Pour les plus petits animaux, les oiseaux et les insectes, c'était comme si rien n'avait changé. Chaque nuit depuis le premier jour, Jisung les entendait chanter à travers les bois. C'était exactement comme lorsqu'il campait avec ses meilleurs amis, quand cette activité n'était encore qu'un plaisir qui faisait rêver les adolescents la semaine. Maintenant c'était devenu leur seul option.

Jisung avait toujours adoré partir en montagne avec Chan et Changbin pour planter leur tente près d'un lac et allumer un feu pour se réchauffer, le tout en improvisant des chansons plus idiotes les unes que les autres. Chaque weekend depuis ses dix ans, toujours de plus en plus loin, ils partaient à l'aventure. Ils avaient d'abord commencé dans le jardin de la grand mère du blond mais très vite, cela ne suffit plus à ce petit intrépide qu'il était. Plus téméraire que les autres, il passait le plus clair de son temps à arpenter les alentours à la recherche des moindres recoins inexplorés. Évidemment, le plus vieux des trois supervisait leurs expéditions pour ne jamais se perdre, à quelques exceptions près où ils avaient mis plus de vingt-quatre heures à rentrer. Jisung se souvenait très bien de la colère qu'il avait ressenti lorsque ses parents l'avaient privé de sortie pour le weekend suivant. Tout ça parce que Changbin le trouillard préférait rester dans les alentours avec une vue sur la ville. Quel peureux ! Ils s'étaient disputés avant de partir chacun de leur côté, et finalement ils avaient tous fini par se perdre.

Jisung soupira, nostalgique. Changbin détestait errer dans la forêt lorsque le monde tournait encore rond. Il se demandait comment son ainé s'en sortait à présent, et s'il était encore en vie. Penser à son ancienne existence ne faisait jamais de bien à Jisung. Sa poitrine semblait toujours creuse dans ces moments là. Peut-être qu'elle l'était réellement, parce qu'il n'avait pas été à la hauteur dans les premiers instants. La preuve : il ne savait pas ce qu'étaient devenus ses amis et la plus grande partie de sa famille était morte.

Mais comment aurait-il pu sauver son entourage ? Comment aurait-il pu se douter, alors qu'il frappait un mec dans la cour de son lycée pour une histoire bête, que ce matin serait le dernier matin normal qu'il vivrait ? Aucun indice ne présageait la fin du monde. Elle leur était tombée dessus sans crier gare. En quelques heures, la surface de la terre se retrouva recouverte de cadavres et infectée de monstres.

Jisung resserra fortement la corde et la tira de toutes ses forces pour tendre le piège à son maximum. Il avait chaud, la sueur coulait sur ses tempes et collait ses cheveux contre son front. Cela faisait deux bonnes heures que le survivant mettait en place un système pour repérer et arrêter les créatures qui pourraient s'approcher de leur campement durant la nuit. Sa fatigue n'était rien face à la peur de perdre un des garçons qui dormaient à quelques mètres de là, allongés sans défenses autour d'un feu de camp éteint.

Leur survie relevait du miracle à ce stade. Les deux endormis n'avaient plus que lui, le seul encore capable de veiller sur eux après tout ce qui s'était passé. Heureusement que Jisung était avec son frère au début de la panique et qu'il ne l'avait pas lâché une seule seconde. Sinon Jeongin n'aurait pas donné cher de sa peau.

Un souffle lourd s'échappa des lèvres sèches du guetteur. Son corps était épuisé. Ses yeux le piquaient à cause des braises et de l'obscurité. Le manque d'eau n'y était probablement pas pour rien non plus, mais le décoloré préférait prendre sur lui. Il n'avait pas le droit à l'erreur. On comptait sur ses capacités. Il ramena alors brusquement la corde à lui pour en finir mais son geste fut si violent qu'une branche se décrocha et lui écorcha le bras. Jisung couina de surprise.

- Merde ! Siffla-t-il entre ses dents avant de plaquer une de ses main contre son avant bras ouvert.

Son sang prit rapidement la fuite à travers la coupure béante. Ce foutu liquide se propageait à une vitesse insensée ! Ses dents s'enfoncèrent dans sa chair rose pour l'empêcher de geindre. Malgré la douleur folle qui brûlait son bras, Jisung dut manier habilement la corde pour tenir son piège en place. Abandonner maintenant ne faisait pas parti des options envisageables ! Le survivant y avait déjà passé bien trop de temps. Ses gémissements se cognaient contre ses lèvres mais il parvenait à les garder à l'intérieur. Alerter les tueurs assoiffés était décidément la dernière chose que Jisung voulait. C'était déjà un miracle qu'ils n'en aient croisé aucun depuis la tombée de la nuit.

- Un coup de main ?

Le survivant sursauta. Il jeta un coup d'oeil surpris au garçon qui s'était rapproché silencieusement mais ne bougea pas. Ses doigts continuaient de s'imbiber de sang alors qu'il tirait sur la corde. L'esprit quelque peu embrouillé, il se demanda depuis quand l'autre était réveillé.

- Qu'est ce que tu fais là ? Vas te reposer, ordonna simplement le blond dont les racines aux couleurs de jais ressortaient.

