Partie 1
— Père, je suis fin prêt.
Agenouillé devant ce caractère à l'allure effrayante, je prononçais pour la énième fois ces mots en priant pour que cette fois soit la bonne.
Je sentais presque les gouttes de sueur perler sur mon front, chose qui s'avérait être complètement impossible au vu du lieu où je séjournais.
J'attendis ainsi, longtemps. Peut-être même des heures durant. Après tout, qu'était le temps ? Ici, il ne pouvait exister, il n'existait nulle part. Encore une invention de ces humains aux attributs si peu attirants...
Je ressentais dans chacune de mes pores le défi. Le défi que m'envoyait mon paternel. Il cherchait à savoir si j'allais avoir la patience à laquelle il s'attendait, cette fois.
La position chevalier servant commençait à m'épuiser. Si on respectait la hiérarchie, j'étais l'une des personnes les mieux placées sur l'échelle, en dessous de mon géniteur qui occupait la place suprême.
— Jungkook, lève-toi. Je m'exécutai.
Et j'attendais.
— Tu es prêt, fils. Tu iras sur Terre exaucer ton vœu le plus cher.
⁂⁂⁂
Le jour J arrivait à grands pas. Très grands pas.
J'avais hâte.
J'avais peur.
Un mélange des deux, sûrement.
Mes sentiments étaient sens dessus dessous.
Si paradoxales. Si contradictoire.
Impatience et inquiétude. Patience et quiétude.
— Fils, il est l'heure pour toi de rencontrer Min Yoongi.
Je ne reçus aucune autre instruction. Juste ces quelques mots en guise d'adieu.
Père, je reviendrai entier dans une vie humaine.
Et d'un battement d'ailes, je partis vers la surface, m'enfuyant par cette brèche qui ne s'ouvrait qu'une paire de fois par siècle.
J'allais découvrir un monde nouveau. J'allais respirer un air nouveau.
C'était le début d'une nouvelle ère.
⁂⁂⁂
Je marchais sur cette plateforme blanche, dont les murs étaient composés de nuages aux allures de marshmallow. Je me baladais, mes ailes, d'un noir profond, contrastaient avec cette couleur aux allures si pures que je n'avais d'une envie, la dépouiller de cette innocence perverse. Faire des tâches là où toute ma vie, je n'avais connu que le noir et le rouge.
Et qu'est-ce que j'en étais reconnaissant.
N'ayant pas d'instructions plus précises, j'attendais. Personne ne partageait son expérience à la surface, non. Il s'agissait d'un sujet tabou.
Victorieux ou non.
Alors, je n'avais qu'une chose à faire. Attendre. J'étais doté d'une infinité d'éternités.
Alors, je pouvais bien me permettre d'en sacrifier une, maintenant. Maintenant ou dans dix ans. Cela ne changerait rien.
Je posais mon arrière-train sur ce sol aux délimitations floues.
J'allongeais mon dos et posais ma tête avant de rejoindre les mondes de l'ombre.
Je m'étais endormi. Au pire moment. Au meilleur moment. Mais ce n'était pas grave, rien ne l'était finalement.
Il n'y avait pas de règles, il n'y avait pas de codes. Il n'y avait pas de lois.
Quoi qu'il en soit, nous étions au-dessus. Toujours.
Je savais que d'ici quelques minces périodes, je rencontrerais enfin mon humain...
⁂⁂⁂
Min Yoongi, enchanté petit ange... enfin bon, tout est relatif.
Me voilà dans une charmante maison en ville. Un fils unique, des parents fortement occupés. Cela ne me semblait pas être un pari difficile à prendre.
Et quand ce petit être si fragile s'endormirait, je jouerais enfin de mes charmes pour pimenter ce jeu aux allures bien trop fade à mon goût.
Il paraissait que les bébés dormaient presque dix-huit heures par jour.
Alors cela me laisserait entièrement le temps de me divertir.
J'ai hâte.
Parce que j'avais entendu dire que l'ange, attribué au démon de la luxure, n'était autre que le fameux Dieu soleil...
J'avais hâte de commencer, le jeu promettait d'être intéressant. Car nous étions deux et qu'il ne pouvait y avoir qu'un gagnant.
Mais qu'est-ce que cet humain avait-il de si important, pour que des divinités aussi importantes lui soient attribuées ?
Hélios, ou bien Kim Taehyung, es-tu prêt à m'affronter ?
Aussi chaud que la braise, je suis. Parviendrais-tu, de ta fraîcheur, à me refroidir ?
⁂⁂⁂
Personne n'avait daigné me dire que cette première journée allait être si harassante. Mon costume sombre ne me laissait aucunement me sentir bien.
J'étais ennuyé.
J'étais étouffé.
J'avais hâte d'en finir alors que j'avais eu tant de hâte à me rendre en ces lieux.
— Bon, là. Il s'en va bientôt dormir ce gosse ? bougonnais-je en donnant un coup de pied à l'une de ces pierres au bord de la route.
Pierre qui me passa au travers puisque je n'étais pas réel. J'en avais marre.
Alors que ce n'était que le premier jour d'une longue série. J'avais juste hâte que Min Yoongi grandisse.
Que Min Yoongi parle.
