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6. Raphaël

    Raphaël était de retour dans sa cellule. Enfermé. Enfermé à double tour.

    La porte avait à nouveau disparu, le laissant avec la fenêtre pour seule vue sur l'extérieur. Et, bien sûr, toujours pareil. L'eau. Depuis qu'il avait parlé à Philippe, la pièce n'avait pas changé, ou presque. En effet, avant de la quitter, elle était vide. Aucun meuble, aucune trace de vie, rien. Maintenant, il y avait trois couchettes en bois sur trois des quatre murs.

    Raphaël contemplait le coin le plus sombre de la pièce, tellement sombre qu'il ne voyait pas ce qu'il y avait, quand un bruit s'en échappa. C'était une sorte de toux, et Raphaël sursauta.

Raphaël : Qui... qui est là ?

    Il s'avança lentement vers les ténèbres. Une tête s'en détacha. Suivie de près par un torse puis par une queue de poisson grise. C'était un vieux triton à l'air malade, qui lui sourit.

Le triton : Je suis désolé... Je ne voulais pas t'effrayer... Je m'appelle Merlin.

Raphaël : Merlin comme Merlin l'enchanteur ?

    D'accord, faire référence à un dessin animé Disney n'était pas forcément la solution, mais Raphaël était tellement secoué qu'il n'y fit pas vraiment attention.

Merlin : Je suis désolé mais je ne connais pas de Merlin l'enchanteur. Quant à moi, je suis magicien, pas enchanteur.

    Magicien ? Et pourquoi pas sorcier ou vampire, tant qu'à faire ? Raphaël bafouilla :

Raphaël : Ma... magicien ? Mais... La magie n'existe pas !

Merlin : Pas dans ton monde, mon garçon. Dans celui-ci, la magie est très courante.

Raphaël : Ah...

    Raphaël n'avait pas envie de se triturer l'esprit avec ça. Il décida de faire comme si tout ça était normal, ce deuxième monde, les sirènes, les tritons, la magie...

Raphaël : Mais pourquoi êtes-vous là ?

    Quelle question ! Il était sans doute ici car il avait désobéi à Philippe, ou quelque chose dans le même genre. Raphaël se rabroua mentalement.

Merlin : J'étais un grand magicien. Le plus grand de tout le royaume. Le roi m'avait demandé de transformer sa fille aînée en humaine, afin qu'elle échappe au fils du traître. Malheureusement, le fils du traître m'a retrouvé et m'a enfermé ici. Cela fait quatre ans que je vis ici.

Raphaël : C'est vous qui avez transformé Aurore et qui l'avez emmenée dans mon monde ?

Merlin : Oui, mon garçon.

    Une information qu'avait donné le vieux triton le frappa comme un coup en pleine poitrine.

Raphaël : Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de traître et de fils du traître ?

Merlin : Il y a six ans, les jumeaux cadets du roi ont disparu. Le traître... pardon, à l'époque il s'appelait Robert Delacour... Bref, il devait marier son fils à la fille aînée du roi. Son fils devait devenir roi, seulement, il y avait les cadets, les deux jeunes frères de la princesse. Afin de faire accéder son fils au trône, Robert a enlevé les deux fils cadets du roi. Le roi a fait rechercher ses deux garçons dans tout le royaume, et encore au-delà. Deux semaines ont passé, sans nouvelles des princes. Puis un jour, on a retrouvé leurs corps. Une enquête a eu lieu et le coupable a été trouvé. Le roi a arrêté Robert et l'a fait exécuter sur la place publique. Robert était désormais connu comme le traître, et son fils, Philippe, ne s'en est jamais remis. Il a juré devant le roi et toute sa garde qu'il vengerait son père et qu'il serait le roi quand même. Le roi a ordonné son arrestation. Le gamin n'avait que dix ans, il ne pouvait donc pas ordonner son exécution, ç'aurait été trop cruel. Mais le gamin avait eu de l'aide de la part d'un magicien noir. Il s'est évaporé et personne ne l'a jamais retrouvé. Le roi a eu peur pour sa fille aînée, qui aurait du devenir l'épouse de Philippe. Il m'a alors demandé de la cacher. Ce que j'ai fait. Je lui ai volé ses souvenirs, je les ai remplacés par des faux, puis je l'ai transformée en humaine. Je l'ai envoyée dans une famille humaine, dont tous les membres avaient de faux souvenirs aussi. Elle a fait sa rentrée scolaire normalement, grâce aux faux souvenirs. Quant à ses vrais souvenirs, je les ai mis dans une fiole et donnés au roi. Mais d'après ce que j'ai compris, Philippe les a dérobés et compte les rendre à la princesse. Ce serait une catastrophe. Si la princesse vient à se souvenir qu'elle était amoureuse de lui, c'est la fin. Dis-moi mon garçon, avait-elle un petit ami, dans votre monde ?

