4. Ramifications
Son ton était froid, désinvolte, comme si on parlait de la neige et du beau temps. ll me fixa de son regard froid et animal.
Lentement, je sentis la présence de ses hommes tout autour de nous. Je ne les avais pas vus arriver.
Putain, je l'avais voulu ce meeting, je l'avais eu. Sortant de nulle part, j'aperçus au moins deux gars à sa droite et trois autres un peu plus loin. Ils portaient tous leur jacket noir. Des membres. Des vrais. J'avais baissé ma garde et voilà où j'étais: le centre d'attention du moment des Dark Riders.
- Ok. Cool!
Ma voix se fit un peu moins désinvolte que je ne l'aurais voulue. Je me retournai en direction de ma moto garé de l'autre côté de la rue.
Mais une main ferme s'empara de mon bras. Je sentis la chaleur de sa peau sur mon bras.
- T'oublie pas quelque chose?
Sa voix rauque me fit sursauter. J'observais son regard glacé. Puis le regard de ses fidèles tout autour qui me dévisageaient avec insistance.
Mon coeur se mit à palpiter. Ça y est, c'est le moment où tout dégringole. Ils vont me trainer dans le fond de la ruelle pour mieux m'abattre.
Le Ninja me tendit mon pistolet, le manche tourné vers moi.
Hésitante, ma main attrapa le manche et à ce moment, nos regards croisèrent, tous les deux conscient que je n'avais qu'à appuyer sur la gâchette et il serait abattu. Mais je remis mon fusil dans mon holster.
- Merci.
La politesse, quoi!
Je me dirigeai droit vers ma moto, j'enfilai de manière automatique mon casque puis décollai en vitesse sans me retourner.
Je n'en revenais pas d'avoir survécu à la rencontre du chef des Dark Riders.
Je venais de régler l'objectif principal de mon retour. Mais je venais de créer un précédent qui aurait ses conséquences. Le ninja était le chef du clan. Il m'avait accordé une faveur. Maintenant, j'avais une dette envers lui et c'était clair que le moment venu, il viendrait réclamer cette dette. Je venais malgré moi, de faire un marché avec le diable en personne.
Je n'avais pas mis un pied dans la maison que Jo me sauta dessus comme un sauvage.
- T'es malade Jess! Tu ne réfléchis pas!
- Hey on se calme. Tout es bien qui finit bien. J'ai eu ce que je voulais, tout va comme prévu.
- Qu'est-ce que tu veux dire?
Il venait de terminer sa bière à grande gorgés et s'en ouvrit une autre aussitôt, la décapsulant d'un coup sec sur le bord de son comptoir. Il faisait les cent pas, nerveux.
- J'ai parlé au chef, on a une entente.
- Tu as fait quoi?
- Il m'a accordé ma demande, je récupère ma propriété, ils me foutent la paix, on n'en parle plus.
Jo se tira les cheveux des deux mains et frotta sa barbe, pensif.
- Jess, tu ne comprends pas.
- Qu'est-ce que je ne comprend pas?
- Lui, le chef, tu ne le reconnais pas?
- Non... Je ne connais même pas son prénom.
Jo me fixa longuement.
- Ce n'est pas son prénom dont tu devrais te proccuper mais de son nom.
Jo s'approcha de moi, le regard trop sérieux, soudainement, je fronçai les sourcils.
- Son nom est Aidan. Aidan Jenkins.
Une onde électrique me traversa le corps. J'observai Jo, les idées se bousculant dans ma tête à vive allure.
- Jenkins comme dans...
- Heirik Jenkins.
- Putain! Comment ça?
- Après la mort de ton père, ça a brassé dans les gangs. Aidan, le fils d'Heirik en a profité pour tailler sa place comme nouveau chef.
Aidan était donc le fils de cet enfoiré d'Heirik qui avait tué mon père.
Mon poing se serra si fort que je sentis mes ongles s'enfoncer dans mes paumes. Ils était le fils de l'assassin de mon père.
