Chapitre 19
Devant les portes de Konoha, le lendemain matin
Naruto, Sakura, Kakashi, Saï et Yamato attendaient la venue du Jônin, capitaine de leur expédition, depuis quarante minutes devant les portes de la ville.
- Raah ! c'est pas vrai ! Il est encore en retard, même pour une mission aussi importante, 'ttebayo ! s'agaça Naruto. Quand il arrivera, on lui dira notre façon de penser une bonne fois pour toute et comme ça il cessera définitivement, n'est-ce pas Sakura-chan ?
- ... Uh... acquiesça-t-elle en regardant l'horizon baignant dans la lumière du matin, un air absent sur le visage.
- Sakura-chan ?
La Kunoïchi ne répondit pas tout de suite. Elle s'était mise un peu à l'écart du groupe et était restée dans ses pensées depuis qu'ils s'étaient retrouvés.
- Sakura-chan... ? reprit Naruto en s'approchant.
- Ce monde n'existera plus d'ici quelques jours Naruto... Tu n'auras donc plus à supporter ses retards... dit-elle dans un murmure.
- ... Tu vas bien... ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, 'ttebayo... lui fit-il remarquer, un peu inquiet.
- ... je vais bien, ne t'inquiète pas... lui répondit-elle en se tournant vers lui avec un petit sourire.
Naruto fronça les sourcils. Il n'était pas perspicace, mais il savait que quelque chose clochait chez sa meilleure amie. Que s'était-il donc passé pour qu'elle soit ainsi ? Elle agissait de la même manière que lorsqu'elle avait perdu Sasuke... Il allait devoir tirer ça au clair...
- Yo ! salua Kakashi qui arriva dans un tourbillon de feuilles.
- Vous êtes en retard ! s'énerva Naruto en pointant un doigt vers lui.
- Ah... Désolé... Mais sur le chemin...
- Inutile de vous chercher une excuse bidon ! s'agaça-t-il de plus belle.
- Très bien, très bien, céda le Jônin dans un petit rire gêné. Bon, je vous donne les détails de la mission et nous partons ensuite sur le champ.
Kakashi déplia un parchemin et leur lut attentivement le contenu.
- Nous allons nous rendre au Mont Hajyôku avec pour but : trouver le crapaud parchemin Gerotora. C'est lui qui détient le rouleau de technique temporelle du Shodaïme. Tsunade-sama nous indique que lorsque nous nous approcherons de Gerotora, le clone de Hashirama Senju-sama se matérialisera.
- Comment savoir s'il ne nous prendra pas pour des ennemis ? fit souligner Yamato.
- Eh bien... C'est une possibilité que nous avons prise en compte avec Godaïme-sama...
- ... Et... ?
- Nous ne savons pas...
Un petit silence de stupeur suivit la remarque de Kakashi. Ils ne savaient pas ?
- Il faut espérer que notre affiliation à Konoha nous permettra de passer alors, soupira Yamato.
- Uh...
- Mais nous n'avons aucun moyen de nous légitimer, 'ttebayo ?
- Tsunade-sama m'a confié un parchemin avec toutes les indications de notre mission... Je le donnerai au clone de Senju-sama...
- Faut espérer qu'il nous laissera passer... marmonna Naruto.
- Que devrons-nous faire ensuite si nous parvenons à nous faire reconnaître comme alliés par Shodaïme-sama, Kakashi Senseï ? demanda Saï.
- Si le Shodaïme ne nous considère pas comme une menace potentielle, nous pourrons prendre le rouleau pour effectuer la technique.
- C'est tout ? interrogea le plus jeune Kakashi.
- Uh. La suite, nous la connaitrons auprès de Senju-sama. Bien. Des questions ?
- Combien de temps cela nous prendra-t-il pour atteindre les hauteurs du Mont ? demanda Yamato.
- Environ deux jours. Nous arriverons devant l'entrée du sanctuaire au matin du troisième. C'est primordial pour la réussite du jutsu temporel car ce sera le solstice d'été. C'est à ce moment que le portail dimensionnel s'ouvrira entre le Mont Myôboku et Hajyôku, ce qui nous permettra de trouver Gerotora.
- D'accord...
- Bon, nous pouvons partir à présent.
- Uh !
- Ok !
- Allons-y, 'ttebayo !
- Bien.
- ...
Les six ninjas s'élancèrent dans les arbres de la forêt du pays du feu qui bordait Konoha, non sans avoir jeté un dernier coup d'œil au village qu'ils chérissaient tant et qui ne serait plus d'ici trois levers de soleil.
