Chapitre XXIV - Going Home
Le soleil brillait avec ardeur dans un ciel bleu sans nuages. L'Enfer n'avait peut-être jamais connu de cycles météorologiques, mais cet après-midi était de loin l'un des plus chauds que la jeune fille ait connu depuis son arrivée. Sans compter qu'il s'agissait d'un des pires de sa vie, enfin, depuis sa mort ; être embrassée par Astaroth, se perdre dans sa zone pour finir par marcher pendant des heures sous un soleil de plomb. Il était d'ailleurs hors de question qu'elle retourne lui demander son chemin, sachant qu'il lui aurait indiqué la route en échange d'un autre service. Continuant d'avancer en pleine canicule vêtue d'un épais kimono, elle fut soudainement stoppée par une voix stridente qui l'appelait.
- Anya !!!
L'adolescente se tourna pour apercevoir deux fillettes qui couraient vers elle. Elle reconnut Léa et Sarah, qui l'avaient recueillie lorsqu'elle s'était perdue pour la première fois dans la zone d'Astaroth.
- Où est-ce que tu vas ?! C'est dangereux !
- Ah... J'étais perdue, alors je me suis dit que j'allais continuer tout droit...
- Surtout pas ! C'est la zone de Belzébuth !
- Belzébuth... ? Le troisième prince ?
- Le troisième prince, oui. N'y vas surtout pas. Cette zone est dangereuse.
- On me l'avait dit... Pourquoi est-elle dangereuse ?
- Personne n'en sait beaucoup, mais c'est dangereux. Tu es encore perdue ?
- Oui...
- Viens avec nous, tu vas encore rétrécir sinon.
- Mais...
- Ça ne risque rien, le couvre-feu est dans longtemps.
- D'accord..
Elle les suivit jusqu'à la maison où Pan et Lilith l'avaient trouvée.
- Tu t'es encore enfuie ?
- Comment tu le sais ?
- Pan et Lilith nous ont dit que tu t'étais enfuie de chez toi. Tu t'es encore disputée avec la personne qui vit avec toi ?
- Ah... oui. C'est compliqué.
- Explique-moi, je pourrais peut-être t'aider.
- En fait, c'est un démon... C'est à cause de lui que je suis arrivée ici. Mes parents ont disparu un jour, et il m'a fait signer un pacte en échange de leur retour. Mais c'était un mensonge, car ce n'était pas mes parents mais des clones. Mes vrais parents sont morts, et il m'a dit qu'il les avait tués, sauf que ce n'était pas lui.
- Pourquoi il a dit ça ? demanda Sarah.
- Je ne sais pas...
- Probablement pour te protéger de la personne qui les avait vraiment tués. Il devait savoir que tu irais voir cette personne sinon.
« Protéger ? C'est impossible. »
- Peut-être, mais je ne pense pas... Enfin, la source de la dispute est récente... Il devait signer un accord avec des démons, mais comme il avait un doute sur l'un d'eux, il m'a fait venir sous prétexte de me faire visiter, mais c'était juste pour vérifier que ce démon était fiable. Sauf qu'il ne l'était pas. J'avais un ami que je n'avais pas vu depuis longtemps, qui m'a suivie, et il a été tué en essayant de me protéger...
- Je vois... C'est vrai que ce n'était pas justifié...
- Enfin, si j'avais vu cet ami avant il ne m'aurait pas suivie, donc...
- Oui, enfin... Bon, disons que la mort de ton ami n'est de la faute de personne puisque vous êtes tous les deux responsables. Il ne reste que l'accident avec le démon. Tu es sûre qu'il voulait t'utiliser ?
- On me l'a dit... Enfin son meilleur ami me l'a dit, alors...
- Admettons que ce soit vrai, tu ne penses pas que tu devrais lui laisser une seconde chance ? Les démons sont particuliers, il ne connaissent pas les humains. Leur façon de penser est... différente.
- Une seconde chance... ?
- Eh bien, en prenant en considération les événements, le seul accident vérifié est celui avec le démon du traité. Donc ça veut dire qu'il ne t'a déçue qu'une seule fois.
« En fait, plus d'une fois, mais enfin... »
- Donc tu penses que je devrais lui accorder un deuxième essai ?
- Oui. Même s'il te déçoit encore, tu auras été plus mâture que lui.
- Je vois... Tu as raison. Je vais voir s'il fait des efforts... Et lui demander des explications... J'ai peut-être réagi trop vite.
- Qui est ce démon ?
- Justement, j'aimerais que tu m'aides à retourner à sa zone. C'est Lucifer...
- Ah oui... Je vois... Tu es tombée sur le démon qui comprend le moins les humains en plus. Laisse-lui une chance, tu verras bien. Je te ramène.
Elle se leva, suivie de sa soeur et d'Anya. En chemin, alors que Léa marchait devant d'un pas rapide, Sarah tira sur le kimono d'Anya pour l'appeler.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu sais, je pense que ton amoureux s'inquiète pour toi mais qu'il ne veut pas le montrer.
- Amour-- Pardon ?! Sarah, ce n'est pas mon amoureux... !
- Ah bon ? Ben c'est qui alors ?
- Eh bien... disons... un ami ?
Elle se força légèrement à prononcer le dernier mot, plus facile à retenir pour la fillette. C'était toujours moins gênant qu'amoureux.
- Donc ton ami t'a menti pour te protéger... Il t'aime beaucoup mais il ne le dit pas. Enfin je crois que c'est ça. Mais je suis sûre que s'il l'a fait, c'est parce qu'il t'aime grand comme ça ! s'exclama-t-elle en ouvrant ses bras.
- Ah... Sûrement... bredouilla Anya, se forçant à rire légèrement.
- On y est. les interrompit Léa.
- Je vois. Merci, vous m'avez encore sauvée...
- Ne t'inquiète pas. Allez, vas-y, il doit sûrement t'attendre.
- Je n'en suis pas vraiment sûre, mais qui sait... À bientôt.
- J'espère que tu ne seras pas perdue quand on se reverra.
- Au revoir ! ajouta Sarah.
Anya se tourna pour avancer en direction du Hell Palace. Elle arriva aux portes en quelques minutes pour tomber nez à nez avec Lucifer lui-même. Il était, comme après chaque dispute, inexpressif. Parler avec lui promettait d'être difficile. Après de longs instants de silence, il se tourna et rentra dans le château, suivi par la jeune fille. Ils finirent par se retrouver dans la même pièce, toujours accompagnés d'un lourd silence.
« Tu devrais essayer de lui parler. »
Les paroles de Léa lui revinrent en mémoire.
« C'est vrai... Quelqu'un doit bien briser le silence. »
- Euh--
Ils s'arrêtèrent après avoir parlé en même temps.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il.
- Non, tu peux parler en premier...
- Non, commence.
- Toi, commence ! Je ne sais même plus ce que je voulais dire...
- Vraiment ?
- ... Non.
Il y eut un court silence.
- Pourquoi tu m'as dit que tu avais tué mes parents ?
- Parce que c'est vrai.
- C'est faux. Astaroth m'a avoué que c'était lui.
- Tu es allée lui demander ?
- Oui..
Il soupira.
- Je voulais éviter d'avoir à tout t'expliquer. Tu serais allée le voir si tu l'avais su, et tu l'as fait.
- Pourquoi tu ne voulais pas que j'aille lui demander ?
- Parce qu'il est dangereux.
« Il voulait sûrement te protéger. »
- Tu... tu t'inquiétais pour moi ?
- Quoi ? Qu'est-ce que tu t'imagines ?
Son regard croisa celui de la jeune fille qu'il évitait.
- Enfin, oui. Bref.
- Je vois... Dans ce cas je n'ai plus qu'une seule question. Est-ce que tu m'as amenée à Yokai Street pour vérifier la fiabilité de Ranmaru ?
Il soupira encore une fois, longuement.
- Oui. Je ne pensais pas que je serais ivre aussi rapidement, sinon je serais venu. Si j'avais su, j'aurais renvoyé Théodore ici.
Voyant le regard de la jeune fille s'assombrir, il se décida à passer aux aveux.
- Écoute, Anya... Je n'y connais rien aux humains. Je ne comprends pas votre façon de penser, ni votre notion du bien et du mal. Je n'avais aucune idée de la réaction que tu aurais en apprenant ça, ni en perdant Théodore...
Anya ne répondait pas.
- Attends moi ici une seconde, je reviens.
Il sortit de la salle d'un pas rapide, laissant à l'adolescente le temps de s'asseoir pour réfléchir.
« C'est vrai que les démons sont différents... J'aurais dû le savoir et lui expliquer la façon de penser des humains. Tout ça ne serait pas arrivé. S'il avait su, peut-être que les choses auraient été différentes. Tout est parti d'un malentendu... »
Sa réflexion fut interrompue par le retour du démon, les bras croisés dans son dos.
- Tu sais, pendant que tu es restée à Yokai Street, je me suis rendu là-haut pour « étudier » le comportement des humains. Je ne suis pas sûr de ce que je vais faire, mais j'espère que ce ne sera pas négatif.
Il ouvrit ses mains qu'il avait gardées en boule pour y abriter quelque chose. Entre ses deux paumes se tenait une petite boule de plumes marron clair.
- C'est...
- Théodore. En Enfer, les morts se réincarnent. J'ai été le chercher. Le seul problème, c'est que leurs mémoires disparaissent. Je n'ai pas pu retrouver la sienne... désolé.
Elle attrapa le petit griffon encore fragile entre ses mains.
- Il est...
- C'est encore un nouveau-né. Normalement j'aurais attendu qu'il ait grandi avec ses parents, mais ils étaient décédés. Je me suis dit que tu pourrais les remplacer.
La jeune fille sentit de chaudes larmes perler aux bords de ses yeux tandis que son visage s'illumina d'un sourire chaleureux.
- Merci... fit-elle d'une faible voix.
- Quoi ? Je n'ai pas entendu.
- Je ne le dirai pas une deuxième fois. répondit-elle en riant, lui tournant le dos.
- Sérieusement...
- Merci.
Elle posa Théodore dans un petit panier que le démon avait apporté et se retourna, souriant, les yeux toujours bordés de quelques larmes de joie scintillantes.
- Je te pardonne.
Anya crut voir le visage du démon tourner au rouge pâle pendant un instant.
- Tu as rougi ?
- Quoi ? Bien sûr que non !
- Je le savais, tu es vraiment un sentimental.
- Toi.. !
Il la souleva par la taille avant de la poser sur son épaule.
- Repose-moi... !
- Et qu'est-ce que j'obtiens en retour ?
- Le droit que je ne te vomisse pas dessus.
Il soupira et la reposa.
- Tu n'es pas drôle.
Elle haussa les épaules en souriant.
- Dis, depuis combien de temps je suis ici ?
- Eh bien, le temps passe différemment en Enfer...
- Donc ?
- En temps humain, ça ferait deux ans.
- Deux ans ?
- Ce qui voudrait dire que tu es majeure. Un petit verre pour fêter ça ?
- Non merci...
- Je le savais. Puisque tu as dix-huit ans, si je t'embrasse ce ne sera plus considéré comme détournement de mineure.
- Parce que tu t'es déjà soucié de cette loi avant ?
- Non.
Ils se mirent à rire en choeur.
- Dis Anya.
- Quoi ?
- Tu veux voir une pluie d'étoiles filantes ?
- Il y en a une vraie ?
- Oui, dans ton monde, le mois prochain.
- Pourquoi pas. J'ai toujours voulu voir de vraies étoiles filantes.
- Tu as un voeu à réaliser ?
- Pas encore, mais j'ai le temps d'y réfléchir. Et toi ?
- Je peux avoir tout ce que je veux, mais je vais y réfléchir aussi... Dans ce cas c'est fait.
- C'est une promesse ?
- Oui. Les humains n'aiment pas qu'on leur mente, pas vrai ?
- Oui.
Le soleil se coucha sur une promesse à la tombée de la nuit.
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