Le soleil se couchait à l'horizon, la lumière orangée de ses rayons passant au travers de nuages orageux.

- Théo, on est bientôt arrivés ? demanda Anya.

- Ça fait presque deux semaines qu'on marche... soupira Emma.

- À qui la faute ? Vous demandez des pauses toutes les cinq minutes et vous vous arrêtez partout.

- Tout le monde n'a pas la chance d'être doué en sport.

- Anya a raison, tes parents te faisaient faire du sport trois heures par jour depuis tes cinq ans...

- Je te signale qu'elle est censée avoir fait de la danse classique et des arts martiaux, alors elle n'est pas supposée se fatiguer aussi rapidement.

- Bref. On arrive quand ?

- On change vite de sujet, hein ? On y est bientôt.

- J'espère, il fait presque nuit.

- Vous verrez, La Rochelle vaut la peine d'être vue en plein jour.

- Tu y es allé en été, tous les paysages sont plus beaux durant cette saison qu'en hiver. Il fait vraiment froid en plus.

- C'est de ta faute pour ne pas avoir pris des manteaux. On était dans ta maison, tu aurais pu y penser.

- Je t'ai déjà dit que je ne les ai pas trouvés. Qui nous a forcées à partir en urgence ?

- Si je ne l'avais pas fait vous seriez encore en train de dormir et on ne serait pas arrivés.

- Arrêtez tous les deux... !

Anya et Théo stoppèrent finalement leur chamailleries.

- Théo, on va dormir à l'église ? le questionna Emma.

- Non, ma tante a une maison ici mais elle n'y va que pendant le mois de juillet. Elle m'avait dit que je pouvais toujours y venir même si elle n'y était pas, donc j'ai les clés.

- Et si elle rentre ?

- Aucune chance, elle est en voyage d'affaires pour trois ans en Russie. Même si elle devait rentrer, elle n'irait pas dans cette maison.

- Tant mieux alors... enfin...

- C'est une bonne chose. Elle ne se souviendrait pas de moi si elle me voyait. On y est.

Les trois adolescents s'arrêtèrent enfin devant un immense portail d'une couleur grise étincelante, qui était sans  doute fait d'argent massif. Derrière les grilles aux élégantes courbes se trouvait une gigantesque demeure. La maison était d'un style moderne, aux formes cubiques alternant les couleurs noire et blanche. Les murs en forme de rectangles ou de carrés étaient couverts de baies vitrées qui s'ouvraient sur des balcons. Derrière la maison aux formes symétriques s'étendait un terrain démesuré où des roseraies et des arbres de toutes sortes recouvraient le gazon verdoyant.

- Comment ces fleurs peuvent-elles rester aussi belles en hiver ?

- Ma tante a engagé des paysagistes qui les tiennent en état par tous les moyens. Si elles fanent quand même, ils les remplacent.

Il ouvrit le portail, révélant une piscine presque aussi grande que la maison d'Anya elle-même, entourée d'une terrasse faite de planches de bois sur laquelle étaient disposées des tables et des chaises longues. Les deux adolescentes restèrent figées à l'entrée de la luxueuse demeure.

- Heu... Théo ? Est-ce que ta tante est... ? commença Emma.

- Riche ? Oui, mais seule. La personne avait qui elle pensait pouvoir vivre une vie heureuse ne s'intéressait à elle que pour son argent. Elle s'est vite renfermée.

- La pauvre...

Il acquiesça et se tourna.

- Théo ? fit Anya.

- Quoi encore ?

- Tu es sûr qu'on peut vraiment entrer ? Je sens comme un écart de classe sociale là...

- C'est ma tante qui est riche, pas moi. Allez, dépêchez-vous.

Les deux jeunes filles le suivirent à l'intérieur. Le style de décoration était aussi moderne que la maison elle-même. Tandis que le groupe déposa ses bagages au seuil de la demeure, Théo leur fit visiter les intérieurs. Chacun dormirait dans une chambre différente, spacieuse et luxueuse. Après s'être totalement installés, ils se retrouvèrent dans la salle à manger pour le dîner.

- C'est vraiment grand... souffla Emma.

- On pourrait s'y perdre. fit Anya.

- Si on vous écoutait on pourrait croire que vous êtes dans un château... soupira Théo.

- C'en est un.

Ils finirent de manger et s'assirent sur un canapé aussi grand qu'un lit.

- On n'a pas vu le temps passer... On est bientôt en décembre. dit Théo.

- Déjà... ? souffla Anya.

- Ce n'est pas étonnant, on a passé la moitié du mois chez toi et deux semaines à marcher.

- Quelque chose ne va pas ? lui demanda Emma.

- Rien, j'étais juste surprise.

- Donc dans trois jours nous serons en décembre...

- Ce qui veut dire que Noël approche à grand pas.

- Oui...

- Et si on passait les fêtes de fin d'année comme des personnes normales ?

Les deux adolescents regardèrent Anya avec des yeux ronds.

- Je veux dire, vivre comme si rien n'était, comme si on ne risquait rien...

- Oui... Je suis d'accord. approuva Emma.

- Moi aussi. Allons dormir, il est déjà tard.

Théo les ramena à leurs chambres puis se dirigea vers la sienne.

Au fur et à mesure que Noël approchait, les adolescents finissaient leurs préparatifs pour les fêtes de fin d'année. La veille du réveillon, les trois amis se retrouvèrent dans le salon décoré de flocons et de houx dans lequel un grand sapin de Noël brillait de mille feux.

- Bien, demain matin nous serons des adolescents normaux. Plus de démons ni d'histoires de survie. Nous nous sommes installés ici jusqu'à ce qu'on décide de bouger, alors profitons d'une vie normale. Si vous avez des questions, posez-les maintenant. annonça Théo.

- Je pense qu'on devrait tout se dire avant demain. suggéra Emma.

- Tout ?

- D'où nous venons, pourquoi nous avons signé un pacte, et combien de temps il nous reste à vivre. Ça nous permettra de faire le vide avant d'entamer les festivités.

- Je vois... Dans ce cas tu es la première à passer.

- Euh... Je viens de Brest. J'ai signé un pacte avec Bélial pour sauver la ferme de mes parents qui allait être démolie. C'était un héritage... J'ai dix ans devant moi. À toi, Théo.

- Je viens de Saint-Lô en Normandie. J'ai signé un pacte avec Astaroth pour rendre l'usage de ses jambes à ma soeur, en vain. J'ai encore une bonne douzaine d'années devant moi. Anya, c'est ton tour.

- Je viens de Saint-Brieuc. J'ai signé un pacte avec Lucifer pour retrouver mes parents disparus, en vain aussi. J'ai--

Le bruit du vent dans les volets lui coupa la parole.

- ... J'ai encore une année entière devant moi.