Au début, Jisung réussissait à trouver de la décoloration dans quelques boutiques abandonnées, mais depuis quelques temps, lui et son groupe évitaient les espaces urbains.

- Tu peux pas toujours t'occuper de tout à toi seul. On est pas uniquement des boulets, Jeongin et moi.

- Je sais, soupira Jisung en grimaçant. Je n'ai pas dit ça.

Son ton était assez lourd, un peu agacé que son équipier vienne lui casser les pieds maintenant. Mais indifférent, Minho fit un pas vers lui et récupéra la corde que Jisung peinait à garder tendue. Il l'accrocha ensuite à l'arbre de manière solide et sourit en voyant que le moindre intrus serait repéré s'il s'approchait trop. Les boîtes de conserves tinteraient entre elles, les lassos se contracteraient et emprisonneraient ceux qui tenteraient de traverser ou de contourner leur frontière de fortune.

- T'as fait un sacré boulot, avoua l'ebène. Montre moi ton bras.

Jisung s'apprêtait à refuser mais le plus grand ne lui en laissa pas l'occasion. Il glissa ses doigts blancs sur sa peau fine et ensanglantée en plissant les yeux. Malheureusement l'obscurité lui permettait seulement de distinguer des reflets luisants. Des reflets qui recouvraient tout son bras et coulaient même sur le sol. Si Minho ne s'en occupait pas maintenant, leur protecteur perdrait beaucoup trop de sang, la plaie pourrait s'infecter et peut-être même le tuer.

- Allons près du feu. Il reste encore des braises, j'y verrai plus clair.

- Minho je dois monter la garde, gronda le blond avant d'être coupé par un regard noir.

- Et tu crois que tu vas pouvoir protéger le gosse dans cet état ? Arrête de jouer au héros deux secondes et laisse moi soigner ta blessure. Personne va venir. Les monstres ne nous tueront pas ce soir.

Jisung voulut lui répondre qu'il perdait la tête, qu'à tout moment une de ces créatures pourrait débarquer pour leur arracher la peau et les dévorer. Seulement, Minho avait raison. Il ne serait pas capable de les protéger avec un bras en moins. Il préféra alors ne rien dire et sauta sur ses pieds. Les Quelques capsules qu'il conservait dans son treilli tintèrent -il aimait bien les garder dans sa poche parce que ça faisait un bruit sympa- et apres un dernier regard insistant sur le piège, Jisung tourna les talons. Les deux survivants rejoignirent le campement en silence pour ne pas réveiller le plus jeune des trois, blotti dans un sweat sur de la paille.

C'était devenu rare pour Jeongin. Il n'avait absolument pas su gérer ce changement de vie. Les attaques, les morts, la peur ; autant de sensations nouvelles et plus cruelles les unes que les autres que Jeongin n'avalait pas. Il était trop fragile pour ces atrocités, du moins c'était ce que pensait son grand frère. Ce dernier se pensait responsable de lui et de Minho. Ce rôle lui était tombé dessus comme une évidence et personne ne l'avait remis en question, surtout pas le plus âgé qui n'avait jamais tué de monstres et qui hurlait à la moindre frayeur. Jisung avait retrouvé cet abruti apeuré dans l'enceinte du lycée alors qu'il cherchaient avec Jeongin un toit pour la nuit. Mauvaise idée ; le bâtiment était infesté de dévoreurs. Cette expédition lui avait tout de même permis de retrouver un rival d'antan et de lui sauver la vie.

*

Les couloirs paraissaient vides, à peine éclairés par des néons défaillants et recouverts de crasses et de poussières. Attentif aux moindre bruit, Jisung arpentait son ancien lycée délabré à la recherche d'une quelconque ressource abandonnée. À vrai dire, un rien aurait fait son bonheur.

Seulement il n'y avait pas la moindre trace de conserves ou de vêtements chauds oubliés. Jisung marchait toujours à tâtons, le poing fermé sur le manche de son arme : un large et tranchant couteau qu'il utilisait déjà pour se frayer des chemins dans la forêt. Finalement, il lui servait encore plus maintenant, surtout pour transpercer le cerveau des tueurs à leurs trousses.

Alors qu'il scrutait les murs craquelés avec un soupçon de nostalgie, le survivant entendit un cri. Pensant directement à Jeongin et sans réfléchir, le jeune homme se précipita à travers les couloirs. Ses jambes n'avaient jamais été aussi rapides, pas même lorsqu'il fuyait lui même le danger. La peur de perdre son frère dépassait toutes les autres. Ne parvenant pas à disserner la source de ce hurlelent, il poussa chaque porte avec force, les traits tendus et son coeur au bord de l'explosion.

- Jeongin ?!

Mais les seules réponses qu'il obtint furent d'autres cris effrayés. Ils lui transpercèrent les tympans. Lorsqu'il arriva enfin face à la dernière porte à moitié enfoncée, il s'y jeta. Il n'y avait qu'un seul démon à l'intérieur mais il était déchaîné. Il tendait ses bras vers un garçon, recroquevillé sur lui-même, tout en lâchant des bruits horribles et inhumains. Bloqué par un bureau, le monstre n'atteignait pas sa cible. D'ailleurs, elle était aussi bruyante que lui, et ses cris rendaient la bête folle. Le bois de la table craquait sous son poids et le son strident du fer qui crisse se mélangeait aux hurlements du garçon et aux grognements de la créature. Après une demi seconde de distraction, Jisung s'élança dans la pièce. Il brandit son couteau, se jeta sur le mort vivant et lui enfonça d'un geste sec et sans pitié dans le crâne. Ce dernier s'écroula sur le sol dans un son sourd, inerte.

Il était définitivement mort à présent.
Jisung reprit doucement sa respiration. Sa poitrine se levait et s'abaissait frénétiquement. Il avait eu si peur pour son frère. Inutilement en soit. Il posa son regard vers ce qui aurait pu devenir le repas du monstre sans son intervention et grimaça.

Ce n'était évidemment pas Jeongin, mais Lee Minho ; un crétin. Pendant une seconde, Jisung regretta de lui avoir sauvé la vie. Il avait perdu son énergie pour quelqu'un sans importance.

Minho était un peu comme un plat de pâtes un vendredi soir. On ne se souvenait plus si on en avait mangé la veille et on l'oubliait le lendemain. Enfin, Jisung avait toujours un petit arrière goût sur la langue. Il arrivait souvent à son ancien camarade de classe d'être exécrable, et ça, Jisung ne l'avait pas complètement chassé de sa mémoire.

- Putain, couina celui qui se cachait encore derrière les bureaux en essuyant ses larmes qui n'arrêtaient pas de couler.

Il jeta un coup d'oeil à la bête et à son crâne poignardé, puis à Jisung et à sa grimace.

- arhh.. Pourquoi il a fallu que ce soit ce débile qui me sauve.

- Quel con ! S'exclama le concerné avant de retirer son couteau du crâne du mort. Va crever Minho.

Le garçon aux mèches noirs et brillantes se releva, épousseta ses vêtements puis haussa les épaules, pensant peut-être que son sauveur ne ferait pas attention à ses joues salies et ses mains tremblantes.

- Ce n'est pas à toi d'en décider, se justifia-t-il.

Jisung croisa les bras, un sourcil arqué.

- Donc tu aurais préféré que je te laisse mourir ? De toutes façons je pensais que c'était quelqu'un d'autre.

- Tu es avec quelqu'un ? Demanda Minho, soudainement plus attentif.

- Jeongin.

Minho parut surpris par cette réponse. Pour lui, ce Jeongin d'à peine 15 ans était craintif, fragile et si naïf qu'il aurait pu mourir à la seconde où tout avait dégénéré. Pourtant.. Jisung semblait l'avoir secouru jusque là. Il ne fallait peut-être pas sous-estimer le blond. Il pourrait être utile à sa survie, mais pour cela, il faudrait qu'il se fasse inviter dans la fratrie.

- Il est où ?

- Je l'ai laissé sur le toit le temps que je fouille l'endroit, mais j'ai cru qu'il m'avait désobéi en entendant ton hurlement.

Minho ne répondit qu'un simple "Mh" et baissa le regard vers ses baskets déchirées. Il ne comptait pas lui demander s'il pouvait rester, ah ça non. Il avait bien trop de fierté renfermée dans sa poitrine et jusqu'à sa gorge pour le faire, et ce, même si sa vie était en danger. Lee Minho s'obstinait à ne pas changer de comportement même après avoir connu la perte de ses proches.

- Tu viens ? Le ramena Jisung sur terre en secouant ses mains devant son regard perdu.

- Quoi ?

- Bah viens, à moins que tu préfères t'occuper des autres dégénérés tout seul.

Jisung se foutait royalement du comportement insupportable de l'ebène. À cet istant, Minho n'était pour lui qu'un survivant de plus. On ne crachait pas sur la compagnie.

*

Minho laissa un petit sourire se dessiner sur ses lèvres en repensant à cette journée. Il avait refusé de suivre le survivant au grosses joues, mais à peine quelques minutes plus tard, il accourait sur le toit en suppliant les deux frères de l'accueillir. Son ego lui avait souvent mit des bâtons dans les roues, et son arrogance avait failli lui coûter la vie plus d'une fois. Seulement, Jisung était un héros. Le décoloré était ce genre de personne forte avec l'intime conviction que chaque existence compte et qu'il pouvait toutes les sauver, peu importe les circonstances.

Depuis ce jour, le rescapé s'efforçait de veiller sur les deux garçons, et cette nuit, Minho voulait prendre sa place. C'était à son tour d'être utile, pour une fois.

- Ça risque de brûler, le prévint le brun ténébreux avant de verser une bonne quantité d'alcool sur son bras.

Jisung retient un son strident. Il le réprima avec sa langue écrasée contre ses lèvres closes. Sa main libre s'accrocha distraitement au tee-shirt de Minho à cause de la brûlure qui se répandait dans son organisme. Ce geste arracha un fin sourire au soigneur qui ne fit aucune remarque.

Jisung était sûr que les actions du plus vieux empiraient son état et peu importe ce qu'il pouvait raconter, le blessé s'en serait sorti sans désinfecter cette plaie.

- Putain, grogna-t-il finalement avant d'ajouter une insulte envers Minho.

