Une casquette vissée sur la tête et de fausses lunettes de vue sur le nez, j'observe l'homme donner son spectacle sur scène. Il parle avec aisance et fierté des dernières technologies de son entreprise. Tout dans sa présentation transpire l'ego de Tony Stark, mais je suis forcée de reconnaître que, comme presque à chaque fois, son travail est d'une qualité hors pair.
Sous mon déguisement, personne ne peut deviner que cette femme qui ressemble à n'importe quel autre geek de la foule est en réalité la dirigeante du plus grand concurrent de l'entreprise Stark Industries. Mais aujourd'hui, je suis seulement venue en tant que passionnée de technologie. Je suis bien trop fière pour assumer publiquement mon intérêt pour le travail de Stark, qui risquerait de passer pour un aveu de faiblesse aux yeux de mes clients ou de mes actionnaires.
La présentation flamboyante du milliardaire se prolonge par un buffet. Avant de partir, je m'attarde devant les modèles d'exposition. Je me laisse absorber par les schémas et les listes de composants.
"Tout le monde reste autour du buffet, tandis que vous n'avez pas touché à un seul petit four. Vous êtes une passionnée ?"
Tony Stark lui-même, une coupe de champagne à la main, se tient à mes côtés. Son regard est également tourné vers le dessin qui accapare mon attention.
"On peut dire ça, oui. Votre travail est... intéressant, dis-je en gardant les yeux fixés devant moi, de crainte qu'il ne me reconnaisse.
— Seulement intéressant ?
— Avez-vous donc tant besoin d'alimenter davantage votre ego ?"
Je devine le sourire amusé qui se dessine sur son visage alors qu'il laisse échapper un petit rire.
"C'est toujours un plaisir de rencontrer une admiratrice.
— Je n'ai pas dit que je vous admirais.
— Vous m'admirez.
— J'estime votre travail.
— Mais pas l'homme qui en est l'auteur ?
— Je ne le connais pas assez pour l'affirmer.
— Nous pourrions faire plus ample connaissance afin que vous puissiez vous forger un avis.
— Je suis certaine que bien d'autres invités apprécieraient votre proposition. Je suis d'ailleurs surprise de ne pas vous voir constamment sollicité par vos réels admirateurs.
— Je doute que leur admiration soit aussi réelle que la vôtre.
— Je ne suis pas venue pour vous ce soir, voilà la différence.
— Mais vous pourriez vous laisser surprendre et trouver plus que ce que vous étiez venue chercher."
Là se trouve la limite de mon respect pour cet homme. C'est un séducteur imbu de lui-même, et je n'ai aucune envie d'être sa conquête de ce soir.
"Écoutez, monsieur Stark. Je ne vous connais pas, mais je connais votre réputation. Allez trouver une autre personne qui sera intéressée pour...
— Visiter mon laboratoire ?"
Je suis prise de court par cette suggestion qui semble étrangement dépourvue de double sens. Il se délecte de l'effet qu'il a provoqué et détourne les yeux du mur pour les poser sur moi. Je rajuste inconfortablement ma casquette en espérant que mon déguisement ne me trahira pas.
"À quoi vous attendiez-vous ?
— Je pensais parler au play-boy et non au génie.
— Voilà un compliment qui me va droit au cœur.
— Ne vous en targuez pas trop.
— Auquel des deux préférez-vous avoir affaire ?
— Je...
— Monsieur Stark, je tenais à vous féliciter pour cette fascinante démonstration." intervient un homme d'une cinquantaine d'années en lui serrant la main.
Je profite de cette diversion pour m'éclipser discrètement. Cet homme n'est autre qu'un apporteur d'affaires notoire qui risque lui aussi de me reconnaître si je m'attarde trop. Alors que j'atteins enfin la sortie après avoir zigzagué entre les invités, quelqu'un s'interpose devant moi.
"Ma compagnie vous était-elle si désagréable ? Vous n'étiez pas obligée de fuir."
Mes yeux rencontrent ceux de Tony Stark. Deux iris sombres et pénétrants. Cet échange de regard m'électrise avant que je ne le regrette instantanément. Ses sourcils se froncent et je devine que mon visage lui est familier.
"Nous sommes nous déjà rencontrés quelque part ?
— Je ne crois pas, réponds-je d'une voix mal assurée.
— Votre visage ne m'est pourtant pas étranger.
