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Ce que je sais de ce bal, en dehors du fait que les boissons étaient excellentes, c'est Holmes qui, bien plus tard, me l'a raconté. J'avais pris des notes en cachette à l'époque, que je ressors aujourd'hui avec, je dois l'avouer, quelques réticences. Emprunter la voix de mon ami me semble en effet des plus ardus. Mais vous jugerez vous-même de l'importance de certains détails...

Ainsi, si certaines choses vous paraissent étranges, gardez en mémoire que ce n'est qu'une reconstitution de ma part.

~

Holmes abandonna ses compagnons pour se fondre dans le décor.

Les deux murs qui n'étaient pas vitrés étaient bordés d'une série de piliers, ménageant autant couloirs pour les domestiques. Il s'y engouffra et, dissimulé dans l'ombre, observa les convives à sa guise.

Ses yeux glissèrent sur les invités, qu'il éliminait au fur et à mesure qu'il les jugeait de peu d'intérêt.

Enfin, son regard se posa sur le groupe qu'il cherchait.

Une quinzaine d'hommes serrés dans une alcôve, assis autour de deux bancs accolés recouverts de cartes, à moitié dissimulés par la fumée de leurs propres cigares.

Le détective fendit la foule, slalomant avec souplesse entre les couples de danseurs. Au fur et à mesure qu'il approchait, il notait les signes de fatigue physique et mentale du petit comité visé : barbes mal rasées, vêtements froissés, négligés, chaussures non cirées, cendres de cigare répandues sur les vestons et taches de nicotine au bout des doigts.

Au fond de l'alcôve, une ombre bougea.

— Entamerais-tu une campagne militaire, Mycroft ? railla Holmes, arrachant des sursauts de surprise à la plupart des hommes présents.

— Sherlock, répondit l'intéressé d'une voix neutre en entrant dans la lumière. Quelle heureuse surprise. Joins-toi à nous.

— Nous n'avons pas le temps pour les mondanités ! grogna à côté de lui un homme chauve et corpulent.

Le détective lui lança un regard admiratif. Pour admonester son frère aussi facilement, il fallait être soit brave, soit complètement inconscient.

— Winston Churchill, je présume, dit-il en tendant la main. Sherlock Holmes.

— J'aimerais pouvoir dire que je suis enchanté de faire votre connaissance, Monsieur Holmes, mais, malheureusement, je n'en ai cure, parce que c'est la guerre, et que nous sommes en train de se regarder perdre !

— Nul besoin de mauvaise humeur, Winston, intervint Mycroft. De toute façon, quels que soient les plans que vous déciderez ce soir, vous savez que vous n'aurez pas l'accord de la Reine.

— Nous passerons outre ! répliqua l'autre en frappant sa cuisse du plat de sa main. Il faut bien que quelqu'un sauve ce pays !

— Si seulement nous pouvions... commença Mycroft avant de s'interrompre en jetant un coup d'œil à son frère.

Mais le politicien semblait avoir compris le sens de sa remarque et hocha la tête d'un air grave.

— Si vous y tenez, intervint soudain un homme à la voix mielleuse, je peux intervenir auprès de certains ministres...

Holmes sentit un malaise planer sur la petite assemblée et décida aussitôt qu'il n'appréciait pas l'homme qui venait de prendre la parole. Et pour cause : il était extrêmement riche, comme en témoignait ses habits luxueux, ses nombreuses bagues et son œil mécanique, si finement ouvragé qu'il se remarquait à peine, mais n'était ni militaire, ni politicien, ni marchand, ni rentier... En fait, ne pas réussir à déterminer sa profession frustrait énormément le détective consultant, qui se promit de mener quelques recherches, à l'occasion.

— Nous nous débrouillerons sans vous, Milverton, cracha finalement Churchill comme s'il s'adressait à un serpent venimeux.

— Si vous le dites, répondit le mielleux personnage. Si vous changez d'avis, vous savez où me trouver...

Il se leva et quitta tranquillement l'alcôve enfumée. Holmes vit les épaules des autres convives se détendre et leurs traits s'adoucir, libérés d'un poids.

