Chapitre 22
Je nous mets une playlist alors que Lisa s'installe sur mon divan, verre à la main.
— Alors ma chérie, qu'est-ce qui se passe? me demande mon amie de but en blanc.
— Comme ça, sans préliminaires? ironisé-je. Tu me laisses au moins commander les sushis?
La petite blonde rit, puis prend une gorgée du moscato qu'elle a apporté. Ce choix lui va à merveille, le vin est pétillant, frais et sucré, tout comme elle. Je la rejoins et prends mon portable sur mes genoux afin que nous puissions consulter le menu.
— Alors, soit on y va pour un 35 morceaux choix du chef ou on va à la carte, dis-je en prenant mon verre.
— Soyons folles, allons-y à la carte, me répond Lisa de façon théâtrale.
Nos choix se portent sur quelques spécialités feuille de riz et tartares, sans oublier les traditionnels makis et futomakis. Avec les deux bouteilles de vin, on devrait être bonnes pour faire la soirée. Une fois la commande passée, je porte encore la coupe à mes lèvres parce que je sais que ce qui s'en vient ne sera pas évident, et même si ça m'emmerde de devoir parler, je reste persuadée que Lisa pourra m'aider à y voir plus clair. Dans le cas contraire, nous aurons de quoi boire pour oublier. Ou plutôt j'aurai de quoi boire pour oublier.
Ma copine me fixe de ses grands yeux bleus prévenants. Elle a de la classe avec ses longs cheveux blonds qui cascadent sur son épaule. Même vêtue d'un simple jean moulant et d'un chemisier violet, tout son être transcende la confiance. Je l'envie au fond d'être aussi sûre d'elle.
— Marie, tu me dis pourquoi tu fais cette tête-là ou je vais devoir te faire boire pour te tirer les vers du nez?
— Un peu des deux, souris-je figée en jouant avec mes doigts.
Je rive mes yeux sur un point au sol et lâche :
— J'ai un peu couché avec Colin...
Silence.
Je lève le regard vers elle afin de m'assurer qu'elle m'a bien entendue. Un fin sourire étirant ses lèvres roses, Lisa m'examine sans retenue.
— Un peu, vraiment? répond-elle dubitative. Et on fait ça comment coucher un peu avec Colin?
— Ben tu sais... je veux dire... un peu quoi!
Mon amie secoue la tête en essayant de ne pas pouffer de rire.
— Hum, non, j'vois toujours pas.
— Ok, c'est bon, j'ai couché avec Colin, contente?
Je me noie dans ma coupe et me ressers un peu de courage liquide.
— Et? fait-elle encourageante.
— Tu veux que je te dise quoi Lisa?
— Je vois bien que tu es bouleversée ma chérie, affirme-t-elle en me souriant tendrement. J'aimerais seulement comprendre pourquoi.
Par où commencer? Le soir où il m'a raconté pour Josh? Le lendemain quand il s'est présenté ici et qu'on a presque...? Ou la soirée sur le bord de l'Hudson? Je termine mon verre pour m'engourdir un peu plus. Au moins si je suis saoule, peut-être que ça me fera moins mal d'y penser. Je passe une main dans mes cheveux et tente de remettre de l'ordre dans mes idées. La chaleur de l'alcool commence à faire son effet.
— Je ne vois pas vraiment quoi ajouter, dis-je en faisant tourner le vin dans ma coupe. Le soir où je ne suis pas revenue au Five, j'étais avec Colin. Je ne t'ai pas expliqué, mais tu te doutais déjà que j'avais eu une journée difficile.
— Oui, t'es plutôt transparente comme fille Marie, souligne-t-elle.
— Sans blague? grimacé-je. Tout ça pour dire qu'il m'a écoutée et rassurée. Il a été vraiment génial en fait.
— Attends, on parle bien de Colin là? Le Seigneur des Ténèbres.
