Une journée s'était écoulée depuis le départ de Lucifer. Anya se dirigeait vers un portail. Elle avait demandé à Kuromaru de la laisser rentrer seule. Comme convenu, elle arriverait dans la zone de Lucifer et n'aurait qu'à rejoindre le Hell Palace. Après avoir remercié le kitsune de l'avoir hébergée, elle disparut dans le passage. À peine eut-elle posé un pied dans les ruelles qu'elle avait traversées qu'elle prit une grande inspiration et prit le chemin d'une grande avenue. Elle savait parfaitement où elle allait, et elle était consciente du risque qu'elle prenait. Après de longs instants de marche, un homme d'un âge considérable l'approcha. Elle sut immédiatement qu'il s'agissait d'un démon, notamment grâce à son sourire malsain. Son rire moqueur donnait des frissons.

- Tu as l'air perdue, jeune fille.

- Non, je sais où je vais.

- En es-tu bien sûre ?

- J'en suis certaine.

- Je vois...

Il se remit à rire, faisant frissonner la jeune fille.

- Je suis Méphistophélès, au service de--

- Je sais. C'est sa zone après tout. Excusez-moi, mais je n'ai pas de temps à vous accorder...

- C'est bon, je me rends aussi au château.

Elle voulut soupirer mais resta impassible, apercevant bientôt les portes du Hell Palace. Devant celles-ci se tenaient deux silhouettes presque identiques qu'Anya reconnut immédiatement.

- Regarde qui est de retour, Pan.

- Être inconsciente à ce point devrait être interdit... N'est-ce pas Lilith ?

Ils hochèrent la tête en parfaite synchronisation avant de prendre la jeune fille dans leurs bras, comme lors de leur première rencontre, ce qui ne tarda pas à embarrasser l'adolescente. Après avoir passé les portes, Anya s'arrêta à une distance suffisante de la personne qui lui faisait face.

- Tiens donc, mais qui voilà... C'est une habitude de se jeter dans la gueule du loup, Anya ?

- Astaroth... Tu as eu ce que tu voulais la dernière fois, non ? Je ne suis pas venue ici pour revoir des frelons. J'ai une question à te poser.

- Et qu'est-ce que j'y gagne en répondant ? Tu ne pensais quand même pas que mes services étaient gratuits.

- Ce n'est pas un service...

- Pour moi ça l'est.

- Je n'ai rien à t'offrir.

- Quel dommage.

- Laisse-moi reformuler ma phrase ; qu'est-ce que tu veux ?

- Tu comprends vite. Je ne sais pas encore. J'ai une offre dans ce cas. Je réponds à ta question, et tu me seras redevable d'un service.

- Tant que tu ne me demandes pas de tuer quelqu'un ou de faire quelque chose d'indécent, ça me va.

- Dans ce cas l'affaire est conclue. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- J'ai une condition d'abord. Je veux que tu me répondes honnêtement. Je sais que tu es un démon, mais c'est nécessaire.

- C'est bon, dépêche-toi.

- Est-ce que c'est toi qui as tué mes parents ?

Le silence régna dans la salle pendant de longs instants.

- Oui. Pas intentionnellement, c'est le bus que j'avais visé, mais c'est moi qui les ai tués.

- ... Je vois. Maintenant que j'ai ma réponse, je vais partir.

Elle lui tourna le dos avant de se diriger vers les portes, s'arrêtant devant Pan et Lilith qui lui bloquaient le passage.

- Pas si vite. Pourquoi tu voulais savoir ça ?

- Qu'est-ce que je gagne en répondant à ta question ?

- Je dois admettre que c'était amusant. Le droit de ne pas mourir.

- Je suis déjà morte.

- Tu peux mourir ici aussi. La différence est que tu reviens, peu importe combien de fois tu meurs et peu importe la douleur que tu as ressenti.

- Je vois. Enfin, ça ne m'apporte toujours rien de répondre à ta question.

- Tu veux vraiment mourir ?

- Pas dans l'immédiat, mais j'ai surtout besoin de partir.

- Depuis quand tu es aussi froide et calculatrice ?

- Depuis que je me suis rendue compte de ce que vous étiez tous.

- Ah, donc Lucifer t'a enfin fait comprendre ce qu'étaient les démons.

- Plus ou moins. Ce ne sont pas tes affaires.

- Tu n'as toujours pas répondu à ma question. Pourquoi as-tu voulu savoir qui avait tué tes parents ? Il me semble que Lucifer s'était fait passer pour le coupable.

- Je voulais juste vérifier si c'était lui ou non.

- Et pourquoi ?

- ... Est-ce que tu connais le sens de l'expression « vie privée » ?

- Laisse-moi réfléchir-- non. Alors ?

- Pour savoir. Sur ce.

- Attends. Je sais quel service je veux que tu me rendes.

- ... Quoi ?

Il se leva et avança jusqu'à se tenir devant elle.

- Je me demande à quel point ce serait frustrant d'être forcée à embrasser le meurtrier de tes parents.

- C'est hors de question.

- Tu as fait un marché avec moi.

- Ce que tu veux appartient à la catégorie indécente.

- Tu veux savoir ce qu'est quelque chose de vraiment indécent ?

- Non merci.

- Dans ce cas remplis ta part du marché.

- C'est impossible aussi. Trouve autre chose.

- Non.

- Dans ce cas je pars maintenant.

Il attrapa son bras pour le retourner contre son dos, laissant le jeune fille sentir son poignet craquer, lui faisant serrer les dents.

- Tu n'es qu'une âme ici. Quand je te demande quelque chose, tu obéis.

- Lâche-moi... !

- Et si je n'ai pas envie ?

- Tu me fais mal !

- Tant mieux, c'était le but.

Anya prit une grande inspiration. Après tout ce qu'elle avait vécu, devoir embrasser Astaroth n'était pas grand chose. De plus, Lucifer l'avait presque embrassée alors qu'elle le pensait coupable du meurtre de ses parents. Si c'était le prix à payer pour avoir su la vérité, alors elle n'avait pas d'autre choix que de ravaler sa fierté et d'obéir au démon pour pouvoir partir. Elle n'aurait qu'à s'essuyer les lèvres après.

- ... C'est bon, j'accepte...

- Vraiment ? Tu n'as pas l'air convaincue par ce que tu dis.

- Je t'ai dit que j'acceptais alors lâche-moi.

- Il y déjà plus de conviction.

Il lâcha son bras, la laissant se retourner vers lui. La situation était à la fois gênante et humiliante pour la jeune fille. Elle le regarda droit dans les yeux avec un regard calme derrière lequel était caché un embarras insupportable. Astaroth eut un sourire moqueur, et elle sut qu'il comptait jouer avec. Il approcha son visage du sien avec un sourire narquois avant de subitement saisir sa taille en l'embrassant. Le premier réflexe d'Anya fut d'essayer de le repousser, mais elle se rappela qu'elle ne pourrait pas sortir si elle le faisait. Lorsqu'il la lâcha enfin après ce qui sembla être une éternité, elle resta impassible avant de se tourner et de sortir sans un mot ou un regard pour le démon qui souriait. Elle avait à peine fermé les portes qu'elle s'empressa de frotter ses lèvres avec ardeur à l'aide de la manche du kimono qu'elle portait encore.