Chapitre 16 : Une lueur et un souvenir
**Retour au présent**
Dès le lendemain ils partirent avec pour but de descendre les monts brumeux. Ils cheminèrent donc ainsi plusieurs heures.
Les dernières lueurs du jour vacillaient timidement à l'horizon, laissant place à une nuit qui s'étendait telle une couverture sombre sur la montagne. L'air était glacial, piquant chaque inspiration d'une fraîcheur presque douloureuse. Les étoiles scintillaient dans le ciel dégagé, mais leur lumière semblaient étrangement faible, peinant à percer l'obscurité épaisse qui régnait au-dessus de la forêt de sapins.
Les arbres se dressaient en rangées serrées, leurs branches noueuses porteuses de neige semblaient prendre vie à chaque mouvement du vent. Les aiguilles des sapins bruissaient faiblement tandis que la neige craquait.
Une fine brume glissait lentement entre les troncs, enveloppant le sol d'un voile spectral qui rendait chaque pas incertain. Les silhouettes des arbres se découpaient nettement contre ce brouillard grisâtre, donnant l'impression que la forêt elle-même était un organisme vivant, scrutant les intrus avec méfiance.
Dans cette ambiance oppressante, le moindre bruit résonnait comme un écho lugubre inquitant les deux femmes. Il faisait frissonner ceux qui osaient s'aventurer dans ces bois. Le vent imprégnait l'air d'une aura de mystère et d'inquiétude palpable. Cette brise froide fit frissonner la jeune femme qui serra ses bras. Inquiète elle interpela le guerrier.
- Grad attends. Il y a une drôle d'atmosphère ici, j'ai... Je suis inquiète.
L'homme s'arrêta et balaya les alentours du regard.
- Il n'y a rien. Tu dois avoir froid, et être fatiguée. Tiens.
Il lui donna alors son manteau. Puis se tourna vers la fillette qui marchait sans rouspéter.
Il avait finalement lui aussi une drôle d'impression. Il frissonna également. Son regard fut attiré par une forme se mouvant un peu plus loin entre les arbres.
À la lisière de la forêt, là où les ombres s'entremêlaient, une lueur énigmatique émergeait, brillant comme une étoile solitaire dans la nuit. Les arbres, touffus et sombres, encadraient cette lumière spectrale. Elle dansait, oscillant entre les troncs, comme si elle était le reflet d'une présence invisible. Malgré sa beauté intrigante, cette lueur éveilla également une anxiété sourde chez le guerrier qui la contemplait.
Gradguer s'approcha la main sur le pommeau de son arme. Il semblait attiré par cette lueur.
- Grad ? Que ce passe t'il ?
Annaria et Léna le suivirent.
- Qu'est ce qu'il a dame Annaria ?
Le veilleur se retourna vers eux et leur pointa la lueur du doigt. Alors que la barde recula d'un pas, inquiète, la petite Léna observait fixement la lueur. Celle-ci sembla se rapprocher. Gradguer dégaina son arme et vint se poster devant Léna, l'arrachant à sa contemplation étrange.
Ses yeux se plissèrent et tournèrent à la couleur de l'or, ce qui lui permit de distinguer une énergie magique autour de la lueur, qui s'arrêta puis disparut subitement. L'ambiance et l'atmosphère restaient tendues, les muscles du veilleur étaient crispés, Léna et Annaria, elles, étaient intriguées et inquiètes...
- NE RESTEZ PAS LÀ !
Tous sursautèrent lorsque la voix leur parvint. C'était un homme d'une cinquantaine d'années qui courait vers eux.
- Venez, venez, ne restez pas là, pauvres fous ! Vous ne savez donc pas que ce col est interdit la nuit !
Gradguer marcha dans sa direction d'un pas si assuré et déterminé que l'homme s'arrêta et se mit à reculer. Sa bonhomie et son embonpoint étaient encore plus visibles. Pourtant, le guerrier le saisit par son manteau pour le soulever et le plaquer contre un arbre.
- Qui es-tu ?
- Je... je suis un simple gardien de ce col de montagne, monsieur. Nous ne devrions pas rester là.
- Comment se fait-il...
Il fut interrompu par un hurlement de peur glaçant. Lorsqu'il se retourna, il vit Annaria s'effondrer au sol en perdant connaissance. Il se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras, passant l'un sous ses jambes et l'autre soutenant son corps tandis qu'il cala sa tête contre son torse. Léna lui assura qu'elle n'avait rien vu et qu'elle ne comprenait pas. L'homme nouvellement arrivé toussait en tremblant de peur mais leur assura qu'il fallait partir.
