Chapitre 34
Le soir, de retour à mon appartement, je constate qu'il est vide. Pour me rassurer, je me dit qu'il y a sûrement beaucoup de monde aujourd'hui au restaurant et que cela explique le retard de ma mère.
Après deux heures d'attente, je commence plus sérieusement à m'inquiéter. Je me précipite alors dans ma chambre et attrape mon téléphone. Je tapote nerveusement sur l'écran, essayant d'appeler ma mère, en vain ; je tombe sur sa messagerie. Sans réfléchir, j'enfile mon manteau en quatrième vitesse et m'apprête à sortir au moment où ma mère entre chancelante, et un sourire niais dessiné sur le visage.
Elle tombe presque par terre ; je la rattrape à temps et l'emmène s'asseoir sur le canapé, étant obligée de la traînée sur le sol. Elle ne tient pas debout, elle est toute molle. Je lui retire son manteau pour qu'elle n'ai pas trop chaud, et lui retire son sac de sa main, sans difficulté puisqu'elle le tenait déjà qu'à moitié.
"-Qu'est-ce qui se passe maman ? demandai-je
-Tout va bien , répond-elle son regard, souligné d'un mascara qui coule, fixé au plafond
-Tu viens d'où ?
-Tout va bien."
Je saute du canapé comprenant alors ce qui lui arrive. J'aurais dû croire aux paroles de Chloé à l'hôpital lorsqu'elle me disait : " Tu n'a rien remarqué ? Elle est comme avant..."
***
Après que j'ai glorieusement et difficilement réussi à coucher ma mère, je rejoint mon lit, bredouille, la tête bouillonnante de plusieurs interrogations, et sûrement aussi de la forte odeur d'alcool que dégageait ma mère. Le revoit-elle ? J'en ai très peur ; je ne veux pas recommencer. Nous n'avons pas fait tant de sacrifices pour nous retrouver dans la même situation qu'il y a quelques mois. N'ai-je donc pas pleurer assez de fois ? Elle même en a pleuré et s'est excusée plusieurs fois de la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvées. Mais elle recommence...
Le lendemain, je fais part de mes doutes à Claire. Je fus obligée de lui faire connaître la véritable raison de mon arrivée dans cette ville. Après tout, c'est la première personne qui m'a fait confiance, et elle est sortie avec mon frère, qui n'en connaissait pas plus que moi avant mon arrivée. Je devais lui dire.
Claire ne sait pas quoi dire, elle est perturbée par mon histoire. Je la vois pâlir à la fin de mon monologue, elle est très surprise, et en a les larmes aux yeux. Mais elle essaye tout de même de me rassurer, sans résultats.
De retour chez moi, mes doutes se confirment ; ma mère est de nouveau amoureuse de .... lui. Son téléphone sonne et le prénom "Frédéric❤" s'affiche. Mon cœur fait un bond, et j'ai bien crus tomber dans les pommes.
Ma mère me regarde avec un sourire de gamine, me chuchote "je reviens", décroche et cours s'enfermer dans sa chambre. Blessée par son comportement et fatiguée de mes problèmes, je cours m'enfermer dans ma chambre, verrouillant ma porte à double tour.
Je sais qu'on ne doit pas écouter aux portes, mais je suis très tentée par cette idée de tirer au clair cette histoire. Ma chambre étant mitoyenne de celle de ma mère, je m'approche du mur et écoute avec attention, retenant mes sanglots.
"-Oui mon amour , dit ma mère
-...
-On se voit bientôt ?
-...
-Oui, parfait ce soir à 23h, comme ça elles dormiront.
-...
-Hi hi hi, rigole timidement ma mère, comme une adolescente amoureuse pour la première fois.
-...
-Nous serons bientôt tous de nouveau réunis !"
Je tombe dénue et n'ose plus écouter. Je m'écroule sur mon lit. Les larmes coulent toutes seules, je ne veux pas que le cauchemar recommence et j'ai du mal à comprendre comment ma mère peut retomber là-dedans. Cela peut paraître idiot, mais même si cela me fait du mal, je dois avouer que j'ai envie que Chloé soit là, pour que je ne sois pas seule. Mais en y réfléchissant, cela lui permettra de me pourri encore plus la vie. Je ne sais plus quoi penser ...
***
Le lendemain, j'arrive au lycée et m'isole, sous un arbre, le sac sur mes genoux et la tête enfouie dedans. J'entends des pas se rapprocher petit à petit, résonnant dans les graviers. Je ne lève pas la tête. Une main se pose sur mon épaule, et sans dire un mot, son propriétaire s'assoie à côté de moi, relève mes cheveux et me chuchote à l'oreille : "Morgan est décédé des suites de sa blessure".
