Kisashi.

J'avoue n'avoir jamais été aussi inquiet. Je ne sais pas tellement ce qui est le plus difficile entre la « fugue » de Sakura et le silence de sa mère Mebuki.

« Ne m'arrête pas s'il te plaît. C'est la seule chose que j'aurai accompli de ma vie. »

Deux phrases, qui nous empêchent de dormir depuis maintenant 5 jours. Je sais qu'elle va bien, je veux dire financièrement parlant, j'ai toujours veillé à garnir son compte bancaire et quand bien même elle vient de s'en aller de cette manière je n'ai aucune intention de lui couper les vivres. Je l'aime plus que je ne lui en veux. Mais mentalement comment va-t-elle ? A quoi a-t-elle pensé pour décider de s'en aller comme ça ? Lui manque-t-il quelque chose ? J'en doute un peu, je reste quand même l'un des hommes les plus influents de ce pays. Prend t-elle ses médicaments ? J'espère vraiment que oui. Depuis 10 ans son corps mène un combat contre la drépanocytose. Une vraie plaie ! Elle lui confère une apparence fragile et frêle. Le genre de poupées qu'on brise d'une seule main. Et pourtant Sakura n'a pas moins de 24 ans. Peut-être pas dans sa tête.

Je continue de fouiller délicatement dans ses tiroirs ne voulant rien perturber dans le rangement, Sakura a toujours aimé que chaque chose soit à sa place. Et pourtant elle est loin d'être une maniaque du rangement.
Des photos d'enfance, des bracelets et des tonnes d'emballages de pharmacie. C'est ça la vie de ma fille.
Je suis tout de même soulagé de ne pas trouver ses cachets contre ses nombreuses carences. Je sais au moins maintenant qu'elle les a emporté avec elle. Espérons maintenant qu'elle les prenne à l'heure.
Sakura n'a pourtant jamais été une enfant difficile, mais à partir de ses 14 ans, je l'ai vu se refermer en même temps que son corps flétrissait. Elle n'en demeurait pas moins lumineuse comme j'aime le dire, mais la forte pâleur de sa peau confère à quiconque qui la connaisse ou non que quelque chose ne va pas.

Arrivé au dernier tiroir je soupire. Agacé de n'avoir rien trouvé susceptible de me donner une piste sur là où elle pourrait bien se trouver.
En ouvrant celui-ci, je ne suis pas étonné de découvrir une pile de documents médicaux entassée parmi plusieurs autres feuilles qui semblent avoir été arrachées d'un cahier.

« 26 septembre 2013, humeur maussade. Ça fait deux mois maintenant qu'on a découvert ma maladie, je dors mal pas seulement parceque mon lit est dur mais mon corps me fait très souvent mal, j'ai les articulations ankylosées et les muscles tendus, a dit le médecin. Je n'ai pas réellement saisi mais ça doit être la même chose que dire que mon corps me fait mal. »

« 28 octobre 2013, Ino ma copine depuis la maternelle me fait de plus en plus la tête. Elle ne comprend pas mes absences répétées en cours et le fait que je délaisse nos moments de sortie à deux. Oui je ne lui ai encore rien dit, non pas que j'ai honte ou peur c'est juste que moi même je ne trouve pas encore les mots pour expliquer ce que je vis. »

« 27 décembre 2013, j'aurai jamais cru que l'école me manquerait. En même temps ça se comprend. Je viens de passer un mois à la maison. Il faut croire que mon corps vit très mal l'arrivée de l'hiver. Aux moindres chutes de température, si je n'étais pas parée contre le froid mes muscles devenaient tellement ankylosés qu'ils pouvaient être raides comme ci j'étais paralysée. C'est passager bien sûr. Du moins jusqu'ici ça a toujours fini par passer. »

« 22 avril 2014, je me disais juste que ça faisait un moment que j'avais rien écrit. L'hiver ne se sent plus et je peux dire que je vais beaucoup mieux au niveau musculaire, mais par contre mon anémie qui était toujours modérée est montée en puissance d'un coup. J'en ai souvent des étourdissements. Une forte carence en fer et en magnésium, c'est encore ce qu'à dit le docteur. Honnêtement je commence à avoir peur. »

