13. Aurore
Aurore ne comprenait pas pourquoi les garçons riaient. Elle ne comprenait pas non plus pourquoi elle avait dit ça à Luca. Elle avait été si méchante ! Comment ne pas regretter ses paroles après avoir vu le regard triste de Luca à ce moment-là ? Elle avait une envie folle de pleurer, mais se maîtrisa. Elle était amoureuse de lui et ne souhaitait que l'embrasser. Mais non, après qu'il l'ait embrassée, elle s'était sentie obligée d'y mettre un terme. Elle pensait sans doute qu'elle pourrait le protéger, comme ça. Et cette histoire de sort pire que la mort, c'était quoi, d'abord ?
Elle demanda :
Aurore : C'est quoi cette histoire de sort pire que la mort ?
Raphaël leva les yeux vers elle, souriant comme un fou.
Raphaël : Tu t'inquiètes pour nous ? Comme c'est mignon !
Aurore devint cramoisie. Elle détestait rougir à chaque fois que lui, ou Luca, la prenaient au dépourvu, mais c'était plus fort qu'elle, et elle n'arrivait pas à le maîtriser. On aurait pu croire qu'en étant magicienne, elle pourrait contrôler le rougissement de son visage. Mais non, elle devait se contenter de détruire les châteaux maléfiques et faire de la télépathie, sans pouvoir empêcher ses joues de s'empourprer dès qu'un garçon lui adressait la parole.
Aurore : Non, ce n'est pas mignon. Je te rappelle que vous êtes mes meilleurs amis, alors c'est normal que je m'inquiète pour vous ! Et j'exige que vous m'expliquiez ! Tout de suite !
Le ton de sa voix indiquait clairement qu'elle ne plaisantait pas, du moins elle l'espérait. Mais Raphaël redevint tout à coup sérieux et répondit d'un ton sans appel :
Raphaël : Non.
Aurore : Comment ça, ''non'' ?
Raphaël : Non.
Aurore se tourna vers Luca, en quête d'explications. Il avait le regard fuyant.
Aurore : Tu peux m'expliquer ?
Luca : Non.
Aurore : Non tu peux pas, ou non tu veux pas ?
Luca : Non, je veux pas.
Non mais de quel droit osaient-ils lui cacher des informations ? C'était de leur sort qu'ils parlaient, elle en était sûre. Alors pourquoi un sort pire que la mort ? Il était hors de question qu'elle les laisse tomber, alors elle s'énerva.
Aurore : Que ce soit clair, vous allez m'expliquer TOUT DE SUITE ! Sinon je vous promets que ça va barder ! Surtout que ça a l'air de me concerner, et de vous concerner aussi ! Il est hors de question que je vous laisse tomber, alors bougez-vous et expliquez-moi !
Les murs tremblèrent sous l'effet de sa colère. Elle ne l'avait pas voulu, mais elle ne pouvait plus se maîtriser.
Elle lança un regard noir à Raphaël, que celui-ci soutint sans la moindre difficulté. Il avait toujours plus ou moins réussi à soutenir ses regards noirs, mais là, il y semblait vraiment décidé et ne lâcha pas prise.
Raphaël : On a rien à t'expliquer. Rien ne nous y oblige. Alors tu pourras faire ce que tu veux, on ne t'expliquera pas.
Aurore ne dit plus un mot et baissa les yeux. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un avait réussi à lui faire baisser les yeux alors qu'elle lançait son regard noir.
Elle entra alors dans une fureur noire qu'elle ne comprenait pas. D'où sortait-elle toute cette colère, toute cette haine ? La violence était encore plus grande car elle ne disait plus rien.
Elle fusilla Raphaël du regard avec une méchanceté qui ne lui était pas propre. Elle lui lança toute la colère qu'elle possédait. Et, elle ne sut pas comment, mais Raphaël fut projeté dix mètres plus loin. Il s'écrasa contre le mur dans un bruit mat. Puis il glissa, inconscient, et se mit à flotter.
À la vue de son meilleur ami gisant inconscient à cause d'elle, toute la colère d'Aurore retomba d'un seul coup, et elle aperçut alors l'étendue des dégâts.
Elle se précipita vers Raphaël, suivie de près par Axelle. Celle-ci semblait plus curieuse qu'inquiète. Aurore posa la main sur la poitrine de Raphaël et se concentra pour sentir quelque chose. Bonne nouvelle, il respirait toujours.
Axelle s'approcha, comme pour s'assurer elle-aussi qu'il respirait, et Aurore se tourna vers elle. Elle pointa la main dans sa direction et toute sa colère lui revint. Elle n'avait pas intérêt à le toucher ! Il était hors de question qu'elle le touche ! Après avoir vu le regard qu'avait lancé Raphaël à cette sirène, la manière dont ils s'étaient regardés, Aurore n'avait qu'une envie : qu'elle s'en aille et ne revienne plus jamais !