- Je t'avais prévenu, le taquina ce dernier en glissant un t-shirt propre autour de son bras pour recouvrir sa blessure.

Jisung l'observa un instant sans rien dire, soudainement perplexe. Il le trouvait changé. Sans pouvoir précisément déceler ce petit quelque chose qui s'était transformé dans le comportement de Minho, il était pourtant sûr que ce n'était pas dû uniquement à l'apocalypse. Non, même lorsqu'ils avaient commencé à faire équipe, Minho prenait un malin plaisir à contredir ses décisions, à taper du pied si quelque chose le contrariait et à délibérément les mettre en danger pour des broutilles. Minho avait toujours été un sale con, avant comme après la fin du monde, alors pourquoi essayait-il d'être utile cette fois ? Jisung ne pouvait s'empêcher de se dire que cette nouvelle gentillesse cachait quelque chose.

Mais en temps.. Minho ne méritait-il pas une seconde chance ? C'était ce que le blond s'efforçait de se répéter chaque jours un peu plus pour ne pas l'abandonner sur le bord d'une autoroute ou au tournant d'une ville infestée. Il se souvenait très bien toutes les fois où il lui avait offert son aide au lycée, comme dans ce cours d'art plastique où Minho avait cassé son crayon gris et qu'il lui avait gentiment proposé le sien. Quelle ne fut pas sa surprise quand il se reçut son crayon, et en prime sa gomme, dans le visage. Cette après-midi, il avait décelé tellement de mépris dans le regard de Minho qu'il en avait eu la chair de poule. Et ça avait duré des semaines, puis toute leur scolarité jusqu'à ces derniers jours. Sauf que Jisung ne retrouvait le mépris ni dans ses pupilles sombres, ni dans ses gestes. Encore moins maintenant qu'il s'appliquait à coincer le bord du tee-shirt pour que celui-ci ne s'échappe pas et protège correctement sa plaie. Minho était toujours doux avec sa personne, rarement avec les autres.

Tout en le fixant intensément, Jisung ne put s'empêcher de laisser échapper face à l'ebène si concentré sur son bandage :

- Tu doutes de ma loyauté ?

- Pardon ? Demanda Minho en relevant la tête.

Mais il n'eut aucune réponse de la part de Jisung. Ce dernier était persuadé qu'il avait compris, et il eut raison car Minho fronça subitement les sourcils puis secoua la tête.

- Non. Étonnement, je ne te crois pas capable d'abandonner le pire des êtres, à moins de n'avoir plus aucune option, comme la sécurité de Jeongin. Mais je.. Je ne pensais pas être un danger pour vous. Peut-être que je me trompe ? Finit-il sur un ton méprisant.

Jisung se mordit nerveusement l'intérieur des joues. Sa maladresse lui faisait raconter n'importe quoi. Il déglutit.

- Je ne vais pas..- Minho tu..- Fin je sais pas, t'es bizarre en ce moment !

-Bizarre ? S'indigna Minho.

Au moins, l'aîné avait retrouvé son air condescendant, et à raison car les paroles aléatoires de Jisung le blessaient.

- Excuse-moi de me préoccuper de vous, ajouta le brun.
- C'est juste pas très habituel, comprends moi !
- Je comprends très bien. Tu ne t'es pas dis que j'avais juste besoin de temps pour m'ouvrir à toi ?
- Euh..

Les mots qui voulaient sortir de la bouche du leader s'évanouirent sur sa langue. L'idée que Minho puisse être recouvert d'une carapace de mauvais regards et d'airs dégoûtés ne lui avait que très peu effleuré l'esprit, mais pour sa défense, il avait tout un tas de préoccupations, comme les monstres et les autres humains qui étaient probablement encore plus dangereux que les morts-vivants. Minho laissa échapper un petit rire nerveux et retira le bras de Jisung de ses genoux, irrité. Lui qui pensait que Jisung ne jugeait pas au premier coup d'oeil, au final, il jouait au héros juste pour se rendre intéressant.

- Je vais faire un tour, dit-il sèchement en se relevant, mais le décoloré l'arrêta dans son élan.
- Soit pas idiot, c'est dangereux. Je voudrais pas qu..-
- Que quoi ? Le coupa l'ébène. Que je t'oblige à me sauver ? T'en fais pas pour moi. Je te donnerai pas ce plaisir.
- Mes intentions n'étaient pas de te blesser. J'essayais simplement de te parler Minho-Hyung.
- Mh.. Et bah c'était nul, conclut-il avant de s'éloigner vers le bosquet.

Jisung se maudit intérieurement. Pris dans un terrible dilemme, il jeta un coup d'oeil inquiet à Jeongin toujours profondément endormi. Garder un oeil sur son frangin lui paraissait bien plus raisonnable, mais l'idée d'être en partie coupable de la mort de Minho parce qu'il ne l'avait pas retenu était insupportable. Il lui emboîta alors le pas les jambes tremblantes. Le piège devrait suffire à la sécurité de Jeongin s'il n'était pas trop long. Jisung déglutit à nouveau en s'éloignant de la faible lumière des braises et du quartier de lune. L'obscurité n'était pas leur amie, et Jisung allait lui faire face à cause de l'autre.