Que Min Yoongi devienne méchant.
Redoutable.
⁂⁂⁂
Il dormait, enfin. Après ses longs pleurs.
Ces faux espoirs qu'il m'avait donnés.
Je pouvais enfin voir de mes yeux de démons à quoi ressemblait Kim Taehyung.
Un homme dont le rang était similaire au mien.
Que s'avérait être un adversaire redoutable, m'arrivant à la cheville donc amusant.
Je ne voulais que le voir maintenant, dans ce monde onirique qui s'apparentait à un rêve et que je parviendrais si simplement à transformer en un terrifiant cauchemar.
J'observais tout autour de moi, totalement inconnu des lieux qui se trouvaient autour de moi. Je pensais à quelque chose de bien plus ennuyeux que cela, mais, il y avait des ruisseaux et des montagnes, une plaine et une prairie.
Je ne savais pas que je me retrouverais dans les véritables rêves.
Trèves de plaisanteries, il fallait que je trouve ce fameux petit ange. Que je me ferais un plaisir de rendre diabolique.
J'arpentais les divers couloirs aux nuances si limitées. Je traversais ce que je pensais être des routes. Je zigzaguais au milieu des vagues de peur, de joie, de tristesse et de colère. Mais des torrents de frustration m'attaquaient de tous les côtés.
Je n'étais pas frustré, enfin si, mais pas autant. Cette frustration ne venait pas de moi.
Elle venait de Min Yoongi.
De ce que j'avais pu observer aujourd'hui, ses parents, de riches entrepreneurs, ne parvenaient pas à libérer du temps pour lui.
N'arrivait pas à le mettre en haut de la liste des priorités. Au lieu de cela, ils firent appel à une gouvernante.
La meilleure, paraissait-il.
Il paraissait même qu'ils avaient eu à débourser une fortune.
Une misérable fortune parce qu'ils n'étaient pas capables d'assumer un gosse.
Parce qu'ils avaient décidé de rendre leur amour concret, mais de ne pas s'en occuper convenablement.
Mais un enfant qui grandissait sans l'amour de ses parents. N'était-il pas pareil à un amour sans entretien ?
Une plante survivait sans eau et lumière, de manière limitée, mais sans amour, prendrait-il la peine de devenir grande ? De devenir belle ? Pour quoi ?
Il en était de même pour un enfant. Sans eau et sans nourriture, cela était faisable, rattrapable selon le laps de temps.
Mais un enfant qui n'eût jamais connu l'amour, que deviendrait-il ? Je n'avais aucune envie de le savoir.
Il était inévitable que je le sache.
Que je ressorte vainqueur de cet affrontement.
Kim Taehyung, je vais te laminer.
Il n'était encore qu'un enfant, à l'avenir tout tracé. Il n'était qu'un enfant, fier, mais torturé.
Un bébé qui, à peine avait-il vu le jour, n'aurait pas eu la chance de vivre. Qui, au travers de ses larmes, chantait sa frustration.
Ses hurlements sempiternels, qui passaient pour des caprices.
Ses cris de désespoir qui le faisaient passer pour un enfant trop gâté.
Un enfant en manque d'amour qui ne serait jamais plus capable de donner l'amour qu'il n'avait pas eu.
⁂⁂⁂
Je continuais, en vain.
Jamais, il ne se présenta à moi.
N'était-ce pas malpoli de ne daigner me saluer ?
Kim Taehyung, tu ne m'échapperas pas.
Je rejoignis mon alcôve pour la première fois. Je n'y avais encore, jamais mis les pieds.
Pourquoi y en avait-il tant ?
J'avançais pour en toucher les barreaux du bout des doigts.
Tu es trop curieux, Jungkook.
La voix de père résonnait dans le creux de mon oreille.
Cesse de vouloir t'intéresser à tout, Jungkook. Tu ne peux être bon que dans un seul domaine.
Je marchais dans ces couloirs, je laissais ces pensées intrusives au sol.
Père, me voyiez-vous ?
Non, je restais persuadé que non.
Enfermé dans ses cellules, des bébés, des enfants, des adolescents, des adultes, des vieillards. Tous dormaient à poings fermés, tout le visage tourné vers le mur, toutes ces personnes partageaient une caractéristique. Elles avaient toutes des cheveux noirs et un corps longiligne.
J'avais désormais fait le tour.
Une seule alcôve n'avait pas été scellée.
Quand, soudain, autour de moi, l'air se chargea en électricité. L'air se chargea en tout.
Il y avait là, un flot de je ne savais quoi.
Un regroupement, un engrangement, un embouteillage. Il fallait que je m'échappe.
L'air était bien trop chargé d'inconnus pour moi.
Et voilà Jungkook, à vouloir tout savoir, tu te mets dans des états pas possibles.
Père, s'il vous plaît, juste, fermez la.
Oui, je détestais reconnaître mes torts. Oui, j'étais bourré de défauts.
Mais n'étais-je pas un démon ?
Un démon était-il censé avoir des qualités ?
Le corps lourd, j'atteignis, je ne savais comment, mon alcôve dans laquelle mes affaires y avaient déjà été entreposées.
Je n'avais pourtant rien fait de spécial aujourd'hui.
Mais je tombais tout de même sur la couchette, en proie à une fatigue inexplicable.
⁂⁂⁂
Au réveil, j'étais perdu.
Paumé et pas là où je m'étais endormi.
Non.
J'étais sorti de cette bulle.
J'étais désormais face au monde.
Face au monde que je me devais d'accepter pour les quelques décennies.
J'en venais presque à vouloir la mort de mon hôte pour retourner dans mon trou.
Eh oui, il n'y avait pas que les humains qui tenaient en horreur le changement. Bon comme mauvais, chaque entité dotée d'une conscience savait se répugner de toutes choses sortant de l'ordinaire.
Je ne voulais qu'une chose, rentrer.
Et comme pour me punir, le temps passa si lentement, que je crus que j'allais y laisser ma peau avant qu'on ne me libère de ce calvaire.
⁂⁂⁂
Quand enfin, ce garnement se décida à aller se coucher, je pus enfin retrouver le confort de mon alcôve.
Enfin mon alcôve...
Tout était autour de moi, aussi pareil que différent de la veille.
Tout était autour de moi, si blanc à l'odeur aseptisée que je me crus réellement à l'hôpital.
Mais cette pureté contenue dans cette couleur me rassura. Elle me consolait par son air de déjà-vu.
Je n'avais jamais autant eu de hâte à retrouver cette couleur blanche qui piquait mes iris sensibles aux couleurs trop lumineuses.
Je n'avais jamais eu tant de hâte à me retrouver seul.
J'avais pour habitude de toujours être entouré de cris, de pleurs, de hurlements des âmes perdues. De ces démons qui ne m'appartenaient pas. Mais au moins je les connaissais. Mais au moins, je savais qu'à tout moment, je pouvais les arrêter.
Alors que là.
Alors que là, ceux qui se déchainaient dans mon cerveau, dansaient à en perdre haleine dans ma boîte crânienne. Sans que la moindre possibilité de les arrêter ne me soit proposée.
Je me devais de m'asseoir sur mon lit, prendre ma tête entre mes deux mains pour réfléchir posément.
Tout fusait à une telle vitesse dans mon crâne.
Je n'aurais jamais pensé que cela se passerait ainsi, que ce serait si difficile de guider un humain vers la voie que l'on souhaitait.
Que cela me demanderait tant d'efforts.
Jungkook... relève-toi.
J'entendais la voix des déesses infernales dans ma tête.
Elles n'avaient jamais été si présentes depuis que j'étais parti. Elles n'avaient jamais été si présentes tout court.
Alecto, Tisiphone et Mégaire.
La colère, la jalousie et la violence.
Trois femmes que nous avions appris à idolâtrer dès le plus jeune âge. Trois femmes que j'avais appris contre mon gré à respecter et à chérir. Trois valeurs que je me devais d'avoir dans mon sang.
Je me relevais avec la force de ces voix.
Celle que me dictait ma colère profonde de ne pas réussir à me voir savourer ce moment que j'avais si longtemps attendu.
Celle que me dictait ma jalousie maladive de voir d'autres personnes réussir là où j'échouais.
Celle que me dictait ma violence destructrice que je peinais de plus en plus à contenir.
— Putain.
Je me relevais d'un coup de ma blanquette. Il fallait que je trouve cet ange, pour m'assurer qu'il ne soit pas en meilleur état que moi.
Parce que...
Parce que je devais être le meilleur. Quoi qu'il m'en coûte.
Kim Taehyung, tu ne paies rien pour attendre.
Mon garçon, nous sommes si fières de toi. Là où tu t'es écroulé, bien des gens n'auraient pas accepté de continuer. Toi, tu as pu te relever à la simple force de ta volonté.
Encouragé par ces voix qui m'avait, jusqu'à maintenant, bercé, je partis à la recherche de ce fameux Kim Taehyung.
Chaque couloir débouchait sur un autre d'autant plus profond et semblable que le précédent. J'avançais, mais ces efforts demeureraient forcément vains.
Mais au détour de l'un d'eux.
Je sentis à nouveau cette électricité dans l'air, cette tension à en faire hurler un muet, à en éblouir un aveugle, à en faire rougir un vampire...
Alors, inconsciemment, je sus qu'il se trouvait là, à quelques mètres de moi.
J'avançais prudemment sur ce sol uniforme, m'attendant à ce qu'il s'écroule à chaque pas que je faisais.
Aucun bruit ne régnait. Aucun mouvement ne fendait l'air. Rien ne me certifiait que je m'approchais de lui, pourtant la certitude me prenait aux tripes.
Cette nouvelle excitation provoqua chez moi des réactions inconnues. Je ressentais une hâte.
Et un je-ne-savais-quoi qui ébranlait tout dans mon être.
Mes démons me quittèrent soudainement, chassés par la proximité de cet ange.
— Bon-bonsoir ? Jungkook je présume... parvint une voix à mon oreille.
Elle était d'une niaiserie à m'en percer les tympans.
Elle était d'une douceur à en éteindre les flammes des enfers.
Elle était d'une musicalité déconcertante, presqu'inconvenable. Et son propriétaire était d'autant plus renversant.
Il était vêtu d'un ensemble aussi ennuyeux que ces lieux. Il n'y avait aucune touche de sombre.
Je ne m'interdis pas de le détailler de haut en bas.
Ses cheveux blond platine, sa peau basanée, dénuée de toute trace d'encre.
Silhouette fine et musclée, taille convenable...
— Je vous dérange peut-être ?
— Oui, je préfère quand tu la fermes.
Naturellement, je répondis de manière acerbe, presque inconvenable. Je sentais en mon sein que ce n'était pas une manière de parler.
Mais j'avais été éduqué de la sorte.
— Kim Taehyung, n'est-ce pas ? Comme on se rencontre enfin.
— Jeon Jungkook... me répondit-il en se tournant face à moi, que me vaut ce plaisir ?
— Je voulais juste savoir à quoi tu ressembles. Pas de quoi en faire un drame.
— Alors ? Satisfait ?
— Non.
— Que vous manque-t-il ? Non pas que je veuille ressembler à votre idéal.
— Des tatouages.
— Alors je ne me ferai jamais tatouer.
—- Ne jamais dire jamais, petit ange. Ce n'est pas ce que l'on vous apprend en haut ?
Il ne répondit pas, comme c'était étonnant.
J'avais eu raison de trouver tous ces êtres d'un ennui inquiétant.
Jungkook, maintenant dis-lui ce que tu étais venu lui dire initialement.
— Tae, tu permets que je t'appelle comme ça hein. Je suis venu jusqu'à toi pour te dire de pas perdre ton énergie. Je compte bien gagner alors sois mignon, me complique pas la tâche.
Je n'attendis pas de réponse, à quoi cela servirait-il de toute façon ? Je tournais simplement des talons et m'en allais.
Je crus entendre un faible « Dans vos rêves » mais je n'en étais pas sûr.
Serait-ce possible que ce petit ange soit moins ennuyeux que prévu ?
Si c'était réellement le cas, j'avais hâte de relever ce défi. Ce défi avec une pointe de jeu qui n'ajouterait que du piment à la partie.
Plus on était de fous, plus on riait.
⁂⁂⁂
De retour sur mon matelas dur, je réfléchis à ce qu'il allait désormais se passer maintenant que les dés étaient joués. Je refusais de perdre le moindre tour que j'avais en avance.
C'était inconcevable.
La balle était dans mon camp.
Et je comptais jouer chaque tour avec tout le soin que je pouvais.
J'avais réfléchi toute la nuit et tout le jour qui avait suivi à ce que j'allais bien pouvoir faire.
⁂⁂⁂
Yoongi grandissait un peu, mais sa croissance restait si lente.
Ne pouvait-il pas simplement faire comme les démons ? Penser à grandir pour que cela se produise l'instant d'après ?
Était-ce trop compliqué pour lui ? Apparemment, oui.
De jour en jour, il apprenait à se déplacer de manière autonome, grâce à Taehyung alors en contrepartie, je lui faisais faire des bêtises.
Je jubilai à l'idée d'inquiéter les parents du petit.
Je jurai que c'était la chose la plus fantastique que j'avais pu faire de toute ma vie.
Le cacher sous un carton, tétine dans la bouche en entendant les parents fouiller à droite à gauche, désespérés de ne pouvoir mettre la main sur un bébé.
Mais surtout, j'adorais entendre les râles provenir de l'alcôve attenante à la mienne.
Parce que oui, dorénavant, nos places étaient devenues fixes et dangereusement proches.
Je devais cohabiter avec cette tortueuse tension qui naissait chaque fois que je souhaitais me reposer.
Mais jamais ces démons ne revinrent me déranger.
Sans compter que m'habituer à cette électricité ne fut pas bien difficile. Je me réjouissais de semer les maux à mon passage.
Je m'en réjouissais, mais il y avait toujours ce ressentiment, cette culpabilité que je ressentais en moi. Que je ne devrais pas avoir. Qui ne devrait même pas exister puisqu'elle n'était pas censée être inscriptible dans les lignes ADN des démons.
Alors, pourquoi étais-je ainsi ?
Je ressentais à nouveau cette forte angoisse monter de mon estomac à mon œsophage. Plus forte, plus virulente, elle brûlait mes tripes, rendait mes repères flous. Elle tiraillait chacun de mes mœurs et allait à l'encontre de tout ce que j'avais toujours connu.
Si mes démons m'avaient laissé tranquille, je ne compris que maintenant que ce n'était que provisoire. Qu'ils étaient partis pour revenir plus forts encore.
Qu'ils reviendraient...
Pour assombrir mes idées obscures.
Pour créer davantage de chaos dans ma tête. Pour flouter mes limites et mes sens.
Tout.
Rien.
Je savais tout, mais que savais-je en réalité ?
Je me pensais démon, mais étais-je réellement digne de ce titre ? Père, qui est mère ? Pourquoi n'avez-vous jamais daigné me le dire ? Je ne savais désormais plus différencier mes pensées de la réalité.
Je me savais en train de hurler à la mort dans mon for intérieur, mais était- ce le cas dans la vraie vie ?
Je poussais un cri ardent, à m'en rompre les tympans. À en rompre tous les tympans. Mais...
Mais...
Qu'en était-il de ceux des autres ?
Qu'en était-il de ceux qui n'étaient pas moi ?
Ma vision, brouillée par mes larmes, m'empêchait de voir clair de ce monde aux allures insalubres. Mes sens floutés par ce capharnaüm qui beuglait dans ma boîte crânienne. Mes idées se colorant de noir à chaque seconde qui passait.
— Jeon Jungkook... entendis-je faiblement contre mon oreille. Vous allez bien ?
Un souffle sur ma carotide, une pression sur mon épaule.
— Jungkook, respire... concentre-toi sur ma voix...
Je ne connaissais pas l'origine de cette voix, son propriétaire. Mais étonnamment, je fis ce qu'elle me dicta. Je remplissais à nouveau mes poumons de cet air indispensable et me rendis compte que j'avais retenu ma respiration.
Depuis quand avais-je besoin de respirer ?
— Chuuut, tout va bien se passer. Allonge-toi et dors, demain est un jour nouveau...
Encore une fois, je m'exécutais.
Et le calme revint. Le brouillard se leva.
Tout redevint comme avant. Limpide.
Clair. Suffisant.
Du moins, ça l'était suffisamment pour que je rejoigne les bras de Morphée.
⁂⁂⁂
Je ne me souvenais pas de grand-chose de la veille.
Je ne me souvenais plus de comment je m'étais retrouvé allongé dans mon lit, la couette remontée au niveau mon menton.
Je ne me souvenais pas de comment cet oreiller était parvenu à rester derrière ma tête, et non pas au sol ou à l'autre bout du lit.
Moi qui avais l'habitude de laisser transparaître mon chaos intérieur, j'avais pu passer une nuit calme, sans la moindre agitation.
Je ne me sentais pas le moins du monde reposé, mais au moins, j'étais apaisé.
Libéré.
Mais pour combien de temps ?
J'avais la putain d'impression que la journée d'aujourd'hui ne serait qu'en tous points la même que celle de la veille.
Yoongi, ne peux-tu pas m'épargner tes gazouillis incessants qui résonnent toute la journée dans mon cerveau ?
Ce job allait me détruire bien plus qu'il allait m'apporter. Je n'avais fait qu'accélérer l'inévitable.
Je n'avais fait que quémander l'insupportable. Alors, je devais désormais assumer l'inconcevable.
A longueur de journées, j'observais Yoongi en train de ramper, piailler et chier.
J'avais même les odeurs. Quelle vie de merde.
⁂⁂⁂
Comme j'avais pu le prédire, il ne se passa rien de plus que la veille. Je n'aurais su dire si du côté de Taehyung ç'avait été la même chose, mais du mien, rien n'avait changé.
Yoongi commençait tout juste à avoir quelques poils qui lui poussaient sur le crâne en guise de cheveux. À s'apercevoir que ses bras n'étaient pas comestibles, mais qu'ils pouvaient bien lui servir à faire des choses plutôt qu'attendre que d'autres les fassent pour lui.
Yoongi grandissait, mais ce n'était pas suffisamment rapide...
⁂⁂⁂
Quelques années plus tard — Yoongi soufflait sa quatorzième bougie —.
J'avais passé ces quatorze années à le voir réussir tout ce qu'il entreprenait. Littéralement tout le réussissait.
J'attendais avec hâte à la période de la puberté pour le voir se ridiculiser avec un appareil dentaire et de l'acné plein le front. Mais ce ne fut pas quelque chose qui arriva.
Non, Yoongi avait été épargné.
Même s'il n'était pas de ces jeunes extravagants qui ne tenaient qu'à leur apparence physique, il y faisait juste attention pour s'assurer une peau lisse, pour rester au plus loin des moqueries incessantes.
Yoongi était discret et intelligent.
Yoongi avait des amis et des prétendants dans tous les sens. Mais selon ses dires, il n'avait pas le temps pour cela.
A la place, il coupait court à toutes ses relations sociales à la sortie des cours.
Si vous pensiez que c'était pour travailler, vous vous trompez sur toute la ligne.
Yoongi n'ouvrait jamais son sac à la maison.
Il préférait se terrer dans la bibliothèque, seul, et plonger dans un de ces nombreux bouquins.
Ma seule satisfaction étant qu'il s'agissait là de romans policiers dans lesquels il se reconnaissait dans le rôle de l'antagoniste.
C'était dans ces moments-là que je me disais que tout n'était pas perdu. Qu'il n'allait jamais être cet être manichéen dont les manies ne pouvaient qu'être bonté infinie. Même s'il n'allait probablement pas être foncièrement méchant, je ne m'en préoccupais pas.
Il était généralement vingt-et-une heures lorsque Yoongi décidait qu'il en avait assez, il se frottait les yeux comme s'il venait de passer les dix dernières heures à dormir et s'en allait dans sa chambre.
En fin de compte, Yoongi ne souffla pas ses quatorze bougies et passa cette journée seul, la faisant se perdre dans le tas monotone qu'était sa vie.
Yoongi était seul dans son existence qu'il avait l'air de trouver aussi insipide que moi.
Alors, je lui soufflais qu'il avait besoin de piment.
Qu'il avait besoin de plonger dans l'inconnu. Dans l'incertain.
J'en profitais pour faire germer dans son cerveau, l'idée de rejoindre le côté obscur de la force.
C'est bien mon enfant, m'avait répété Tisiphone à plusieurs reprises.
⁂⁂⁂
Yoongi n'avait jamais été un enfant comme les autres. Il savait suffisamment prendre soin de lui-même, ayant lui-même refusé la présence d'une gouvernante à l'âge de huit ans. Cela faisait donc presque six ans qu'il vivait seul.
Ses parents avaient commencé à peu à peu s'effacer de sa vie après qu'ils ont estimé qu'il se développerait sans son aide.
Et je me reconnus cruellement en ce jeune garçon que je peinais à ne pas aimer.
Il me sembla qu'en mon sein s'éveillait une sorte de... culpabilité.
Une culpabilité qui me faisait presque pleurer de frustration chaque nuit. J'espérais secrètement qu'il revienne prendre soin de moi chaque fois. Mais ce n'était pas arrivé depuis belle lurette.
Ce n'était pas arrivé depuis quatre mille huit cents nuits. Quatre mille huit cents jours depuis cet instant.
Quatre mille huit cents nuits durant lesquelles je côtoyais Taehyung durant quelques secondes uniquement.
Notre relation se résumait à cet accord tacite. À cette promesse silencieuse.
À cette chose que nous empêchions de grandir entre nous. Cette chose dont nous ignorions tout.
Cette chose qui nous paraissait hors d'atteinte... Et ce fut la même chose cette nuit-là.
J'étais sur mon lit, dur, et encore une fois, je me demandais ce qu'il adviendrait de l'avenir de Yoongi.
S'il aurait la force de finir de se construire seul.
S'il passerait ses nuits plongé dans ses bouquins, jusqu'à la fin de ses jours.
J'avais beau me rouler dans mon lit, encore et encore, Morphée ne venait pas à moi, mes pensées bien trop préoccupées.
Désordonnées.
Inexploitables.
Je décidai de sortir prendre l'air, enfin me dégourdir les jambes, comme j'en avais l'habitude.
Je ne m'éloignais que rarement de mon alcôve, mais j'avais cette fois, décidé de retourner voir ces mystérieuses cellules que j'avais pu voir au tout début de ma mission.
Si j'avais été déplacé il y a bien longtemps, quatre mille huit cents jours auparavant pour être précis.
Cent quinze mille deux cents heures pour l'être davantage.
Je me souvenais du chemin comme si j'y allais régulièrement. Rien n'avait bougé, mais tout avait changé.
Il n'y avait plus ces barreaux sur quelques-unes de ces alcôves. Et je reconnus dans celles-ci Yoongi. A travers son évolution. Il y en avait quatorze, une pour chaque année.
D'abord bébé Yoongi qui dormait à poings fermés. Ils dormaient tout en fait.
Mais ce qui changeait de la dernière fois était que leur visage était tourné vers moi.
Je savais qu'il s'agissait de Yoongi, à chaque fois devant mes yeux.
Mais alors, pourquoi me voyais-je moi.
Pourquoi est-ce que j'y voyais un moyen de changer mon passé ?
Il était passé de toute manière, oui, il pouvait blesser, mais on ne pourrait jamais le réparer. Il laissait des traces, temporaires sur nos peaux, indélébiles dans nos cœurs.
Alors, pourquoi je me voyais courir vers le Yoongi de quatre ans dans les bras pour lui dire de ne jamais grandir ? Vers le Yoongi de deux ans pour lui rappeler que ce serait la période la plus joyeuse de sa vie ? Vers le Yoongi de dix ans pour le supplier de ne pas vouloir grandir trop vite ?
Y existait-il une tendance chez les jeunes à ainsi vouloir ressembler aux moins jeunes ? Étaient-ils nombreux dans ce même cas ? Parce que si la réponse s'avérait positive, je ne saurais comment le prendre. Mal, probablement.
Je ne m'attardais pas sur chacune de ces étapes. Je ne savais plus ce que je ressentais exactement.
De la compassion ? De la culpabilité ? De l'espoir ?
Trois sentiments qui ne devraient évidemment pas se trouver dans mon ADN, mais ce devait finalement être le cas.
Je le plaignais, ressentais de la pitié, car ainsi allait la vie et qu'aucun être n'aurait dû vivre ainsi sans recevoir l'amour de ses parents.
Je culpabilisais aussi d'avoir été désigné pour être son petit diable. Moi qui ne parvenais pas à trouver une certaine stabilité au sein de ma propre existence devait tenter d'en trouver dans la sienne ? Je culpabilisais aussi du fait de mon esprit de compétition accru qui ne donnait sens à rien à la fin, si ce n'est à une victoire sans laquelle je serais devenu fou.
Je ne supporte pas de perdre, m'entends-tu, petit ange ?
Et enfin l'espoir. Ce satané espoir qui empoisonnait mon existence. Il empoisonnait toute existence par sa simple présence. Il faisait croire à un futur meilleur. A une possibilité de rédemption. Mais non. Il n'y avait point de possibilité pour qu'un démon, même le meilleur, finisse au paradis, tout comme il n'y avait point de possibilité qu'un ange, même le plus susceptible d'être condamné, se retrouve en enfers.
Alors qu'espérais-je ?
Espérais-je avoir la poigne suffisante pour faire bouger les choses que le destin lui-même avait décidées ?
Espérai-je lui épargner toutes ces choses que j'avais jadis vécues ? N'était-ce pas la tâche des habitants de là-haut ?
Tout n'était que méli-mélo dans mon esprit.
Pourquoi avais-je soudainement de m'être rabaissé à une condition humaine ? D'avoir ingéré leur alcool ? De tituber sans pouvoir marcher droit, même avec toute la volonté du monde ?
N'y avait-il aucune place pour cela dans ma vie ?
— Aide-moi, m'entendis-je prononcer avant que tout ne devienne noir.
⁂⁂⁂
Cette nuit, j'avais rêvé de mon bel ange.
Je sentais les effluves de son parfum même après m'être débarrassé de toutes traces de sommeil.
J'ébouriffais quelque peu mes cheveux afin de les remettre en ordre. Et je me levais.
Je regardais l'heure. Neuf heures quarante. Min Yoongi dormait encore.
Un mercredi matin.
Se risquait-il en ce moment même de manquer les cours au profit de son sommeil ?
Étrange, pensai-je.
Comment cela pouvait-il arriver ? Le pire ? Je ne pouvais rien y faire.
Mes sens, mes mouvements, ma zone de pouvoir diminuaient considérablement lorsque Yoongi dormait. Il n'y avait aucune possibilité pour moi, là, maintenant, de le secouer.
Pourtant, la chose la plus bizarre est que, Yoongi, s'était couché à l'heure habituelle et avait eu le droit à son quota d'heures.
— Toi aussi, tu trouves ça étrange ? me questionna soudainement une voix.
Je ne pus m'empêcher d'être méchant, enfin. Vous comprenez ce que je veux dire par là.
— Qu'est-ce qui te fait dire que ça me préoccupe de quelque manière qui soit ? lançais-je.
Œil pour œil, dent pour dent.
Je me sentais toujours obligé d'être sur la défensive. Attaqué, menacé. C'était épuisant....
— Jungkook, je t'entends penser depuis ma chambre. Si cela n'avait pas été impossible, j'aurais facilement pu penser que tu étais en train de copuler, me répondit Taehyung, l'air de rien.
Toujours était-il qu'entendre sa bouche prononcer ces mots ne me fit pas aucun effet.
Pensais-je si fort ?
En ce moment, mes pensées étaient si troubles que je ne parvenais pas à saisir leur réelle essence. Y parvenait-il ?
— Ah oui ? Et tu voudrais que je pense à toi, plutôt qu'à d'autres ?
— Je- se mit-il à rougir furieusement. Si aisément déstabilisé.
Un jeu d'enfant.
Je me sentis soudainement troublé, je sortis de mon corps. Yoongi se réveillait.
Il n'avait pas l'air de se souvenir d'où il était. Qu'avait-il pu se produire la veille ?
Je me savais distrait.
Mais je ne savais pas réellement ce que s'était passé en fin de compte.
Je me promenais un tout petit peu dans la tête de Yoongi encore avant de me diriger vers l'extérieur.
Sa tête était encore plus brouillonne que la mienne. Ses idées étaient cachées, masquées par un voile.
Il avait décidé de boire ? Ce n'était sûrement pas le cas.
Je n'aimais pas particulièrement rester lors de ses sessions lecture, alors je restais en retrait.
Était-ce ainsi que je n'avais pas vu qu'il était malade ? La fièvre avait pris possession de sa tête.
Et les tremblements de son corps.
Je n'osais pas m'approcher de peur de fauter.
Mais il éveilla de nouveau en moi ce sentiment de peine. Cet enfant, ce grand enfant fragile.
Seul dans sa maladie.
Comme moi.
Il n'y avait rien qui allait.
Et en cet instant, il n'y avait qu'à Taehyung que je souhaitais parler. Lui demander, non, le supplier de faire quelque chose afin de lui venir en aide.
De sauver cet enfant.
Parce que je savais que je ne pourrais rien faire.
Qu'un être aussi instable que moi ne parviendrait jamais à assurer la stabilité d'un autre.
Taehyung, je t'en prie. Aide-le. Aide-le pour qu'au moins l'un de nous soit sauf.
Je pensais aussi fort que je le pouvais. Et espérais qu'il m'entende. Qu'il entende les supplications de mon enfant intérieur.
Cette fois, je ne me laissais plus distraire, je ne pouvais pas. Alors j'observais. En attendant qu'une force inconnue ne vienne changer les choses.
Yoongi reniflait toujours faiblement dans son lit, les bras fermement accrochés à sa couverture. Il le cachait, mais même une personne lambda verrait ses soubresauts au travers de la couverture.
— Yoongi ? entendis-je, de l'autre côté de la porte close.
N'entendant pas de réponse, la propriétaire de cette voix se permit de déverrouiller la pièce.
C'était une femme d'une vingtaine d'années que j'avais pu voir à plusieurs reprises durant son enfance.
La plus petite sœur de la mère de Yoongi. Cependant, elles avaient coupé les ponts à cause d'un nombre de différents entre elles qui était juste trop important.
Eun-kyung était vêtue d'une robe qu'elle s'était probablement offerte lorsque l'un de ses nombreux voyages et ses frêles épaules étaient couvertes d'une fourrure blanche.
Eun-kyung était journaliste de guerre. Son emploi contrastait avec son apparence, mais son caractère ne demeurait pas moins ardent. Il ne fallait pas se frotter à elle.
— Yoongi, s'écria-t-elle en me coupant de mon analyse. Elle en fit même tomber ses courses.
Elle se précipita d'un pas inquiet au pied du lit, ses mains prirent de suite le visage de son neveu en coupe.
— Que t'arrive-t-il mon chéri ?
Et sans que personne comprenne d'où lui sortait cet élan de douceur, elle se releva abruptement en plantant ses poings dans ses hanches.
— Je ne suis pas venue te regarder dormir. Je vais te préparer de quoi te remettre sur pied. Dors mon chéri, tata viendra te chercher.
— Mmh, gémit le concerné, probablement à demi inconscient.
Sans plus de cérémonie, elle s'en alla vers la cuisine sans oublier de ramasser ses courses.
Et Yoongi s'endormit.
Je me rendis dans ma chambre, dans un état encore plus piteux que le matin même.
La tête dans le creux de mes mains, j'entendis une voix qui parvint à mes oreilles.
— Je t'ai entendu, tu sais ?
— De quoi tu parles ?
— Ton appel, tu sais, tu peux tout me dire Jungkook. Rien ne fuitera, tout restera à jamais entre nous. En plus, Jimin dit que je suis une bonne oreille attentive, déclara l'ange en riant légèrement.
Quel son mélodieux, ne pus-je m'empêcher de penser.
— Taehyung, l'apostrophai-je en relevant mon visage. Tu sais qu'on n'est pas censé s'aimer et puis, je suis odieux avec toi depuis le début. Pourquoi t'obstines-tu ?
— Je- euhh... je ne sais pas. Tu as l'air d'avoir besoin d'aide.
— J'ai surtout besoin de baiser, il n'y a pas un trou de libre ici.
Le silence tomba à nouveau entre nous. J'avais trouvé la méthode parfaite pour lui fermer sa magnifique bouche. Il me suffisait d'être cru. Ce que je savais parfaitement faire.
Alors que je réfléchissais, je sentis un poids sur mon épaule. La tête de Taehyung venait d'y tomber et ses cheveux blonds chatouillaient mes clavicules.
Venait-il de tomber de fatigue ?
Je devrais m'énerver et le dégager en lui hurlant que je n'étais pas un putain d'oreiller. Alors pourquoi je ne fis-je pas ?
Pourquoi à la place je me levais délicatement et l'allongeais dans mon lit en rabattant la couverture sur son corps afin qu'il ne prenne pas froid ?
Merde.
Père, je vous jure que je ne comprends pas ce qu'il m'arrive.
Je repris place dans ma position précédente pour réfléchir, encore. Assis en bord du lit, mes fesses au niveau de son bassin, je pensais.
Yoongi, que puis-je faire pour toi ?
Je sentis une paire de bras m'agripper par la taille.
Bordel.
Qu'est-ce que je pouvais détester les contacts physiques. Alors pourquoi le sien ne me révulsait-il pas ?
J'inclinais ma tête en arrière et vis que mon petit ange dormait encore. Était-il au courant que ce geste était tout sauf pur ? Qu'il portait en son sein plusieurs sens, et que celui que je lui donnais n'allait pas lui plaire.
Je mourrais d'envie de voir jusqu'où il irait ce soir.
Alors, je dégageais délicatement ses mains et je m'allongeais à ses côtés.
Je ne lui avais pas menti, j'avais une putain d'envie de baiser. Et le savoir si vulnérable et si proche de moi ne m'aidait pas.
Sur le dos, j'observais le plafond, stoïque. Mais mon stoïcisme me laissa tomber lorsque je sentis son souffle s'échouer sur mon cou et l'une de ses jambes passer sur les miennes.
Putain.
Sa main, quant à elle, vint se loger dans mes cheveux et ses paupières étaient toujours closes.
— Jungkook, que me faites-vous faire, prononça-t-il de sa voix endormie. Et il retourna, me privant de son contact de manière si brutale.
Il m'offrit à la place une vue surplombante sur son dos.
J'aurais pu rester ainsi des heures durant, à l'observer, encore et encore. Encore et toujours.
Mais ce fut sans compter sur cette Eun-kyung qui éleva sa voix dans la chambre. Nous extirpant de notre bulle aussi violemment qu'elle le fit avec le sommeil de son neveu.
Las et fatigué, il se leva tout de même pour aller goûter ce que sa chère tante lui avait préparé.
Et je ressentis par-dessus tout ce gribouillis de sentiments que quelque chose réchauffa tout de même son cœur. Me prouvant par l'existence que toute chaleur ne l'avait pas quitté, qu'il pouvait encore être sauvé.
C'était donc ça, l'espoir ?
L'espoir tragique dont l'issue était bien plus qu'incertaine.
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