Aurore : Ne t'approche pas de lui !
Axelle n'eut pas le temps de dire un mot qu'elle s'écrasa à son tour sur le mur. Elle flotta à son tour, inconsciente.
Céleste poussa un cri de terreur, et Merlin nagea vers Axelle afin de s'assurer qu'elle était bien vivante. Mais Aurore se fichait pas mal qu'elle soit morte ou vive.
Merlin : Princesse ! Je vous en prie, essayez de vous contrôler !
Aurore se tourna vers lui, et sentit toute sa colère refluer.
Elle se mit à pleurer. Mais qu'avait-elle fait ? Elle était un monstre ! Comment pourrait-elle jamais se pardonner d'avoir fait du mal à Raphaël ?
Aurore : Je... je suis vraiment désolée... je sais pas ce qu'il m'a pris... je m'excuse, vraiment... je ne comprends pas...
Elle continua de pleurer de plus belle.
À travers ses larmes, elle vit qu'Axelle s'était relevée et que Merlin se tenait à côté d'elle, droit comme un i.
Merlin : Vous êtes bien trop puissante, Princesse. Vous devez vous contrôler, ou ce sera la fin ! Si vous ne vous contrôlez pas, Philippe n'aura pas besoin de détruire le royaume, vous vous en chargerez pour lui ! Faites attention !
À côté d'elle, Raphaël reprenait connaissance. Il commença par tousser un peu puis ouvrit les yeux. Il avait un légère entaille sur le front et se frotta le bras sur lequel il avait atterri sur le mur.
À l'autre bout du couloir, Axelle la toisait d'un air mauvais. Mais Aurore s'en fichait. Tout ce qui comptait, c'était que Raphaël aille bien.
Aurore : Raphaël... Est-ce que ça va ?
Raphaël hocha la tête et regarda tout autour de lui.
Raphaël : Que... qu'est-ce qu'il s'est passé ? Est-ce que... est-ce que c'est toi qui as fait ça, Aurore ?
Aurore blêmit. Oui, c'était elle. Elle savait ce qu'il devait penser d'elle. Elle était un monstre. Après tout, pour faire du mal à ses propres amis, il fallait être un monstre.
Elle acquiesça et baissa les yeux.
Aurore : Oui, c'est moi... Mais je te jure que je ne voulais pas... Je ne comprends pas... Je suis vraiment désolée, Raphaël, je... je suis un monstre...
Raphaël lui adressa un faible sourire et secoua la tête de gauche à droite.
Raphaël : Non... Non, ne dis pas ça... Ça arrive à tout le monde de s'énerver, on ne va pas en faire tout un plat...
Luca : Au moins, on sait qu'il ne faut pas te contrarier !
Aurore se tourna vivement vers lui. Il se tenait quelques mètres plus loin et, malgré le sourire flottant sur ses lèvres, Aurore devina qu'il était inquiet.
Aurore : Ce n'est pas drôle, Luca ! Il aurait pu s'être cassé quelque chose ! J'aurais pu lui faire du mal ! Ou pire ! J'aurais pu le tuer ! Tu ne comprends pas ? Si je n'arrive pas à me contrôler... Je risque de vous faire du mal, à tous ! Je ne supporterai pas si quelque chose comme ça se reproduisait...
Luca hocha la tête calmement.
Luca : Mais tout ça parce qu'on a refusé de te dire ?
Aurore acquiesça et ajouta :
Aurore : Alors imagine un peu si c'est pour quelque chose de plus grave !
Derrière elle, Raphaël poussa un gémissement de douleur. Aurore se retourna vers lui.
Aurore : Raphaël... Je suis tellement désolée !
Raphaël : Tu tenais tant que ça à ce qu'on t'explique ?
Aurore baissa les yeux et sentit ses yeux picoter. Elle avait envie de pleurer et de se blottir dans ses bras, mais elle se força à rester concentrée.
Aurore : Oui mais... je n'ai jamais voulu faire ce que j'ai fait...
Raphaël : Ça, je n'en doute pas. Je le sais, je te connais. Tu n'aurais pas fait de mal à une mouche, en temps normal. Alors faire du mal à tes amis ?
Il se redressa et se mit à agiter ses bras et ses jambes pour aller s'assoir sur le sol.
Raphaël : Je ne peux pas tout t'expliquer, tu ne comprendrais pas. Puis ça mettrait en péril notre mission. Mais je peux toujours t'expliquer un peu. Lorsque Luca et moi étions dans la cellule, nous avons... fait un serment de sang...
Aurore comprenait de quoi il en retournait, mais avant qu'elle ait put demander des informations complémentaires, Axelle s'écria :
Axelle : Un serment de sang ?!
Raphaël tourna la tête vers elle.