Minho agissait finalement toujours comme un idiot, songea-t-il, et la fratrie en payait les frais.

Rapidement, Jisung fut entouré de larges troncs d'arbres. Il sortit son couteau et le tendit devant lui, prêt à planter le moindre truc suspect qui s'approchait.

- Minho ? Murmura le blond en articulant correctement pour se faire entendre, tout en restant discret.

Ce n'était pas une mince à faire. Son pouls s'accélérait au fur et à mesure qu'il s'éloignait de leur campement tout comme ses doigts se resserraient sur le manche de son arme.

- S'il arrive quelque chose à Jeongin à cause de tes bêtises, je t'en tiendrai responsable ! Le menaça-t-il un peu plus fort alors qu'il apercevait sa silhouette dans le noir.
- Je demande à voir, grogna Minho avant de tourner derrière un arbre en espérant le semer.

Ce qu'il réussit avec succès. En une seconde, Jisung se retrouva seul dans le noir.

- T'es ou ?! S'énerva le plus jeune en tournant sur lui-même.

Il était de moins en moins serein. En réalité, Jisung paniquait. Tous ses sens étaient en éveil. Il avait un très mauvais pressentiment.

- S'il te plait, Minho je suis désolé! Je suis le dernier des débiles de t'avoir dit ça. J'étais content de te voir aussi attentionné, mais j'ai réagis bêtement parce que c'est vrai que c'était pas habituel. J-j'ai trouvé ça plaisant.. Et.. on est amis maintenant.. Je te protège pas uniquement par devoir. J'ai pas non plus envie de te perdre. Putain je.. J'suis tout aussi paumé que vous.

Jisung tremblait de la tête au pieds. Son regard tournait sans pouvoir s'accrocher au moindre point de repère, et ce silence qui lui répondait lui glaçait le sang.

- Minho.. Minho réponds moi. S'il te plait, s'étrangla le jeune garçon qui ne savait plus quoi faire.

La forêt était noire et silencieuse. On entendait simplement les capsules de bières qui s'entrechoquaient dans la poche du garçon. Il les immobilisa rapidement avec sa paume. L'absence des cliquetis le rendait nerveux et sensible au moindre craquement mais elle était pourtant nécessaire. Les mordeurs n'avaient que rarement l'habitude de se faire entendre à moins d'être à seulement quelques pas. La lenteur était dans leur nature et ils étaient incapables de faire sortir la moindre parole de leurs bouches meurtrières. Pourtant, ils grognaient lorsqu'ils s'attaquaient aux humains. Ces bruits étaient les dernières choses que Jisung voulait entendre dans l'obscurité.

- M-Minho, je flippe là. J'te laisserai m'aider, je ferai plus le chef.

La peur ne le quittait plus, et pas après pas, il la sentait le rendre fébrile. Une de ses mains bloquait les capsules dans sa poche pendant que l'autre blanchissait sur le manche de son couteau. La peau luisante à cause de sa sueur, les jambes chancelantes, il continuait de s'enfoncer entres les masses végétales jusqu'à ce qu'un souffle lourd se faufile dans son cou.

- Ok ça me va.

Jisung poussa un cri. Il se tourna brusquement et leva sa lame bien en évidence, prêt à tuer. Face à lui, Minho l'observait avec un sourcil arqué. Le soigneur avait débarqué de nul part, effrayant l'autre qui ne lâchait toujours pas son arme. Il la serrait si fort qu'il aurait pu se broyer les os.

L'ébène l'observa étrangement. Il ne cherchait pourtant pas à lui faire peur. Il ouvrit la bouche pour lui clamer de se détendre et de baisser son arme quand des bras l'entourèrent brusquement. Jisung venait de se jeter contre lui, écrasant tout son poids dans leur étreinte. Son couteau tomba dans l'herbe sèche à quelques centimètres de leurs pieds pendant que Minho restait pantois, les bras suspendus dans le vide avec un garçon paniqué qui tremblait contre son corps.

- Pardon ! Gémit un Jisung coupable en serrant un peu ses doigts autour du t-shirt sale de l'autre garçon. Pars plus, Minho, arrête d'être bête.

Le brun fit la moue. Il savait pertinemment que partir agacé était une bêtise mais il peinait à contrôler ses sautes d'humeur et Jisung l'avait bien cherché. Finalement, le jeune homme lui retourna son étreinte avec un fin sourire. Il passa ses longs bras dans le dos du blond et glissa son nez contre son cou. Le contact était fort et doux à la fois. Minho ne pouvait l'expliquer, mais à chaque fois qu'il se retrouvait contre Jisung, son coeur s'emballait.

La peau de ce dernier frissonait. Il la découvrait pour la première fois apeurée, et ce constat le rendit sentimentalement faible. Impossible pour lui de quitter le corps musclés qui s'accrochait désespérément au sien, si fragile. La culpabilité se joignit aux restes de ses emotions et il deglutit. Jisung avait raison, au fond Minho n'avait pas fait beaucoup d'effort pour leur survie. Il s'était contenté de remarques déplacés et de passivité face aux agresseurs.

- Je te présente mes excuses, chuchota finalement le blond.

