Je suis assise, mains sur les genoux, sur une table. Soit elle est trop haute, soit je suis trop basse, parce que mes pieds sont au moins à quinze centimètres du carrelage cyan foncé. La luminosité est faible, mais on voit juste assez pour lire ce que Alphys écrit au marqueur blanc sur le miroir. Des calculs, des calculs en masse.

"J-J'en détermine que Frisk a un LV de 190."

"C'est quoi le LV?" Je me sens extrêmement conne en demandant ça, mais il faudrait peut-être que je sache avant d'aller combattre quelqu'un qui a un LV. Peut-être que je n'ai pas besoin de l'info. Je ne sais pas ce qu'est un LV, alors je pourrais pas dire.

"c'est le LOVE." Sans parle enfin, après une éternité de silence. Je ne vois qu'un œil, l'autre étant recouvert de son bandage.

"c'est un acronyme. pour Level of violence." Il sort son âme de son torse. Deux chiffres apparaissent au dessus: 1/2 HP, avec une barre à moitié remplie de blanc, l'autre moitié étant vide, et 4 LV.

"une fois que tu as un nombre d'EXP, Execution Points, assez haut, ton LV augmente. plus ton LV est haut, plus ton HP max augmente, et plus ton âme a de la puissance. la tienne, bien que assez particulière, n'a que sa puissance de base, car tu n'as qu'un LV." Il prend une grande inspiration.

"du moins..." Son œil visible devient bleu. Je sens mon âme sortir de mon corps, et en y jetant un coup d'œil, je vois qu'elle est entourée d'une sorte d'aura bleue. D'un coup, je me fais jeter jusqu'à Sans, qui a l'index en l'air, comme si il m'a tiré avec un fil. "...je l'espère pour toi." Mes statistiques apparaissent au dessus de mon âme, comme pour Sans, montrant 33/35 HP et 1 LV.

"I-Il est aussi possible que le LV a-augmente sans que l'EXP le f-fasse, s-si on est assez v-violent envers une autre personne. C-ce n'est qu'une théorie, m-mais on ne peut pas nier le f-fait que ça s'appelle niveau de violence..." bégaye Alphys. "E-et... Si t-tu es directement la c-cause de la mort de quelqu'un, p-peu importe q-que ce soit toi qui l'ai t-tué, t-tu as des chances de g-gagner de l'EXP."

"Mais, Sans... Tu as un LV plus haut que 1..." Je le regarde dans son seul orbite visible. Son œil s'ouvre un peu plus. "...Tu as tué qui?"

"le meurtrier, je l'ai tué en boucle, et en boucle, et en boucle. j'ai gardé les souvenirs, comme d'habitude, et en voilà le résultat." Son orbite devient noir, noir de vide. "et de toute manière, certaines actions de notre passé ont dû faciliter l'augmentation du LV..."

"...Votre?" J'ai l'impression qu'il parle de quelque chose de plus compliqué que ça en a l'air.

"je suis sûr que tu trouverais l'histoire intéressante, mais tu ne l'entendrais pas, alors laisse tomber."

"S-Sans, je pense qu'on p-pourrait éviter de parler de lui quand elle est ici. Après t-tout, tu sais bien q-que..." Elle lui murmure, faisant des signes de la main, "...c-c'est malpoli de parler de q-quelqu'un qui écoute..."

J'aime pas quand les autres gardent des secrets dans mon dos, mais, si je ne l'entendrais pas, à quoi bon le partager?

"Donc, en gros, faudra que la punk patate se batte contre... Une... vraie plaie..."

Je sais pas si elle a fait exprès de faire une vanne mais elle s'est foutue de moi sur trois points différents en une seule phrase et je ne sais pas si je veux la taper ou rire.

Undyne se couvre la bouche. "Ho merde, j'ai pas fait exprès de le dire comme ça. J'ai oublié que tu..."

"Ouais, que j'ai eu une plaie gigantesque à travers le corps il n'y a pas si longtemps..."