- Je vous en prie, suivez-moi.
Cette fois, sans les attendre, il tourna les talons et s'enfuit. Gradguer, n'ayant pas vraiment d'autres options, fit signe à Léna de passer devant lui et de le suivre.
L'homme les mena à une petite bicoque délabrée et les fit entrer. Il aida également Gradguer à déposer la barde dans le seul lit de la maison, puis il s'expliqua en voyant et craignant le regard du guerrier. L'homme était un peu vieux, comme le montraient ses cheveux grisonnants, mais il était amical. Blanchebois était un col de montagne réputé pour être habité par des esprits. La maison, dans laquelle ils étaient, près de la rive d'une petite rivière, était un arrêt pour la nuit qu'il était chargé d'occuper et de réparer. Il leur expliqua également que l'état de leur amie était malheureusement habituel pour ceux qui traversaient ce lieu, mais que le danger de cet état venait des animaux et des périls extérieurs, et qu'elle reviendrait à elle.
Gradguer lui fit un signe de tête en guise de remerciement et alla se poster au chevet de la jeune femme. Léna, elle, demanda à l'homme pourquoi c'était lui qui gardait cet endroit. Ses joues rondes et sa moustache frémirent à cette question. Il gonfla légèrement le torse, semblant fier de lui.
- J'ai été aventurier dans ma jeunesse, mais un soir, j'ai entendu un bruit. Je me suis dit que ça devait être juste le vent. J'ai eu tort car j'ai pris une flèche dans le genou et je ne suis plus jamais parti à l'aventure. Par contre, je connaissais bien la région, donc j'ai guidé beaucoup de gens depuis.
Elle se retourna et alla se poser près de Gradguer pour lui parler tout en caressant et serrant Étincelle contre elle. Au départ, elle ne parla pas, se contentant de renifler de tristesse, ce qui attira l'attention de l'homme.
- Léna ?
- Gradguer, tout va si vite. À peine je vous ai retrouvés que je perds Annaria. Je ne comprends pas pourquoi je dois vivre tout ça, tout va si vite.
Il vit qu'elle avait les larmes aux yeux. Il comprenait, ou plutôt concevait à quel point cela devait être difficile pour elle. Il lâcha à regret la main de son aimée pour prendre cette jeune fille dans ses bras. Il ne savait que faire, n'ayant jamais eu de preuves de tendresse et n'ayant pas eu véritablement le temps d'apprendre à en donner. Il avait la gorge sèche pour une étrange raison, aussi sa voix en était altérée.
- Tu n'aurais jamais dû avoir à vivre cela. Mais n'aie crainte, Anna ne risque rien, elle se réveillera.
- J'ai peur pour elle.
Il lui caressa la tête.
- Tu la connais depuis longtemps ?
Elle renifla avant de répondre.
- Au château... Elle était une des rares personnes à me traiter avec respect sans me donner du "princesse" et se courber en permanence. Elle était aussi une des rares adultes avec qui je pouvais parler...
Maintenant qu'il y pensait, il n'avait pas croisé ni même entendu parler de sa mère. Le seigneur de Daret n'avait peut-être plus de femme depuis longtemps... Il la serra contre lui tandis qu'elle s'oublia dans ses souvenirs et s'endormit, étrangement heureuse, dans les bras de celui qui était déjà pour elle son nouveau père.
Dans ses songes elle se revit devant cette forêt aux arbres tortueux. La lumière était là à nouveau, tremblotante telle une flamme sur le point de s'éteindre. Pourtant elle ne s'éteignit pas. Elle grandit même jusqu'à prendre la forme de son père. Le seigneur de Daret, crée par la lumière dans un rêve, se tenait maintenant face à sa fille. Ses yeux de braise et de lumière se posèrent avec sévérité sur sa fille. Un sourire apparut sur ses lèvres et alors elle se réveilla. Dehors l'aube se levait, créant une multitude de lueurs dehors.
Le lendemain, Anna se réveilla également, en effet sans aucun souvenir de ce qui s'était passé. Après une explication rapide et tout de même un remerciement à Balgruf, l'homme qui les avait aidés, ils partirent à nouveau cheminer durant plusieurs jours à travers les montagnes.
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