- Tu t'écrases toujours, soupira Minho. Tout ça juste pour clore la discussion..

- Que veux tu ? Ricanna faiblement Jisung alors que ses mains se glissaient contre la nuque froide de l'ebène. J'peux pas m'empêcher de tout prendre sur moi, et toi.. toi tu rends la tâche très lourde.

Ses derniers mots ne furent que des soupires pour le plus vieux qui les sentit s'écraser contre son visage. Jisung s'était doucement éloigné, juste assez pour lui faire face, et à présent il appuyait ses doigts sur la nuque du capricieux. Minho sentit son coeur se contracter un instant. L'envie soudaine de rejeter le blond et de l'ignorer durant les trois prochains jours lui vint à l'esprit, au même moment où ses propres mains entrèrent en contact avec le torse abîmés et frénétique de son vis à vis. Il voulait mal le regarder et lui désobéir sur le champs. Il voulait lui casser les pieds à n'en faire qu'à sa tête. Toutes ses émotions s'accumulaient dans les veines de son cou, lui bloquant la gorge pour qu'il ne puisse plus respirer.

Mais le chef en avait encore décidé autrement. Il caressa sa nuque, la base de ses cheveux et bientôt ses mèches sombres furent entrelacées autour de ses doigts pour qu'il se rapproche encore de lui.

- Tu me rends fou, depuis le début, je sais plus comment faire avec toi.

Cet aveu s'accompagna d'un soupire fatigué, et surtout résigné, du plus jeune qui rapprocha son visage. Minho tentait de garder la face devant le comportement surprenant et déroutant de son coéquipier. Seulement, plus il s'approchait et plus Minho pouvait deviner la forme de ses lèvres non loin des siennes.

Jisung semblait complètement dérouté, ailleurs.. peut-être que Minho pouvait se permettre d'accepter, presque sûr que le décoloré n'en reparlerai pas de si tôt ? Comme à cette soirée dans leurs anciennes vies, lorsque Jisung gouttait à ses premiers shots et que lui s'était amusé à se moquait de son état d'ébriété.

A cet instant Minho revoyait le Jisung qui n'avait qu'un faux contrôle sur la situation, celui qui perdait ses moyens et faisait semblant de maîtriser, le seul Jisung qu'il avait su approcher sans grincer des dents.

Il retrouvait sa chaleur contre son corps. L'odeur de transpiration remplaçait celle de l'alcool mais c'était tout comme. Minho préférait se dire qu'il n'aurait jamais accès à son véritable parfum. Tant que cela n'arrivait pas, rien n'était vraiment réel. Alors il pouvait bien se laisser toucher par le survivant au physique agréable, sûr de s'en tirer sans conséquences, exactement comme la première fois.

La peau de Minho paraissait particulièrement douce sous les mains quelque peu confuses de Jisung. Il n'avait pas les idées claires. C'était peu dire, et les lèvres abimées par le froid de l'ébène semblaient être le parfait ancrage pour ne pas perdre la tête. Quoi qu'il en soit Jisung ne résista pas bien longtemps avant de happer la chair de Minho avec sa bouche empressée. Les lèvres de ce dernier bougèrent instantanément, recouvrant ensuite celles du survivant. Ce fut rapide. Les doigts du plus vieux se pressèrent dans sa chevelure blonde et déshydratée avant de tirer fortement dessus pour lui faire pencher la tête et qu'il puisse prendre le dessus. Minho aimait contrôler ce genre de moments. C'était toujours lui le guide, c'était lui qui intimait à l'autre de le dominer, de le brusquer et Jisung ne ferait pas exception.

Lorsque le blond sentit les canines de Minho tirer férocement sa lèvre inférieure, il ne put retenir un gémissement avide.

- J'te supporte plus, soupira Jisung avant d'ajouter sa langue au baiser, rapidement suivie par celle de Minho qui se fit plus taquine, se retirant aussi vite qu'elle était apparue et laissant un arrière goût agréable aux papilles du leader.

- T'es détestable, lui répondit-il après ce coup furtif et vicieux.

Leurs gestes redoublèrent de désir et d'envie. Les paumes du plus jeune s'appuyaient contre sa nuque puis descendirent dans son dos. Elles ne s'attardèrent que très peu avant de glisser autour de sa taille fine et sous son t-shirt. Bientôt, le garçon aux couleurs de cassis et à la silhouette envoûtante l'attira contre lui et le plaqua violemment, le dos contre le tronc d'un large chêne. Leurs mouvements saccadés trouvèrent un appui et Jisung glissa finalement ses mains sous les cuisses de Minho qui ne cessait de martyriser sa bouche et ses mèches blondes. Bien évidemment, ils ne tardèrent pas à sceller à nouveau leurs langues. Elles avaient adorés se goûter et en redemandaient. Leurs souffles, leurs gémissements et la friction de leurs vêtements s'ajoutaient à présent aux échos reposés de la forêt nocturne.

Puis il y eu une bruit.

- T'as entendu ça ? Demanda Jisung en décollant brusquement son visage de la mâchoire de l'ebène.

Il avait l'ouïe fine.