Un silence lourd plane dans l'air, jusqu'à ce que Alphys se remette à écrire. "D-donc, Mélodie, u-un seul coup de la part de F-Frisk peut te t-tuer..."

"Je suis au courant, il a essayé de le faire à plusieurs reprises."

Papyrus enlève son écharpe avec la main qui n'est pas installée au fond de son bandage, puis me la balance. "TIENS, HUMAINE, ÇA DEVRAIT TE DONNER UN PEU DE LA DÉFENSE DU GRAND PAPYRUS!"

Je pouffe de rire à sa phrase, et mets l'écharpe. L'écharpe a précédemment couvert ce qui semble être une cicatrice sur le cou de Papyrus, faisant tout le tour. Sans ressort mon âme de moi, et me montre mes statistiques. ÉCHARPE ROUGE, +18 DEF. Je hoche la tête à Papyrus, et il me lance un gigantesque sourire. "pour voir tes stats, faut juste le vouloir."  explique Sans, si on peut appeler ça une explication.

"Ouais, merci pour ce tutoriel qui est tout sauf vague."

Il hausse les épaules. "y'a pas de quoi."

"Et j'aurais des questions à vous poser. Pourquoi est-ce que c'est moi qui doit tuer Frisk?"

Plusieurs secondes passent, le temps que je puisse bien comprendre, par les regards que tout le monde me lance, que j'ai posé la mauvaise question.

"Frisk a pu nous tuer une fois, il le refera." siffle Undyne d'entre ses dents. "Et personne n'est censé mourir deux fois."

"P-personne ne sait q-quelles conséquences ça aurait. E-et mieux vaut prévenir q-que guérir."

Je me tournes vers les frères squelettes. "C'est pour ça que Frisk ne vous a pas tué alors?"

"sans doute. je sais pas pourquoi ça lui importerait, mais bon."

"J'ai toujours du mal à comprendre pourquoi il voulait de mon aide, à Waterfall."

Undyne sert les poings. "Ch'sais pas, une psychopathie aiguë?"

"U-Undyne, c'est p-pas comme ça que ça m-marche."

D'un coup, une idée illumine l'esprit d'Alphys. "I-il avait sans doute besoin d'une âme p-plus puissante..!" Elle prend sa tête entre ses deux mains et cours vers un tas de feuilles. "E-et j'ai peut-être u-une idée de p-pourquoi." Elle jette des feuilles de côté, sa tête entière scannant pour trouver quelque chose.

Une feuille, deux feuilles, cinq feuilles, dix feuilles volent sur les côtés jusqu'à ce qu'Alphys en tienne enfin une haute, triomphante. "I-ici! J'ai t-trouvé! En t-tuant quelqu'un avec une âme p-plus puissante, i-il gagnera plus de puissance s-sur le coup. Et p-puisqu'il a déjà tué t-tout le monde, il ne p-peut pas regagner l'EXP d-de ceux qu'il a déjà tué."

Les lumières clignotent, la salle disparaissant et revenant sous mes yeux. Puis la lumière reste allumée.

"En gros, il voulait me goinfrer comme un poulet d'élevage pour devenir roi du monde?"

"O-on p-peut dire ça, oui. P-pour apprendre sa leçon d-de maths, il faut jouer avec l-les chiffres."

"Mais du coup, pour le battre, comment je fais?"

"Lèves-toi."

Comme ordonné par Undyne, je me lèves. Elle se tient debout devant moi, le regard neutre. D'un coup, elle me met un gros coup de poing dans le ventre, me coupant la respiration. Par réflexe, une onde rose saumon se dégage de moi comme une onde de choc et en relevant la tête juste légèrement, je vois toutes les personnes présentes se recroqueviller de douleur.

"T'AS UN SACRÉ CROCHET, UNDYNE!" crie Papyrus, toujours optimiste et content malgré la douleur.

"PUTAIN J'AI MÊME PAS DE VENTRE ET J'AI MAL! TA MÈRE L'ADJOINTE MÉLODIE!"

