Quatrième Partie : l'aube
Dernière partie :)
L'arène est vide et silencieuse lorsque l'on entre. Le contraste avec le bruit d'hier est frappant mais il en faut plus pour me déconcerter.
Au milieu de l'enceinte de sable se trouve sept poteaux, et devant, une silhouette que je connais bien, reconnaissable par ses ailes aussi blanches que la neige.
« Yeji, souffle Félix. Qu'est-ce qu'elle fait là ?
- J'imagine que le chancelier veut la tester, je réponds. Ne la regarde pas, suis le plan. »
Les soldats qui nous entourent nous attachent chacun à un poteau, les mains en l'air, puis s'écartent. Minho tourne la tête vers moi, son visage est neutre mais je sais que l'adrénaline court déjà dans ses veines, comme un poison qui se répand plus vite qu'une rumeur dans la ville.
Le chancelier apparaît sur une plate-forme, entouré de ses gardes. Il descend de la plate-forme en silence et s'avance vers nous.
« Sachez que cette situation n'a jamais été mon vœu, déclare-t-il.
- Comme si on allait vous croire, ricane Jeongin.
- Je déteste les morts inutiles, continue le vieil homme sans se soucier de la remarque de mon ami. Vous auriez tous pu être des recrues de choix. D'ailleurs, j'aimerai vous laissez le choix. »
Une brise se lève et vient faire voler mes cheveux autour de mes yeux.
« Comment ? demande doucement Félix.
- Si vous acceptez de faire des excuses publiques puis de travailler pour le gouvernement, je pourrais effacer vos crimes. »
Le silence se fait alors que l'on enregistre l'information.
« Parce que vous pensez qu'on va accepter, crache Intak. Après ce que vous nous avez fait ? Après nous avoir traité comme des moins que rien ? »
Il a toujours été d'une humeur colérique, mais je ne l'ai jamais vu comme ça, jamais.
« Intak, chuchote Lia. Calme-toi. »
Il se tourne vers elle et je peux voir de là où je suis qu'il a du mal à se retenir.
« Personne n'accepte alors ? »
Le chancelier semble déçu face à notre silence, puis une petite voix se fait entendre à mes côtés.
« Si, moi.
- Félix, je marmonne. Qu'est-ce que tu fais ?
- Je suis désolé Hyunjin. »
Ses yeux se remplissent de larmes alors qu'il me fixe, implorante.
« S'il te plait, comprends-moi...
- Comment veux-tu ?! »
Je me retourne vers Minho qui me fixe toujours, ses ongles rentrés dans la paume de ses mains. Il secoue la tête et je ferme les yeux.
« Bien, bien, bien. Je vous félicite monsieur. Allez le détacher. »
Un garde s'avance et vient défaire les liens de mon meilleur ami. Celui qui ne m'a jamais lâché, qui était là depuis le début, qui m'a toujours soutenue, coûte que coûte. Qui me jurait fidélité il y a encore quelques heures.
Félix s'avance vers le chancelier en se massant les poignets meurtris par les menottes. Il pose une main sur sa tête et lui adresse un regard paternel qui me fait bouillir. Comme ose-t-il le regarder comme ça ?
« Hyunjin, siffle Minho. Tes ailes bon sang. »
En effet mes ailes se sont misent à vibrer violemment. Évidemment, elles sont bloquées par un système de cordes mais ça ne les empêche pas de s'agiter au rythme de mes humeurs.
« Voyons monsieur Hwang, calmez-vous. Vous avez fait votre choix, il a fait le sien. Ce n'était pas vous qui parliez de liberté ? Elle implique de respecter le choix des autres non ? »
Je bous intérieurement alors qu'il me regarde, un air de triomphe sur le visage.
Yeji s'approche alors de Félix et passe un bras autour de ses épaules pour l'attirer sur le côté. Il semblerait qu'elle commence à se rendre compte que l'homme à qui elle a toujours voué un culte est en fait un sorcier capable des pires méfaits pour s'assurer que tout ce passe comme il le souhaite.
« Bien, personne d'autre ? »
Seul le silence lui répond.
« Vous m'en voyez désolé. Nous allons donc commencer. Peut-être avez-vous une dernière chose à dire avant de mourir ?
- Oui, grogne Jeongin à la surprise générale. Félix ? »
Il relève la tête, surprise d'entendre son nom.
« Je sais que tu n'as toujours eu d'yeux que pour Azraq, ou Hyunjin, je sais plus comment l'appeler, mais sache juste que je t'ai toujours aimé. »
Un toussotement retentit à ma droite et quand je me tourne c'est pour voir Ryujin qui se retient tant bien que mal de rire.
« Qu'est-ce qu'elle a la loupiote là-bas ?
- Tu pensais vraiment qu'il aimait Hyunjin espèce de débile, ricane-t-elle. Tu vois je te l'avais dit Félix. Tu ne t'es vraiment pas entiché du bon. »
Mes yeux doivent ressemble à des billes alors que je me tourne vers Félix. Un mélange de fureur et de tristesse se mélange dans ses yeux alors qu'il croise les bras.
« Et c'est le moment pour me le dire ? Hyunjin est comme mon grand frère Jeongin. Moi aussi je t'ai toujours aimé mais je pensais que t'en avais rien à faire !
- Oui bah c'était pas clair aussi, lui répond-il en fronçant ses sourcils.
- Bah toi non plus !
- Bah je te le dis maintenant ! J'espère que ça te suivra jusque dans ta tombe !
- Jeongin, gronde Minho en fronçant les sourcils. Calme-toi. »
Mais Jeongin ne semble pas vouloir se calmer et il se met à tempêter tant qu'il peut en grognant et en s'agitant. Le chancelier le regarde faire, stupéfait, mais il ne tarde pas à se reprendre et tend la main vers lui, envoyant un garde pour le calmer.
Et c'est là que le plan se met en marche. Jeongin se soulève à la force de ses bras en s'agrippant aux chaînes qui le retiennent et envoie un coup de pied magistral dans la tête du garde, puis d'un passe-passe habile avec ses pieds, envoie le poignard du garde en l'air. Félix l'attrape et le lance vers moi. D'une précision redoutable, son tir vient couper net mes chaînes qui s'affaissent au sol dans un bruit métallique. Je récupère le poignard et scie en deux secondes les cordes qui reviennent mes ailes qui s'étendent de toutes leurs envergures et me propulse vers le chancelier avant que quiconque ait eu le temps de faire quoi que ce soit. L'action n'aura duré que quelques secondes mais c'est suffisant pour que je m'envole, le chancelier sur mon épaule et que je me positionne en vol stationnaire au-dessus de l'arène, le poignard sous la gorge de cet homme que je déteste tant.
En bas c'est la stupeur, Yeji me regarde, horrifiée, alors que les gardes se sont stoppés, incapable de savoir ce qu'il faut faire. Le chancelier gesticule dans mes bras mais il ne peut rien faire contre un cornée.
« Tuez-les, crie-t-il dans le vide. Tuez-les tous ! »
Malheureusement pour lui, il a passé tellement de temps à cultiver son image de père de la patrie que rien que l'idée qu'il puisse mourir suffit à faire stopper n'importe qui. Les soldats sont tous prêt à désobéir à ses ordres si cela suffit à le sauver, et je le sais très bien.
« Un seul geste en direction de mes amis et je tue ce connard, crachais-je entre mes dents. Maintenant libérez tout le monde.
- Idiot, une fois qu'ils seront délivrés que comptes-tu faire, siffle le chancelier. M'emmener avec vous ? »
Je l'ignore et vais me poser sur une plate-forme pour vérifier que les gardes libèrent bien tout le monde. A vrai dire ce ne sont pas eux qui m'inquiètent, c'est plutôt Yeji qui me fixe toujours, l'incompréhension se lisant sur son visage.
« Yeji, je l'appelle dans un souffle. Que veut- »
Mais je suis coupé car elle s'est propulsée vers la plate-forme voisine de la mienne.
« Pourquoi fais-tu ça Hyunjin ? Je ne comprends pas.
- Parce que rien ne m'importe plus que le bonheur des gens, et je pensais que c'était en passant par la liberté qu'ils l'auraient.
- Ils sont libre.
- Non ils ne le sont pas. Et tu le sais au fond de toi. »
Elle m'observe en silence un instant, puis finie par hocher la tête doucement.
« Alors quoi ?
- Alors je me suis rendu compte que cette vie privée de liberté était ce qui les rendaient heureux. De toute évidence leur rendre leur liberté ne fera que plonger Sekahie dans le malheur. »
Une moue peinée se peint sur le visage de ma sœur et c'est là que je commets ma première erreur : je desserre ma prise sur le chancelier. Je ne m'en rends même pas compte, mais cette seconde d'inattention lui suffit pour glisser entre mes doigts et m'arracher le poignard des mains.
Il tombe par terre et les gardes se ressaisissent d'un coup. Deux vont se positionner autour de lui, et les autres se précipitent vers mes amis. Ils ne sont pas armés, ils ne tiendront pas longtemps. Je jette un dernier coup d'œil à Yeji qui ne semble pas prête à bouger et saute dans l'arène pour les rejoindre. Intak s'est immédiatement porté à la hauteur de Lia et l'a fait reculer vers le mur pour la protéger, Félix et Jeongin, l'un à côté de l'autre se sont positionné sur sa droite, et Ryujin a poussé Minho vers Lia. Malgré son air bravache il est bien trop affaibli, et elle l'a très bien compris.
Les soldats se précipitent sur eux, et évidement, malgré nos efforts, on se retrouve rapidement acculé.
« Bon, déclare le chancelier, cette mascarade a assez duré, abattez-moi cette vermine. »
Les soldats sortent les mirae et nous mettent en joue. C'est fini. Je recule doucement vers Minho et attrape sa main.
« Au moins on se sera battus jusqu'au bout, me dit-il doucement en caressant ma paume du bout des doigts, sa bague rentrant en contact avec la mienne.
- Je t'aime.
- Moi aussi. »
Étrangement, une certaine sérénité m'a envahi. Il a raison, nous nous sommes battus jusqu'au bout pour nos idées. Et c'est le principal.
Je ferme les yeux en attendant le coup de feu, mais ce dernier ne vient pas, à la place j'entends seulement un bruit sourd. J'ouvre les yeux : Yeji a sauté et court vers le chancelier. Son bras se détend brusquement, un poignard file à toute vitesse dans l'air, et comme ça, en quelque secondes, le corps de l'homme que je déteste le plus au monde ne s'écroule par terre. Mes yeux s'ouvrent en grand et je lâche la main de Minho pour tenter de me précipiter vers Yeji, mais c'est trop tard, et une salve de balle s'abat sur elle avant que j'ai le temps de faire quoi que ce soit.
Le temps semble alors s'allonger, ma vision se fait flou, j'entends à peine le cri que pousse Félix à quelques mètres de moi.
Qu'est-ce qu'il se passe ?
Mon corps passe en commandement automatique. Je sais que mes ailes battent toutes seules et que je fonce vers les soldats, mais je ne vois rien. Devant moi ne se trouve qu'un voile blanc, comme un jour de brouillard. Mes oreilles sont bouchées, je n'entends rien, je ne vois rien, je ne sens rien.
Et puis soudain un visage aux yeux bleus apparaît devant moi à travers le brouillard. Deux mains fraîches se posent sur mes joues et un front contre le miens.
« Hyunjin, Hyunjin, Hyunjin... »
Comme une litanie qui parvient enfin à mes oreilles.
« Minho ? »
Ma voix est rauque. Je ne la reconnais pas.
« Yeji ? »
Les yeux de Minho s'emplissent de larme et je le repousse doucement. Autour de moi gisent les corps des soldats que je viens d'abattre, mais je ne les vois pas, tout est teinté de gris, sauf une silhouette, allongé par terre, blanche et doré.
Je tombe à genoux près du corps sans vie de ma sœur. C'est donc ça le résultat de nos années de résistances ? C'est à ça que ça a servi ? La destruction d'une société et la mort de la personne la plus pur de la même société ?
« Elle est morte pour le bien, Hyunjin. »
Je repousse la main que Ryujin a posé sur mon épaule et essuie mes yeux d'un geste rageur.
« Parce que tu appelles ça le bien ? »
Je désigne les corps sans vie qui nous entoure.
« Toutes ces vies sacrifiées ? C'est pour le bien ? Si on s'était contenté de nos vies comme elles étaient, personne ne serait mort.
- Mais-
- Il a raison Ryujin. »
La voix de Minho est grave, comme elle ne l'a jamais été. Il me tend la main que je prends et m'attire dans ses bras.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés comme ça, je ne me rappelle plus. Je ne me rappelle pas être sortit de l'arène non plus, je ne me rappelle pas que Jeongin a porté le corps de Yeji. Je ne me rappelle pas comment nous sommes sortis de la cité, je ne me rappelle que des yeux bleus qui m'ont poussé à continuer, toujours en avant, sans me retourner.
* * *
Vos avis les loulous ??
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