- Ça va, bredouilla Minho, la bouche pâteuse et l'air déboussolé par cette soudaine rupture. Mon coeur bat pas si fort que ça.
- Ton coeur ? Mais je parlais pas de.. c'est pas vrai mais t'es toujours aussi à l'ouest. J'ai entendu un bruit. On devrait retourner près de Jeongin.

Minho rougit fortement, honteux d'avoir mis en avant l'existence même d'un coeur dans sa poitrine. Heureusement Jisung ne semblait pas avoir remarqué ce détail. Il devait sans doute croire que son partenaire s'était emporté par la situation, peu importe que ce soit dans ses bras ou dans ceux d'un autre.

Ils s'éloignèrent, non sans jeter un coup d'oeil furtif et timide vers leurs mains respectives mais le temps était compté. Ils n'avaient plus le temps de batifoler et Jisung regrettait de plus en plus la situation. Comment avait-il pu abandonner son petit frère pour Minho. Il était sa seule famille.

- Dépêche toi, ordonna fermement Jisung en s'essuyant la bouche.

Minho ne le contredit pas, conscient de l'angoisse qui devait probablement étouffer le coeur de son équipier à cet instant. Plus ils se rapprochaient du camp, plus la faible lueur du feu se dessinait derrières les troncs d'arbres et les bruits se distinguaient. Des sons étouffés parvenaient à leurs oreilles. Un souffle chaotique et un tintamarre métallique. Ce fut assez inquiétant pout leur faire doubler la cadence.

Au camp, c'était la panique. Un mordeur s'était introduit, réveillant rapidement un Jeongin complètement perdu. Ne voyant personne autour de lui et un monstre se rapprocher, le plus jeune se jeta sur une branche pour se défendre. Jisung lui refusait toujours les armes. Soit disant il n'en avait pas besoin. Quel crétin !

Jeongin tenta alors d'éloigner le monstre jusqu'à le coincer dans le piège. Ce fut à cet instant que les deux autres débarquèrent.

Ils ne leurs fallu pas une seconde pour comprendre ce qu'il se passait. Un monstre avait été piégé, et Jeongin tentait de le garder éloigné avec un vieux bâton sûrement aussi fragile que ses bras. Jisung et Minho froncèrent les sourcils et se précipitèrent vers la scène dans une synchronisation qui surprit Jeongin. Le jeune garçon les fixa un peu ébété, se demandant d'où ils venaient et pourquoi ils l'avaient laissé seul à la merci des créatures. Il s'écarta cependant pour laisser passer Jisung. Ce dernier se jeta sur la bête, sa main agrippa un semblant de vêtement qu'elle portait et il la plaqua violemment contre l'arbre auquel son pied était coincé. Le monstre poussa un grognement, ses bras bougèrent plus rapidement, essayant d'attraper Jisung pour le ramener à son visage. Il voulait le manger. Malgré son bras encore douloureux, le décoloré parvint plus ou moins à le garder en place. Seulement lorsqu'il porta sa main à sa ceinture, il perdit son assurance. Son visage palit. Il n'avait pas récupérer son arme. La cruelle bête profita de sa confusion pour agripper son avant bras et le tirer férocement vers elle.

- Arh..!

Elle tenta de le griffer, tenant de plus en plus fort ses muscles entre ses mains sales. Jisung tirait de son côté, ne réussissant simplement qu'à se tracer de larges griffures dans la peau. Ses pupilles brillaient, animées par la douleur et le constat beaucoup plus terrifiant que si les ongles du monstres pénétraient trop profondément dans sa chair, il serait infecté.

- Baisse toi, lui cria Minho.

Jisung lui obéit d'instinct. Il posa un genou sur la terre boueuse et baissa la tête sans poser de question. Au même moment, l'ébène se jeta sur le monstre, les mains en avant. La plus grande arme de Minho était probablement ses ongles, qu'il enfonça sauvagement dans les yeux de la bête sous le regard dégoûté de Jisung.

Minho l'ignora et appuya sur ses pouces. La tête de la créature se secouait dans tous les sens. Il tentait de la maintenir en place. Sa mâchoire était serrée et chaque muscle de son corps tendus. La transpiration sur son front s'égouttait jusqu'à son cou, puis sur son torse palpitant. Quand il fut sûr de son maintient contre le bois, il cria le prénom de Jeongin. Le plus jeune se faufila au côté de la bête, et avant même qu'elle n'ait pu remarquer sa présence, il lui enfonça une lame tranchante dans le crâne. La bête stoppa ses mouvements, lâcha le bras de Jisung et quand ce fut au tour de Minho de se détendre, elle s'écroula sur l'herbe humide.

Les trois garçons restèrent silencieux de longues secondes. Leurs poumons peinaient à garder l'oxygène bien en place dans leurs cavités alvéolaires. La gorge sèche, Minho se laissa tomber sur les genoux à côté de Jisung. Le regard de ce dernier restait fixé sur son bras rouge, mais heureusement pour tous les trois, il ne saignait pas, et le tshirt de Minho avait empêché le contact entre sa coupure et les griffes du monstre.