Fin de journée, forêt du pays du feu
Les six shinobis avaient passé la journée à sauter à travers les arbres dans un silence pesant. Nul n'avait parlé. Seul Yamato avait échangé quelques mots avec Kakashi en cours de route sur quelques détails de la mission, mais l'atmosphère lourde était très vite retombée. Sakura était constamment dans ses pensées, si bien qu'elle faillit percuter une branche qu'elle n'avait pas vue. Elle restait de son côté et ne se rapprochait même plus du jeune Kakashi.
Dès leur réveil, la jeune femme s'était levée sans un mot, avait pris son petit déjeuner et fait ses affaires en silence. Elle ne lui avait témoigné aucune marque de tendresse comme ils adoraient et ne lui avait quasiment pas parlé. L'adolescent savait que la fleur avait été particulièrement touchée par ce que lui avait dit le trentenaire aux cheveux d'argent la veille au soir. Il avait voulu la réconforter, mais elle l'avait évité. Il en était très attristé, mais il était conscient qu'il devait respecter la douleur de la jeune femme en la laissant seule quelques temps.
Le soleil se teinta de couleurs chaudes qui indiquaient la fin du jour et le Ninja Copieur stoppa leur course. Ils trouvèrent rapidement une parcelle de terrain propice à l'établissement de leur campement et préparèrent un feu.
- Eh, Sakura-chan. Je peux dormir près de toi ce soir, 'ttebayo ? demanda Naruto d'un ton malicieux.
- ... si tu veux... murmura-t-elle en dépliant ses affaires.
Naruto leva un sourcil perplexe. Décidemment, ça n'allait pas du tout. La Kunoïchi l'aurait incendié en temps normal, voire même frappé, et là, rien. Absolument rien.
Le blond aux yeux azur sortit son sac de couchage et le posa près de la belle jeune femme. Il jeta un coup d'œil vers elle et la vit agir avec une maladresse et une nervosité certaine.
- Sakura.
La dénommée tourna la tête vers l'Uzumaki, qui avait occulté la particule, d'un air étonné.
- Il faut qu'on parle.
- Naruto... Tout va bien, vraiment... ! insista-t-elle en déviant le regard.
- Non. Je te connais trop bien pour savoir que quelque chose ne va pas.
- ... Naruto...
Il se leva et la laissa seule, lui laissant le temps de réfléchir. Elle soupira et s'assit loin des autres en laissant ses pensées vagabonder. Elle observa d'un regard doux le Chûnin qui avait partagé sa vie pendant deux semaines. Deux semaines merveilleuses. Ils avaient partagé tellement de choses... des fous rires, des sourires, des larmes, des caresses, des silences, des rêveries... Elle n'avait jamais imaginé se rapprocher autant du jeune shinobi argenté. Elle ne l'avait même pas voulu nécessairement. C'était arrivé, tout simplement, sans qu'ils ne s'expliquent pourquoi et comment. Ils s'étaient compris, appréciés, entendus, et c'était tout. Elle n'avait jamais voulu profiter de cette mission pour faire du mal à son Senseï. Comment avait-il pu croire cela ? Comment pouvait-il mettre en doute sa parole alors qu'il la connaissait depuis des années, après tant de missions... ? Avait-il aussi peu confiance en elle ? Tout ce qu'il lui avait dit depuis le départ de Sasuke-kun... Ses mots de réconfort, ses promesses, ses marques d'attention... tout ça n'avait été que du vent ?
Les larmes commencèrent à embuer ses yeux et elle se leva d'un bond en se dirigeant vers la forêt. Les autres la regardèrent surpris, même si deux d'entre eux savaient parfaitement pourquoi elle agissait ainsi.
- Sakura, où vas-tu ? demanda Yamato.
- Je... Je vais chercher du bois pour le feu. Ça m'évitera d'en chercher tout à l'heure pendant mon tour de garde.
Elle s'éloigna des cinq hommes d'un pas rapide et franchit plusieurs barrières d'arbre, avant de se stopper. Elle crispa ses poings et s'adossa à un tronc, avant de se laisser glisser.
- Tu es tellement lamentable ma pauvre... murmura-t-elle à elle-même, ses larmes roulant sur ses joues. Comment ai-je pu agir ainsi. Comment ai-je pu accepter cette mission. Comment ai-je pu croire qu'il me faisait confiance... ? J'en étais persuadée...
Elle étouffa un sanglot en plaçant une main sur sa bouche et en se tenant le ventre de l'autre, la nausée s'emparant soudain d'elle.
- Je savais que tu craquerais.
- Naruto ?! s'exclama-t-elle en se retournant et apercevant le blond qui sortait des buissons.
- Dis-moi ce qui se passe.
- ... C'est rien, c'est rien.
- Pourquoi pleures-tu alors ?
- Je suis simplement triste de ne plus jamais voir notre village... il va être effacé dans trois jours après tout...
Naruto arriva en face d'elle à une vitesse impressionnante et plaça son visage à seulement quelques centimètres de la rose. Il la regarda droit dans les yeux, l'azur des siens s'assombrissant.
- Ne me mens pas, lui dit-il d'un ton dur. Je sais que tu ne vas pas bien.
- ...
- Je veux juste t'aider, soupira-t-il finalement. Je te l'ai promis... Je suis ton meilleur ami après tout, n'est-ce pas ? Je t'ai toujours réconforté, je ne vois pas pourquoi je ne pourrai pas t'aider à présent.
La jeune femme baissa le regard, une immense peine se reflétant sur son visage. Elle se mordit la lèvre, en proie à un profond débat intérieur, avant de pousser un petit soupir et de capituler devant l'insistance de son ami. Il l'avait toujours aidée par le passé, toujours remonté le moral. Elle lui avait toujours tout confié et il l'avait écoutée avec soin, utilisant le maximum de ses capacités pour trouver des solutions, la faire rire et sourire, chassant ses peurs et ses doutes.
Elle lui raconta alors, avec une boule dans la gorge, ce qui s'était passé la veille au soir avec leur Senseï et Kakashi, l'agressivité des propos du Jônin, son incompréhension face à ce qu'il lui avait dit, sa douleur, sa confession, ses pleurs, la protection du Chûnin face à son lui du futur. Tout.
- Je ne comprends pas Naruto... dit-elle finalement dans une plainte mêlée de sanglots qui sera le cœur du blond. Je ne comprends pas pourquoi il a agi ainsi... Il a donc si peu confiance en moi... ?
- ... Je ne sais pas Sakura... Je ne sais pas pourquoi il a agi ainsi, mais une chose est sûre cependant...
- Quoi donc... ?
- Kakashi Senseï te fait confiance.
- Mais...
- Malgré ce qu'il t'a dit, il te fait confiance. Il l'a toujours démontré pendant nos missions.
- ... Comment expliquer la raison de ses propos alors... ?
- Peut-être...
- Oui... ?
- Peut-être qu'il était en proie à une panique, une peur...
- Lui ? Peur ?
- Sakura-chan, Kakashi Senseï est un être humain et même s'il paraît toujours détaché de tout et doté d'un incroyable sang-froid, il peut avoir peur...
- Je le sais bien, mais... Le Kakashi que j'ai connu pendant deux semaines a ouvert son cœur aux autres, mais notre Senseï est différent... Ils ont beau être la même personne, ils sont radicalement différents...
- Uh... je l'ai vu moi aussi...
- Admettons que ce que tu avances soit vrai... De quoi aurait-il peur... ?
- ... D'une chose qu'il cache au fond de lui et... et qu'il ne veut pas que tu découvres sûrement... lança Naruto en proie à une profonde réflexion.
La Kunoïchi sécha ses larmes et esquissa un petit sourire. L'Uzumaki releva la tête et la regarda d'un air interrogateur.
- Qu'y a-t-il Sakura-chan ?
- Je me disais juste que quand tu veux tu peux te révéler très perspicace... dit-elle dans un petit rire.
Il lui rendit un sourire sincère et lui caressa la joue avec douceur avant de l'enlacer. Il la serra très fort contre lui et Sakura lui rendit avec joie son étreinte rassurante et apaisante.
- Je serai toujours là pour toi Sakura-chan... c'est quelque chose qui ne changera jamais... Dans un temps, comme dans un autre.
- Merci Naruto... murmura-t-elle en enfouissant sa tête dans le cou du Chûnin.
Le blond soupira intérieurement avec satisfaction. Sa meilleure amie allait mieux, c'était l'essentiel. Mais il allait devoir régler encore une chose... Il devait parler à Kakashi Senseï... Il avait une petite idée de ce qui avait bien pu pousser leur Senseï à agir ainsi avec la jeune femme. Si ses doutes étaient fondés, il ferait en sorte de changer la donne.
Quelques heures plus tard, milieu de la nuit
- Kakashi Senseï... chuchota Naruto en secouant doucement l'épaule du Jônin. C'est votre tour de garde.
- Uh... J'y vais...
Kakashi se leva et s'étira avant de rejoindre le poste qu'occupait Naruto, sur la branche d'un arbre surplombant leur feu de camp. Il calla son dos contre le tronc et sortit son livre préféré tout en ayant ses sens en alerte. Naruto vint le rejoindre peu après en s'asseyant à ses côtés.
- Tu ne vas pas dormir ?
