Partie 2
Eun-kyung partit après avoir passé quelques heures ici. Elle s'était assurée que Yoongi ne manquait de rien et y parvint presque. Il ne lui manquait rien, si ce n'était de la tendresse et de l'amour qu'il aurait pu recevoir de ses parents.
Malheureusement, ou heureusement, je ne savais s'il s'agissait d'une malédiction ou d'une bénédiction, mais sa tante, ou même n'importe qui aurait pu combler cet enfant. Cependant, parce qu'il y en existait toujours un. Yoongi n'avait personne d'autre qui aurait pu lui apporter cette affection, ses parents ayant caché leur enfant du monde, sauf à la plus jeune sœur qui découvrit son existence par inadvertance. Elle aurait pu jouer ce rôle, m'auriez-vous dit. C'était ce que je m'étais dit aussi, mais, toujours un mais sinon ce serait trop simple, elle vivait loin de la demeure des Min et était souvent, voire tout le temps, en déplacement.
Ainsi était construite sa vie. Malheur sur malheur. Il n'y avait aucune place pour une once de bonheur. C'en était désolant, même pour moi.
Seigneur, si quelque part vous existez, sauvez-le. Par pitié.
⁂⁂⁂
Pourquoi ne me reconnaissais-je plus ? Pourquoi étais-je si étranger à moi-même ? N'y avait-il pas une raison à un tel chamboulement ?
Juste, pourquoi ?
Pourquoi je ne parvenais plus à dormir sans que d'horribles flashbacks ne viennent saturer mon cerveau ?
Pourquoi je ne parvenais plus à faire ces voix dans ma boîte crânienne, elles surpassaient même celles d'Alecto, de Tisiphone et de Mégaire ?
Comment cela était-il possible ?
Et la dernière question qui me ratatinait la cervelle. Enfin, la dernière qui me paraissait claire.
Qui avait fait en sorte que cet être qu'était Taehyung ait tant d'emprise sur ma personne ?
Et me voici encore en train de réfléchir. J'avais l'impression de ne faire que cela depuis que j'étais là. Que je perdais conscience de tout ce qui se passait autour de moi lorsque mes pensées prenaient le dessus sur le reste.
Qu'il n'y avait qu'un voile opaque qui me séparait de la réalité. Mais qu'il était si difficile à extraire de mon cerveau que je ne m'y risquais pas pour ne pas me blesser davantage.
J'ouvris soudainement les paupières après avoir senti une présence près de la porte.
Taehyung.
Le bras appuyé contre le chambranle de la porte, le reste de son corps en équilibre sur ce point de pression. Mais surtout, le regard pointé vers moi.
Sondait-il mon âme ?
Me lavait-il de mes péchés comme le bon petit ange qu'il était ? Parce que si c'était le cas, il en aurait du boulot.
— Ça fait longtemps que tu m'observes ?
— Assez pour te savoir torturé.
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?
— Jungkook, tu m'empêches de dormir.
Je pensais que la dernière fois, il était venu pour m'aider. Mais je m'étais trompé.
Pourquoi l'aurait-il fait de toute façon ? Je n'en valais pas la peine...
— Je ne t'ai pas demandé de rôder aux alentours de ma chambre à ce que je sache. Et puis, les bouchons d'oreilles existent, tu sais ?
Je le fixais, lui, toujours débout contre l'encadrement de ma porte. Moi, assis sur mon lit.
J'avais une vue en contreplongée sur lui. Il paraissait si grand face à moi.
— Tu le fais exprès, n'est-ce pas Jungkook, affirma-t-il d'une voix exaspérée en se pinçant l'arrête de son nez.
— Exprès de ?
— Bon, laisse tomber. Tâche juste de faire moins de bruit à l'avenir.
J'aurais juré avoir vu un point de brillance au coin de ses yeux. Une larme ?
Un éclair de lucidité ? Je n'en savais trop rien.
Il n'y avait aucune excuse pour que je le retienne. Alors, je le laissais partir.
Contre mon gré.
Mais au fond, même si j'avais le choix, qu'aurais-je fait ? Aurais-je choisi de le garder auprès de moi ?
Certainement pas.
Pour quelle sombre raison, j'aurais fait cela ?
Je ne pouvais pas avoir développé tant d'attaches pour lui en si peu de temps, si ?
Je ne savais pas. Je ne savais plus.
Tout ce que je savais à cet instant était que mes yeux avaient d'abord préféré rester sur son dos, puis ne s'étaient pas détachés, non. Ils avaient suivi son ombre, et n'avaient daigné se détourner, même lorsque l'écho de ses pas ne me parvenait plus.
Jungkook, tu es putain de pathétique. Lamentable.
Pitoyable.
Sérieusement ? Un ange ?
Ma voix intérieure se mélangeait à d'autres. C'était horrible, insoutenable.
Une torture à supporter.
Ces derniers temps, je n'avais qu'une envie, m'arracher la peau de crâne, utiliser des vis, des clous ou n'importe quoi qui pourrait extraire cette essence vicieuse de mon cerveau.
Je n'en voulais plus.
Alors si quelqu'un en voulait, j'étais prêt à en payer le prix fort. Jusqu'à ma vie.
De toute façon, j'étais déjà mort. Mort et enterré.
Cela ne me coûterait pas grand-chose. Je riais jaune à mes propres bêtises.
⁂⁂⁂
Les jours et les nuits qui suivirent ne se passèrent pas mieux. Et ce, durant des années.