— Si seulement nous pouvions faire entendre raison à la Reine, soupira un officier anonyme (sur le point de prendre sa retraite, non marié, entretenant une liaison avec un autre homme).

— Quelle sotte ! s'exclama un jeune homme.

Holmes l'évalua d'un coup d'œil. Il s'agissait du jeune homme qu'ils avaient croisé à Scotland Yard, quelques jours plus tôt, en conversation avec Gregson. Un prince exilé. Grec, certainement.

— Paix, Mountbatten, le calma son voisin, auquel Holmes n'avait pas prêté attention jusque-là. C'est tout de même de la Reine dont vous parlez !

Et le détective s'aperçut avec exaspération qu'il s'agissait de l'inspecteur Gregson en personne. Le prince lui jeta un regard fautif, comme un enfant pris en faute. Il faisait certainement partie de ces jeunes nobles en manque de sensations fortes que l'inspecteur mêlait de temps en temps à son quotidien. Moyennant finance, évidemment.

— Mais a-t-elle encore droit à ce titre ? rétorqua l'officier anonyme.

— Ce n'est pas à nous d'en décider ! répondit Gregson, qui, au moins, n'ajoutait pas la trahison à la liste de ses défauts.

— En êtes-vous sûr ? intervint un nouveau personnage.

Un autre exilé, déduisit aussitôt Holmes. Un Français. Militaire – général, même – marié, plusieurs enfants, plutôt conservateur. Il avait gardé ses gants, mais Holmes nota que trois doigts de sa main droite étaient mécaniques. Un travail remarquable, certainement plus un luxe qu'un besoin. Les intonations et la voix lui étaient familière. Il devait s'agir de ce Français qui parasitait si souvent les ondes radio.

— Expliquez-vous, Charles, rétorqua Churchill, légèrement hargneux.

— Le pouvoir d'un gouvernement repose sur son peuple, s'expliqua le Français en haussant les épaules, comme s'il s'agissait d'une évidence. Sans lui, il n'est rien.

— Je vous vois venir, vous et votre hérésie de Révolution Française, s'exclama un autre officier (marié, jamais allé au front, opiomane, grand parieur, ayant tout juste installé l'électricité). Tous ce que vous voulez, c'est qu'un nouveau gouvernement s'installe et soutienne votre lutte pour bouter les darwinistes hors de France !

— Serais-ce un mal ?

Un silence accueilli sa réponse.

— Si vous aviez vu ce qu'il reste de l'Empire de Bonaparte, continua le Français d'une voix grave, ce qu'il reste de Paris, vous aussi seriez prêt à n'importe quoi. Les dirigeables prussiens fouillent les airs en permanence, empêchant qui que ce soit de faire un pas dehors sans être remarqué, interpellé, fouillé, souvent maltraité. Des patrouilles arpentent les rues jours et nuits, mi-soldat mi... autre-chose. Des fois, les créatures qu'ils emploient dans leurs milices sont complètement animales. Des fois... Des fois, gentlemen, elles sont vaguement humaines. Et celles-là sont les pires, croyez-moi, parce qu'il leur reste encore une forme d'intelligence. Elles savent comment réfléchissent les hommes. Elles s'en souviennent. Personne ne leur échappe jamais. Si vous aviez vu ces créatures-là, gentlemen, si vous les aviez vu comme je les ai vu...

Il inspira une bouffée de son cigare et souffla de longues volutes de fumées, renforçant l'effet dramatique de son discours. Un fin politicien.

— Les cyborgs sont recensés et ont interdictions de dissimuler leurs parties mécaniques, même par des simples vêtements, reprit-il d'une voix plus basse. Certains sont condamnés à choisir entre rester chez eux ou se promener nus dans les rues. De toute façon, ils n'ont plus d'emploi... Il ne leur reste plus qu'à se taire, en attendant le verdict des quelques fous à lier qui ont pris la place du gouvernement et construisent déjà leurs camps maudits aux abords des grandes villes. Et Paris, la ville lumière, la ville philosophe, est sommée de se taire. Plus d'autres journaux que ceux autorisés, plus d'autres livres que ceux qui ont passé la censure. Les cafés sont fermés ou infestés de prussiens, les salons interdits...