- J'irai un peu plus tard. Je dois vous parler, 'ttebayo...
- Uh ? De quoi s'agit-il ?
- Sakura-chan...
Le Jônin plissa son œil. Etait-il au courant de ce qui s'était passé ?
- Elle m'a raconté votre... discussion d'hier soir.
- ...
- Elle m'a expliqué la manière dont vous l'aviez traité.
- ... Je n'ai pas besoin de leçon de morale, Naruto. J'ai mes raisons d'avoir agi ainsi.
- ... Je suis allé la voir tout à l'heure. Elle était désespérée. Elle a l'impression que vous ne lui faites pas confiance.
- Quoi ? Non... ce n'est pas ça... C'est juste que... Enfin, ça ne te concerne pas de toute façon Naruto.
- Si. Sakura-chan est ma meilleure amie. Elle représente tout pour moi. Je mourrai pour elle s'il le faut.
- ... je sais... soupira-t-il. Je ne veux pas qu'elle souffre moi non plus...
- Pourtant...
- Pourtant ce n'est pas le cas en ce moment, je sais, le coupa-t-il.
- ... vous avez eu peur, n'est-ce pas... ? murmura-t-il.
Kakashi écarquilla son œil visible et son cœur s'emballa légèrement.
- Qu'est-ce que...
- C'est bien ce que je pensais... De quoi avez-vous peur Kakashi Senseï ?
- De rien enfin... De rien...
Naruto poussa un long soupir et leva son regard vers le ciel étoilé qui se distinguait à travers les branches épaisses des arbres.
- Vous savez, avant votre arrivée, j'ai eu une discussion avec chibi Kakashi...
- Encore ce surnom ? dit le plus âgé d'un ton amusé en tentant de faire diversion.
- J'ai compris qu'il était profondément amoureux de Sakura-chan, poursuivit-il en ignorant la remarque de son Senseï.
- ... je sais...
Naruto tourna son regard azur et fixa le visage triste et baissé du shinobi argenté. Se pourrait-il que... ?
- Vous l'aimez... réalisa-t-il dans un murmure. Senseï... vous aimez Sakura-chan...
- ...
- Pourquoi ne lui dîtes-vous pas, 'ttebayo ? Elle serait si heureuse de savoir que si vous avez réagi ainsi c'est parce que...
- Parce que j'ai peur de mes sentiments, avoua-t-il. Parce que j'ai peur d'aimer.
- Mais enfin pourquoi, 'ttebayo ?! Vous seriez si heureux ensemble !
- Je ne peux pas... Je n'en ai pas le droit...
- Au diable les règles Kakashi Senseï ! s'agaça le blond. Vous nous avez toujours dit que le bien de ses amis était le plus important ! Même votre version de douze ans l'a compris !
- Naruto...
- Je ne comprends pas, 'ttebayo !
- ... C'est justement pour son bien que j'ai fait ça... Elle ne souffrira pas de supporter toutes les blessures que j'ai en moi... D'autant plus qu'elle devrait s'intéresser à des personnes de son âge...
- C'est pour ça que vous vous êtes éloigné de nous pour plusieurs missions ? Pour vous tenir éloigner de Sakura-chan ?
- Uh... Je l'aime depuis longtemps déjà et je me dégoute tellement... Elle est mineure et je ne devrais pas ressentir de tels sentiments envers elle... J'ai voulu prendre du recul par rapport à ça en m'éloignant...
- Kakashi Senseï... dit Naruto en posant une main rassurante sur l'épaule de l'argenté. Ce ne sont que des chiffres... Vous vous aimez, c'est la seule chose qui compte.
- Je ne peux rien faire Naruto. Mon cœur est en miettes depuis trop de temps pour que je puisse céder à la pulsion égoïste de mes sentiments.
- ... vous n'allez rien faire alors...
- Moi non... Mais peut-être que mon jeune moi le pourra dans un autre temps, dans un autre futur...
- Vous vous laissez une chance d'aimer alors ?
- Uh... Si ce n'est pas dans ce temps, ce sera dans un autre... Le nôtre touche à son terme...
- Vous n'emporterez aucun souvenir d'un amour commun avec elle...
- Non... Nous disparaîtrons tout simplement et un nouveau futur sera créé dans lequel nous aurons peut-être une chance de nous retrouver... ensemble... dit-il dans un murmure, un petit sourire triste se dessinant sous son masque.
- ... Vous devriez tout de même lui parler... lui expliquer tout cela... avant la fin.
- ...
Naruto se leva de la branche et fixa une dernière fois son Senseï avant de sauter dans l'herbe douce de la forêt et de regagner son sac de couchage sous l'œil protecteur de son aîné aux cheveux d'argent.
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