Chapitre 5 : Une retrouvaille mouvementée
Gradguer et son mentor se séparèrent aux faubourgs de la ville, Gradguer allait mieux et s'était soigné, son maitre le laissa donc aller. .
En rentrant dans la ville il réalisa qu'il aimait bien plus la campagne que ces villes froides et austères. Le château du seigneur était visible de loin et c'est vers lui que se dirigea le veilleur. En marchant, il heurta un étrange homme en noir qui le regarda bizarrement.
Il avança en réfléchissant, il valait mieux rencontrer Annaria hors de la forteresse, ne serait-ce que parce qu'il ne pouvait pas y entrer comme ça. Il observa donc durant quelques minutes l'extérieur du château. Il en sortait régulièrement quelques hommes d'armes ou des pages. Il s'installa donc près d'une forge non loin de l'entrée et prépara son plan.
Le forgeron discutait avec un homme qui semblait habitué à ses services. Ce dernier voulait faire réparer les fers d'un palefroi, et deux belles haquenées.
La discussion ne l'intéressait pas et le ton chauvin et graveleux de l'homme l'irritait.
« Forger c'est comme besogner une donzelle. Il faut être doux mais endurant et avoir du doigté et faire ça en finesse... »
Lui et son client partirent d'un grand rire, Gradguer n'était pas loin d'aller leur demander de la boucler mais ce serait mal venu. Heureusement il aperçut, sortant du château, un jeune gamin aux joues mouchetées de tâches de rousseur. C'était sa chance.
Lorsque le garçon passa devant la forge il s'avança et d'une voix empreinte d'une autorité d'un autre temps, tonna :
- Garçon ! Halte-là. J'ai à te parler.
Le jeune page se figea, et Gradguer décela la panique dans ses yeux tandis qu'il se demandait s'il allait au-devant d'ennuis, et, si oui, dans quelles proportions.
- P-p-plaît-il, monsieur ? bredouilla-t-il en s'inclinant légèrement, avant de jeter un regard méfiant aux vêtements du veilleur.
La moindre hésitation, et l'échec était assuré. S'affectant d'un air hautain, le veilleur lui fit signe d'approcher.
- Viens par ici, garçon. Tu es page à la cour de Brannt c'est bien ça ! J'ai besoin d'un courrier pour porter un message de ma part.
Le garçonnet lança un coup d'œil vers la forteresse et pivota, comme s'il s'apprêtait à partir en courant.
- Mon maître...
- Je n'ai que faire de ton maître ! Il s'agit là d'une requête de la plus haute importance. Le veilleur prit un air de conspirateur et insista: De la plus haute importance, comprends-tu ? Une étincelle d'intérêt illumina le regard du page. Connais-tu la gente dame Annaria, qui fréquente la cour de sire Brannt ?
Au regard que lui lança le page il sut que les craintes de son amie étaient justifiées. Il y avait décelé la malice et l'envie de comploter, preuve que le système des cours seigneuriales étaient pourries jusqu'à la moelle comme beaucoup de choses dans ce bas monde.
- Je la connais de nom, monsieur.
- Bien ! Alors dis-lui que son ami attendu est arrivé, indique lui l'auberge du Triton Fumé.
Il le salua froidement et lui lança une pièce d'or en espérant qu'elle suffirait à s'assurer de sa loyauté, ou du moins de sa discrétion. Il ne put se retourner, cela aurait paru suspect, il alla donc directement à l'auberge pour y attendre Annaria.
Le lieu était chaud et propre, la cheminé éclairait et réchauffait le lieu modestement décoré, sur le comptoir on trouvait un pot de fleurs et aux murs deux têtes de sanglier empaillées. Les tables et les chaises étaient en chêne épais et dur mais un rembourrage en paille et en laine les rendaient confortables. Mais la nourriture était désastreuse et le lieu silencieux. Plus grave, la bière, elle, était très bonne.
Pour attendre et comme il n'avait rien à faire il en commanda une première. Puis, au bout d'une vingtaine de minutes une deuxième. La troisième arriva avant la fin de l'heure et Gradguer n'avait pas repris d'autre plat pour éponger l'alcool. Ainsi, lorsqu'au plus clair de la nuit, après cinq heures d'attente, il commanda sa huitième bière, il était déjà particulièrement bien atteint par l'alcool.
C'est à ce moment que des cliquetis de métal et le pas appuyé d'homme en armure retentirent à l'extérieur.
Un groupe de trois soldats en harnois était visible par la fenêtre, ils portaient les écussons du seigneur de la ville. Une pensée fusa immédiatement dans l'esprit de l'aventurier. Et si le gamin avait moufté et avait tout balancé ? L'homme se leva et se plaqua contre un mur près de la porte, de façon telle, qu'à son ouverture, celle-ci le cache, et il sortit sa lame.