Je relève doucement la tête, puis la tourne vers Alex. Il me regarde, un sourire en coin. Des larmes s'échappent de mes yeux : est-ce moi qui l'ai conduit à la mort en pressant sa plaie infectée ? Méritait-il vraiment la mort comme Alex me l'affirme ? Je n'ai pas le temps de trouver des réponses à mes interrogations ; la sonnerie retentit. Alex se lève et me tend la main. Je l'attrape et nous allons tous les deux en cours, rejoignant par la même occasion Claire, qui nous attend.
***
Après les cours, Claire, Alex et moi sommes partis nous promener. Nous sommes mercredi, donc nous avons tout l'après-midi, et étonnement, ma mère m'a autorisée à sortir, car elle même sort cet après-midi avec "un ami". Mais j'ai peur. Je sais qui est cet ami. Je ne veux pas le revoir. Je ne comprends pas ma mère.
Tandis que je m'interroge, nous arrivons au parc. Nous nous asseyons à l'ombre d'un arbre et déballons notre repas.
"- Alors, comment ça va Ana ? me demande Claire. Tu n'as pas beaucoup parlé aujourd'hui ...
- Très bien merci, mais je pense à ce pauvre Morgan ...
- Arrête avec lui. Me dit gentiment Alex. Il était mauvais, vendait de la drogue, et a été payé pour t'étrangler !
- Certes, mais toi aussi tu es tombé dans la drogue. Déclarais-je
- Mais je m'en suis sorti ! Il te voulait du mal, il te regardait chaque soir !"
Nous sommes tous d'un coup silencieux. Nous mangeons nos sandwichs dans un silence pesant. Après quelques minutes, Alex me dit : "T'inquiètes sœurette, je te protégerai !". Nous avons tous souri à ses mots.
Le repas terminé, nous nous baladons dans les rues. Alors qu'ils sont de nouveaux en couple, Claire et Alex discutent tandis que moi, je pense. Je ne sais pas à quoi, mais je pense. Mes yeux se baladent partout, jusqu'à ce que je vois ma mère, main dans la main avec Frédéric. Je n'arrive pas à y croire ! Mes doutes se confirment. Je ne veux vraiment pas que tout recommence.
Je prétexte un gros mal de crâne auprès de mes amis avant de rentrer chez moi.
***
Quelques heures plus tard, j'entends cogner contre la porte d'entrée : "Ouvre Ana s'il-te-plaît ! On est là! ".
Comment ça "on" ? A-t-elle ramené Frédéric ? Je n'ai aucune envie de le voir. Il m'a rejeté la dernière fois que je l'ai vu ! Qu'est-ce qui passe par la tête de ma mère ! L'amour rend vraiment aveugle ...
"Ana, vite s'il-te-plaît ma chérie ! C'est lourd !"
Je ne sais pas ce qui m'attend, j'ai même très peur, mais j'ouvre la porte. Des cartons me tombent dessus. Je me débarrasse des cartons, et quand je lève les yeux, je me sens défaillir.
Frédéric se tient tout sourire à côté de ma mère. Ma mère, un sourire naïf dessiné sur le visage, s'accroche au bras de son copain.
"- Salut ma chérie ! Je te présente ton nouveau beau-père ! -Frédéric me fait un signe de la main-
- Je le connais maman, dis-je désespérée
- Et voilà ta nouvelle demi-sœur !"
Les deux adultes se séparent, dévoilant derrière eux une personne que je ne voulais pas revoir. Chloé se tient debout, un sourire narquois sur les lèvres. Elle est très gentille devant les adultes ; elle dit qu'elle heureuse que l'on soit tous de nouveau réunis, mais je sais que derrière je vais vivre un enfer ... Comment avons-nous pu en arriver là ? Je me le demande tous les jours. Elle a quand même payé quelqu'un pour m'étrangler ! Je devrais le dire à ma mère, mais je n'ai aucune preuve et le témoignage d'Alex ne suffirait pas, d'autant plus qu'il serait dans l'obligation d'expliquer à sa mère, qu'il connaît depuis quelques mois seulement, qu'il était un dealer.
Les trois membres de ma "famille" entrent, tous contents, mais pas pour les mêmes raisons. Chloé et son père font comme chez eux. Ma mère leur fait visiter l'appartement, indiquant par la même occasion à Chloé qu'elle partagera ma chambre. A cette annonce, je reste plantée dans le salon, crispée et droite. Mes dents sont tellement serrées que j'en ai mal à la mâchoire. Chloé me sourit de toutes ses dents pour me dire qu' "on va bien s'amuser !".
Je décide de ne pas rester une minute de plus et je cours m'isoler sur le balcon, en prenant soin de fermer la baie vitrée. Quelques minutes plus tard, ma mère se joint à moi alors que les deux nouveaux membres de ma "famille" s'installent.