Jo posa sa main sur mon épaule l'air navré.
- Je suis désolé...
- Et son père, il est rendu où?
- Personne ne l'a revu depuis 5 ans. Il est peut-être mort, peut-être pas. On ne sait pas.
- Eh bien j'aurais une petite idée de qui pourrait nous donner cette information...
J'observais la lune à travers la fenêtre, mes pensées divaguaient dans plusieurs sens.
J'avais repassé ces nouvelles informations dans ma tête en boucle jusqu'à ce que la fatigue prenne le dessus.
Le lendemain matin, les rayons du soleil traversaient les rideaux de la chambre. Je me réveillais avec le sentiment que j'ouvrais un nouveau chapitre dans ma vie.
Jusqu'à maintenant, tout semblait se dérouler dans l'ordre. La seule chose qui ne voulait plus quitter mon esprit était son regard sombre et froid. Celui d'Aidan, le fils du meurtrier de mon père.
Il me fallait me concentrer sur mes affaires et tenter de l'oublier.
J'ouvrai grand la porte d'entrée. Mes pieds nus s'avancèrent sur le balcon de bois.
J'inspirai d'un grand et long souffle en observant le paysage calme de la campagne. Le soleil réchauffait déjà la rosée sur l'heure haute.
- Tu es de bonne heure!
Jo s'approcha en me tendant une tasse de café fumante.
- Aujourd'hui, je tourne la page.
- Content de te l'entendre dire. Promet moi que tu vas rester éloigné des gangs de motards après ça.
Jo fronçait les sourcils. Je sentais dans son regard qu'il comprenait que mes motivations étaient beaucoup plus profondes.
Je dévoilerais chaque chose en son temps, pour que mon plan fonctionne le tout commençait pas ma demeure.
Pour toute réponse, je lui fit un sourire qui n'atteignit pas mes yeux.
- Je dois passer à la banque, on se rejoint plus tard?
Il ne répondit pas, prit son café et s'éloigna dans la maison. Une sonnerie de son téléphone capta son attention pendant que je me dépêchait à prendre une douche rapide.
J'enfilai une paire de jeans et un t-shirt noir. Un queue de cheval fait à la vite et hop, j'étais fraîche comme une rose.
J'entendais la conversation téléphonique de Jo. Il parlait avec un paysagiste. Bien. Le chantier débutait.
J'enfilai mon cote de cuir noir et j'étais partie.
tout semblait simple. Beaucoup trop simple. Je n'étais pas dupe. Il y aurait d'autres représailles. Mais d'ici là je serais prête et capable de les tenir. Il me fallait juste une petite semaine et tout serait enfin en place.
J'arrivai au comptoir de la banque du centre-ville - si on peut appeler ce trou ainsi-.
Une bonne femme d'une cinquantaine d'année avec une coupe de cheveux rouge et blanc chatte d'Espagne redressa un regard tendu. Je la vis me détailler des pieds à la tête.
- Bonjour, j'aimerais rencontrer un conseiller.
- Il faut prendre rendez-vous ma chère.
Elle soupirait, comme si je lui faisait perdre son temps.
- C'est un peu pressant.
Elle laissa ses lunettes sur le bout de son nez et penchait la tête en avant pour me regarder au-dessus de sa vitre.
- C'est quoi votre nom.
- Jessica.
Elle pianotait sur son clavier.
- Nos conseillers sont tous occupés vous n'aurez certainement pas un rendez-vous aujourd'hui. Ici c'est pas l'urgence comme dans les grandes villes....
Je m'impatientais alors qu'elle marmonnait avec un air hautain.
- Jessica, votre nom de famille?
- Hoffman.
J'observai la secrétaire taper les lettres. Sa page sembla se rafraîchir parce que je vis ses yeux sortir soudainement de leur orbite. Son air changea instantanément, scotchée devant son écran.