Les soldats entrèrent et demandèrent si « sire Gradgeur était là, à la demande de dame Annaria ». Bien sûr et puis quoi encore pensa-t-il.
Lorsque les trois hommes furent rentrés, il essaya de sortir mais il chancela et heurta maladroitement une table. Ainsi repéré, il se lança sur le premier soldat qui le regarda estomaqué. Heureusement pour lui, l'état de Gradguer ne lui permit pas de toucher sa cible, il manqua même de lâcher son arme.
L'un d'entre eux s'adressa gravement à lui.
- Veuillez venir avec nous, nous savons que vous avez cherché à joindre dame Annaria !
Il se campa sur ses jambes et enfonça ses talons dans le sol, il était maintenant seul face à trois soldat déterminés. Le veilleur tourna sur lui-même en tenant son épée à l'horizontal. Les talons campés dans le sol, les jambes fléchies il ressemblait à un animal en détresse près à sauter sur sa proie. En réalité il sentait son esprit enserré dans un écrin cotonneux, il se sentait lourd, gauche et ralenti.
Les hommes autour de lui le regardait l'air grave, certain le jugeais sérieusement ayant pris conscience de son état. Un des soldats s'avança calmement.
« Monsieur, lâchez votre arme et suivez nous, et sans histoire ! »
Gradguer sentait sa tête tourner, il eut un relent et a propre haleine le surprit, il se sentait mal, il se maudit, pourquoi avait-il autant bu. Il baissa sa lame afin de tendre un piège aux hommes d'armes, l'un d'entre eux s'avança pour la récupérer et reçu un coup de pommeaux sur la tempe ce qui l'envoya roulé contre une table.
Les deux autres garde se jetèrent sur lui et le désarmèrent sans peine. Une pluie de coup s'abattit sur lui, il grinça des dents, eu le souffle coupé, il envoya son pied dans le genou d'un garde qui râla et en reçu deux autres dans le ventre. Bientôt même le tavernier rejoignit le soldat pour maitriser Gradguer qui finit par renoncer.
Il était emmené par les gardes en direction du château du seigneur. Il avait mal, un filet de sang séchait sur ses lèvres ouvertes. Il avait du mal à respirer, son ventre était marqué par les coups qu'il avait reçus. Mais par-dessus tout il était en colère contre lui d'avoir autant bu, et contre le page qui l'avait trahit.
Les gardes l'avaient fait brutalement rentrer dans le château. Il titubait maintenant dans les couloirs l'esprit toujours perturbé et les membres lourds.
Ils l'amenèrent jusqu'à une aile du château, devant une chambre et l'y poussèrent sans ménagement, l'un le préviens tout de même de ne pas faire de vague.
Il se trouvait dans un bureau somptueusement meublé adjacent à une chambre modeste. Des étagères emplies de livres occupaient les murs ; d'épais tapis tissés par les nains dans de riches coloris de rouge, de vert et de bleu couvraient le sol; et une magnifique carte de l'ancien continent, sur laquelle étaient soigneusement reportés des centaines de noms, était encadrée au-dessus de la cheminée de pierre, où un tas de bûches flambait allègrement.
Face à la porte, il y avait un grand bureau en bois sculpté. Et, derrière le bureau, adossé à un coussin de velours vert, se tenait Annaria.
Lorsqu'elle le vit rentré un sourire étira ses lèvres, elle était heureuse de le retrouver, heureuse qu'il ait répondu positivement à sa missive et soit venu. Elle se leva et ouvrit les bras pour venir le trouver. Elle se ravisa et son sourire fana bien vite lorsqu'elle vu qu'il titubait.
Peste ! pensa-t-elle. Elle savait qu'elle aurait dû aller le retrouver d'elle-même plutôt que demander que l'on l'amène. Mais elle ne savait pas comment il allait réagir, elle avait peur de ses réactions et avait donc préférée envoyer ses hommes. Elle appréciait Grad mais ne l'avait pas vu depuis longtemps...
Durant ses réflexions Grad avaient les mêmes, il se maudissait encore de paraitre devant elle en aussi mauvaise état. Les autres pensées étaient affectées par l'alcool si durement qu'il ne parvenait plus à penser. Il bafouilla donc.
- J'avais peur à un-un piège... je voulais-pensais... attendre et je ne faisais rien... la bière.
Son genou heurta une chaise. Un éclaire de douleur passa devant ses yeux et il s'effondra à quatre pattes. Le mouvement lui donna envie de vomir, il se retint fort heureusement, il était déjà assez ridicule. Au lieu de ça il pesta une fois de plus entre ses dents et respira calmement.
- Excuse-moi Annaria...
La jeune femme était un peu déçu de l'arrivé de son ami pourtant devant son état elle ne put s'empêcher d'éclater de rire. Grad montrait rarement ses émotions et ne s'était jamais excusé pour quoi que ce soit. De plus son état avait quelque chose de drôle et de contradictoire avec ses manières habituelles. Elle s'avança vers lui, s'agenouilla et posa ses mains sur ses épaules.
- Ne t'en fait pas Grad, ce n'est rien. Nous discuterons demain, il est très tard et tu n'es pas dans le meilleur des états.
- Merci, il se redressa lentement, je pense que-que oui, il serait bien de dormir... As-tu... un...
Il fit plusieurs gestes des bras, montrant vaguement une sorte de divan. Il avait la bouche pâteuse et ne voulait pas dire d'autres absurdités avant d'avoir dessoûlé, de plus ses sens lui faisait de plus en plus défauts et des taches noires voletaient devant ses yeux.
Annaria toujours plus amusé qu'autre chose prit l'homme par le bras pour le redresser, et le soutenue jusqu'au lit ou elle l'y installa.
Gradguer ronflait maintenant depuis plusieurs minutes. Elle l'avait installé sur son grand lit à baldaquin après l'avoir dévêtu de son manteau. L'homme puait en effet l'alcool. Pourtant, elle n'était pas en colère. Grad avait accepté de venir pour l'aider, certes, mais elle espérait qu'il était aussi venu parce qu'il voulait la revoir tout autant qu'elle voulait le revoir. Elle passa la nuit à son bureau à réfléchir sur ce qu'elle voulait. De temps à autre, elle jetait un regard à son ami, son visage dormait l'air serein. Ce n'est qu'au petit matin qu'elle s'endormit finalement.
Les douces lumières du jour qui réchauffaient son visage le réveillèrent. Gradguer avait mal à la tête et ses yeux le piquaient. Lorsqu'il se leva, il chancela et dut se tenir au mur pour se maintenir debout. Il avait dormi dans le lit d'Annaria ? Il pesta, où était-elle ? À peine s'était-il posé la question qu'elle rentra avec un petit plateau rempli de fruits, de pain et d'un pichet d'eau. Elle le posa et vint le serrer dans ses bras. Gradguer eut presque un mouvement de recul à cause de la surprise. Mais finalement, il la serra lui aussi. Ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps et il aimait la jeune femme, son amie. Tandis qu'ils s'enlaçaient, Gradguer sentit les cheveux d'Annaria lui chatouiller la nuque. Ce contact, tout comme leur embrassade, ne dura qu'un instant mais il fut étrangement perturbé. Il n'aimait pas montrer ses émotions, mais il y avait aussi autre chose.
- Grad, je suis heureux de te revoir, cela fait longtemps," dit-elle en lui adressant un sourire amusé, "et quelle retrouvaille !
- Je suis navré, Anna, je n'aurais pas dû boire et je n'aurais pas dû occuper ton lit, répondit-il avec un air contrit, mais elle balaya sa remarque d'un revers de main.
- Aucune importance, ne t'en fais pas. Je suis simplement contente que tu sois là.
Gêné, l'homme la coupa presque. Il préférait aller directement à l'essentiel.
- As-tu d'autres informations ou précisions que ce que tu as évoqué dans ta lettre ?"
- Non, navrée. Par contre, après avoir reçu ton message par ce jeune page, je me suis débrouillée pour te faire rentrer... même si cela ne s'est pas déroulé comme prévu. Et j'ai pu nous inviter tous les deux au bal qui a lieu dans l'après-midi. Nous pourrons y rencontrer le seigneur, de manière discrète, et lui parler.
- Et nous saurons ainsi si tes craintes sont justifiées, et je pourrais me renseigner sur les villes alentours.
Il lui raconta ce qu'il lui était arrivé ainsi que ses soupçons et son envie de questionner le seigneur pour savoir s'il savait quelque chose. Anna l'écouta attentivement, demandant de temps à autre des précisions, notamment sur son état. Puis les discussions divergèrent, ils parlèrent de tout et de rien. Ils aimaient parler entre eux, ils pouvaient ainsi rattraper le temps perdu. Ils parlèrent ainsi longuement. Anna lui parla principalement de sa découverte du monde, des nouveaux chants qu'elle avait conçus. Grad, plus pragmatique, lui parla de certaines de ses missions et des territoires plus au nord. Anna fut surprise de l'admiration qu'elle sentit dans la voix de son camarade lorsqu'il lui parla de la grande cité de Mirengrad, la capitale de l'Eredor, où il avait dû débusquer un groupe de cultistes vénérant le chaos. Le temps passa ainsi rapidement jusqu'à ce qu'Anna le coupe.
- Mon dieu, il est l'heure de se préparer, le bal est pour bientôt. Ton manteau est là, excuse-moi, je dois me changer...
Gradguer se leva et récupéra son manteau avant de sortir pour laisser la barde se préparer. Il le retourna et se vêtit du mieux qu'il put. Il n'avait que ce manteau et quelques chemises. Il n'était pas habitué des bals et autres festivités seigneuriales.
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