Il soupira et se redressa sur son siège, brisant le charme.

— C'est ça, la guerre, gentlemen, conclut-il. C'est ça, l'occupation. Ça, et mille autres petites privations, mille autres atteintes à la dignité et au bonheur. Alors venir ici et voir les trois quarts du gouvernement se trémousser sur la piste de danse pendant que la Reine ne fait rien, comme si elle attendait patiemment de voir les griffes darwinistes se refermer sur sa patrie...

— Faites attention, De Gaulle, lança froidement un petit homme au regard acéré. Vos propos frôlent la trahison. Vous ne voudriez pas retourner dans votre Paris bien aimé par le premier dirigeable.

— Si même en pays libre, on n'a plus le droit de s'exprimer, rétorqua le Français, je ne m'y opposerai pas !

À cet instant, Gregson tourna la tête et aperçut Holmes, dont il avait manqué l'arrivée. Malgré son masque, il ne fut pas difficile de voir passer sur son visage des expressions allant de la surprise à l'irritation.

Ne désirant pas créer d'esclandre, le détective allait s'éclipser, lorsqu'il sentit Mycroft se glisser dans son dos, plus silencieux qu'un serpent.

Bien entendu, il ne portait pas de masque. Son visage en était déjà un, impénétrable.

— Sherlock, lança-t-il sans préambule, dis-moi que le fait que ton séjour sous terre aille de pair avec une révolte généralisée dans nos usines d'armement est une coïncidence.

— Bien entendu, mon cher frère.

Mycroft lui jeta un regard soupçonneux, n'en croyant pas un mot.

— Sherlock, il faut que tu te retires de l'affaire, déclara-t-il de cette voix froide, autoritaire, que son cadet connaissait bien. Ce n'est plus de ton ressort. Trop de choses t'échappent. Je serais navré de devoir apprendre à mère que ton corps à été retrouvé au fond d'un caniveau.

Holmes serra imperceptiblement les poings.

— Je n'arrive pas à croire, lâcha-t-il, que tu te dises politicien et me tienne un discours aussi peu convainquant. Mycroft, tu sais que je peux t'être utile. Toi, mieux que personne, sait que je suis un bon détective ! Dis-moi ce qu'il se passe !

Mycroft sembla hésiter. L'espace d'un instant, un bref instant, ses traits s'adoucirent et ses lèvres s'étirèrent, amorçant un sourire si furtif qu'il n'était qu'une chimère. Mais son regard reprit aussitôt sa dureté, effaçant ce fugitif éclat d'humanité.

— Justement, Sherlock, lâcha-t-il. Moi qui te connais mieux que quiconque sait que tu ne peux pas réussir. Lâche l'affaire.

Les deux Holmes se fixèrent un long instant, en silence, jusqu'à ce que Mycroft rompe l'échange pour faire volte-face. Sherlock le regarda se fondre de nouveau parmi les ombres auxquelles il appartenait. Y avait-il, derrière cette façade, la moindre trace d'affection ? Il songea à la conversation qu'il avait eu avec Watson, à propos des rapports humains. Voilà une parfaite démonstration.

Fulminant, il s'écarta de l'alcôve. Mycroft pouvait penser ce qu'il voulait, il n'abandonnerait pas. Il résoudrait l'affaire, quoi qu'il en coûte. Ses yeux balayèrent la foule à la recherche de Watson et Lestrade. Puis il la vit.

Au milieu des convives, une tache rouge, comme une éclaboussure.

Une femme.

Leurs yeux se croisèrent, s'accrochèrent et ne se lâchèrent plus, engagés malgré la distance dans un duel d'une intensité brûlante. Le monde s'effaça autour du détective, réduit à l'état de mouvements informes et de murmures indistincts. Il ne voyait que cette femme qui s'approchait de lui, esquivant avec grâce les mouvements des danseurs, sans jamais laisser dériver son regard.

