Zorro 2/2
Alors que les jours suivants sont plutôt calmes, un incident ne tarde pas à venir troubler cette quiétude inhabituelle.
Ce matin, alors que la place principale est remplie de monde qui s'active joyeusement entre les étales du marché, des cris retentissent soudainement. Les curieux se pressent vers leur origine. Un homme, à terre, se fait lyncher par 4 hommes en uniforme.
"Qu'a-t-il fait ? demande mon voisin.
— Il aurait volé des pommes, le pauvre. Il était prêt à se rendre mais ils lui ont sauté dessus sans l'écouter !" l'informe une femme.
J'observe la scène, hésitante. Lorsque l'un des agresseurs se décale, j'aperçois le visage de l'homme au sol. Malgré sa lèvre éclatée et son œil enflé, je reconnais le mari de l'une des amies de ma mère. Peu de personnes ignorent encore la situation financière dans laquelle sa famille se trouve et la plupart des marchands lui auraient bien volontiers offert plus que quelques pommes. Je ne pense pas que celles-ci valaient un tel déchaînement de violence.
Révoltée par l'injustice et écœurée par le plaisir qu'ils semblent prendre à le frapper, je m'interpose entre eux et reçoit un coup qui ne m'était pas destiné.
"Tu devrais t'écarter, ma jolie, ricane l'un des soldats.
— Sinon quoi ? Vous allez me frapper ? Pour quel motif ? Opposition à la violence arbitraire ? répliqué-je, hors de moi.
— Tu l'auras cherché." déclare-t-il avant de me gifler.
Je ne flanche pas et sors mon épée que je pointe sous son nez. Irrité, il brandit la sienne, bientôt imité par ses collègues. Provoquer les autorités est totalement inconscient de ma part, mais je ne peux plus reculer. Je n'ai aucune envie de me laisser humilier de la sorte devant la quasi-totalité du village.
Je m'engage donc dans une lutte contre les 4 soldats, adoptant plus une stratégie de défense que d'attaque.
Des cris d'encouragement à mon égard se font entendre, et des hommes sortent de la foule pour se battre à mes côtés. Les effectifs s'inversent et les soldats se retrouvent rapidement en infériorité. Des renforts accourent pour leur venir en aide et tenter de contenir ce qui ressemble désormais à une émeute. L'affrontement prend des proportions démesurées. Les villageois se battent farouchement, libérant toute la colère trop longtemps réprimée contre l'oppression qu'ils subissent.
Au cœur de la bataille, je me souviens subitement que j'avais originellement prévu d'acheter des fruits pour le déjeuner. Déclencher une bagarre générale ne faisait nullement partie de mes plans, mais la tournure qu'a pris ma journée ne me déplaît pas pour autant.
Soudain, la foule s'agite et les regards se tournent vers un cheval noir ébène qui fait irruption sur la place en galopant. Son propriétaire n'attend pas pour rejoindre la mêlée, attirant davantage de soldats sur lui.
Sans surprise et malgré l'arrivée de Zorro, les militaires plus nombreux et dotés d'armes plus sophistiqués prennent l'avantage et nous encerclent, nous obligeant à nous rendre. A la surprise générale, Zorro se fait également maîtriser. Alerté par l'agitation et le nombre de ses hommes mobilisés, le commandant arrive à son tour sur les lieux.
"Amenez-moi le responsable de ces débordements !
— C'est elle ! me désigne le soldat qui m'a giflée, attrapant mon bras pour me jeter aux pieds de son chef.
Je me relève dignement et le fusille du regard pendant qu'il s'approche de moi, ne masquant pas son air surpris.
"C'est donc ce petit bout de femme qui a déclenché tout ça ? me toise-t-il, moqueur. Jetez là en prison ! ajoute-t-il d'un ton plus ferme. On verra si elle se montre toujours aussi féroce.
— Ce ne serait jamais arrivé si vos hommes se comportaient dignement !" vociféré-je.
Deux de ses sbires m'agrippent alors que j'essaie de me débattre.
"Quant à lui... J'ai hâte de découvrir qui se cache sous ce masque." déclare-t-il en se plaçant face à Zorro, retenu par 3 hommes.
Alors qu'il s'apprête à dénouer son loup, le coup que j'envoie dans le ventre de l'un de mes geôlier lui arrache un cri de douleur qui distrait les membres de la garnison. Zorro profite de leur inattention pour se dégager de leur emprise. D'un sifflement, il appelle son cheval qui rapplique au galop.
Il l'enfourche prestement, sourd aux contestations. Sans que je n'ai pu émettre le moindre avis, il m'attrape et me fait grimper derrière lui. Je ne proteste pas, consciente qu'il est toujours plus sûr de le suivre que d'affronter la colère du commandant.
"Hue Tornado !"
Les quelques militaires qui étaient à cheval entreprennent de nous prendre en chasse, mais son étalon est vraiment rapide et il semble de surcroît bien connaître la région.
Après avoir semé nos poursuivants dans les montagnes, nous nous arrêtons un instant pour que la bête se repose.
"Comment allez-vous ? s'enquiert Zorro.
— Vous n'aviez pas à vous en mêler, dis-je abruptement.
— Vous auriez pu finir en prison si je n'étais pas intervenu !
— Et alors ? Vous ne me devez rien !
— J'ai compris que vos sentiments à mon égard n'étaient pas amicaux, mais puis-je vous demander pourquoi ?
— Cela vous importe-t-il ?
— Je cherche à comprendre. Qu'ai je fait qui a pu vous offenser ? Je n'ai fait qu'aider des personnes qui en avaient besoin...
— Croyez-vous donc que nous avons besoin d'être sauvés et que vous seuls puissiez le faire ? Parce que nous sommes pauvres, parce que nous ne sommes pas espagnols, nous ne serions pas capables de nous défendre par nous-même ? lâché-je, révoltée.
— Vous me reprochez de défendre les villageois ?
— Je vous reproche votre ambivalence !
— Pensez-vous que, parce que je suis espagnol, je cautionne ce système qui s'approprie des terres et sa corruption ?
— Oui, je le pense. Vous vous montrez aussi colonial que vos compatriotes par votre ingérence sous couvert de pseudo-charité. Mais peut-être vous battez-vous seulement pour satisfaire votre orgueil ou de quelconques pulsions masculines ?
— C'est bien la première fois que l'on m'accuse ainsi, s'étonne-t-il.
— Il faut dire que vous avez bien réussi votre coup. Vous les avez tous fait tomber sous votre charme, au village.
— Ce qui n'est visiblement pas votre cas, me provoque-t-il.
— Pas le moins du monde, assuré-je.
— Même par mon habileté au combat ?
— Quelle habileté ? dis-je, de mauvaise fois. Je vous surpasse largement.
— En êtes vous sûre ? réplique-t-il, de la malice dans sa voix.
— Si vous en voulez une preuve, battons-nous, avancé-je en défouraillant mon épée.
— Je vous en prie, je n'oserai pas porter atteinte à un si beau visage.
— Vous n'aurez pas à oser puisque vous ne l'atteindrez pas, le nargué-je.
— C'est que vous y tenez vraiment. Je m'en voudrai de ne pas vous satisfaire, déclare-t-il en sortant à son tour son épée.
— Et bien, qu'attendez-vous ? Allons-y !"
Nos lames s'entrechoquent. Bien que je me sois lancée avec impétuosité dans ce combat, je ne peux nier que j'affronte un adversaire de taille. Mais je n'ai pas l'intention de déclarer forfait. Je le défie du regard tout en esquivant ses coups. Il pare les miens avec une aisance insolente.
Je m'apprête à le frapper quand il saute sur un rocher et abaisse sa lame qui frôle ma joue. Je passe brièvement ma main sur ma peau, saignant légèrement.
"Bien joué. Mais je peux aussi abîmer votre beau visage.
— Vous le trouvez donc beau ? Vous qui disiez ne pas être charmée !
— Il serait encore plus charmant agrémenté d'une jolie cicatrice.
— Je vous suis gré de vous soucier ainsi de lui."
Tout en échangeant des coups, nous poursuivons notre joute verbale, infatigables. L'ambiance est enflammée. J'écorche son bras et il riposte d'un coup vif. Sa lame tranche net la manche droite de ma robe qui glisse sur mon épaule. Je lui lance un regard furieux auquel il répond par un sourire satisfait. Son regard s'attarde sur mon épaule dénudée et j'en profite pour lui faire ravaler son effronterie en le désarmant. Son épée vole et atterrie quelques mètres plus loin, la pointe plantée dans la terre.
Je lui adresse un sourire victorieux, mais il ne semble pas vouloir s'arrêter là. Il effectue un salto et récupère son arme. Nous nous engageons alors dans un corps à corps enfiévré.
Je ne sais depuis combien de temps nous nous battons, mais aucun de nous ne semble se lasser. Je dois avouer que j'apprécie particulièrement ce combat et je sens qu'il y prend également plaisir.
La tension continue de monter au fur et à mesure de notre chorégraphie, renforcée par notre proximité. Nos regards sont ancrés l'un dans l'autre, une flamme de défi allumée dans chacune de nos pupilles. Alors que nos lames se heurtent une nouvelle fois, elles nous échappent simultanément des mains et valsent dans la végétation sans que nous nous en préoccupions.
Sans un geste de plus, nous nous embrassons. Je ne saurais dire qui en a pris l'initiative, mais cela s'impose comme l'issue évidente de ce duel. Sa main se place sur mon épaule dénudée tandis qu'il approfondit le baiser. Les miennes se glissent derrière sa nuque et sur sa hanche.
Je sens ses doigts s'aventurer délicatement sous le tissu déchiré et descendre le long de mon épaule, dévoilant un peu plus ma peau. Cette sensation n'a rien de désagréable et je n'ai aucune envie d'y mettre fin. Sous ma main, sa chemise s'est légèrement soulevé et je suis entrée en contact avec sa peau que je caresse doucement, découvrant un corps finement sculpté.
Pression et rancœur s'évacuent au long de cette étreinte. De façon inattendue, mon aversion s'est transformée en désir au cours du combat.
Sa main au creux de ma taille et la mienne sur son torse, nous nous étudions silencieusement. Nos respirations sont légèrement saccadées, après les efforts successifs que nous avons fournis. Je me laisse finalement tomber par terre, tournant les yeux vers le paysage s'étendant face à nous.
"Me détestez-vous toujours ? m'interroge-t-il en s'asseyant à mes côtés.
— Passionnément." dis-je dans un souffle.
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