    Raphaël fut un instant troublé par la question. Puis il répondit :

Raphaël : Non.

Merlin : Était-elle amoureuse d'un garçon, alors ?

    Raphaël avait eu vent de certaines rumeurs à propos d'Aurore. Mais si elle aimait un garçon, il le saurait. Elle était sa meilleure amie, et il savait tout sur elle. Enfin... tout sauf le fait qu'elle était en réalité une sirène cachée dans le monde des humains.

Raphaël : Non.

    Merlin esquissa une grimace de dégout. Raphaël devait faire une tête étrange, car Merlin lui expliqua :

Merlin : Alors c'est la fin. Si elle retrouve ses anciens souvenirs, elle gardera ses nouveaux aussi. Seulement, pour lui faire oublier l'amour qu'elle portait à Philippe, il aurait fallu qu'elle ait de nouveaux sentiments pour une autre personne.

Raphaël : Mais si Philippe ne lui rend pas ses souvenirs, il n'y a plus de problèmes !

    L'intervention du garçon ne sembla pas calmer le magicien pour autant, qui eut un sourire triste.

Merlin : Quand elle saura sa véritable identité, elle récupèrera ses souvenirs elle-même. Elle les récupèrera quoi qu'il arrive...

Raphaël : Et que se passera-t-il ?

Merlin : La fin. Philippe et elle vont renverser le gouvernement. Une fois le pouvoir pris dans ce monde, ils envahiront ton monde. Ils se l'approprieront. Puis, une fois Philippe roi, il tuera Aurore. À moins qu'il ne l'aime vraiment, ce dont je doute fortement... Mais si elle l'aime, ce sera la fin.

    Ce n'était pas pour rassurer Raphaël. La fin ? Il avait vu bon nombre de films, avec bon nombre de méchants qui souhaitaient la fin du monde, mais là, c'était réel, et ça commençait à le terroriser. C'était une chose de regarder un film apocalyptique, mais c'en était une autre de voir l'apocalypse en vrai. Et puis une idée lui vint. Et si Aurore n'aimait pas Philippe, que se passerait-il ? Était-ce cela qu'essayait de lui faire comprendre Merlin ?

Raphaël : Vous voulez dire... qu'il faudrait qu'elle tombe amoureuse de quelqu'un d'autre ?

Merlin : C'est ça.

    Une illumination se fit dans le cerveau de Raphaël et il s'écria :

Raphaël : Luca ! Ils sont sur le bateau ! Pierre sort avec Alissia, mais Luca est célibataire ! Ça peut marcher ! Il faut juste que...

Merlin : Mon garçon, j'ai bien peur que ton plan ne marche pas.

    Raphaël laissa sa phrase en suspens et lança un regard interrogateur au magicien.

Raphaël : Pourquoi ?

    Merlin haussa simplement les épaules et répondit d'un ton naturel :

Merlin : Parce que Luca a été capturé, tout comme toi. Et Aurore n'est plus sur le bateau. Elle est dans ce monde.

    La panique s'empara de Raphaël, néanmoins il demanda :

Raphaël : Comment pouvez-vous en être sûr ?