J'éclate de rire. Il faut bien avouer que Colin est loin de l'image qu'on se fait d'un Calinours.
— Oui, c'est bien le même, continué-je. Je l'ai invité à dormir ici, j'avais pas envie d'être seule.
— Dis-moi au moins qu'il s'est comporté comme un gentleman.
Je lui fais signe que oui en vidant le reste du contenu de la bouteille dans ma coupe.
— Il m'a enlacée et on a dormi, murmuré-je. Le lendemain, on parlait, c'était naturel, facile et je ne pourrais pas te dire comment c'est arrivé exactement, mais on a fait l'amour. Puis il est resté une partie de la journée. Lisa, c'était tellement simple! C'est comme si on avait fait ça toute notre vie.
T'es dans la merde ma fille.
— Bref, après qu'on ait pris notre douche.
Je regarde mon amie en secouant la tête avant qu'elle ne me coupe puis j'ajoute en vitesse :
— Oui, bon, on a pris une douche... puis il a reçu un appel et il est parti sans aucune explication. En soi, c'est rien de dramatique, souligné-je, mais le lendemain, quand je suis allée voir les Nightmareden avec Matt, j'ai surpris Colin avec une autre fille.
Je fais une pause.
— Je ne pensais pas que de le voir avec une autre m'affecterait autant. Je l'ai d'ailleurs revue deux fois aujourd'hui « elle ». Je sais qu'on ne s'est rien promis, mais...
— Mais là, ton hamster court sans relâche et tu te fais des scénarios, c'est ça? finit la petite blonde à ma place.
— J'ai aucune envie de me sentir comme ça. Je veux pas être jalouse, je me pensais au-dessus de tout ça. On n'a pas reparlé de ce qui s'est passé ce matin-là et aujourd'hui... aujourd'hui après avoir vu Colin avec elle, je suis allée dans son bureau. Fallait discuter de l'événement et il a été tellement glacial Lisa, ça m'a fait un mal fou.
Je prends une nouvelle gorgée de vin et reste silencieuse.
— Tu sais ma belle, Colin n'est pas le seul célibataire à New York. T'aurais un problème à ce que ça ait seulement été du sexe sans attaches?
— Je sais pas, réponds-je en me rongeant un ongle. Je n'y ai jamais vraiment pensé.
Tu te mens.
Lisa pose sa main sur la mienne et la presse avec douceur.
— Tu serais pas amoureuse Marie?
— Quoi? Moi? Amoureuse de Colin Spencer? Pffft!! Et puis quoi encore? protesté-je un peu trop vigoureusement.
La petite blonde attend patiemment pendant que j'ouvre la deuxième bouteille. Je peux bien le nier pendant quinze ans, le fait est que je suis effectivement tombée en amour avec le grand brun et je n'ai rien vu venir. Je prends ma tête entre mes mains et soupire.
— Je suis foutue Lisa, déclaré-je.
— Non, mais attends Marie, tu ne sais même pas ce que lui en pense, tempère-t-elle pragmatique.
— Paraît que Colin n'est pas fait pour être en couple.
Elle plisse les yeux et réfléchit un moment en trempant ses lèvres dans son verre.
— Matt?
— Ouais, ce midi quand on les a vus ensemble, il m'a expliqué que Colin avait eu une relation longue, mais qu'il avait fini par s'ennuyer. Conclusion : il n'est pas fait pour se caser.
— Mais il ne peut pas parler à sa place. Faut que tu en discutes avec lui Marie, c'est la meilleure chose à faire, me certifie-t-elle.
En discuter avec lui?
Pas question!
Je pense que de boire tout le vin reste encore une meilleure option. Notre repas arrive et nous optons pour un film d'action sur Netflix. De réaliser que je suis amoureuse de l'ombrageux chanteur ajoute déjà assez de poids aux diverses émotions de la journée et ma petite blonde le sait, alors elle ne me questionne pas davantage.
— Tu restes à coucher? demandé-je en riant un peu.
— Seulement si tu promets de te comporter comme un gentleman, me répond Lisa avec un clin d'œil.
— T'inquiète pas, semblerait que je les aime plus grands et plus ténébreux, réponds-je avec un demi-sourire.
— Ça va aller ma belle, j'en suis certaine.
***
Je sors du bain et m'éponge en partie avant d'enfiler mon peignoir. Il me reste encore du temps avant d'aller rejoindre Matt, qui m'a convaincue, malgré mes nombreuses protestations de l'accompagner au Five pour une ultime répète de ce que les Nightmareden feront à ma soirée.
Non, mais combien de fois dois-tu aller les voir enfin?
Je n'ai toujours pas revu ni reparlé à Colin depuis la petite altercation, si on peut appeler ça une altercation, dans son bureau et la réalisation de mes sentiments pour lui. Je me suis immergée dans le travail, ce qui est une très bonne chose, puisque le concert-bénéfice a lieu dans un peu plus de deux semaines. Bonus : je n'ai pas eu à penser, puisque j'étais présente au bureau de 7 h à 22 h. C'est par ailleurs pour cette raison que Matt m'a obligée à venir ce soir. Il trouve que je ne relaxe pas assez.
Je souffle en contemplant mon reflet dans le miroir. Je me trouve fade et terne. J'ai de larges cernes sous les yeux et j'ai perdu du poids à force d'être stressée.
Reprends-toi.
Prenant ma brosse à cheveux, j'entreprends de me coiffer. Entreprise légèrement plus ardue que ce qui était prévu au départ. Je finis par perdre patience et décide de me faire une queue de cheval qui laisse retomber quelques mèches autour de mon visage. Un peu de fard pour la couleur et un rouge à lèvres mat complètent le tout. Je ne suis toujours pas satisfaite, mais ça ira. J'enfile un jean cendré taille haute et un chemisier noir à motif de chats. Je me regarde dans la glace et ris, ce qui a pour effet de me détendre un peu. Je suis prête pour affronter Colin maintenant ou pas. En ramassant mon cell, j'en profite pour envoyer un texto à mon ami et lui dire que je suis en route. J'enchaîne en commandant un Uber et je sors pour attendre devant l'immeuble.
En débarquant dans le stationnement du Five, je retrouve Matt et Adam en pleine discussion. Mon collègue est affublé d'un jean troué et de son éternelle veste de cuir, le tout agrémenté d'un beanie noir qui laisse paraître ses mèches rebelles. Le batteur quant à lui, porte un jean noir d'où pendent plusieurs chaînes en argent, des bracelets de cuir et un t-shirt vert moulant qui laisse peu de place à l'imagination, mais qui fait ressortir ses yeux.
— Wow! T'es classe Princesse, me salue Matt en m'embrassant la joue. J'adore les chats! Tu pensais à quelqu'un de particulier quand tu les as choisis?
— Nope, j'aime ce chemisier et je trouvais qu'il était à propos pour ce soir, souris-je en haussant les épaules.
— Salut Marie, en forme? me demande Adam en me prenant dans ses bras.
— Toujours aussi sympathique toi, ça fait du bien. Salut Adam, je vais bien merci, réponds-je en lui rendant son accolade.
— Le travail, ça va? s'enquit-il. L'événement s'en vient.
— M'en parle pas, réplique le graphiste. Je travaille pour un tyran, tu devrais la voir, c'est vraiment n'importe quoi.
Adam sourit en coin pendant que je lève les yeux au ciel.
— Paye-moi donc à boire au lieu de dire des niaiseries, dis-je en attrapant le petit brun par le bras.
Une fois à l'intérieur, j'avise le petit groupe de groupies qui zieutent les garçons et ça me fait sourire. Surtout quand j'aperçois la façon dont elles me dévisagent.
— Je pense que tu t'es fait de nouvelles amies, m'indique Adam en me pointant les filles du menton.
Je lui fais une petite moue rieuse et lui réponds :
— Avoue que t'as envie que je te les présente.
— C'est gentil ma puce, mais j'crois pas avoir besoin de toi pour ça, rétorque le batteur en m'offrant un sourire à faire fondre le plus dur des cœurs.
— C'est vrai, j'oubliais que j'étais en présence d'un sex-symbol, dis-je en lui faisant une petite courbette.
— Qu'est-ce j'ai manqué? demande le portoricain en revenant vers nous avec trois bières.
— Oh rien, Adam me suppliait seulement de lui présenter le groupe de filles derrière.
Matt jette un œil et pouffe de rire.
— Princesse, tu sais que je t'aime et que t'es mignonne avec tes chats, mais ni Adam, ni moi n'aurions besoin de toi pour faciliter les choses avec ces jolies demoiselles, affirme-t-il avec un sourire moqueur.
— Bon, c'est pas que je m'ennuie, mais je suis mieux d'aller derrière si je ne veux pas subir les foudres de notre glorieux leader, explique le grand blond. On se revoit après.
Mon collaborateur et moi décidons de rester près du comptoir. Comme ça, les groupies pourront s'énerver autant qu'elles le souhaitent au-devant de la scène. Je prends une gorgée de bière sous le regard inquisiteur de Matt.
— Non, mais tu peux me l'avouer Princesse que tu as mis ce chemisier pour Colin.
— Tu me fatigues Ortega, réponds-je en roulant des yeux.
Les lumières s'éteignent et la foule rugit au moment où les musiciens montent sur scène. Mais l'hystérie collective atteint son apogée quand Colin, altier, séducteur et uniquement vêtu d'un pantalon de cuir s'amène sur les planches. J'oublie de respirer quand son regard bleuté s'accroche au mien quelques secondes et qu'il commence à chanter de sa voix grave et voluptueuse. Celle-ci me frappe de plein fouet. Je ferme les yeux pendant que sa musique vient se ficher au plus profond de mon âme et de mon cœur. De plus en plus persuadée qu'être ici ce soir s'avère être une mauvaise idée, je me laisse bercer par sa rancœur et sa rage. Je passe l'entièreté du concert en transe et remarque à peine quand Matt m'entraîne vers les coulisses.
— Dépêche-toi Princesse, me glisse mon ami.
— Y'a pas le feu. Je ne te croyais pas aussi fan, rigolé-je en le suivant vers les portes près de la scène.
— Mais t'as bien vu leurs gueules, qui n'en serait pas fan, me répond mon collaborateur avec très peu de sérieux.
Les bruits du public s'estompent à mesure que nous avançons dans les coulisses. Nous retrouvons Adam et Doris qui boivent une bière, installés dans la loge. La bassiste me dévisage d'un air mauvais, mais ne me passe aucun commentaire. Tiens, ça fait changement. Le batteur se lève et nous accueille tout sourire.
— Alors Marie, tu penses qu'on est prêts pour le concert-bénéfice?
— Oui, je pense que c'est bon.
Doris grogne en se levant.
— J'vais prendre une douche. Y'a trop d'monde ici.
Elle me pousse un peu en passant près de moi. Adam me fait un clin d'œil en haussant les épaules, mais je ne me formalise pas du comportement de la demoiselle. Au moins il n'y a pas eu d'insultes.
— J'vais aller prendre un peu d'air, dis-je en souriant au batteur.
En retournant en coulisses, je suis attirée par des voix. On dirait des gens qui s'engueulent. Je me laisse guider par les sons et me retrouve devant Colin et « elle ». Le métalleux, qui ne s'est pas changé, est penché au-dessus d'elle, son visage défiguré par la colère qui l'habite. Ses yeux lancent des éclairs, mais la jeune fille ne semble pas vraiment impressionnée. Je m'approche d'eux quand leur conversation éclate.