- Jessica Hoffman... De Clarence Hoffman?
- Mon père, oui.
Elle hoqueta de surprise. Le téléphone sonna, elle mit l'appareil en mode muet. Toujours sans relever les yeux vers moi elle se leva de sa chaise, supprima les plis invisibles sur son costume rose pâle et s'enfuit de la réception.
- Je reviens.
Mes doigts claquaient sur le comptoir. J'observais autour de moi.
Je vis la bonne femme revenir en escortant un homme d'une soixantaine d'années.
- Venez avec moi, nous allons vous reprendre un nouveau rendez-vous monsieur Laflèche.
L'homme me fusilla du regard en sortant de la bâtisse. J'entrouvrai mon coat de cuire pour lui dévoiler subtilement mon holster tout en souriant.
L'homme le fixa avec désarroi, me lança un dernier regard apeuré puis quitta le lieu en vitesse. Je sourit intérieurement. Mauviette.
- Mademoiselle Hoffman! Mais quel plaisir vous amène dans notre ville!
Je me retournai pour apercevoir le directeur de la banque.
- Bonjour Mitch. Je suis officiellement de retour!
Je ne pris pas à son faux sourire.
Mitch était exactement comme je me le rappelais de mon regard de petite fille, chauve et rond. Son regard bleu transpirait la confiance mais je n'étais plus la fillette qui faisait confiance aux gens. Il le comprit de mon simple regard.
Je le vis se frottant les mains, nerveux.
- Paix à votre père, j'en conserve le souvenir d'un véritable homme d'affaires redoutable.
De toute évidence pas assez redoutable. Ne vous aventurez pas sur ce terrain glissant monsieur le directeur.
Je n'entendais pas à rire et il pouvait garder ses fausses manières pour les autres.
- Venez, allons dans mon bureau.
Je le suivi en passant devant la réceptionniste qui n'avait toujours pas relevé la tête.
- Comment puis-je vous aider?
Je m'assoyais sur la chaise face à son bureau. Il m'observait, bien assis, les bras ouverts. Mi-content, mi-craintif. Je m'en rendait compte par la goutte de sueur qui perlait sur son front.
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas ici pour faire retirer mes fonds de votre banque.
Même s'il cachait son jeu, je le sentis se détendre légèrement. Il se réajusta dans sa chaise, le sourire toujours pendu jusqu'aux oreilles. Un sourire totalement faux.
Je connaissais son monde par coeur, les anciens «amis» de mon père. Ils se fréquentaient entre eux, s'entraidaient, s'enrichissait dans des plans pas toujours net. Des enveloppes brunes, des pot-de-vin et puis ils se soutenaient. Jusqu'à ce qu'ils ne soutiennent plus mon père. Ils l'ont sacrifié pour un plus grand butin. Mais ils ont mal planifié leur coup. La richesse de mon père était installée dans une fiducie familiale. Or, j'étais la dernière de la famille. En plus d'une assurance vie démesurée, j'avais hérité de la fortune de mon père et plus.
Consciente de ne pas être une menace pour eux tant et aussi longtemps que mes compte de banque resteraient ici, mon but n'était pas de faire exprès mais il fallait tôt ou tard que je commence à m'occuper de mes placements. Et je savais pertinemment que ça ne ferait pas le bonheur de tous.
J'entendais par là, que je m'apprêtais à faire du ménage dans les arrangements de mon père.
Il y a un mois, j'ai reçue une lettre de renouvellement d'un Centre de dons pour familles démunies. N'importe quelle personne normale se serait dit oh comme c'est touchant, Clarence Hoffman faisait des dons à une Fondation pour l'aide sociale. Mais à mes yeux, c'était tout le contraire parce qu'après avoir été élevée dans ce milieu, j'en connaissais ses magouilles et le vrai pourquoi des choses.
Depuis dix ans, mon père faisait un don de 950 000$ pour la Fondation. Autant dire 1 million de balles. Ça avait certainement éveillé mes soupçons.