Merlin : Je suis magicien. Je sens la présence des humains dans mon monde.

    Raphaël allait rajouter quelque chose quand une porte se dessina dans le mur. Les deux tritons qui l'avaient mis dans le sac peu de temps avant entrèrent et vidèrent un sac en toile identique à celui dans lequel ils l'avaient transporté. Un garçon en sortit, tête la première.

    « Un garçon ! » pensa Raphaël. « Un vrai garçon ! Avec des jambes ! Et des pieds ! ».

    Le reconnaissant sur le champ, Raphaël s'écria :

Raphaël : Luca !

    Le garçon avec la tête par terre se redressa et se releva, époussetant ses habits d'un geste lent et recrachant une algue.

Luca : Raphaël ?! T'es là toi-aussi ?!

Raphaël : Mais t'étais sur le bateau !

    Ce fut tout ce qui vint à l'esprit de Raphaël. Autant dire que, comme répartie, ce n'était pas grandiose.

Luca : Oui, mais j'étais en train de plonger avec Aurore quand... je sais pas, je me suis retrouvé ici... Oh non ! Aurore ! Il faut la prévenir ! Ce gars, là, Philippe, c'est un taré ! Complètement givré ! Et il veut prendre Aurore !

    Raphaël mit une main sur l'épaule de son ami et le secoua légèrement.

Raphaël : Oui je sais. Maintenant calme-toi !

Luca : Mais Raphaël il faut l'aider ! Si Philippe l'attrape ! J'ai peur pour elle !

Raphaël : Oui, moi aussi. Mais écoute-moi !

    Luca s'assit sur une des couchettes, l'air très énervé. Il avait les poings serrés et semblait aux aguets.

Raphaël : Bien. Aurore est en danger, d'accord, sur ce point, on est d'accord. Maintenant écoute. Merlin, expliquez-lui.

Luca : C'est qui...

    Il n'eut pas le temps de finir sa question car Merlin l'interrompit :

Merlin : Je vais faire très court. Philippe est le fils de l'assassin des deux frères cadets d'Aurore. Et si Aurore n'éprouve pas de sentiments pour quelqu'un d'autre que Philippe lorsque celui-ci lui rendra ses souvenirs d'avant, elle va se mettre de son côté et ce sera la fin.

    Luca n'avait pas l'air de comprendre. Il avait dans les yeux cette lueur d'incompréhension profonde, mêlée d'agacement.

Raphaël : Aurore est passée dans ce monde, elle-aussi. Et si elle ne tombe pas amoureuse, c'est la fin. Tu sais ce que ça veut dire ?

Luca : Je ne comprends pas...

    Effectivement, il semblait vraiment perdu et perturbé. Il secoua la tête de droite à gauche en faisant retomber ses cheveux devant ses yeux.

Raphaël : Il faut qu'un garçon arrive à la séduire. Et les seuls garçons qu'elle connaisse dans ce monde... ne font pas partie de ce monde.

    Luca écarquilla les yeux. Il était long à la détente, pas vif du tout, mais il avait enfin compris. Enfin, c'est ce qu'en disait son regard ébahi.

Luca : Tu veux dire que...

Raphaël : Oui. Il va falloir qu'un deux nous deux la séduise. Il va falloir y arriver. Mais surtout, il faut qu'on s'échappe. Sinon, aucune chance qu'un de nous la séduise, si nous sommes dans cette cellule.

    Merlin se leva de sa couchette en mettant une main en l'air, l'air de dire ''arrêtez-vous, stop''.

Merlin : Attendez ! Il y a une condition !

Luca : Laquelle ?