« 9 juillet 2016, cette maladie me bouffe littéralement. Je regarde mon visage, cadavre, c'est ce que m'a dit Karin, une fille de mon lycée. J'ai ri, parce qu'elle n'a pas vraiment tort, même pas l'ombre d'un bronzage, normal je ne m'expose ni aux hautes températures ni aux basses. Aujourd'hui normalement a lieu le bal de ma promotion, les gens de la classe ont demandé à Ino de gentiment me dire de rester à la maison. Je ne leur en veux pas, ils doivent avoir peur d'être témoin d'une autre de mes crises de douleurs. »

« ...2018, je ne parle définitivement plus à Ino. Tout a commencé d'un rien, on ne se voyait plus autant vu que j'étais soit à l'hôpital où soit à la maison puisque mes parents s'inquiétaient trop. Je ne sors pas sans Tsunade « ma nounou » pour parler vite et avouez que pour une fille de 19 ans c'est pas très classe. Une chose en entraînant une autre on s'est éloigné et puis hier elle a fini par me balancer à la figure que j'étais responsable de notre éloignement avant de partir en furie. Nous ne sommes plus amies... je suppose. »

«... 2020, j'ai envie d'être utile, je n'ai rien fait d'autres de ma vie si ce n'est des bilans de santé en soi. J'ai commencé à m'intéresser au tourisme, ça me détend, j'observe des photos de pays et j'imagine chaque pose que je prendrais pour ma photo si j'y vais un jour. C'est amusant rien que d'y penser. J'aime beaucoup Hawaii franchement, je crois que c'est ma destination de rêve. Et pour la photo je compte sortir une bonne grimace ! »

«... 2022, j'ai appris à vivre avec ma maladie, j'ai appris à être différente des autres ce n'est plus aussi frustrant que ça. Mais par contre j'ai fait des recherches sur internet, apparemment mon espérance de vie n'est pas très grande. Je réfléchis vraiment et je me dis qu'en 22 ans je n'ai rien accompli. Si je meurs demain je n'aurai rien à laisser derrière moi. J'ai aussi une nouvelle amie Hinata, on étudie toutes les deux la médecine, moi en neurologie et elle en gynécologie. Je l'aime énormément. »

Une photo y était inscrite. Avec l'arrière « souvenir vacances 2022 »

« 01 janvier 2023. Mon envie de prendre une année sabbatique pour faire le tour du monde ne fait que grandir ! J'ai listé tous les pays que je veux voir, et tout ce que je compte manger une fois sur place. Pour une fois moi aussi j'ai envie de faire comme les autres. Mais ça mes parents le comprendront-ils ? Ils ont déjà refusé que je prenne un appartement toute seule alors voyager ? C'est pas prêt d'arriver. »

J'étais fortement affectée après avoir parcouru ses écrits. Il n'y avait encore pleins d'autres sûrement plus tristes, mais je doute en avoir la force. Je réalise maintenant où elle va et ce pourquoi elle le fait. A trop la protéger, on lui a ôté sa liberté.
Un bruit de la porte me fit sortir de mes pensées. Je rangeais tous les papiers après avoir autorisé la personne à entrer.

« - Le détective est là chéri. »

Je m'empresse de rejoindre ma femme dans mon bureau. Ça fait deux jours que je l'ai engagé et ce type bien que jeune m'a l'air fiable.

« - Bonjour monsieur. Je vais faire court, j'ai suivi ses relevés bancaires et au vu des achats qu'elle a fait, tout porte à croire qu'elle a pris l'avion hier. Pour la destination, nous sommes encore dessus mais l'aéroport prétend que c'est confidentiel ce genre de choses. »

« - Ne perdez plus votre temps monsieur Uchiwa à chercher à la ramener. Elle est bien là où elle est. »

Son collègue qui n'avait pas bronché depuis se décide à l'ouvrir.

« - Pardon ? Dit le blond. Ça nous a pris deux jours, sans sommeil en plus. »

« - Cela ne sera quand même pas inutile. Laissez cette mission, j'ai une nouvelle à vous confier. »

Je vis l'Uchiwa froncés les sourcils assez dubitatif. Espérons qu'il accepte ma proposition.

« - Je veux plutôt que vous fassiez en sorte que ma fille soit en sécurité tout en passant les meilleures vacances de sa vie. »

« - Je rêve ou il nous demande de jouer les baby-sitters ? S'offusque le blond ce qui ne provoque aucune réaction chez son coéquipier. »

« - Je double votre paie. »

Je vis d'un coup les yeux de l'Uchiwa s'illuminer. J'ai frappé juste apparemment.

« -Marché conclus. »

J'espère seulement n'avoir pas pris une mauvaise décision.