— Colin... écoute...
— Non! C'est toi qui vas m'écouter. Des flounes* dans ton genre qui recherchent l'amour et qui se cherchent une famille j'en vois plus que ce que j'suis capable de supporter! Pense pas que t'as un avantage avec moi!
— Alors quoi? Je mérite pas de faire partie de ta vie, c'est ça?! TU TROUVES QUE JE NE SUIS PAS ASSEZ BIEN POUR TOI COLIN?
— EXACTEMENT! DÉCRISSE**!!
— Qu'est-ce qui se passe ici? lancé-je en direction du chanteur.
La jeune fille profite de mon intervention pour détaler. Passant devant moi, elle sort par la sortie de secours. Colin se tourne alors vers moi et sa hargne me heurte en plein cœur.
— QU'EST-CE QUE TU FOUS ICI? tonne-t-il en me foudroyant du regard.
Je plisse les yeux de surprise, je ne m'attendais pas à ce qu'il utilise ce ton avec moi.
— Et toi? Comment peux-tu te comporter de la sorte? dis-je un peu déboussolée. Je peux savoir qui elle est?
Il expire en se pinçant l'arête du nez, mais son ton s'est légèrement adouci.
— Ça t'regarde pas.
— Ça m'regarde pas? Tu me niaises? J'suis quoi pour toi au juste? Un divertissement? Une façon d'avancer ta carrière? questionné-je insultée. Le soir où tu m'as dit de ne pas me poser de questions, ça voulait dire quoi?
L'ombrageux chanteur me fixe longtemps avant de reprendre.
— Tu mélanges tout, ça n'a rien à voir avec...
— Colin, le coupé-je. Ça fait deux semaines que tu m'évites, probablement parce que t'es avec une autre et ce soir j'te vois l'engueuler. J'suis censée penser quoi?
— J't'ai jamais rien promis, argumente-t-il. Si tu t'es fait des idées, j'y peux rien. J'suis qu'un connard Marie, faut pas l'oublier.
J'encaisse le coup sans broncher, même si je sens mon cœur se fendre. Je me rends compte que Matt, Adam et Doris nous ont rejoints et assistent à la scène. Seule la bassiste semble ravie de ce qu'elle voit.
— T'es tellement obnubilé par ta peur de t'faire rejeter que tu te complais dans l'image du connard arrogant pour pas te laisser approcher. Continue de vivre seul avec ta culpabilité Colin. T'es vraiment un esti*** de crétin, sifflé-je les dents serrées.
Je bouscule Matt et me rue vers la sortie. Une fois à l'extérieur, je prends une grande inspiration et lâche un long cri rauque.
— T'aurais du feu? me demande une voix.
Je sursaute avec violence et me retourne.
— Toi? Encore, réponds-je blasée. Désolée, je ne fume pas.
La jeune fille me sourit, narquoise, mais je vois qu'elle a pleuré, donc que Colin a réussi à lui faire du mal. Elle est jolie, avec ses longs cheveux noirs et ses yeux d'un bleu glacé. Elle ne doit pas avoir plus de 20 ans.
Ça me rappelle quelqu'un.
— Tu ne devrais pas t'en faire avec moi, poursuit-elle.
— Qu'est-ce qui te dit que je m'en fais avec toi? répliqué-je grinçante.
Elle hausse les épaules nonchalente en remettant la cigarette dans son paquet.
— Ça fait quelques fois que j'te vois et que j'vois la façon dont tu regardes mon frère.
— Ton... ton frère?
Je papillote des yeux en la dévisageant longuement.
— Oui, Colin est mon frère.
***
* Flounes : enfants/gamines
**Décrisse : fous le camp! Va-t-en! Décampe!
***Esti : sacre utilisé couramment au Québec. Serait comme putain en France.
Entête : Laria Fabian - Je t'aime
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