Merlin : Ne lui brisez pas le cœur ! Si elle vient à avoir le cœur brisé par celui qu'elle aime, et qu'elle se rappelle ensuite qu'elle aimait Philippe, ce sera pire que tout. Sa rage sera telle qu'elle détruira tout sur son passage. Vous n'imaginez même pas à quel point elle est forte. Elle est sans doute meilleure magicienne que je ne le suis moi-même, et tout le monde sait que je suis, sans vouloir me vanter, le meilleur magicien. C'est d'ailleurs pour ça que le roi a fait appel à moi. Alors je vous en prie, ne lui brisez pas le cœur. Ni avant, ni après qu'elle ait retrouvé ses souvenirs. Ne lui brisez jamais le cœur.

    Raphaël ne savait plus quoi dire et Luca semblait dans le même cas, même si ce fut lui qui réagit le premier.

Luca : Je le promets. Si c'est moi qui la séduis... je promets de ne pas lui briser le cœur.

    Ça faisait un drôle d'effet de parler d'Aurore comme ça. Raphaël ne pensait jamais dire ça d'elle, et son ami semblait penser la même chose.

Raphaël : Moi aussi. Si c'est moi qui la séduis, je jure que je ne lui briserai pas le cœur !

    Merlin sourit mais secoua négativement la tête. Quoi ? Qu'est-ce qu'il y avait, encore ?

Merlin : Cela ne suffit pas, mes garçons. Vous ne pouvez pas simplement dire ''je le promets''. Dans ce monde, ça ne suffit pas. Dans ce monde, les promesses doivent être respectées. Et pour y veiller, nous faisons des serments de sang.

Raphaël : Des quoi ?!

    Le triton leva les yeux au ciel, l'air exaspéré.

Merlin : Des serments de sang. Si vous promettez, il faut faire un serment de sang.

Luca : Et en quoi ça consiste ?

    Il s'était levé et nageait dans la pièce de long en large d'un air perplexe.

Merlin : Eh bien, votre promesse est enregistrée dans un serment de sang. Afin de sceller le serment, vous devez signer avec votre sang. Et si jamais vous le rompez... Eh bien, sachez que si vous le rompez, votre sort sera pire que la mort !

Luca : Et on est obligés de le faire ? On ne peut pas tout simplement promettre ?

    Luca avait arrêté de tourner en rond et semblait outragé. Raphaël comprenait tout à fait sa réaction.

Merlin : Auriez-vous l'intention de briser le cœur de la princesse ?

    Raphaël ne prit pas deux secondes pour répondre vivement :

Raphaël : Non.

    Et Luca ajouta à son tour :

Luca : Non, bien sûr.

    Merlin hocha la tête d'un mouvement entendu.

Merlin : Alors vous allez devoir faire un serment de sang.

Raphaël : D'accord.

Luca : Bien sûr.

Merlin : Bien. Mettez votre main droite devant vous.

    Les deux garçons s'exécutèrent et placèrent leur main droite juste devant eux, et Merlin proclama alors d'un ton solennel :

Merlin : Pour le roi, la reine, et leurs enfants... Vous ferez ce serment de sang... Moi, Merlin, magicien de première division et de première classe, je procède au serment de sang liant la princesse Aurore à ces deux garçons. Promettez-vous de ne jamais briser le cœur de la princesse ? Répondez : je le promets ou je refuse.

Raphaël : Je le promets.

Luca : Je le promets.

    Deux langues de feu sortirent chacune de la main d'un des garçons et se rejoignirent devant eux pour former un parchemin doré et rougeoyant.

Merlin : Promettez-vous de prendre soin de la princesse ?

Raphaël : Je le promets.

Luca : Je le promets.

    Deux autres langues de feu se joignirent aux deux premières, faisant rougeoyer encore plus le parchemin.

Merlin : Enfin, promettez-vous de défendre la princesse, même si c'est au prix de votre propre vie ?

Raphaël : Il n'a jamais été question de ça !

    Merlin haussa les sourcils et tourna la tête vers Raphaël. Il haussa légèrement le ton.

Merlin : Un serment de sang se fait avec trois questions. Ce ne sont pas mes questions, ce sont les questions du serment de sang. Alors je répète : promettez-vous de défendre la princesse, même si c'est au prix de votre propre vie ?