— Je suis désolée, mais je dois y aller.
— Déjà ? Pouvez-vous au moins me dire votre nom ?"
Face à mon silence et mon empressement à quitter les lieux, son regard se fait suspicieux et il agrippe mon bras pour me conduire dans une pièce voisine.
"Qui êtes-vous ?
— Je ne suis qu'une personne qui s'intéresse à vos innovations.
— Jarvis ? s'impatiente-t-il.
— Oui, monsieur ? retentit une voix dans la pièce.
— Qui est-elle ?"
Je me résous à dévoiler mon identité en même temps que son Intelligence Artificielle prononce mon nom. Il me toise durement alors que je retire mes lunettes et ma casquette.
"J'ai l'habitude de vous croiser dans des tenues qui vous mettent plus à votre avantage. Êtes-vous ici pour m'espionner ? se méfie-t-il.
— Je n'en ai ni le besoin ni l'envie. Ce n'est pas non plus dans mon éthique professionnelle.
— Alors pourquoi êtes-vous venue ce soir ?
— Je vous l'ai dit. J'estime votre travail.
— Je suis censé croire que vous êtes une simple admiratrice ?
— Je ne suis pas une admiratrice.
— Vous n'êtes donc pas intéressée par la visite de mon laboratoire ?
— Vous me soupçonnez d'espionnage et vous me proposez de visiter votre laboratoire ? m'étonné-je de la facilité surprenante avec laquelle il semble me croire.
— Vous m'avez assuré ne pas être une espionne. Votre présence ici m'intrigue autant que votre accoutrement, mais j'ose croire que vous êtes une passionnée.
— Je le suis."
Un sourire satisfait s'affiche sur son visage. Cet homme est diablement déconcertant.
Je ne le laisse pas renouveler sa proposition et accepte de le suivre dans son laboratoire. Je l'écoute me parler de ses travaux avec intérêt et je le soupçonne de guetter certaines de mes réactions. Je ne m'attends pas à ce qu'il me révèle des informations confidentielles sur des recherches non publiées mais j'ose lui poser des questions auxquelles il a l'air ravi de répondre.
Je ne l'avouerai certainement jamais, mais je suis forcée de reconnaître que quelque part nous nous ressemblons. Cette même flamme de passion qui m'anime transparaît dans son regard.
Nous avons déjà fait le tour du laboratoire, mais nous pourrions continuer notre discussion pendant des heures. Je n'ai pas envie de partir. Cette nouvelle facette de la personnalité de Tony Stark que j'ai découverte ce soir éveille en moi un nouvel intérêt pour sa personne, repoussant dangereusement les limites de l'attrait professionnel.
Sa manière de me regarder quand il me parle ne m'aide pas à repousser cette attirance naissante. Ma raison sait que ce comportement ne m'est sûrement pas réservé. Je peux certifier qu'il est doué à ce jeu là, car il me pousse à ignorer ce dont je suis intimement convaincue.
Malheureusement pour moi, son intelligence ne se limite pas à ses connaissances techniques. Il a déjà détecté le trouble qui naît en moi, je le vois, et il entreprend savamment de l'exploiter.
"Sachez que parler avec vous a embelli ma soirée.
— Vous servez certainement ce baratin à toutes les femmes que vous rencontrez.
— Vous me croirez si je le nie ?
— Non.
— Alors soit."
Sans un mot de plus, mes lèvres sont sur les siennes et ses bras m'enserrent. La température grimpe rapidement plus qu'elle ne le devrait et mon cerveau a la présence d'esprit d'utiliser sa dernière cellule encore vive pour me rappeler à l'ordre.
"C'est délicieux, mais ce n'est vraiment pas une bonne idée.
— Je sais que vous ne le pensez pas réellement.
— Je le pense. Et je pense aussi que je devrais y aller."
Je le laisse sur sa faim, et je reste tout autant sur la mienne. Mais je refuse de me laisser emballer en une soirée par ce play-boy, aussi attirant soit-il.
En essayant d'évacuer ce désir coupable qui devrait déjà m'avoir quitté, je ne prête pas attention à l'ombre qui me suit depuis déjà plusieurs rues. Ce n'est que lorsqu'un homme peu rassurant se plante devant moi que je m'inquiète de ses intentions.
"Je peux faire quelque chose pour vous ?
— Je vous cherchais.
— Que me voulez-vous ?