Raphaël : Oui. On a aussi eu une mission à accomplir, mais ça, c'est autre chose.
Aurore intercepta un regard en coin qu'il jetait à Luca. Elle fronça les sourcils.
Céleste : En quoi consiste ce serment de sang ?
Raphaël : Nous avons juré, en gros, de prendre soin de la princesse et de la protéger, même si c'est au prix de notre propre vie.
Aurore était toujours en train de réfléchir à la notion de serment de sang, alors elle ne prêta pas grande attention à ce que disait Raphaël. Puis ses paroles firent leur chemin et Aurore sursauta comme si on l'avait frappée.
Aurore : Vous avez fait... Quoi ?!
Raphaël poussa un long soupir.
Raphaël : On a juré de te protéger. Et si jamais on rompt notre serment... Notre sort sera pire que la mort.
Aurore s'écarta vivement de lui pour le regarder droit dans les yeux. Est-ce qu'il plaisantait ? Son regard indiquait clairement quenon.
Aurore : Mais pourquoi vous avez fait ça ? Vous êtes complètement idiots ! Je peux me défendre toute seule ! Et je ne vais pas vous laisser risquer votre vie pour moi ! Vous êtes cinglés si vous pensez ça ! Il est hors de question que l'un de vous ne meure pour moi, c'est clair ? Je ne vous le pardonnerais jamais !
Luca s'approcha d'elle et lui posa une main sur l'épaule. Oh non ! Aurore espéra qu'elle ne rougissait pas, du moins pas trop, ou si c'était le cas, alors que personne ne le remarquerait. Elle était tellement sensible à chaque geste que faisait Luca envers elle.
Elle eut soudain envie de pleurer. Elle l'avait rejeté méchamment. Ce n'était pas son genre, d'habitude. Elle ne comprenait pas. Même si c'était pour le protéger, elle avait été méchante. Et Raphaël qui l'avait fixée comme s'il pouvait lire dans ses pensées. Il ne pourrait jamais savoir. Il ne pourrait jamais savoir à quel point elle aimait Luca mais à quel point elle l'aimait, lui-aussi. Il ne pourrait jamais savoir.
Elle revint à Luca et sa main posée sur son épaule, et espéra encore une fois qu'elle ne rougissait pas trop.
Luca : Eh ! T'inquiètes pas, Aurore, je crois qu'aucun d'entre nous n'a envie que tu meures, mais on n'a pas non plus envie de mourir ! On fera tout pour te protéger en évitant quand même de mourir. Ça serait sympa si on pouvait tous survivre, non ?
Il lui fit un clin d'oeil et Raphaël éclata de rire. C'était tellement réconfortant de l'entendre rire. Aurore avait bien failli lui faire du mal. Involontairement, mais quand même ! Il fallait qu'elle se maîtrise, si elle ne voulait pas leur faire de mal. Elle était devenue un danger, et il fallait que ça change.
Raphaël : Tu l'as dit !
Il se releva, épousseta ses habits comme s'ils avaient été de vieux tapis poussiéreux, et sourit à Aurore.
Raphaël : Allez ! On a du pain sur la planche, si on veut gagner cette bataille ! Il va falloir s'organiser !
Il se tourna ensuite vers Céleste. Qu'allait-il donc lui demander ? Allait-il lui demander si elle connaissait un moyen de vaincre Philippe sans que personne ne meure ?
Aurore envoya ses pensées au second plan et écouta Raphaël demander :
Raphaël : Serait-il possible d'aller voir le Grand Cavalier ? Il nous serait d'une grande aide, si c'est lui qui règne sur ce royaume.
Céleste : Eh bien... Je suppose que s'il voit la princesse, il ne râlera pas... Venez, suivez-moi, je vais vous conduire jusqu'à lui !
Elle hocha la tête et sourit à la jeune princesse.
Céleste : Votre Altesse, vous devriez rester près de moi, pour que le Grand Cavalier vous voie en premier. Sinon, il risque de nous exécuter, surtout en présence de... surtout en présence d'eux.
Elle pointa du doigt les jumeaux, l'air gênée. Aurore acquiesça. C'était vrai que, si le Grand Cavalier voyait les deux fantômes royaux, il risquait de se croire attaqué. Quels fantômes viendraient le voir si ce n'était pas pour l'attaquer ?
Aurore était perdue dans ses pensées, mais elle vint se placer à côté de Céleste, avant de se tourner vers les autres. Axelle était toujours là, avec eux, et cela contrariait Aurore. Mais elle ne pouvait pas se permettre de s'énerver. Elle décida alors de tolérer la sirène jusqu'à nouvelle ordre.
Aurore : Tout le monde est prêt ?
Tous lui répondirent oui, et, suivant Céleste, la petite troupe s'enfonça dans les couloirs obscurs du château.
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