Elle ressemblait trait pour trait à son portrait : le teint pâle, l'épaisse chevelure noire savamment tressée, les traits fins, les lèvres pleines, le cou gracile, la silhouette déliée soulignée par une robe pourpre aux dentelles volages. Mais aucune photographie n'aurait pu rendre l'effet de sa démarche autoritaire ou l'aura de son visage glacé. Holmes nota qu'elle tenait son éventail comme un poignard, à moitié dissimulé dans le pli de ses habits. Certainement plus qu'un objet de coquetterie. Son corset était serré, son décolleté plongeant, sa robe volumineuse : si elle possédait une autre arme – à sa jarretière, par exemple – elle n'était pas directement accessible. Il nota aussi, grâce au mouvement furtif d'un jupon, qu'elle portait des chaussures plates, lacée sur les chevilles. Confortable pour tout type de situation.

Elle était juste devant lui, désormais.

— M'accorderiez-vous cette danse, Monsieur Holmes ?

Sa voix était plus grave qu'il ne l'aurait cru.

— Avec plaisir, Mademoiselle Adler.

— Madame, corrigea-t-elle en lui prenant d'autorité la main pour l'entrainer vers la piste où commençait une valse.

Un objet dur piqua les côtes du détective. L'éventail.

— Madame ? s'étonna-t-il. Je ne vous vois pourtant aucune alliance.

— Vous ne devriez pas vous fier aux apparences, monsieur le détective, répondit-elle avec un mince sourire.

— On peut toujours se fier aux apparences, la contredit Holmes, lorsque l'on sait observer.

Elle ne répondit rien, se contentant de lui offrir un nouveau sourire.

— On m'a dit que vous vous mêliez de mes affaires, lâcha-t-elle alors qu'ils atteignaient le centre de la piste.

— Vous avez des amis bien peu fréquentables, si je puis me permettre, répliqua Holmes.

— Je n'ai pas d'amis, Monsieur Holmes, n'en déplaise à Aragon.

— Vraiment ? s'étonna le détective. Permettez-moi d'en douter. Il me semble qu'un certain Norton, au moins, doit vous être familier...

La main d'Adler serra si fort la sienne qu'il laissa échapper un cri de douleur étranglé. Les danseurs qui l'entouraient répondirent par un mélange de rires et de commentaires moqueurs, pensant certainement que sa compagne lui avait écrasé le pied.

Irène Adler observa un long, long silence avant de reprendre la parole, sa voix réduite à l'état de murmure.

— Je vous ai épargné, sur ce dirigeable, souffla-t-elle en enfonçant un peu plus la pointe de l'éventail dans les côtes du détective, parce que je ne tiens pas faire plus de victimes que nécessaire. Mais si vous vous mettez sur mon chemin, Monsieur Holmes, si vous refusez d'abandonner cette affaire maintenant... Je serais obligé de prendre des mesures. Vous ne savez rien de ce qui se trame. Vous n'êtes pas de taille.

— Vous devriez me laisser vous introduire à mon frère, répliqua ironiquement le détective. Vous avez beaucoup de points communs.

Sans qu'il comprenne exactement pourquoi, cette remarque sembla la rendre furieuse. Elle brisa la danse et tira Holmes hors de la piste, à travers la foule qui s'écarta devant eux pour se refermer ensuite, scellant leur passage. Le détective, surprit par sa force, tituba à sa suite. La main d'Irène Adler, autour de son poignet, formait un étau aussi solide qu'un fer. Il envisagea d'appeler à l'aide, mais ne put s'y résoudre. Pas devant tous ces gens, et surtout pas en présence de Mycroft...

Ils dépassèrent les derniers convives, pénétrant sans ralentir dans un couloir qui s'ouvrait à côté du trône. Là, Holmes commença à regretter. À quoi lui servirait sa fierté s'il se faisait couper la gorge ?

— Trop tard, murmura Irène Adler, tout près de lui.

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