Le jour, je voyais Yoongi, de moins en moins apte. De plus en plus seul. Avec la pression de dix hommes sur les épaules. Il marchait en trainant à sa suite un boulet dont lui seul avait conscience de l'existence. Il suivait une routine de manière mécanique. Il se levait parce qu'il n'avait pas d'autres choix. Il ne travaillait plus. Il lisait à peine. A la place, il dormait, énormément. Ce qui faisait que je passais de plus en plus de temps seul.
Enfin seul.
Si on ne comptait pas mes démons.
Si on ne comptait pas Mégaire, Alecto et Tisiphone. Si on ne comptait pas Taehyung.
Cet ange duquel je me rapprochais de plus en plus chaque nuit, imperceptiblement. Je priai chaque fois, avec de moins en moins de convictions, pour que je puisse reculer. Retourner en arrière. Mais cela ne s'exauça jamais.
Je regrettais pour la première fois.
Père, ce n'était en fin de compte pas mon vœu le plus cher...
Je regrettais toutes ces fois où j'avais supplié mon paternel de me confier une de ces missions sacrées.
J'en regrettais chaque minute, chaque seconde. Ce sentiment était... horripilant.
Je ne le supportais pas non plus. Que pouvais-je supporter au final ?
⁂⁂⁂
Dix-sept bougies.
Cela y était, Yoongi avait dix-sept ans.
Mille huit cent vingt-cinq jours supplémentaires s'étaient écoulés. Ou cinq ans pour les non-matheux.
Et rien n'avait changé. Enfin.
Si
Tout avait changé.
J'avais changé, de bout en bout.
Taehyung avait changé, il ne venait plus me voir au milieu de la nuit.
Et je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais souhaité, où je m'étais retenu de me lever pour me rendre dans son alcôve. Je m'étais tellement retenu que si j'avais pu, j'aurais saigné, tellement je plantais mes ongles dans mes paumes. Tant je serrais les dents.
Yoongi aussi avait changé.
Il me laissait la victoire, je le sentais.
Je le sentais peu à peu basculer dans le mal.
Nous sommes fières de toi, Jungkook, avais-je entendu une fois que j'avais commencé à prendre conscience de cela.
Mais je n'avais aucun foutu mérite.
Je n'avais fait que me recroqueviller sur moi-même. Pour pleurer.
Pour crier.
Pour hurler en silence chaque nuit.
Yoongi, pourquoi as-tu changé ?
Je l'observais en train de prendre, avec lassitude, ses cours en note. Manger à la cafétéria.
Boire de temps à autre une liqueur étrange de son thermos.
Et ce soir-là, pour la première fois, Yoongi ne rentra pas chez lui. Il fit un détour que je crus naïvement bref.
Il s'était rendu dans un stade désaffecté. Il n'était jamais venu ici. J'étais curieux.
Fortement curieux.
Si j'en croyais ce qui se passait dans sa tête, ces lieux avaient en leur sein, une forte odeur d'alcool.
Une atmosphère malsaine y régnait.
Yoongi, fais demi-tour. Tout de suite.
— Bonsoir Yoongi. Ravi d'enfin faire ta connaissance. Cette voix...
Je la reconnaissais...
Père.
— Bonsoir Monsieur. Comment connaissez-vous mon nom ?
Putain, Yoongi, fuis. Tu as affaire au roi des Enfers en personne là. Ne reste pas là.
Je regrettais qu'il ne puisse pas m'entendre. Qu'il ne puisse plus m'entendre.
Il semblerait que père n'ait pas apprécié que je lui souffle certaines choses. Que je ne le pousse plus à devenir mauvais. Mais qu'inconsciemment, j'avais décidé de faire comme Taehyung, le mener dans les voies sacrées.
— Tu le sauras bien assez tôt. Mais je suppose que si tu es venu me voir, c'est dans un but précis.
— Oui, je pense... enfin. Je ne sais pas exactement ce qui m'a fait me rendre jusqu'ici.
Je levais mon bras gauche afin de me frapper le front de ma main. Qu'est-ce que c'est que ce cirque encore ?
Cela ne pouvait de toute façon qu'être l'œuvre des Érinyes. Qui d'autres seraient à ce point fourbes ?
— Donc, si je comprends bien Yoongi, tu t'es rendu jusqu'à moi pour une raison que toi-même ne saisis pas ?
Père, arrêtez cette comédie.
Il avait le regard vissé sur le visage de Yoongi que je sentais tendu. Terriblement tendu. Il n'avait, à ma connaissance, jamais été à ce point tendu.
Je le sentais se liquéfier.
Père, ce n'est qu'un gamin. Ne vous ai-je pas suffi ?
Fils, je suis en train de t'aider. Sois reconnaissant au lieu d'être condescendant. Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, puisque tu n'es pas capable d'accomplir la tâche la plus simple qui soit. Tu me déçois.
Tu me déçois. Tu me déçois. Tu me déçois.
Il savait que j'avais ces trois mots en horreur. Il me les avait tant répétés.
Je le décevais ?
Je pouvais tout encaisser alors pourquoi sa déception à mon égard me mettait dans cet état ?
Père, que devrais-je faire ?
Et c'était ainsi. Tous les efforts que j'avais faits en son absence venaient d'être détruits à cause de ces simples mots.
Tous.
Sans exception.
Merde.
Yoongi, sois plus fort que moi.
— Alors, mon cher Yoongi. Parle-moi un peu de toi, de ce que tu recherches ?