"- Tu as pensé à Alex ? aboyais-je sur ma mère sans la regarder
- Oui toute la nuit ... répondit ma mère
- Alors pourquoi ? déglutis-je en retenant mes larmes. Pourquoi tu le laisses encore en foyer alors que c'est mon vrai frère, lui ? Pourquoi ramènes-tu ces deux ... ces deux personnes qui nous on fait du mal ?
- Ils ont changé ma chérie ! - me rassure ma mère en passant sa main, que je repousse, dans mes cheveux -
- C'EST MA COUSINE ! ! Criai-je en me retournant vers ma mère, ne pouvant plus contenir mes larmes. TU LE SAVAIS QUE C'ÉTAIT MA COUSINE IL Y A 3 ANS ET TU ES QUAND MÊME SORTIE AVEC SON PÈRE ; MON ONCLE ! TU ME DÉGOUTTES MAMAN, j'avais confiance en toi.
- Ecoute ma chérie, je peux tout t'expliquer ...
- Il serait temps !
- Ton père, Marc RENARD, avait une sœur jumelle, la mère de Chloé. Quand leurs parents sont décédés dans un accident de voiture, la question de l'héritage est venue. Lucie, la mère de Chloé, et moi, étions alors enceintes. Ton père et tante se sont rendus chez le notaire et ont découvert que la mère de Chloé aurait toute la fortune et ton père des objets sans valeurs. - Ma mère regarde dans le vide- . Leurs parents en avaient décidé ainsi car Lucie n'avait pas un gros salaire, contrairement à ton père qui était un riche avocat. Une grosse dispute a alors éclatée entre le frère et la sœur. Ta tante était enceinte de 8 mois quand elle est décédée. Ton père, dans un excès de colère accentué par l'alcool, avait trafiqué les freins de la voiture de sa sœur. A l'hôpital, ils n'ont rien pu faire pour elle mais ils ont réussi à sauver Chloé, née prématurément, c'est sûrement de là que vient sa maladie. Elle est née en Septembre, toi et Alex êtes nés en Novembre. Ton père a fait 5 ans de prison ; il a ensuite perdu toute sa fortune. -J'écoute ma mère avec attention ; les larmes coulent en cascade sur mes noues-. Ton père et moi avions consenti de te séparer d'Alex pour que vous ne finissiez pas comme lui et sa sœur.
- Où était Alex pendant la prison de papa ?
- Chez Chloé, c'est pour cela qu'ils se connaissent mieux. Après, il est retourné chez votre père. Quand l'incident est arrivé en Septembre dernier, j'ai décidé de revenir ici, pour que tu connaisses ton frère sans que tu le saches, et pour que ton père te vois ... de loin.
- Et si j'était tombée amoureuse ?
- Il avait déjà une petite amie, Claire. Je connaissais tout de sa vie, comme ton père connaissait toute la tienne...
- Où est sa tombe ?
- Au cimetière, aile droite, au nom de Marc RENARD. Il y a un mini olivier à la tête de la tombe ; il adorait cet arbre."
Sous le choc de toutes ces révélations, je laisse ma mère et me rends dans ma chambre. Lorsque je pousse la porte, je surprends Chloé qui lit mon journal : "Touche pas à ça !"criai-je. Elle me regarde avec des yeux vides et le pose, avec un sourire narquois dessiné sur le visage. Je le ramasse et sort de l'appartement sans un bruit. Je me faufile hors de l'immeuble, à la recherche de la tombe de mon père.
Quand je la trouve, je m'accroupis devant et balance quelques mots maladroits : "Bonjour Papa... Je sais tout, et je m'excuse de ton histoire. J'aurais tant aimé te connaître ! Je te promets de trouver une solution pour que ton fils Alex, mon frère, ne reste pas en foyer ! Je t'aime ... Papa". Je me relève doucement et, mon carnet sous le bras, je me dirige vers l'Arbre.
Je m'assoie sur le banc, contre l'arbre et face à la mare. Les branches du saule pleureur m'apaisent. J'attrape mon téléphone et envoie un message à Alex :
" Bonjour Alex, j'espère que tout va bien pour toi au foyer.
Chloé et son père viennent de s'installer chez nous. J'ai ainsi pu connaître tout ce qui t'es arrivé. Je suis désolée pour toi. Je vais tout faire pour te sortir de ce foyer ! Je te le promets !
Bisous,
Ta sœur jumelle"
Je pose mon téléphone doucement, respire un bon coup, ferme les yeux et tente de me détendre. Puis, j'ouvre mon carnet, lui qui renfermer l'incident qui a fait basculé ma vie :
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro