III.
Chacun se précipitait à l'extérieur du bâtiment sauf Zéphyre. Elle restait plantée au milieu de la salle, légèrement en retrait. Dyxie l'observa en arquant un sourcil mais ne fit pas de remarques : l'Invaincue imbattable savait pertinemment ce qu'elle faisait. Chaque partie possédait un nouveau défi et chacune offrait à Zéphyre une nouvelle façon de jouer. Jamais elle n'avait la même stratégie : une fois elle tirait sur le plus de personnes possibles, la suivante elle se cachait et se glissait un peu partout en frustrant les joueurs qui la cherchaient et ne tirait que pour porter le dernier coup.
Lorsque le coup d'envoi signifiant la fin des cinq minutes fut lancé, Zéphyre patienta encore un peu avant de sortir, ce qui agita les caméras qui commençaient à virevolter un peu partout.
— L'Invaincue imbattable adopte à nouveau une stratégie jamais vue, commenta Dyxie pour les spectateurs visionnant le direct. La question est : comment va-t-elle faire pour remporter la partie cette fois-ci ?
Zéphyre sourit intérieurement, rien de bien compliqué pour une fois : s'éclipser, éviter les autres joueurs, trouver un point haut et observer la partie en attendant qu'un participant vienne la trouver.
Elle sortit après dix minutes de jeu sans avoir aucune idée du nombre de joueurs encore dans le tournoi.
Aussi discrète et rapide qu'une ombre, Zéphyre découvrit en quelques coups d'œil le terrain de jeu de cette nuit. Elle repéra très rapidement la hauteur qu'elle recherchait. Au loin, à quelques coins de rues, se tenait fièrement une grande roue. Elle était délabrée et abandonnée depuis des années. La nature avait d'ailleurs repris ses droits : des lianes de lierres et de ronces s'enroulaient autour de la structure métallique. Sans aucun souci, ni rencontre inopportune, l'Invaincue imbattable rejoignit son objectif. Elle fut prise par surprise lorsqu'un premier feu se déclencha pendant sa course. Les suivants ne la firent plus réagir et elle put s'atteler à sa tâche : grimper au sommet de la grande roue.
Son arme glissée dans sa ceinture, elle s'aidait des tiges et des pièces de métal détériorées par endroits pour se hisser au sommet. Une fois celui-ci atteint, elle admira la ville sous un nouvel angle. Dans l'horizon, elle distinguait sans peine le palais impérial qui était le seul bâtiment encore totalement éclairé. Il brillait dans la nuit comme un soleil et l'agitation en son sein devait être à son comble.
Un feu se déclencha au pied de son repère secret, ce qui la fit sursauter mais elle continua d'attendre les joueurs restants en silence tout en observant les flammes danser en contrebas. Ils ne mirent pas longtemps à se manifester et après quelques minutes, il n'en resta plus qu'un seul. Dès qu'il aperçut Zéphyre perchée en haut du manège, il commença son ascension avec une rage dans ses gestes et ses grognements. Zéphyre aurait pu le paralyser pendant qu'il montait et ainsi remporter la partie mais elle n'était pas ce genre de joueuse. Elle aimait le défi et le piment : elle allait le laisser grimper et l'emmener se promener sur les toits des cabines.
— L'Invaincue imbattable, cracha-t-il, littéralement. Ton règne s'arrête ici.
— Je n'en suis pas certaine, la partie n'est pas terminée.
Elle sauta sur la cabine un peu plus bas, provoquant la colère de son adversaire par la même occasion.
— Tu ne perds rien pour attendre, siffla-t-il. Je t'aurai !
Zéphyre sauta et escalada les cages de métal les unes après les autres tout en surveillant l'avancée de son adversaire. Les caméras se firent plus nombreuses autour d'eux : ils étaient les derniers encore dans la partie.
L'Invaincue imbattable retrouva ses pieds sur la terre ferme et se mit à courir en direction d'un bâtiment abandonné adjacent. Les lueurs du feu à l'extérieur éclairaient brièvement et très mal l'intérieur. À tâtons, elle se repéra et surveilla les bruits de pas derrière elle. Elle finit par rejoindre le toit et l'air libre.
La nuit était fraîche et le vent frisquet. Dans son haut sans manches, Zéphyre frissonna un peu.
— Tu as peur ? se moqua le dernier joueur. Ne t'en fais pas ta défaite sera rapide et peu douloureuse.
Elle ne répondit rien et continua de reculer en lui faisant face. Elle sentait très bien que derrière son masque, se cachait un mauvais joueur qui n'allait pas aimer sa défaite. L'Invaincue imbattable atteignit le rebord et monta dessus.
— Tu es coincée maintenant, que vas-tu faire ? Je vais vaincre et battre l'Invaincue imbattable juste parce qu'elle a été prise au piège par sa propre stratégie.
Même s'il ne le vit pas, Zéphyre esquissa un sourire mesquin et sauta en arrière. Son adversaire cria un long "non" tandis qu'elle tombât dans les flammes sous-jacentes. Elle avait déjà prévu de se mettre à courir si par malheur le brasier ne s'éteignît pas comme l'avait annoncé Dyxie. De toute façon, quoi qu'il arrivât, elle allait courir pour se mettre à l'abri et continuer à faire tourner son adversaire en bourrique.
Cependant, c'était sans compter sur les réactions de celui-ci. Il était déterminé à gagner et il lui tira dessus pendant qu'elle tombait. Zéphyre n'eut pas le temps de penser plus que cela aux conséquences de cet acte et espéra que le feu s'éteindrait avant qu'elle ne touchât le sol.
Son dos percuta le sol enflammé sans qu'elle ne pût y faire quelque chose. Par chance, seul son côté gauche se retrouva en proie aux flammes et le reste s'était éteint. L'esprit tournant à toute vitesse, Zéphyre mit toute sa volonté pour essayer de se retourner d'un millimètre et échapper au feu qui ne s'était pas éteint. À tous les coups, il s'agissait d'un dysfonctionnement et il n'allait pas tarder à s'éteindre. Mais en attendant une grande partie de sa jambe et de son bras gauches restaient bloqués dans le brasier. Si elle avait pu crier, sa douleur aurait résonné dans la nuit. En cet instant, elle restait enfermée dans sa tête. La brûlure allait la tuer, elle en était certaine car personne ne pouvait résister face au feu.
Au loin, elle entendit des cris, des sirènes d'alarme et des insultes mais le bruit ambiant était masqué par les crépitements des braises qui avaient pris le dessus dans son oreille. Sa paralysie s'arrêta mais elle n'eut la force que de fermer les paupières et de sombrer dans l'inconscience.
***
La clinique commença à s'agiter dans tous les sens encore plus que d'habitude. Des médecins couraient dans toutes les directions possibles et imaginables au milieu de la nuit : petites ou grandes urgences, les gens étaient incapables d'attendre tranquillement le matin pour venir se faire examiner. Le docteur Aismée Karoll tentait d'expliquer à une jeune femme que non elle n'était pas enceinte et que oui sa contraception fonctionnait. La gamine paniquait et se rongeait les ongles. Le médecin soupira lorsqu'elle lui répéta pour la onzième fois en se demandant ce que les gens ne comprenaient pas dans le mot "urgence".
Un infirmier entra en trombe dans son bureau.
— Docteur ! On a besoin de vous immédiatement dans la salle d'opération.
Aismée s'excusa auprès de sa patiente et se rendit au bloc opératoire au plus vite. Seuls deux médecins se trouvaient sur place mais ils étaient aussi inquiets et paniqués que l'infirmier venu la prévenir.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en enfilant des gants et un masque.
— Une victime d'un feu survenu pendant le tournoi de stuckball de ce soir.
Le Dr Karoll s'approcha de la table où l'on avait placée la patiente et la reconnut aussitôt. Sa fille admirait cette joueuse et avait des posters à son effigie dans sa chambre.
— Nous sommes face à la championne de stuckball, annonça-t-elle à ses collègues. L'Invaincue imbattable.
— Comment pouvez-vous le savoir ? l'interrogea le Dr Clarke en se plaçant à son niveau.
— Ma fille ne parle que d'elle. Mais là n'est pas le problème. Je suppose que vous connaissez un peu ce jeu et l'anonymat y est primordial. Cette jeune femme est la plus connue de tous et nous sommes sur le point de découvrir sa véritable identité. Nous devons promettre de ne la révéler à personne, pas même nos enfants car sa vie normale en dépend.
Les trois médecins jurèrent qu'ils ne révéleraient rien de ce qu'ils allaient voir ce soir. Le Dr Karoll regarda enfin l'ampleur des dégâts. Si le masque de l'Invaincue imbattable était taché par les cendres, le reste de son corps était dans un état désastreux. Son flanc droit était tacheté de rouge par des brûlures légères à cause d'étincelles baladeuses et le gauche était presque entièrement brûlé. Son bras gauche était noir du coude à l'extrémité de ses doigts et sa jambe était dans le même état sur toute sa longueur. En dehors des dégâts causés par les flammes, il y avait son dos qui avait pris le choc de plein fouet : sa colonne vertébrale était brisée par endroits.
Aismée n'avait jamais vu cela de toute sa carrière et elle se demandait comment la jeune femme pouvait encore être en vie.
— Comment un tel accident a-t-il pu se produire ?
Je suis sadique. Demandez à Xanti_, c'est un truc d'auteur que de torturer ses personnes pour faire souffrir les lecteurs.
À votre avis, comment va réagir Zéphyre lorsqu'elle reprendra connaissance ?
On se retrouve dimanche pour le chapitre IV.
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