— Je veux vous proposer de faire affaire avec moi.
— Je ne travaille pas ce soir.
— Croyez-moi, ça peut vous intéresser.
— Vous êtes bien présomptueux.
— Vous êtes la PDG de la deuxième plus grosse entreprise de la tech du pays, n'est-ce pas ? Que diriez-vous d'obtenir cette première place tant convoitée ?
— Prétendez-vous que j'ai besoin de vous pour y arriver ?
— Je crois que nos intérêts peuvent se rejoindre."
Le sourcil interrogateur que je lève l'enjoint à continuer.
"Vous comme moi souhaitons éliminer Stark.
— Pardon ? dis-je de crainte d'avoir mal compris.
— Si votre concurrent principal n'est plus dans la course, plus rien ne vous empêche de dominer le marché.
— Qu'entendez-vous par "éliminer" ?
— Oh, je ne veux pas le tuer, ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas un terroriste. Disons qu'il est également une sorte de concurrent pour moi. Le mettre hors d'état de nuire nous serait bénéfique à tous les deux.
— Croyez-vous réellement que je sois du genre à tricher pour dépasser mes concurrents ?
— Je crois que chacun peut un jour abjurer légèrement ses principes pour une belle récompense."
Cet homme est inquiétant, mais je n'ai rien à craindre de lui tant que je rentre dans son jeu. Est-il un pauvre type inoffensif un peu perdu ou représente-t-il une réelle menace ? Je suis tentée de l'envoyer bouler et de prévenir la police, mais il faut d'abord que j'en apprenne plus sur lui et sur ses projets.
"Admettons que je sois intéressée. Quel est votre plan ?
— Je suis le cerveau, vous êtes la scientifique. Je ne vous en dirai pas plus tant que je ne serai pas certain de votre adhésion.
— Je peux donc refuser ?
— Je vous le déconseille."
Illustrant sa menace, il soulève un pan de sa veste et me laisse distinguer la crosse d'un pistolet brillant sous l'éclairage nocturne.
"Vous voulez que je m'engage dans un projet dont je ne sais ni la raison ni le plan ? Vous n'avez pas l'air de vous y connaître en business.
— Disons que j'ai d'autres arguments.
— Expliquez-moi ce que vous attendez de moi."
Il balaye du regard la rue déserte autour de nous avant de me faire part de ses exigences.
"Stark a une armure. J'en veux une moi aussi.
— Vous voulez une armure pour combattre Iron man ?
— Vous n'êtes pas capable d'en créer une aussi puissante ?
— Si, certainement, menté-je éhontément.
— Bien. Combien de temps vous faut-il ?
— Attendez, vous ne me livrez pas assez d'informations pour que j'accepte de collaborer avec vous.
— Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.
— Qu'allez-vous faire avec cette armure ? Le tuer ?
— Non, j'ai une bien meilleure idée. Je veux qu'il me regarde le battre à son propre jeu.
— Vous allez vous faire passer pour lui ?
— Je dois reconnaître que vous êtes perspicace.
— Vous voulez détruire sa réputation, n'est-ce pas ? C'est malin.
— Vous acceptez donc de travailler avec moi ?
— J'ai encore une dernière question. Qui êtes-vous ? Que vous a-t-il fait pour que vous lui en vouliez autant ?
— Ça fait deux questions." s'amuse-t-il avant de partir sans répondre.
Je lève les yeux au ciel. Quel étrange personnage. Je rentre chez moi avec la ferme intention de l'ignorer, mais le message de menace que je trouve affiché sur mon réfrigérateur me convainc finalement de le prendre au sérieux.
Malgré mes réticences, je contacte Stark dès le lendemain pour avoir son avis sur le degré de dangerosité de son ennemi.
"Quelle surprise. Je vous manque déjà ? nargue sa voix dans mon casque.
— Il faut que je vous parle. J'ai... J'ai besoin de votre aide. Et vous avez besoin de la mienne.
— Voilà qui m'étonnerait.
— Écoutez, je n'ai... Nous n'avons pas le temps de tergiverser, il faut que nous nous rencontrions."
Je finis par le convaincre de m'accorder quelques minutes de son temps dans un lieu discret. Il m'écoute patiemment en hochant la tête régulièrement. Plus je lui décris l'homme, plus son air devient grave.
"Obadiah Stane. Il est pourtant mort sous mes yeux.