— Monsieur, apprenez-moi à devenir indépendant. Faites-moi changer de vie, je n'en peux plus de celle-ci. Faites-moi devenir quelqu'un. Aidez-moi à ne plus être tout le monde.
— Tu vois, c'est ce que je souhaitais entendre. Suis-moi, mon enfant.
Étais-je obligé d'assister à ce spectacle désobligeant ?
Que quelqu'un me donne la formule du sommeil éternel, je vous en serais redevable.
Mais non, le corps de Yoongi suivit Hadès lorsque celui-ci lui fit visiter les locaux. Il lui expliqua les différents trafics qui existaient. Armes, drogues, femmes et hommes.
Alors les démons n'étaient bels et biens pas les pires créatures du monde.
Les hommes l'étaient. Mais ils étaient surtout des créatures issues du divin.
Alors que s'était-il passé pour que l'humanité ait à ce point déchu ? Qu'elle en vienne à s'entre utiliser pour le bien d'un marché ?
La bile me montait à la gorge et je ne pouvais rien laisser échapper.
Les larmes me montaient aux yeux, mais je devais les contenir dans mes tempes.
— Bien, maintenant que tu sais à peu près ce qu'il se passe ici. Je vais te laisser le choix de devenir l'un des nôtres ou bien je te conseille de bien te cacher si tu tiens à rester en vie.
Tu parles d'un choix.
— Merci Monsieur, lui répondit Yoongi d'une voix reconnaissante.
C'est un gosse, il n'a que dix-sept ans. Et Yoongi, je suis navré, mais que tu décides de rentrer dans ce milieu ou non, ta fin a été signée au moment même où tu as posé un pied dans ce putain de stade.
Il n'était même pas répertorié dans cette putain de ville.
Père, comment avez-vous pu réunir tous les péchés des hommes dans un seul et même endroit ?
Quel sketch.
Quel cirque.
Quelle putain de comédie.
⁂⁂⁂
Ce soir-là, je vis la facette d'un nouveau Yoongi. Plus excité.
Plus extatique.
Plus vivant que jamais.
Il avait décidé après cette simple rencontre à s'entraîner devant son miroir à faire un sourire plus dur, malicieux. À bander ses muscles pour les mettre en valeur. À customiser chacun de ses vêtements afin de devenir l'un des délinquants de ses bouquins à l'eau de rose.
Oui, de la même catégorie que ceux qui ne se faisaient jamais attraper.
J'aurais bien souhaité que cette naïveté ne le quitte jamais, la veille encore.
Mais désormais, il était impensable. Il devait s'en séparer au plus vite.
Cette nuit-là, puisqu'il se savait seul, comme à son habitude.
Il pénétra dans les caves pour prendre quelques bouteilles d'alcool.
Il fit venir des gens de sa nouvelle fac avec qui il avait échangé le numéro. Et aux alentours de minuit, sa maison fut remplie.
D'inconnus. De fumeurs. D'hommes. De femmes.
Tous avaient un point commun ou deux.
Ils étaient tous plus vieux que Yoongi, de deux, trois, quatre voire cinq ans.
Tous étaient fêtards.
Et seules les personnes les plus louches avaient accepté l'invitation. Alors ce qui devait arriver arriva.
Yoongi n'avait jamais bu. Yoongi n'avait jamais fumé. Yoongi n'avait jamais baisé.
Et cette nuit-là, il fit tout cela, en grande quantité. En trop grande quantité.
Avec ou contre son gré. Yoongi dut subir.
Même moi, je ne sus plus à quel moment il était lucide ou non.
Je bataillais pour rester, mais quand je voyais l'horreur de ces événements je voulais fermer les yeux.
Yoongi...
Il ne méritait absolument pas cela.
Mais si je m'écoutais, je saurais qu'il l'avait cherché.
Bien sûr qu'il l'avait cherché.
Mais il commençait à peine à vivre. Je laissais quelques larmes couler.
J'étais comme un hologramme à cet instant.
Incapable de rester éveillé tant Yoongi peinait à ne pas s'endormir à cause de l'alcool et les substances illicites.
⁂⁂⁂
Mais quand Yoongi s'endormit enfin, je ne savais pas si je regrettais ou non l'instant où j'étais conscient de ce qu'il se passait.
J'étais certes horrifié à en devenir malade. Mais au moins, je savais ce qu'il se passait. Je mesurais un tant soit peu la situation.
Là.
Là, c'était horrible.
Un trop-plein d'émotions.
Les larmes remontaient, mais je n'avais plus à les bloquer avec la lisière de mes cils.
La bile se manifestait à nouveau, mais je parvenais encore à la garder dans mon estomac, pour l'instant.
— Putain, Jeon Jungkook. Je pensais qu'on commençait à bien s'entendre, me reprocha Taehyung d'une voix plus froide et tranchante qu'une stalactite. Je pensais réellement t'avoir cerné, que tu t'étais vraiment rangé de mon côté. Que tu avais cessé de te comporter en connard arrogant qui pète plus haut que son cul.
Taehyung était énervé là. Je ne l'avais jamais entendu me parler de la sorte, je ne savais même pas que c'était possible en fait.
Un rire m'échappa, sans joie ni tristesse. Un rire vide, un rire creux, un rire que j'avais appris à manipuler à ma guise.
— En plus, tu te permets de te foutre de ma gueule. C'est tout ce que tu mérites, me dit-il avant d'envoyer le plat de sa main en direction de mon visage.