"Ta gueule Flowey." arrives-je à glisser entre deux respirations forcées.

"Tu. Feras comme ça." Undyne se redresse.

"Super. Donc je suis censée prendre des coups qui vont me tuer?"

"Nan, tu vas d'abord désarmer Frisk."

Je me rappelle des entraînements que j'ai passé à désarmer.

"Après viendra le corps à corps. Ses coups feront plus mal que les tiens, mais tu tiendras le coup. Et à chaque coup, tu le lui renverras avec ta magie."

"Et si je me retrouves à ne pas avoir assez de HP pour continuer?"

"tu peux bouffer de la bouffe de monstres. il me semble que papyrus te l'as montré ça."

"NON, À LA PLACE J'AI FAIT DES DÉMONSTRATIONS."

"...De quoi?" siffle Undyne entre ses dents.

"DE MES CAPACITÉS SURNATURELLES À FAIRE DES SPAGHETTIS DIVINS!"

"Bon sang, Papyrus."

"EN VÉRITÉ, JE CROYAIS QU'ELLE SAVAIT DÉJÀ. C'EST UN AUTOMATISME POUR MOI."

"C'est déjà mieux!" Undyne lâche un petit rire derrière sa phrase.

"je savais pas que tu étais capable de faire preuve d'humourus, frérot."

"C'EST JUSTE PITOYABLE."

"S-s-stop, les gars! C'est p-pas le moment de faire d-des blagues."

Tout le monde se tourne vers Alphys. C'est vraiment la seule personne qui peut faire preuve d'un minimum d'autorité malgré un bégaiement et une nature très anxieuse.

"Désolé, Alphys." Undyne tourne le regard.

"OUAIS." enchaîne Papyrus. "TOUTES MES EXCUSES."

"D-donc, je disais, il f-faut faire attention aux c-coups de Frisk, p-parce qu'ils p-peuvent être mortels. Mais d-d'un autre côté, il faut q-que tu puisses utiliser t-ta magie, donc c-comme Undyne l'a d-dit, le d-désarmer sera le p-plus efficace."

"Papyrus, Mettaton et moi, on va te préparer des affaires pour que tu ne crèves pas, parce que ça serait vraiment con."

"Merci, Undyne."

"Et moi, je ferais quoi?" grogne Flowey sous ses pétales.

"On en a déjà discuté, t'es le plan B."

"Ouais, ouais, c'est vrai."

"Ah, e-et Mélodie, ne t-tue p-pas Frisk. D-du moins, t-tant qu'il ne te d-donne pas son âme d-de son p-plein gré."

Ah, quelle nouveauté.

"Pourquoi?"

"S-sinon, son âme se b-brisera avant q-que tu ne p-puisses la prendre."

Avec les explications d'Alphys, j'ai l'impression que mes neurones se connectent un peu plus entre eux.

"C'est pour ça qu'il demandait à ce que je lui donnes mon âme!"

"A-ah! Il te d-demandait ça?"

"Oui. Il a menacé de faire ce qu'il a fait à Sans et Papyrus à tout le monde si je ne le faisais pas."

On entend quelque chose tomber dans une salle pas loin. Des objets métalliques dévalent, et on dirait des... grognements de chiens? Plusieurs, c'est sûr. La plupart d'entre eux sonnent liquide, mais l'un d'eux semble bien plus menaçant. "C'est quoi ce bordel!" crie l'intrus.

Alphys se précipite au bout de quelques secondes de réalisation vers la source du bruit. Nous attendons tous dans la salle, et au bout d'au moins deux minutes éternelles, Alphys revient avec un chien bipède en armure.

"Dogamy, qu'est-ce que tu fous ici?" demande Undyne.

"Les monstres de Snowdin ont tous disparu. Même Dogaressa."

Oh merde!

Je me relèves précipitée, parce qu'avec seulement une phrase et un contexte, on a réussi à me dire que Frisk a décidé de tenir sa promesse.