— Nous avons donc affaire à un revenant ?
— Je ne l'espère pas. Vous seriez prête à le piéger ?
— Ça semble être la meilleure des solutions."
Cela fait deux jours que je travaille inlassablement à la confection de cette armure, dont deux nuits de fabrication avec Tony. L'horloge de mon laboratoire affiche 2 heures du matin mais je ne ressens aucune fatigue. Chaque tâche est captivante, chaque pièce assemblée me procure une satisfaction que je ne saurais décrire. Nous n'avons pas abordé le sujet de notre baiser, trop occupés à notre ouvrage dont nous voyons enfin le bout. Je suis presque déçue d'en avoir bientôt terminé. Contre toute attente, travailler avec Tony s'est révélé agréable.
Alors que je tourne la tête vers lui, je le prends à m'observer. Loin de s'en intimider, il soutient mon regard et un sourire malin se dessine sur son visage.
"J'ai fini ce réacteur. Voulez-vous y jeter un coup d'œil et me dire ce que vous en pensez ?
— Avec plaisir." répond-il en s'approchant de moi.
Il est très proche. Il tourne la pièce entre ses doigts et l'examine scrupuleusement.
"Beau travail.
— Le grand Tony Stark trouve que j'ai fait du beau travail ! m'exclamé-je en m'éventant exagérément avec mes mains. C'est le plus beau jour de ma vie !
— C'est toujours un plaisir de donner confiance en eux à de jeunes espoirs."
Je m'apprête à répliquer mais mes yeux rencontrent les siens. Je ne me laisse pas désarçonner, mais je tourne la tête pour interrompre la tension naissante avant qu'elle ne me mène vers un chemin que je ne souhaite pas emprunter.
L'armure est fin prête et il ne nous reste plus qu'à mettre notre plan à exécution. Je suis résolue à affronter cet homme, armée de toute l'assurance dont je peux être capable.
"Voilà votre armure. À commande vocale, comme demandé.
— C'est merveilleux ! Je vais enfin pouvoir écraser Tony Stark." se réjouit Stane en la détaillant.
Je me surprends moi-même dans ma capacité à cacher ma nervosité. Sans trembler, je l'aide à l'enfiler.
"Et maintenant ?
— Comment vous sentez-vous à l'intérieur ? Elle vous convient ?
— Oui, oui. Comment je l'active ?
— Il suffit de dire... "Verrouillage".
— Armure verrouillée, articule une voix similaire à celle de Jarvis.
— Comment ça ? Qu'est-ce que... Je vous préviens, si vous me l'avez fait à l'envers, ça va mal se passer pour vous !" s'irrite-t-il.
Il tente de bouger, mais sans succès. Il est prisonnier de l'appareil que nous avons créé.
"Vous allez me le payer ! vocifère-t-il.
— C'est plutôt vous qui allez devoir payer, déclare une voix masculine depuis l'entrée de la pièce. Vous avez une idée du coût de fabrication de ce genre de truc ?
— Stark. Voilà un allié bien mal choisi.
— Je suis pourtant plutôt satisfaite de mon choix.
— C'est sûrement dû au fait que de nous deux, je suis le plus séduisant, ajoute Tony. Il s'agit donc bien de vous, Stane. Je vous croyais mort.
— Il ne faut pas croire tout ce que l'on raconte."
La conversation ne s'éternise pas et nous passons le relai à mon service de sécurité qui l'escorte vers la police. Tony et moi nous retrouvons seuls dans la pièce, soulagés de notre victoire.
"Vous n'avez même pas eu besoin d'enfiler votre armure.
— Déçue ?
— Je devrais l'être ?
— Elle me donne une certaine prestance, mais elle n'ajoute que peu de chose à ma personne."
Je ris malgré moi en l'entendant s'encenser une fois de plus.
"Nous devrions dîner ensemble, propose-t-il inopinément.
— Nous avons déjà dîner ensemble hier soir, il me semble ?
— Ces pizzas étaient délicieuses, je ne le nie pas, mais que diriez-vous d'un cadre plus attrayant que cette pièce que vous avez à peine quittée cette semaine ?
— C'est d'accord."
Un petit sourire s'affiche sur son visage. Le fréquenter ces derniers jours m'a donné envie d'apprendre davantage à le connaître. Tony Stark serait-il plus que ce séducteur infatigable ou que ce milliardaire vantard ?
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