Un lourd soupire de soulagement passa les lèvres de son sauveur. Jeongin s'était mis à sourire nerveusement, complètement dépassé mais heureux d'avoir sauvé son frère. Il se précipita dans ses bras et le serra contre lui, sans oublier de l'accabler d'insultes pour l'avoir laissé seul. Jisung répondit à son étreinte et a toutes ses reproches en caressant son dos. Lui-même s'en voulait énormément.

- Pourquoi vous êtes parti ? Demanda finalement le jeune garçon face au regard hésitant de son grand frère.

Jeongin n'avait pas besoin de savoir maintenant ce qui aurait pu lui coûter la vie. Bien que bouleversés, ils étaient saufs. C'était tout ce qui comptait.

Jisung secoua alors la tête et murmura un "plus tard" peu convaincant avant de regarder ses griffures. Ça aussi, il faudrait les désinfecter.

Minho se releva et laissa la fratrie s'occuper des blessures pour éloigner le corps dégoûtant du monstre. Tout d'abord, aucun regard ne fut échangé entre lui et Jisung, mais ils savaient tout mess deux que quelque chose avait changé.

Ils n'avaient jamais réellement pris le temps de se parler au lycée. Leurs échanges avaient été brefs, parfois piquants, mais ne connaissant rien l'un de l'autre, ils avaient rarement été atteints par leurs remarques. Aucun ne pouvait expliquer ce qu'il y avait eu entre eux, que ce soit leurs vannes ou leur seul et unique ébat. Ça s'était passé comme ça parce que c'était fun, ou qu'ils en avaient envie sans vraiment trouver important d'y mettre des explications. En fait, Minho et Jisung se foutait totalement l'un de l'autre avant que tout ne dérape.

Maintenant, ils avaient au moins le mérite de veiller les uns sur les autres, même si cela ne sautait pas aux yeux. Minho gardait toujours un œil sur Jeongin qui lui tapait pourtant tout autant sur le système que son frère, et Jisung ne marchait jamais sans un regard protecteur derrière son épaule.

Il ne l'admettrait sans doute jamais, mais entendre les plaintes incessantes de son coéquipier l'insupportait autant que ça le maintenait en vie. Elles lui rappelaient ses responsabilités en quelques sortes. Elles le maintenaient à terre. Alors cette nuit, quand il avait vu Minho plus doux, plus soucieux de lui, la peur s'était emparée de son corps, et le savoir seul dans la forêt à la merci de monstre avait empiré cette sensation désagréable. Ils ne pouvaient décidément plus rester dans cette situation.

Leurs futurs ne feraient qu'un pendant une durée indéterminée. Ce court temps méritait leurs attentions. Ils avaient besoin de ça pour trouver la force de rester en vie là où la mort avait pris le dessus.

Finalement, après avoir rejoint le camp, Jisung se pencha vers un sac et sortit de la première poche un fin couteau, plutôt long et aiguisé qu'il plaqua contre le torse de l'ébène. Ce dernier était encore hésitant après ce qu'il s'était passé. Il retient l'objet avec ses mains rouges sang puis le détailla sans vraiment comprendre.

- Il est tant que tu apprennes à te battre, répondit Jisung à sa question silencieuse. Toi aussi Jeongin. On a perdu trop de temps. À partir de maintenant, on forme une équipe, on est ensemble et on le restera le plus longtemps possible. Je ferai tout pour que ça dure, mais vous devez donner du votre aussi.

Jeongin qui était de nouveau assis sur ses brindilles qui lui piquaient les mollets hocha lentement la tête. Il ne contredirait pas son frère. Depuis le temps qu'il attendait une réaction de sa part pour sortir de ce rôle d'enfant innocent et enfin prendre part au combat ! Il savait dorénavant Jisung prêt à le laisser participer à la tâche.

Quant à Minho, lui préféra ne rien dire. Il fixait encore l'arme mortelle dans ses mains. Elle pourrait lui couper les doigts s'il ne s'en servait pas correctement. Jisung remarqua son hesitation et s'approcha de lui. Il posa une main sur son épaule et esquissa un sourire bancal pour le rassurer.

- Rien ne presse, on devrait dormir.

- Je monte la garde, se désigna Jeongin, tout fier en se relevant de son nid d'aiguilles.

Jisung tourna la tête vers lui, inspira un grand coup puis hocha lourdement la tête. Il prit ensuite la main de Minho dans la sienne et le tira délicatement vers le centre du camp. Dire que ce changement ne le stressait pas serait mentir, mais il ne pouvait décidément plus revivre la panique qui s'était éprise de lui dans la forêt lorsqu'il cherchait Minho. Il devait la vaincre et il y parviendrait en faisant confiance aux deux autres. Ce soir ils étaient protégés, alors il pouvait bien laisser le jeune survivant faire ses preuves, peu importe l'angoisse qui compressait sa poitrine.

Minho et lui se couchèrent l'un à côté de l'autre. Évidemment, lorsque leurs regards se croisèrent, ils rougirent, préférant alors rapidement fermer les yeux pour éviter la gêne. Malgré tout, leurs doigts vinrent s'entrelasser discrètement.

Puis ils s'endormirent bercés par les petits sons de la nuit, le vent entre les feuilles presque mortes, les hululements des chouettes et le crépitement de la braise.

Et si à quelques kilomètres de là, deux forteresses se faisaient la guerre ?