Je l'avais vu partir, mais je savais que je le méritais. Alors, je décidai de subir.
De me prendre son coup en pleine tronche. De laisser la force de sa colère m'atteindre.
Je ne savais pas si c'était lui ou moi, mais je tombais. Je m'écroulais dans tous les sens du terme.
Les larmes dévalaient en cascade sur mes joues.
Les reniflements, bien que silencieux, ne masquaient pas les soubresauts. C'était horrible.
J'avais honte de me montrer si vulnérable.
— Jeon Jungkook, tu as encore les couilles de pleurer pour ça ? Tu as envoyé un gamin à la morgue en faisant ce que tu as fait, tu le sais ? Il n'a que dix- sept ans, il était censé avoir toute sa vie devant lui. Pourquoi as-tu fait ça, merde ?
Je le regardais, les yeux larmoyants.
Je n'arrivais pas à stopper ce liquide lacrymal. Je n'en avais pas la force.
Pas quand la seule personne qui semblait me connaître m'accuser de ces torts pour lesquels je versais des larmes en ce moment même.
Mais il était tout à fait légitime pour lui de penser ainsi.
Il ne connaissait ni Mégaire, ni Alecto, ni Tisiphone. Il ne connaissait pas non plus mon père.
Comment aurait-il pu savoir ? Comment pourrait-il s'en douter ?
Je ne lui avais jamais fait part de ma bizarrerie après tout. Que je ressentais des choses qu'il ne fallait pas.
Merde.
— Tu as tué un enfant, Jungkook. J'espère que tu es fier au moins.
Ce fut la phrase de trop, qu'il avait prononcé avant de tourner les talons.
Je percevais tout le poison dans sa voix.
Je me levais d'un bond. Et je ne sus pas ce qui me prit, mais mon poing se renferma autour de son poignet.
Fermement.
Je le tenais comme si ma vie en dépendait.
— Taehyung, je te jure que c'est pas ma faute.
— Tu voulais quoi alors ? Abîmer un enfant sans détruire sa vie ? Ça reste un être humain, pas une marionnette ou un jouet que tu peux manipuler à ta guise. Tu es peut-être une créature des Enfers, Jungkook, mais il n'y a pas que les êtres les plus proches du Soleil qui peuvent se brûler les ailes. Et les tiennes semblent avoir été réduites en cendre.
— Taehyung... arrête, je t'en prie...
— Je te croyais différent, Jungkook. Je te pensais être l'exception à la règle. Mais ta sournoiserie est bien pire que celle de tous les autres. Jungkook, tu m'as volé mon cœur, tu l'as émietté et tu n'as même pas souhaité me rendre ce qu'il en reste.
Je ne savais pas quoi dire, j'étais bien une créature des enfers et il venait de me placer dans le même panier que tous les autres. Comme je l'avais toujours souhaité. Alors pourquoi n'en étais-je pas fier ? Pourquoi ?
J'avais déçu mon père. J'avais déçu Taehyung.
Ce n'était plus qu'une question de temps avant que je ne déçoive tout le monde.
Ma prise se desserra.
— Va-t'en, prononçais-je doucement, faiblement.
Tu n'as pas que détruit mon cœur.
Pourquoi me rendais-je compte que je possédais un cœur que lorsque l'on me l'avait dérobé ?
Il ne devait pas y avoir de logique particulière. Aucune.
Je ne restais pas sur le pas de la porte pour le regarder disparaître. Non.
A la seconde même où j'avais prononcé cette phrase, je détournais mon regard et tentais de me changer les idées.
A l'instant même où je n'entendis plus ses pas, je fus pris de remords. De profonds remords.
Je résistais à l'envie d'aller m'excuser. Fortement.
Je réussis un instant seulement. Peut-être une heure ou deux.
Mais je ne tenais plus et marchais jusqu'à mon alcôve voisine. Que je trouvais vide.
Où était-il parti ? Qu'avais-je fait ?
J'étais triste et en colère.
Je ne savais plus où donner de la tête. J'avais envie de noyer mes idées.
De me détruire.
D'effacer chaque trace de mon existence.
De rester à tout jamais en sécurité dans les bras de Taehyung.
Mais comment le pouvais-je si je n'étais plus capable de lui mettre la main dessus ?
Je tentais de ne pas avoir l'air stressé lorsque je marchais dans les allées. Il n'y avait pas tant d'endroits qui nous étaient libres d'accès. Une sorte de cuisine quand bien même, nous n'avions pas besoin de manger. Un salon, si nous pouvions appeler cela ainsi, avec quelques sofas et fauteuils et des bouquins, que je n'avais jamais ouvert de ma vie. Et enfin, une salle de bain.
La pièce dans laquelle je passais le plus de temps après ma chambre.
Le loquet était ouvert, il avait rapidement cédé lorsque j'avais tenté d'y pénétrer.
On pouvait entendre le bruit de l'eau qui coulait dans la baignoire. On pouvait entendre les gouttes d'eau frapper par endroit les parois. On pouvait, si on tendait l'oreille, entendre des légers reniflements.
En écho aux miens. Oui, je pleurais encore.
Oui, j'étais vulnérable et faible.
— Jungkook, sors.
Sa voix était tranchante. Elle avait ricoché sur mon épiderme. Elle me fit un mal fou et presque autant de bien.
Je l'avais mérité.
— Jungkook, sors, répéta-t-il quand il ne m'entendit pas sortir.