Luca : Je le promets.

    Raphaël hésita un instant, mais se ravisa. Aurore était sa meilleure amie, il n'avait pas le droit d'hésiter. S'il devait mourir pour elle, alors il le ferait. Elle ferait sans aucun doute la même chose pour lui.

Raphaël : Je le promets.

    Deux langues de feu se joignirent aux quatre autres, et le rougeoiement du parchemin devint si fort qu'il finit par cacher la couleur dorée du papier.

Merlin : Maintenant, vous devez sceller le serment.

    Il sortit une aiguille et piqua le doigt de Raphaël avec. Il étala le sang en bas à droite du parchemin. Puis il piqua le doigt de Luca et en étala le sang en bas à gauche du parchemin.

Merlin : Signez chacun dans votre sang.

    Ils s'exécutèrent et le parchemin cessa de rougeoyer. Merlin le prit et le referma.

Merlin : Pour le roi, la reine, et leurs enfants... Vous avez scellé ce serment de sang... Puissiez-vous respecter votre serment.

    D'un mouvement de main, il fit disparaître le parchemin dans un petit nuage de fumée.

Merlin : Et voilà. Tâchez de respecter votre serment, mes garçons, sinon vous connaissez votre sort. Maintenant, il faut espérer que quelqu'un vienne nous libérer. Sinon, vous ne pourrez jamais essayer de la séduire et l'empêcher de tomber dans les bras de Philippe.

    Raphaël eut un sursaut et demanda :

Raphaël : Attendez une seconde ! Et si jamais il lui arrive quelque chose, à Aurore, et qu'on ne peut pas la sauver parce qu'on est ici... Est-ce que c'est rompre le serment de sang ?

Merlin : Hum... Je ne sais pas... Attendez, je vérifie.

    D'un geste de main, il fit apparaître un énorme grimoire et il se mit à chercher dedans. Quelques secondes plus tard, il pointa du doigt une page du grimoire en s'exclamant :

Merlin : Là. C'est stipulé ''peu importe la situation'', donc oui, s'il lui arrive quelque chose, même si vous êtes là, vous rompez votre serment.

    Alors que Raphaël allait ajouter quelque chose, un rugissement le fit sursauter. Luca était debout, rouge de colère, et s'était mis à crier.

Luca : Il faut qu'on sorte d'ici ! Raphaël ! Il faut qu'on s'échappe ! Absolument ! Raphaël !

Raphaël : Oui, j'ai compris. On doit s'échapper, mais je tiens à te rappeler qu'il n'y a pas de porte et que la fenêtre fait dix centimètres d'épaisseur et qu'il y a des barreaux de l'autre côté !

    L'information sembla faire redescendre Luca sur terre. Enfin... N'étant pas sur la terre, il ne pouvait pas réellement redescendre sur terre, mais alors que devait-il dire ? Redescendre en mer ? Redescendre sous l'eau ?

Luca : Merlin, vous ne pouvez pas faire quelque chose ? Vous êtes magicien !

Merlin : Oui, je suis magicien. Mais ces murs ont été immunisés contre toute forme de magie.

    Luca ne répondit pas. Il semblait réfléchir profondément. Soudain, son regard s'éclaira. C'était comme s'il venait d'avoir une illumination.

Luca : Et quand les tritons entrent ? Ils ouvrent une porte dans le mur, non ?

Merlin : Oui, seulement, ils ont chacun une clé et seule la réunion des deux clés dans les bonnes serrures ouvre la porte. C'est ce qu'on appelle de la magie commandée.

    Alors que Luca et Merlin semblaient en discussion plutôt animée, Raphaël réfléchissait au serment de sang qu'ils venaient de faire. Il demanda :

Raphaël : Merlin... Si un seul de nous deux brise le serment... Que se passe-t-il ?

    Le magicien se tourna vers lui avec un regard indéchiffrable.

Merlin : Seul celui qui brise le serment sera puni.

Raphaël : Et que devient le serment ?

Merlin : Il devient poussière.

Raphaël : Vous voulez dire que si l'un de nous rompt le serment, il est détruit ? Le deuxième n'a donc plus de serment ?

Merlin : C'est exactement ça. Le serment sera aussi détruit si l'un d'entre vous meurt.

    Bon, eh bien, c'était bon à savoir. Raphaël essayait de comprendre une peu le fonctionnement des serments de sang, mais il lui était impossible de réfléchir plus longtemps car Luca secouait en vain la fenêtre en criant.

Luca : Ouvre-toi ! Ouvre-toi, saleté de fenêtre ! Je veux sortir ! Laissez-moi sortir d'ici ! Aurore ! Aurore !

    Raphaël s'emporta contre son ami.

Raphaël : Luca ! Tu veux pas la fermer ? Ça sert à rien de gueuler ! Viens t'asseoir ! Et arrête de hurler, tu m'empêches de réfléchir !

    Luca vint et s'assit sur la couchette de paille à côté de Raphaël, mais il avait l'air vachement en colère.

Luca : Alors d'après toi, onfait quoi ? On s'assoit et on attend de subir un sort pire que la mort parce qu'Aurore est quelque part dans ce monde, poursuivie par un prince charmant complètement taré et qu'elle risque sûrement sa peau ?

Raphaël : Je n'ai jamais dit ça. Mais au lieu de hurler et de cogner contre une fenêtre qui ne bougera pas, ce qui, entre nous, est totalement bête et inutile, on réfléchit. On ne laisse pas la panique nous prendre, on réfléchit. Il y a sûrement un moyen de joindre quelqu'un. Sûrement un moyen de la joindre, elle.

    Il se tourna vers Merlin. Une idée venait de germer dans son esprit, mais une idée tellement tordue qu'il hésitait à la prononcer à voix haute. Et puis, son amitié pour Aurore l'emporta, et il demanda doucement à Merlin :

Raphaël : Vous n'auriez pas un téléphone, par hasard, vous qui êtes magicien ?

    Merlin eut une expression bizarre, avant d'hausser les sourcils comme s'il venait de faire la découverte du siècle.

Merlin : Euh... Est-ce qu'un téléphone, ce n'est pas ça ?

    Il fit apparaître au creux de sa main un objet et Raphaël écarquilla les yeux.

Raphaël : Si ! C'est exactement ça ! Merlin vous êtes un génie !

Merlin : Non, je suis un magicien. Mon frère, lui, est un génie.

    Manquait plus que ça ! Maintenant, après les magiciens, les génies !

    Raphaël ajouta précipitamment :

Raphaël : Simple expression.

    Il se saisit du téléphone. Étrange, il était sous l'eau mais semblait fonctionner. L'écran s'éclaira au contact de ses doigts.

Raphaël : Comment peut-il fonctionner sous l'eau ?

    Merlin haussa les épaules. Apparemment, pour lui, la question semblait vraiment stupide.

Merlin : La magie, mon garçon. Les phénomènes que tu ne peux expliquer sont dus à la magie.

Raphaël : D'accord.

    Il alluma le téléphone. Par chance, celui-ci n'avait pas de code de verrouillage et le code pin avait déjà été tapé. Par magie ou manuellement ? En fait, il s'en fichait, il devait contacter Aurore, absolument. Il tapa le numéro d'Aurore, qu'il connaissait par coeur. Rien. Messagerie. Luca se leva et s'approcha de lui et lui posa une main sur l'épaule.

Luca : Alors ?

Raphaël : Messagerie. J'appelle Pierre.

Luca : Pourquoi ? Elle n'est pas avec lui de toute façon !

    Il marquait un point.

Raphaël : C'est vrai... Je réessaye, tant pis !

    Il appela une deuxième fois Aurore et plaqua le téléphone contre son oreille.

Raphaël : Ça sonne.

Il eut droit à un sourire ravi de Luca et un hochement de tête de Merlin.

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