Anastasia ouvrit les yeux, réveillée par une voix qui lui était inconnue.

- Mademoiselle !

Un vieillard était agenouillé à côté d'elle, essayant de la réveiller.

- Vous vous sentez bien ? Comment êtes-vous entrée ?

- Je me suis perdue et j'ai trouvé la porte ouverte... Je suis désolée, je ne comptais pas vous déranger...

- Ce n'est pas un problème, l'église est ouverte à tous, mais la prochaine fois elle sera fermée à clef, alors vous devrez trouver un meilleur endroit...

- C'est bon, je dois retrouver mon chemin dès que possible, donc je vais partir... Désolée de vous avoir dérangé.

- Je vois... Dans ce cas je vous souhaite un bon retour.

- Merci.

Elle se leva et sortit du bâtiment pour entendre la sonnerie de son téléphone portable, qu'elle ne trouva pas dans sa poche. La jeune fille se tourna et aperçut l'appareil posé sur le rebord d'une fenêtre de l'église. Il y avait un papier coincé en-dessous. Elle accepta l'appel avant que la sonnerie ne se termine.

- Oui ?

- Anastasia ? On te cherche partout depuis hier !

- Emma ? Justement, j'ai eu un problème en route... Je serais revenue avant la tombée de la nuit.

- Non, on est à Quelmer. Je viens te chercher, j'ai trouvé un vélo qui nous est utile. Je serai là dans dix minutes.

- D'accord... Je suis devant l'église.

- À tout de suite.

Elle raccrocha et déplia le papier sur lequel un message était écrit :

" Tu en auras sûrement besoin pour retrouver tes amis. Cordialement, Lucifer. "

Anya grinça des dents en lisant la signature et déchira le papier en petits morceaux. Son téléphone se remit à sonner.

- Emma... ?

- Mon petit message t'a froissée à ce point ?

- La ferme !!!

Elle raccrocha brusquement.

" Il ne manquait plus que ça ! Il voit vraiment tout ce que je fais... ! Il a pris mon numéro de téléphone en plus... "

- Anya !!

L'appel d'Emma fit retrouver ses esprits à l'adolescente. Elle se tourna pour apercevoir son amie qui arrivait en vélo.

- Je suis au courant que ton groupe t'a laissée seule. Théo ne te tient pas pour responsable, ne t'inquiète pas. Allez, monte, on doit revenir pour le repas. Tu n'as rien mangé ?

- Non... Je dois admettre que je commence à avoir un peu faim...

- Dans ce cas rentrons vite.

Anastasia s'assit sur le panier à l'arrière du vélo et s'accrocha à Emma pour ne pas tomber. Elles arrivèrent à rejoindre le groupe vers midi. Tous les regardèrent arriver.

- Anya ! Ça va ?

Théo venait de les rejoindre.

- Oui...

- Il ne t'est rien arrivé ?

- Non...

Il resta stoïque pendant un long moment.

- Tu mens très mal.

- Quoi ?

- Ton attitude montre clairement que tu ne sais pas mentir.

- D'accord, d'accord... Il s'est passé quelque chose...

- Tu l'as vu ?

- Oui.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Quand je suis sortie de la boulangerie, il avait créé un clone à ton image qui m'a dit qu'on avait bougé. Je l'ai suivi, mais j'ai réalisé que c'était un faux alors qu'on était déjà arrivés... J'ai réussi à le semer et je me suis cachée dans une église, mais il a réussi à y entrer.

- Quoi ?

- Il a dit que les églises ne le retenaient pas, et qu'elles ne pouvaient retenir les démons comme Bélial que durant quelques heures...

- C'est mauvais. Ça veut dire qu'aucun de nous n'est à l'abri, même la nuit. Je sais que ce que je vais dire peut te choquer, mais je suggère qu'on n'en dise pas un mot aux autres. Je ne souhaite pas devoir gérer des mouvements de panique.

- Je comprends.

- Dans ce cas rejoignons le groupe.

Ils se retournèrent pour aller manger. Leur départ était prévu pour le lendemain à l'aube, prenant cette fois le chemin de l'ouest. Ils s'arrêteraient avant la tombée de la nuit dans le premier village venu.

" Peut-on vraiment vivre comme ça ? Se cacher en permanence tout en sachant que c'est inutile, est-ce une vie ? Au moins la police n'est pas après nous puisque toute âme marquée est oubliée par son entourage. Nous n'existons plus dans ce monde... N'y a-t-il pas un endroit où l'on pourrait vivre en paix et à l'abri ? "

- Anya ?

Elle fut tirée de ses pensées par Emma.

- Oui ?

- Tu es sûre que ça va ?

- Oui, pourquoi ?

- Tu as l'air perdue dans tes pensées...

- Je réfléchis juste à ce qu'il adviendra de nous à la fin. On ne peut pas gagner contre eux.

- On doit résister jusqu'à la fin. On peut quand même vivre une nouvelle vie. Regarde, nous avons tous perdu notre famille lorsque nous avons été marqués, mais le fait de s'unir contre les démons nous a rassemblés. Notre nouvelle vie est ici, ensemble. Comme une famille. Ce serait dommage de ne pas profiter de la vie tant qu'on peut s'y accrocher, n'est-ce pas ?

- ... Je ne sais plus quoi faire. Il sait tout ce que je fais, où je suis ; il a même pris mon numéro de téléphone... Il m'a dit qu'il ne me tuerait pas, que je lui offrirais mon âme par moi-même. Je ne veux pas que des innocents soient blessés à cause de moi...

- Tu sais, parfois des choses arrivent, et parfois ça tourne mal. Si le destin choisit d'être cruel, tu ne peux rien y faire. Ce n'est la faute de personne.

- Tu as raison... je suppose. Ça ne sert à rien de m'abattre sur mon sort. Désolée, Emma, j'ai un peu cassé l'ambiance...

- Ce n'est rien, j'ai eu la même réaction au départ.

- Tu étais seule ?

- Oui. Mais, j'ai pensé que c'était aussi une chance pour mes proches de m'avoir oubliée ; ils ne seront pas impliqués dans ces affaires.

- Je suis désolée, je n'ai pensé qu'à moi alors que tu as dû passer des moments plus horribles que moi...

- C'est faux ! Je sais que ma famille est vivante. Toi, tu as perdu tes parents...

- Je ne pouvais rien y faire... Je dois vivre pour eux. Fais-le aussi, d'accord ?

- Dans ce cas je le ferai aussi pour toi, Anya.

- D'accord, j'en ferai de même. C'est une promesse, d'accord ?

- D'accord.