Cette fois, elle n'était pas aussi assurée. Elle était empreinte d'une profonde douleur. Âme sœur de la mienne.
Pourquoi souffres-tu, mon ange ?
Le Jungkook du passé se foutrait grandement de ma gueule s'il me voyait m'inquiéter pour Taehyung de la sorte.
— Tu as perdu tes capacités cérébrales, Jungkook ?
Je l'entendais prononcer mon prénom. Il l'avait fait trois fois. Pourquoi y accordais-je tant d'importance ? Pourquoi me repassais-je en boucle la manière dont il le faisait rouler sur sa langue ? La manière dont elle sonnait si bien, calquée sur sa voix ?
Ce n'était rien. La fatigue et les émotions accumulées. Je n'avais aucune envie de parler.
Juste agir.
Parfois un seul geste valait mille mots.
J'ôtais seulement mon t-shirt, préférant garder le bas de mon corps vêtu.
Et j'enjambais la baignoire.
— Que fais-tu ? Je t'ai dit de parti- commença Taehyung, nu et légèrement paniqué.
Je l'interrompis de mon doigt sur ses lippes. J'ancrai mes yeux dans les siens.
Il était rare que nous nous retrouvions face à face ainsi. Nous faisions exactement la même taille et il suffisait que je fasse un pauvre pas dans sa direction pour que nous lèvres soient scellées.
— Pas ce soir, mon ange. Enterrons la hache de guerre, juste pour ce soir au moins. Laisse-moi rafistoler ce petit cœur que j'ai apparemment brisé. Je te promets que ce n'était pas volontaire. Si j'avais été conscient d'avoir en ma possession un tel trésor, je me serais appliqué à t'honorer plutôt que l'inverse.
— Jungkook... souffla-t-il simplement.
— Putain, j'adore quand tu prononces mon prénom.
— Jungkook, répéta-t-il, comme pour me provoquer.
Je ne manquais pas cette fausse innocence dans son regard. Dans son œil, une lueur larmoyante que je ne supportais plus de voir.
— Jungkook, fais quelque chose. Baise-moi ou casse-toi. N'importe quoi, mais juste fais quelque chose.
— Non, mon ange. Prends cette autorité que je t'offre et fais-en ce que tu veux. Tu es le maître du jeu ce soir alors laisse-moi être ce pion au service de ton plaisir.
Il ne fallut apparemment pas le lui répéter deux fois. Sa main agrippa avec force ma mâchoire tandis que d'un habile mouvement de son corps, il parvint à me plaquer contre les parois de la douche.
La collision entre mon crâne et le mur fut brutale. Mais je m'en fichais.
Je prendrais de lui tout ce qu'il accepterait de me donner.
Mais à part cela, il ne faisait rien. Il continuait de me maintenir par la mâchoire, mais n'opérait pas le moindre geste. Ses lèvres continuaient de frôler les miennes sans jamais engager le moindre contact. Je sentais son souffle sur mes lippes, dans mon corps.
Je voulais que sa main descende, qu'elle enserre ma jugulaire. Qu'elle contrôle jusqu'à la quantité d'air qui pouvait entrer dans mon organisme.
Taehyung, montre-moi ce que c'est que d'être dans une position de faiblesse.
J'avais toujours dans mon regard cet air de défi que je savais inséparable de moi. Il sondait son regard, le challengeant de me faire dépasser mes limites.
— Fais. Quelque. Chose. Taehyung, tu vas me rendre fou, affirmais-je. Je craquais.
Complètement.
Lui, approcha lentement ses lèvres de mon lobe. Il laissa traîner son souffle contre ma veine jugulaire. Il y approcha ses dents avant de la mordiller.
— Et si je décidais de ne rien faire ? Après tout, j'ai les commandes, non ? me défia-t-il à son tour de sa voix grave directement contre mes tympans.
Depuis quand était-il ainsi ?
Mon petit ange s'était dévergondé.
Mon Dieu, si quelque part, tu existes, viens-moi en aide.
— Alors, j'en mourrais.
— Tu peux mourir alors, Jungkook, me répondit-il en insistant sur mon prénom.
Sans plus d'artifices, il sortit de la baignoire, me laissant pantelant, encore désireux de son contact.
Je peinais à reprendre mon souffle.
Que venait-il de se passer ? Était-ce un rêve ?
Venait-il réellement de m'allumer comme un professionnel sans me laisser la moindre occasion d'être satisfaisant ?
Il fallait croire que oui.
Depuis quand un ange méritait-il tant le titre de démon de la luxure ?
Si en arrivant, j'avais la terrible envie de le prendre dans mes bras. Là, je n'avais qu'une envie, le posséder entièrement.
Parce que putain qu'il était bandant. Il avait disparu bien loin devant moi.
Il valait mieux pas que je le suive. Je risquais de ne plus être maître de mes émotions.
⁂⁂⁂
Le lendemain, Yoongi se réveilla bien tardivement. Je remarquais les maux qui tambourinaient dans son cerveau. Il avait trop bu, bien trop bu.
Mais il était toujours aussi déterminé à se rendre auprès d'Hadès pour le suivre dans ses plans.
Et c'était tout sauf une bonne idée. Mais que pouvais-je y faire ?
Absolument rien.
Je ne pouvais que rester à mon poste. Las.
Je ris seul lorsque je pensais à Taehyung. Lui aussi devait désespérer. Ou bien, était-il en colère ?
Je ne lui avais toujours rien dit concernant mon non-implication dans cette histoire.
Quel beau fils de pute je faisais.
M'enfin.
Pour l'être, fallait-il encore que je connaisse ma mère.
Fallait-il qu'elle ne me laisse pas à la naissance entre les mains d'un homme qui ne savait même pas s'occuper de lui-même. Mais qui préférait péter plus haut que son cul.
Yoongi semblait déterminé. Il traçait son chemin.
Les yeux rivés sur son but qu'il effleurait du bout des doigts.
Quand la porte fut face à lui. Il leva le poing pour l'abaisser trois fort. Ce mec était bien trop poli pour entrer dans ce monde sombre.
— Bonjour, Monsieur, Yoongi salua Hadès un peu trop formellement.
Mais contrairement à ce que je pensais de lui, inconformément à l'image que je m'étais faite de lui, il lui serra la main.
Il lui avait serré la main.
Mais ma surprise ne fut que plus grande quant à la suite de l'accord de Yoongi pour entrer dans sa « secte », celui-ci le prit dans ses bras.
Il l'avait pris dans ses bras.
Il ne m'avait jamais pris dans ses bras.
Je ne savais plus depuis combien de temps je le connaissais, mais je savais fort bien que ses bras ne m'avaient jamais entouré de sorte en me faire une étreinte.
Jamais.
Alors, je ressentis cela comme une trahison. Un coup de poignard dans le dos.
De la colère, une profonde et pure colère se mélangea à ma tristesse intense.
Yoongi.
Il n'était peut-être pas question de le sauver finalement.
N'avait-il pas trouvé sa place en fin de compte. Il n'y avait pas le moindre doute.
Il avait sa place dans ses bras.
Cette place que j'avais toujours convoitée. Alors que je ne l'avais jamais eue.
Si je pensais que j'avais encore une chance de récupérer mon paternel.
J'avais dorénavant la confirmation que je l'avais définitivement perdue.
Un vide se créa en moi.
Un vide se créa dans mon cœur.
Comme un membre à part entier qui se détachait de moi.
Dieu que c'était douloureux.
Je ressentis de nouveau cette envie de pleurer. Cette envie de vomir.
Ajouter à cela, une envie de frapper, de tuer. D'éliminer ou de disparaître. Il fallait que quelqu'un prenne ma colère en pleine tronche.
Ou alors c'était moi que j'autodétruirais.
Et je n'avais pas la moindre envie d'écourter mon existence.
Je me rendais compte de l'horreur de mes pensées quand l'image de Taehyung y apparut comme la victime parfaite.
Mais ma décision fut prise quand je vis mon père – Hadès – poser une main rassurante sur la tête de Yoongi pour le conforter dans sa décision.
— Allez mon garçon, rentre chez toi. Tu peux aller chercher tes affaires, tu séjourneras directement ici à partir de demain.
— Oui, monsieur. Merci de me laisser une chance, répondit Yoongi en s'inclinant.
Trop poli, mec. Si tu continues comme ça, tu ne survivras pas bien longtemps.
— Allez, oust. Demain, sept heures précises. Je ne tolérerai aucun retard, alors je te conseille de dormir tôt ce soir.
En lui accordant une dernière accolade, Yoongi partit, encore plus heureux que lorsqu'il était arrivé.
Je sentais qu'il n'avait pas encore évacué tout l'alcool de son organisme. Alors, il allait avoir besoin de sommeil.
Pour une fois, je lui en étais reconnaissant.
Quand il déverrouilla sa porte d'entrée, il remarqua enfin le désordre qu'il avait causé chez lui. Le salon, la cuisine, la salle à manger avaient été mis sens dessus dessous.
Le Yoongi d'il y a quelques semaines aurait été horrifié. Profondément choqué. Et aurait tout rangé dans l'heure qui suivait. Mais celui-ci. Que je ne reconnus pas alla directement à sa chambre.
Il réunit quelques vêtements dans un sac de sport et partit se coucher.
Directement. L'épiderme plein de l'odeur d'alcool de la veille.
De l'alcool et d'autres choses.
Et Taehyung ne le poussa pas à aller à la douche non plus. Aucun de nous ne tentait d'accomplir sa mission.
Lui comme moi étions spectateur de la scène. Cette scène si peu édifiante.
⁂⁂⁂
Me revoilà dans sa tête, seul.
Enfin, seul avec Taehyung.
Je ne me promenais pas.
Je me couchais simplement sur mon lit, un sourire aux lèvres. Je fixais le plafond d'un œil satisfait.
Dans ma tête, je n'avais pas dû le laisser de marbre non plus.
— À te voir sourire ainsi, tu n'as pas l'air d'être tant pris de remords que cela, Jungkook, entendis-je résonner dans ma chambre.
Il utilisait encore ce fichu prénom qui me donnait des putains de frissons.
— Vas-tu arrêter d'utiliser mon prénom ?
— Tu semblais pourtant apprécier, hier.
— Aujourd'hui est un nouveau jour.
Je me redressais sans pour autant me lever. Je me contentais de me poser sur le bord du matelas, une jambe posée sur sa jumelle.
— Que vas-tu faire aujourd'hui, petit ange déchu, le questionnai-je.
— Je veux que tu me dises pourquoi tu as poussé Yoongi dans les bras de ton père.
— Et si je n'en ai pas l'envie ?
— Je ne te laisse pas le choix.
— Attends, laisse-moi réfléchir, dis-je, maintenant mon menton de mes deux doigts et en laissant mes yeux se balader au plafond. Mmmmh, je ne te le dirai qu'à une seule condition.
— Laquelle ?
— Laisse-moi te baiser. Fort. Sans aucune limite. Et si je suis satisfait de ton obéissance, je te dirais tout ce que tu as envie que je te dise.
Face à moi, Taehyung ouvrit grand les yeux.
Il ne devait pas savoir que j'avais grandi dans la section luxure des enfers.
— Alors, qu'en penses-tu, Taehyung ? Hier, je t'ai laissé jouer avec moi, mais tu n'en as pas profité. Aujourd'hui, c'est mon tour.
— ...
— Ne me dis pas que tu n'as jamais fait ce genre de choses ! Le rouge de ses joues se marqua davantage.
— Petit ange innocent, je ne peux pas te croire pur après tout ce que tu as fait hier.
— Je...
Je m'approchais de lui à pas de félin. Il n'y avait aucune hésitation dans mes pas.
Pas même lorsque je me saisis de son menton que je redressais afin d'ancrer son regard dans le mien.
Ses yeux brillaient de tant de choses. De la curiosité, beaucoup de curiosité. Les anges étaient connus pour leur curiosité et leur soif d'apprendre. Ils ne pouvaient pas résister au savoir.
Cela ne m'étonnerait même pas de savoir que Taehyung était sapiosexuel.
— Alors ? Veux-tu savoir ?
Oui, je jouais avec cela. Ce n'était clairement pas vital pour lui de savoir que mon père m'avait toujours manipulé pour que je sois sa marionnette.
Que je n'étais pas un réel démon.
Que je ne savais même pas ce que j'étais précisément. Il n'avait vraiment pas besoin de savoir.
Je continuais de le regarder dans les yeux, je tentais de le tester. De savoir ce qu'il manigançait, ce qui se tramait réellement dans ses deux yeux innocents.
— J'espère que tu as envie de moi alors, Jungkook, lâcha-t-il dans un souffle. Parce que je ne renoncerai pas à cette information.
Putain.
Je lui avais proposé cela, mais je n'avais pas spécialement d'idées derrière la tête. En me remémorant mes propres paroles, je me demandais si j'avais concrètement envie de le baiser « fort » comme j'avais pu le dire.
A la base, je voulais lui faire du mal.
Déverser ma haine, ma rage et ma tristesse sur lui.
Je le regardais se dévêtir. Sans que je lui donne la moindre indication.
Il ôta en premier lieu son chandail, puis son pantalon. Si ses vêtements étaient blancs, sa peau halée m'apparaissait comme une toile vierge, encore plus belle, plus propre, plus pure. Je voulais y laisser mon empreinte. A mon tour, je me débarrassai des vêtements qui me collaient encore à la peau, mais gardais mon caleçon, comme lui.
— Petit ange, allonge-toi dans le lit, lui murmurai-je d'une voix qui se voulait profonde.
Je ne dus pas laisser place à la moindre opposition puisqu'il s'exécuta sans la moindre objection. J'observais chacun de ses mouvements. J'admirais chacun de ses mouvements. Je me délectais de chacun de ses mouvements.
Et un détail m'atteignit.
Il refusait inconsciemment, ou consciemment, de me montrer son dos. Il s'arrangeait pour toujours se montrer de face. Je pouvais laisser mes yeux se promener sur ses muscles pectoraux, sur ses biceps conséquents, sur ses abdominaux marqués.
Mais son dos m'était refusé.
Et ce qui me donna encore plus envie de le voir était la grimace peu masquée qu'il fit lorsque celui-ci se retrouva en contact avec le matelas.
— Retourne-toi, lui ordonnais-je d'une voix plus douce, sur le ventre.
Je craignais ce que je verrais à cet endroit.
Mais je refusais de laisser mes yeux quitter cet endroit. Je refusais de le laisser seul dans cette première étape.
— T'as pas besoin de voir mon dos pour me baiser, Jungkook.
Putain, tu peux pas juste obéir ?
— Fais-le.
Je le fixai de mes iris sombres. Je tentais de percer les mystères de son âme. Mais rien. Il était fermé comme une huitre.
Et alors que j'allais réitérer mon ordre, il se redressa sur ses coudes pour éviter que son dos ne se frotte contre les draps pendant son changement de position.
Je restais là à attendre patiemment qu'il s'exécute. Il n'y avait rien de pressé.
Mais quand enfin je vis ce qui se trouvait là, dans son dos, mon souffle se bloqua dans ma gorge.
Je ne savais plus si je souhaitais ou non connaître la cause de l'existence de ces grandes plaies dans son dos.
Comment avais-je pu les manquer la veille ?
Il avait joué avec moi, nous étions face à face. Mais quand il était parti, il devait bien avoir dû se tourner de sorte que son dos soit face à moi, non ?
— Que s'est-il passé, soufflais-je entre mes dents.
— Putain, Jungkook, touche-moi juste, et ne pose pas de questions. Je le voyais cambrer sa taille, pour élever son postérieur.
Son visage était enfoncé dans l'oreiller, ses coudes dans le matelas.
Putain, le voir ainsi offert me rendait ouf.
Ne pas voir ses yeux auraient été bien plus simples pour lui prendre sa virginité sans le moindre remord.
Mais je me sentais mal de devoir agir ainsi.
Surtout quand j'entendais les larmes qu'il tentait d'étouffer.