À force de recherches, j'avais mis le doigt sur qui tirait les ficelles derrière la fondation. C'est tout un réseau de contre-bande que j'avais fini par relier. Dont au moins une sous-entreprise de fameux «amis» de mon père et plus précisément, la compagnie de Heirik Jenkins, son «meilleur» pote.
Il ne s'agissait pas d'un don annuel pour payer moins d'impôts, non. C'était une passe-passe de blanchiment d'argent et j'avais bien l'intention d'y mettre fin. Mon père avait payé de sa vie, je ne pense pas qu'il aurait souhaité continuer à aider ces connards après ce qu'ils lui ont fait. Ce qu'il nous on fait.
J'observai donc Mitch assis devant moi.
Je sentis un léger sourire s'étirer sur mes lèvres. Il savait que je savais et je dégustais de voir la petite goutte de sueur descendre le long de sa tempe. J'étais à peu près certaine que c'était lui-même qui s'occupait des transactions et du montage de cette supercherie financière.
- Je vais aller droit au but Mitch. Sachez que je m'installe chez moi. J'aimerais mettre la main sur le dossier de mon père et mes comptes de banque. Au complet. Tout. Il se replaça la cravate, tout en perdant son sourire.
- Je vous entend.
- Écoutez, si ça ne vient pas de vous, je trouverai un autre moyen alors vous pouvez tout de suite choisir votre camp.
- Voyez-vous, je souhaite replacer mes actifs dans un tout autre set-up.
Il replaça sa cravate tout en gigotant sur sa chaise.
- Pourquoi vouloir changer les placements? Le profits sont déjà bien en haut des attentes normales...
- Il ne s'agit pas de profits, je suis déjà riche... à craquer. Il s'agit de remettre de l'ordre...
Mitch avait complètement perdu son sourire à présent. Il s'approcha, les coudes sur son bureau. Tout en baissant le ton de sa voix comme si quelqu'un pouvait nous entendre.
- Si je peux me permettre Jesica, je vous connais depuis que vous êtes enfant... Je ne peux omettre de vous avertir que de tels changements aussi...Drastiques... Pourraient vous attirer quelque représailles.
- Je comprends Mitch. Mais c'est ainsi. Mon argent, mes placements, ma business.
Je me levais pour lui indiquer que la rencontre se terminait.
- Jessica... Mademoiselle Hoffman. Comprenez bien que je ne veux pas paraître insistant, prenez le temps d'y réfléchir... Ici, certaines personnes tirent des ficelles et ce depuis des années. C'est assuré que les déplacements quel qu'ils soient que vous effectuerez auront un impact direct sur eux et ils ne seront pas particulièrement content... Cela pourrait être dangereux...
- Oh mais je m'y attend!
J'empoignai la poignée de porte du bureau du directeur.
- Mitch je compte sur vous, mes dossiers chez moi, dans 24h.
- Jessica....
- C'est madame Hoffman. Bonne journée.
Je le laissai pantois.
En passant devant le bureau de la réceptionniste, je tapai fort sur son bureau, elle sursauta ce qui me fit rigoler.
- Bonne journée madame Tiffanie. À bientôt!
Oui j'étais pleine aux as et c'était une raison pour que la banque me reconnaisse par mon prénom. Mais les habitants de ce villages vivaient depuis toujours avec les bandits, les gangs de motards et autres. Ici, on reconnaissait ton tag avant ton nom. Et personne n'était indifférent à Clarence Hoffman, le bras droit du chef des Dark Riders... Il y a cinq ans... Je portais le nom d'un des plus connus des Dark Riders.
C'était dans mon sang, et j'étais prête à le prouver à tous qu'il ne fallait pas jouer avec moi.
Ceux qui se tiendraient devant moi seraient bientôt dissuadés. Il me fallait simplement leur montrer des exemples de ce que je leur infligerai.
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