Chapitre 11: Une petite perdue
Trois jours plus tôt, non loin de Daret
La jeune fille se hissa sur la berge de la petite rivière. Elle rampa à travers les joncs, souillant sa robe de boue et de terre. Elle resta allongée ainsi durant plusieurs minutes, ses cheveux flottant dans la vase et son cœur battant la chamade. Puis elle éclata en sanglot, un long sanglot qui résonna dans la nuit durant un long moment.
Comment tout cela avait-il pu arriver ? Elle était hier une princesse, aujourd'hui elle était une orpheline traquée et sans foyer. Elle frissonna de froid dans ses vêtements trempés, mais aussi de peur et de tristesse. Elle était seule dans la nuit noire, sans pouvoir aller nulle part. Elle avait déjà eu tant de chance que l'homme qui était tombé en même temps qu'elle ne l'ait pas écrasée. Elle se traîna en grimaçant jusqu'à atteindre le dessous d'un grand saule pleureur pour s'y allonger et essayer de dormir.
Elle dormit longtemps, épuisée par ce qu'elle venait d'endurer. À son réveil, elle pleura longuement. Elle pleura sa solitude, la mort de son père, la fin de son monde. À ce moment-là, la jeune fille ne pensait plus que sa vie pouvait avoir un sens, elle avait tant de peine qu'elle réfléchit un temps à se laisser mourir.
Elle se rappela son enfance et ses enseignements, et s'agenouilla avant de joindre les mains.
- Ui tu, Balic, je vous en prie, aidez-moi, donnez-moi la force.
Elle resta dans son abri de fortune toute la journée et tenta de rassembler ses souvenirs de son père et de son ancienne vie. Elle pleura à nouveau plusieurs fois et se coucha tôt afin de repartir de même.
Elle marcha durant deux jours à travers la forêt, allant vers le nord pour ensuite suivre les monts brumeux jusqu'à Hedrath, où elle trouverait peut-être de l'aide.
Le feuillage de la forêt était touffus mais pas suffisamment pour cacher le soleil. L'air est imprégné d'un parfum terreux et boisé, tandis que le silence était ponctué par le doux murmure du vent à travers les branches. Le sol était tapissé d'une épaisse couche de mousse, douce et moelleuse sous les pas. Près des troncs rocheux poussait quelques petits champignons. Soudain, une jeune fille s'arrêta, captivée par le chant mélodieux de deux petits oiseaux perchés sur une branche basse. Leurs trilles cristallines emplissaient l'air de joie et d'allégresse, leur duet harmonieux se mêlant au murmure de la forêt. La jeune fille les observa avec émerveillement, se laissant enchanter par leur concert improvisé au cœur de la nature. Cela lui redonna courage et elle reprit sa route.
Au bout de deux jours, une pluie s'abattit sur les contreforts des montagnes. Sous le ciel sombre et tourmenté, la jeune fille aux cheveux blonds avançait avec une détermination tranquille, ses chaussures éclaboussant l'eau des flaques qui jonchaient le sol. Les montagnes se dressaient autour d'elle, leurs crêtes effilées se perdant dans les nuages en colère. Chaque souffle de vent semblait un hurlement glaçant, tandis que la pluie martelait le paysage avec intensité. Les gouttes d'eau glissaient sur son visage, mêlant leurs larmes aux siennes alors qu'elle avançait avec détermination. Les feuilles des arbres ployaient sous le poids de la pluie, et le bruissement des branches accompagnait ses pas solitaires.
Enfin, elle finit par distinguer une ouverture sombre dans la paroi rocheuse, une invitation silencieuse à l'abri. Ses pas se firent plus pressants alors qu'elle se rapprochait, sentant l'appel de la grotte de plus en plus fort à chaque pas. Une fois à l'intérieur, la jeune fille ressentit un soulagement profond. La pénombre de la grotte enveloppa rapidement ses sens, et elle put sentir la fraîcheur de la roche humide sous ses doigts. L'eau ruisselait le long des parois, créant une symphonie apaisante dans l'obscurité. Mis à part cette humidité, la grotte était sèche et lui permettrait de dormir. Assise contre le mur de pierre, elle ferma les yeux et respira profondément, sentant le calme revenir pour un temps dans son cœur.
La pluie continuait de battre contre l'entrée de la grotte, mais à l'intérieur, elle se sentait en paix, protégée par les frondaisons rocheuses. Elle finit par se lever et s'approcha d'une flaque d'eau à l'entrée pour y regarder son reflet qu'elle ne reconnut pas.
Elle y vit une jeune fille aux cheveux blonds en bataille et au visage tiré, les yeux tristes. Ses vêtements déchirés et en lambeaux ne lui servaient plus à grand-chose dans cet état. Elle vit aussi qu'elle avait déjà maigri par la privation, la peur et le stress qu'elle ressentait en permanence et surtout une alimentation constituée que de diverses baies qu'elle parvenait à trouver. Ses yeux d'un brun noisette lui semblaient plus sombres qu'auparavant.
Elle se questionna sur ce qu'elle allait faire, ce qu'elle devait faire. Réfléchissant mieux en mouvement, elle se mit à marcher en visitant le fond de la grotte. Elle ne pouvait retourner à Daret, son père était mort et elle serait capturée par les hommes qui l'avaient attaquée ou bien elle serait empoisonnée par des opposants qui préféreraient avoir un autre pion sur le trône. Et de toute façon, la seule certitude qu'elle avait c'était qu'elle avait laissé son ancienne ville près du cadavre de son père. Mais que faire alors ?
Son pied percuta par mégarde un caillou qui alla rouler jusque dans un coin. Elle y vit quelque chose d'étrange, une pierre ovale et rouge bloquée dans un creux entre plusieurs rochers. Intriguée, elle se dirigea vers celle-ci et après un petit effort elle parvint à la déloger. Elle se pencha pour saisir l'objet mystérieux. La pierre était chaude sous ses doigts, pulsant presque comme un cœur vivant. Intriguée, elle l'examina de plus près, remarquant des motifs complexes et des fissures qui semblaient danser à la surface.
Soudain, une sensation de chaleur émana de la pierre, enveloppant sa main dans une douce caresse. Alors, comme si elle était submergée par un éclair de compréhension, la vérité lui apparut. Cette pierre n'était pas ordinaire.
C'était un œuf et lui-même un œuf particulier, aussi grand que deux, voire trois de ses mains. Un œuf d'une créature endormie depuis des temps peut-être immémoriaux, attendant patiemment d'être réveillée. Le cœur de la jeune fille battit la chamade alors qu'elle réalisa l'ampleur de sa découverte. Avec précaution, elle serra l'œuf contre elle, sentant la chaleur s'intensifier à chaque instant. Elle sut alors que sa vie venait de changer à jamais, que le destin l'avait liée à cette créature d'une manière qui allait au-delà de sa compréhension.
Dans la tranquillité de la grotte, elle s'assit, tenant l'œuf avec tendresse, se demandant ce que l'avenir lui réservait maintenant qu'elle possédait cet œuf qui se réchauffait entre ses mains tout en se demandant ce qu'il contenait. La chaleur fut soudainement trop importante et elle lâcha l'œuf par réflexe qui s'écrasa et se fissura sur le sol.
Les larmes lui vinrent immédiatement aux yeux et elle se précipita vers la coquille. En déplaçant les morceaux gluants et encore chauds, elle découvrit quelque chose qui lui coupa le souffle à nouveau.
Des écailles rouges carmines, un corps d'une trentaine de centimètres, deux ailes fines et membraneuses qu'il secouait pour les libérer, une petite tête reptilienne légèrement triangulaire et un œil orangé qui se fixa sur elle. Un dragon !
Elle recula intimidée lorsque le petit lézard s'approcha d'elle. Mais le petit vint s'enrouler autour de ses jambes et quelle ne fut pas sa surprise de l'entendre produire un son ressemblant à un ronronnement. La jeune fille ne savait trop comment réagir mais entreprit de s'assoir lentement et de gratter le dos ou la petite tête du dragon. La créature se lova contre et s'installa contre sa poitrine. Elle était aussi abasourdie que pensive.
Trouver un dragon, même aussi jeune, sur sa route alors qu'elle vient de tout perdre était clairement un signe du destin. Ces créatures sont en effet aussi rares que puissantes, se dit-elle. Le petit dragon désormais installé sur ses genoux depuis près d'une heure n'avait pas manifesté la moindre intention agressive et agissait comme un chat.
Néanmoins, avec ce nouveau petit compagnon, lui venait une idée qui, malgré ses tentatives de la réprimer, grandissait. Avec une telle créature, elle pourrait se venger, elle pourrait tuer ceux qui ont tué son père, elle pourrait laisser libre cours à sa colère.
- Yolnar, Tam...
Elle prononça les noms de ceux qui avaient ruiné sa vie et alors son petit dragon releva la tête et la regarda. Elle plongea son regard dans le sien et y vit une flamme tremblante avide de brûler ceux qui avaient blessé sa maîtresse. La petite se rendit compte qu'il fallait un nom à son nouvel animal, elle le souleva délicatement et se rendit compte qu'il s'agissait d'une femelle.
- Étincelle, je te nomme Étincelle ! Je deviendrai ta dragonnière !
La petite dragon grimpa sur les épaules de la jeune fille et posa sa petite tête sur la sienne avant de pousser un cri aigu en direction de l'entrée pour manifester sa joie, ce qui montra dans le même temps à sa maîtresse que la pluie avait cessé. Néanmoins, elle décida de rester un peu dans la grotte, après tout, elle avait maintenant un dragon à élever et à entraîner...
Dans ses yeux brillaient une nouvelle lueur de détermination.
Passa ainsi un long mois.
Annaria et Gradguer se rendirent et arrivèrent à Tirem après trois semaines de voyage car ils prirent leur temps et discutèrent longuement sur le chemin. Une fois arrivé ils ne trouvèrent aucune présence du magicien que l'homme cherchait, il serait partis vers Daret ils y a plusieurs jours de cela, ce qui plongea Gradguer dans une surprise mêlé de questionnement, étrange qu'il soit partis à Daret quelques jours avant ou après les évènements qui s'y étaient déroulés.
Tous deux s'accordèrent une pause dans la cité, financée par une chasse à la goule que Gradguer exécuta dans les égouts sans la moindre difficulté. Puis ils repartirent à nouveau vers Daret en décidant cette fois de passer par les monts brumeux pour raccourcir leur trajet.
La jeune fille dans la grotte survécut à ce long mois en récoltant des baies et en partageant les lapins que son dragonneau pouvait déjà chasser sans mal. Tous deux s'entrainaient ensemble et bien vite la frêle gamine se renforça et son camarade doubla en taille et battit pour la première fois des ailes parvenant à voler quelques secondes. Ils se mirent ensuite en route ensuite vers Hedrath en restant néanmoins à distance des routes.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro