Raphaël prit son épée et alla rejoindre Jordan, qui faisait désespérément signe à Aurore.

Raphaël : Laisse tomber, Jordan. Elle a besoin de temps. On ira la voir tout à l'heure. Et puis elle a déjà allumé ses mannequins.

Jordan : D'accord...

Raphaël : Et puis de toute façon, cette fille, si elle a une idée en tête, elle est plus têtue qu'une mule.

Jordan sembla troublé par l'expression.

Jordan : Une mule ?

Raphaël haussa les sourcils.

Raphaël : Oui, une mule. Un âne, si tu préfères.

Jordan : Un âne ?

Raphaël : Tu ne sais pas ce que c'est qu'un âne ?

Jordan : Si, mais... on n'en a aucun dans ce monde...

Raphaël se mit à rire. Il avait tendance à oublier qu'il se trouvait dans un monde autre que le sien.

Raphaël : Alors vous dites comment pour traiter quelqu'un de têtu ?

Jordan sembla réfléchir profondément à la question, puis il eut un sourire et répondit :

Jordan : On dit qu'il est aussi têtu qu'une murène.

Raphaël : Une murène ? Sans blague ?

Raphaël se mit à rire plus fort. C'en était une expression, ''aussi têtu qu'une murène'' !

Jordan : Les murènes sont vraiment têtues. Alors, oui, on dit de quelqu'un qu'il est aussi têtu qu'une murène. Enfin... Vous êtes tous là ?

Luca : Ouais. Enfin... Tous sauf Aurore...

Raphaël leva les yeux au ciel. C'était évident qu'il ne manquait qu'Aurore, puisqu'on pouvait clairement la voir s'entraîner seule dans sa bulle.

Jordan : Alors on va pouvoir commencer. Aujourd'hui, on va commencer l'entraînement par deux. Leo, Sean, vous allez essayer d'expérimenter vos pouvoirs. Axelle, Céleste, vous allez dans la bulle pour produits chimiques. Luca, Raphaël, vous allez dans l'espace le plus grand.

Raphaël : Et toi ?

Jordan haussa les épaules et secoua la tête comme si la question était stupide.

Jordan : Moi ? Je vais aller m'entraîner dans l'espace réservé aux épées et aux lances.

Raphaël : Mais... Tout seul ?

Jordan écarta les bras.

Jordan : Ben ouais, on est un nombre impair. Quand Aurore sera remise et qu'elle reviendra, on sera un nombre pair, et je pourrais me mettre avec quelqu'un. On fera des changements d'équipes pour s'habituer à se battre en coopération avec chacun d'entre nous.

Sur ce, il partit vers l'espace d'entraînement, laissant Raphaël et Luca seuls.

Raphaël : D'accord...

Il adressa un signe de tête à Luca, qui prenait son arc et son carquois.

Raphaël : Alors on est tous les deux...

Luca : Faut croire... Alors, on y va ? On a des mannequins à tuer !

Raphaël : Pour sûr !

Ils nagèrent vers le grand espace que Jordan leur avait indiqué.

Ils venaient de pénétrer dans le vaste espace quand Luca lança :

Luca : C'est tout de même pas pratique, des jambes !

Raphaël se tourna vers lui.

Raphaël : Qu'est-ce que tu racontes ?

Luca secoua ses pieds dans l'eau.

Luca : Ben, sous l'eau, c'est pas pratique d'avoir des jambes. Regarde le temps qu'on met à parcourir une distance donnée par rapport aux autres !

Raphaël : Ah. Ouais, c'est vrai. Mais perso, je suis bien content d'avoir toujours mes jambes, et pas une queue de poisson à la place.

Luca : Moi aussi.

Il resta silencieux quelques secondes, avant de demander :

Luca : À ton avis, de quelle couleur seraient nos queues si on en avait ?

« Bonne question », pensa Raphaël. « C'est vrai que ça serait intéressant de savoir pourquoi untel ou untel a la queue de telle ou telle couleur ».

Il répondit :

Raphaël : Aucune idée. Je pense qu'il doit y avoir une logique derrière la coloration des queues. Par exemple, si on prend Aurore, c'est une princesse. En général, les princesses sont en rose. La queue d'Aurore est rose. Celles de ses frères sont bleues. Pour un prince, le bleu, c'est bien. Après, regarde Jordan. Lui, il a une queue rouge. Et Merlin... Il a une queue grise... Si je devais miser sur la couleur de nos queues, je dirais... hum... orange pour toi, et euh... jaune pour moi.

Luca : Ouais, je dirais pareil, sans doute, ou alors peut-être l'inverse, orange pour toi et jaune pour moi.

Raphaël se dirigea vers le bouton d'allumage des mannequins.

Raphaël : Niveau combien ?

Luca haussa les épaules.

Luca : Au max.

Raphaël : T'es sûr ? Je voudrais pas que tu te blesses, on est deux cette fois.

Luca lui fit un grand sourire.

Luca : C'est mignon de t'inquiéter pour moi, mon chéri, mais ça va aller !

Raphaël : Pfff, tais-toi, espèce d'imbécile !

Et il alluma les mannequins. Dans un bruissement de fer et de bois, ils s'activèrent et s'éparpillèrent sur le terrain.

Luca : Tu prends ceux qui sont près, je prends ceux qui sont loin ?

Raphaël acquiesça et se tourna vers les mannequins. Il les héla :

Raphaël : Parfait ! Venez voir un peu de quel bois on se chauffe !

Luca : Allez, bande de fesses de fer ! Tronches de bois !

Raphaël se tourna vers son ami. Sérieusement ?

Raphaël : Euh... Fesses de fer ? Tronches de bois ?

Luca : Ouais ! C'est comme ça que je les insulte !

Luca semblait réellement enjoué, alors Raphaël lui sourit.

Raphaël : Génial. Tout simplement génial. Allons attaquer ces fesses de fer !

Il se précipita vers un petit groupe de mannequins qui s'élançaient à toute vitesse vers lui, trop près pour faire de bonnes cibles pour un arc. Il dégaina son épée, tandis qu'une flèche volait à côté de lui et allait se figer dans un mannequin, un peu plus loin. D'un mouvement parfaitement maîtrisé, il réussi à décapiter un premier mannequin, puis en éventra un deuxième, et enfin transperça un troisième. Raphaël entendait les flèches siffler non loin de lui. Un mannequin se désactiva à quelques mètres. Luca poussa un cri rageur.

Luca : Mais crève, bon sang !

Raphaël se retourna en sursautant, pensant que son ami s'adressait à lui.

Raphaël : Comment ?

Luca : Mais pas toi ! Lui !

Raphaël se tourna dans la direction que pointait Luca du doigt. Un mannequin était couvert de flèches, mais ne semblait pas vouloir se désactiver. Pourtant, vu le nombre de flèches plantées un peu partout dans son torse et sa tête, il aurait dû être désactivé depuis longtemps, même au plus haut niveau.

Raphaël : Comment...

Il ne put finir sa phrase, Luca le coupa avec violence :

Luca : Je ne sais pas ! Il aurait dû se désactiver quand la première flèche lui a transpercé la tête ! Et encore quand la deuxième s'est figée dans son torse ! Et toutes les autres fois où il s'est pris une flèche ! Je ne comprends pas !

Son ami semblait vraiment énervé, et Raphaël comprenait. Ce mannequin aurait dû être désactivé, il y avait quelque chose d'anormal.

Raphaël : C'est impossible !

Luca : Ça devrait, en tout cas !

Raphaël regarda aux alentours. Jordan et les autres étaient absorbés dans leur entraînement. Et Aurore... Mais où était-elle ? Elle n'était plus dans sa bulle. Raphaël la chercha du regard, mais impossible de la trouver.

Luca continuait de s'énerver contre le mannequin invincible.

Luca : Crève ! Crève crève CRÈVE !

Raphaël : Attends, calme-toi ! On va essayer de le tuer à l'épée. Prends la tienne, et on y va !

Luca s'exécuta. Il lâcha son arc, qui flotta alors dans l'eau, et dégaina son épée. Les deux garçons s'approchèrent du mannequin. Mais, alors qu'ils allaient l'attaquer, quelque chose d'inexplicable se produisit. Le mannequin se figea et un rictus se dessina sur sa tête de bois. Or, normalement, ce n'aurait jamais du arriver puisque les mannequins n'avaient tout bonnement pas de bouche.

Un rire s'éleva, et le sang de Raphaël ne fit qu'un tour. Il était pétrifié, et Luca semblait dans le même cas. La pièce s'assombrit alors.

Jordan cessa son entraînement et se tourna vers eux. Raphaël lut de la terreur dans son regard, malgré la distance qui les séparait. Jordan ne semblait pas pouvoir bouger non plus, tout comme Céleste et Axelle. Une question lui demeurait cependant à l'esprit : où était Aurore ?

Le mannequin riait toujours, et Raphaël reconnut la voix de Philippe lorsqu'il se mit à parler.

Philippe : Chers amis ! Je suis heureux de voir que vous avez progressé ! Mais, je crois qu'une mise au point s'impose. Vous ne faites pas le poids face à mon armée. Je vous laisse choisir : vous vous retirez simplement, en me laissant le reste de votre équipe, et vous êtes libres de partir vivants. Si vous vous obstinez à vous battre, vous mourrez tous. Vous avez beaucoup progressé, mais vous n'avez aucune chance contre moi.

Raphaël mit toute sa volonté à l'oeuvre pour répondre.

Raphaël : Jamais ! Nous ne te laisserons jamais gagner ! Et nous sommes plus forts que tu ne le crois ! Va au diable !

Le mannequin se mit à rire du rire diabolique de Philippe. Raphaël persistait à croire qu'un prince charmant n'aurait jamais pu avoirce rire.

Philippe : Bien. Dans ce cas... Je me vois obligé de vous envoyer une petite surprise. Amusez-vous bien. Oh, et, j'oubliais ! Sachez que même si vous êtes tous les deux amoureux d'Aurore, cela ne la sauvera pas, ni vous non plus, d'ailleurs. Et croyez-moi, votre mort sera très douloureuse ! Sur ce, je vous souhaite...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le mannequin vola en morceaux. Juste derrière lui se tenait une fille. Plus précisément, une sirène. À la queue rose nacré, aux cheveux blonds et aux yeux bleus transperçants comme des éclairs.

Raphaël : Aurore ! Je... Ce qu'a dit Philippe... Ce n'est pas...

Les yeux de la jeune fille lançaient des éclairs, et elle semblait prête à étriper quiconque se mettrait sur son chemin.

Aurore : On s'en fiche. On a des problèmes plus importants à régler ! On a de la visite.

Jordan arriva à toute vitesse, suivi par Céleste, Axelle et les jumeaux, puis Merlin arriva à son tour, un peu plus lentement.

Jordan : On a des ennuis. De gros ennuis. Ils arrivent. Peut-être pas toute son armée, mais une bonne partie. On est mal.

Raphaël ne comprenait pas comment ils pouvaient être attaqués, puisque Jordan leur avait clairement dit que le sort de protection était assez puissant pour les camoufler, et Luca semblait penser la même chose car il demanda :

Luca : Je croyais que cet endroit était protégé et que personne ne pouvait y entrer sans y être invité ?

Jordan : C'est vrai, il l'est. Mais Philippe a réussi à percer les défenses de la maison. Il doit avoir un puissant magicien à ses côtés. On doit être prêts. Ils arrivent. Tenez-vous sur vos gardes !

Raphaël serra un peu plus son épée dans sa main. Puis il remarqua quelque chose qui flottait quelques mètres plus loin. Vision d'horreur. Il cria :

Raphaël : Luca, ton arc !

Ce dernier réagit au quart de tour. Il se propulsa dans l'eau et saisit son arme par la même occasion. Juste à temps pour revenir avec eux, et, comme le reste de la bande, entendre les troupes de Philippe arriver et défoncer les murs, le plafond, et même le sol.