ? A moins que CA soit ton nom ?
-Non, c'est un diminutif pour le surnom que Beth, Adeline et Célia m'ont donné. CA pour cadavre ambulant, fais-je en levant mon index comme pour répondre à une question.
Sa mine enjouée disparut aussitôt.
-Ha... Je vois... ce n'est pas très sympa...
-Non, en effet...
-Et... tu es vraiment malade ? Je veux dire c'est si grave que ça ? Enfin, c'est peut être trop intime.
-Non y'a pas de problème, ce n'est pas un secret j'ai un problème grave au niveau du cœur qui fait que ma santé est très fragile.
Je passais sous silence le fait qu'à la prochaine crise cardiaque se serait la fin pour moi, je n'avais pas envie qu'il me regarde autrement que comme il le faisait là ; j'aime bien la manière dont il me regarde comme une fille ne risquant pas de mourir dans la seconde qui suit.
-C'est pour ça alors, dit-il.
-C'est pour ça quoi ?
-Que tu as l'air si miséreuse, les gens ne te traitent pas comme ils traitent les autres, ils te regardent et te voit comme un grain de poussière c'est normal que tu ne dois pas apprécier les gens.
-C'est faux, j'aime la présence humaine, j'aime rester en présence d'autres personnes mais je préfère rester en retrait, seulement les regarder eux et leur évolution.
-Je vois, dit-il simplement un blanc se fît avant qu'il réengage la conversation, dis moi à part regarder le monde évoluer sans toi qu'aimes tu faire ?
Sa question me laissa perplexe, c'est vrai qu'aimais-je faire ? Je ne fais rien de mes journées, je reste chez moi à m'imaginer la fin de ma vie. Je ne regarde pas la télévision, je n'écoute pas de musique, je ne joue pas à des jeux vidéos. Je reste là avec ma mère à attendre. Je ne fais que ça, attendre tout le temps avec le ressentiment de ne pas avoir le droit d'exister, de vivre. Je ne me l'autorise pas car je suis sur la fin, je vais bientôt mourir alors pourquoi commencer à gouter au plaisir de la vie ? Je regardais ce garçon dont je ne connaissais même pas le nom et à qui je me confiais :
-Je ne sais pas.
Ma réponse l'étonna, sa bouche formait un petit O assez mignon.
-Sérieusement ? Là tu m'en bouche un coin. Tout le monde aime quelque chose.
-La vie ? Lui dis-je honnêtement un sourire béat aux lèvres.
-Nan mais sérieusement...
-Sérieusement.
-Tu es étrange, mon visage s'assombrit d'un coup il allait me voir comme les autres me voyaient j'avais réussi à lui faire peur, non mais pas dans le mauvais sens je t'assure.
-Je n'ai pas envie que les gens me jugent ou me prennent en pitié c'est pour ça que je préfère rester en dehors, lui avouais-je les larmes aux yeux.
-Tu sais quoi vendredi il y'a une fête chez un ami à moi ; je veux que tu viennes avec moi, je vais t'apprendre à t'amuser !
-Quoi ? N...Non,je ne peux pas ma mère ne me laissera jamais m'y rendre et puis je ne veux pas aller à une fête je t'ais dit que j'aimais être en retrait.
-Chuuuuuuut, la documentaliste nous interrompît et fît exploser la bulle dans laquelle je m'étais enveloppée.
-Tu vas me ramener tes fesses, t'es obligée de venir, profite de la vie Sucre d'orge, il chuchota.
-Sucre d'orge ? Quelle surnom étrange que voilà mais que d'une manière étrange j'apprécie grandement, j'ai un prénom tu sais.
-Oui mais tu ne me la toujours pas dit, me dit-il fièrement.
-Amandine. Et toi ?
- Passe-moi ton téléphone.
-Quoi ? Pourquoi ? Je t'ais posé une question je te signale.
-Donne,ne discute pas Haribo sinon je continue de t'appeler par des noms de bonbons.
Je soufflais d'exaspération et lui donna mon Smartphone. Il le trifouilla, se leva et me le rendis.
-Voila je me suis envoyé ton numéro maintenant tu l'as, je te file l'adresse de la fête et si tu veux je viendrais même te chercher, un vrai gentleman t'as vu, il accompagna sa phrase d'un clin d'œil, aller Amandine à Vendredi Dragibus.
Il quitta la salle d'une démarche assurée, je ne pouvais m'empêcher de le suivre du regard un sourire d'insouciance sur le visage. De l'insouciance, je n'avais jamais ressenti cela, c'était grisant, je pourrais facilement tomber sous le charme de cette sensation. Mais deux minutes, je ne sais même pas comment il s'appelle. Je rassemblais vite mes affaires et sortis du CDI à sa recherche, en vain.
« Comment t'appelles-tu ? » Lui envoyais-je par message sur le contact « Mangeur de bonbon » qu'il avait mit.
« Tu le sauras vendredi ;) » Me répondit-il simplement.
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