— Petit ange, chuchotais-je à plusieurs reprises en laissant la pulpe de mes doigts se promener sur ces deux blessures. Raconte-moi ce qu'il s'est passé...
Pourquoi en avais-je quelque chose à faire ?
Je continuais de laisser balader mes mains sur son dos exposé, de le couver de mon regard inquisiteur. Je m'assis sur ses cuisses.
De là où j'étais, je voyais nettement le tremblement de ses épaules. Sans réfléchir, je me penchais en avant pour poser mes lèvres sur ces muscles.
Et maladroitement, je tentais de masser ces boules de nerfs pour le détendre un minimum.
— Dis-moi ce qu'il s'est passé, répétai-je entre deux baisers.
Je continuais de tracer mon chemin, dans sa nuque, et je descendis sur sa colonne vertébrale.
Celle-ci représentait l'axe de symétrie entre ses deux cicatrices parfaitement semblables, qui s'étendaient du haut de son dos, jusqu'en bas.
Je sentis son souffle se ralentir, les battements de son cœur, eux, s'accéléraient.
— Taehyung, tu sens si bon, ne pus-je m'empêcher de laisser échapper.
Lorsqu'enfin chaque centimètre carré de sa peau eut été en contact avec mes lèvres, je me redressai et m'assit en tailleurs à ses côtés sur le lit.
Je remarquais que l'envie de le faire souffrir s'était évaporé.
— Jungkook...
— Assieds-toi.
— Maintenant, dis-moi quel connard t'as fait ça, que j'aille lui arracher les yeux. Il n'y a que moi qui puisse abîmer cette jolie peau. Qui est le salopard qui a osé profaner ma belle toile censée être vierge juste pour moi ?
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée que tu le saches, Jungkook.
— Ce n'est pas à toi d'en juger. Après tout, je suis le prince des Enfers, c'est mon travail de punir les pécheurs.
— Jungkook, ces marques que j'ai là, m'ont été faites à cause de toi.
Je pensais que j'étais arrivé au bout de mes surprises, mais il semblerait que non.
— A cause de moi ?
— Oui.
Il avait attisé ma curiosité, là. J'avais commis tout un tas de choses dans ma vie mais, je n'avais aucun souvenir de cela. S'il y avait eu, même l'infime possibilité pour que je sois l'auteur de cet acte, je m'en serais souvenu.
— Enfin, pas directement...
J'étais hypnotisé par ses lèvres, je voulais lui soutirer chaque mot qu'il serait en possibilité d'avoir en ma possession.
Et là, ce fut une sorte de drame.
Chaque mot qui dépassait l'ouverture de ses lèvres existait pour me mettre davantage à terre.
Taehyung détenait, en son sein, le secret de mon existence. Qu'une poignée de personnes détenaient.
Et je n'étais pas inclus.
Je ne connaissais rien de cette histoire de laquelle j'étais le protagoniste.
Vous savez, celle dans laquelle "l'élu" devait à tout prix être protégé. Celle dans laquelle il ignorait tout de lui. Celle dans laquelle je n'avais le contrôle sur rien.
Je ne pus rien faire d'autres que le prendre dans mes bras, avec force.
Comme si je pouvais la lui donner, pour rembourser toutes les dettes que je lui devais.
Alors que c'était une dette inestimable.
Taehyung, n'était pas un ange, non. Il avait grandi parmi les anges, mais était un hybride.
C'était la raison pour laquelle il était le fils d'Hélios, tout comme j'étais le fils d'Hadès.
Il n'y avait pas de raison rationnelle à cela.
Ce stratagème avait pour but d'ensevelir la vérité, d'enterrer nos natures d'hybride, de cacher notre impureté.
Alors, si nous avions été, lui et moi, sur cette mission, c'était que quelqu'un le commandait. Personne ne connaissait l'identité de cette personne, mais, je me doutais qu'il s'agissait d'une force plus grande, moins atteignable. Trop inaccessible pour nous autres.
— Taehyung, je suis si désolé que tu aies dû subir cela.
— Tu n'as absolument rien à te reprocher, tu n'étais qu'un nourrisson à l'époque.
— I-il vaut mieux que nous arrêtions de nous voir...
— Quoi ? Pourquoi ?
— Je t'ai fait tant de mal, j'ai peur...
Et voilà comment cela devait se terminer.
Nous agissions ainsi, car nous étions tous les deux issus de relations conflictuelles, interdites et dites contre-nature.
Je pouvais dire avec une assurance presque certaine que j'étais tombé amoureux de lui. J'espérais que ce n'était qu'en surface et qu'il n'était pas trop tard pour faire machine arrière.
De toute façon, je ne devais plus le revoir, c'était pécher. Je ne voulais plus pécher.
Alors mon cher fruit interdit, je te prie de laisser loin de moi. Il ne pouvait pas me manquer, n'est-ce pas ?
Non, il ne le pouvait pas.
Nous n'avions rien fait ensemble si ce n'était que des taquineries. Rien de plus que des taquineries.
Rien.
Si l'on omettait les confessions, les larmes et la recherche du réconfort dans les bras de l'autre.
Il ne s'était rien passé, strictement rien. Rien du tout.
Du moins c'était ce dont j'essayais de me convaincre.
Parce que si on n'avait jamais goûté à une chose, il était impossible que nous en ressentions le manque. Était-ce comme cela que ça fonctionnait ?
Je l'espérais fortement.
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