Chapitre 43
DECEMBER-DAN
Devant ma coiffeuse, je souriais. Ouais, je souriais.
J'étais fière de moi, même si j'utilisais les bonnes vieilles méthodes de la December-Dan adolescente qui étaient toujours aussi fructueuses.
On ne change pas les bonnes vieilles habitudes.
Je devais l'admettre, mon retour avait été savamment orchestré et ce, durant le trajet.
Zeyn m'avait filé un coup de main. Juste pour l'achat de la bague. Pour faire plus réel.
Ne vous emballez pas en pensant que je n'étais pas sincère en offrant cette bague à mon futur mari. J'y avais songé depuis longtemps, sauf que je n'avais pas eu le temps. Et là, c'était l'occasion rêvée.
Visiblement, il ne m'en voulait plus. Ou très peu. Il avait été si surpris de ma demande que je lâchai un petit rire, tout en peignant mes cheveux en me rappelant de sa tête et celles des autres. Je ne pouvais pas douter de mes sentiments envers lui, bien que Zeyn et Drew me tourmentaient à leur façon.
En tout cas, papa m'avait gentiment pardonné. Après un gros câlin en général, il laissait couler et je leur avais bien fait comprendre que ma réaction avait été irréfléchie. J'avais été en état de choc, alors la seule solution était de partir pour moi. Il l'avait compris. Grappy était au top comme à son habitude. Il ne m'avait même pas parlé de mon comportement lors du Conseil. Qu'est-ce que je l'aimais Walter Lawson, même si papa n'arrivait pas à faire des efforts pour qu'ils aient une relation plus détendue.
Granny avait été émue par mes explications et surtout par mes larmes évidemment.
Drew et Marysa avaient souri discrètement de ma mise en scène, connaissant mon degré de supercherie, même si j'avais bien vu qu'ils y avaient cru au début. Jared n'y avait vu que du feu.
Tout ça pour vous dire que de mon côté, mon retour s'était très bien passé. Et je remerciai Hope qui avait aussi participé à mon plan. En même temps, je n'avais pas 36000 solutions. Je devais absolument reconnaitre mes torts et non, me la jouer têtue pour agacer mon entourage comme j'avais l'habitude de faire, il y a quelques années.
J'espérais que ça s'était tout aussi bien passé pour Zeyn. Il ne m'avait toujours pas envoyé de message et ça ne me rassurait pas vraiment.
Au moment où je posai ma brosse, je croisai le regard de Jared à travers le miroir.
Je ne l'avais pas entendu entrer dans ma chambre.
Je me tournai immédiatement vers lui. Il avança vers moi et j'esquissai un sourire.
— Isaac t'a abandonné ?
Ils étaient en bas, en train de discuter de l'enterrement de vie de jeunes garçons que Ston et lui, lui avaient préparés. Mince ! Me dire que j'allai bientôt me marier me faisait flipper, mais je devais relativiser. Ce n'était pas le moment de douter, puis c'était le stress.
— Ouais. Il est au téléphone avec un collègue.
Je plongeai mon regard dans le sien et penchai ma tête sur le coté.
Il voulait m'engueuler et ça me fit rire car il ne savait pas comment s'y prendre.
— Allez Red ! Je te donne l'occasion de le faire mais pas trop fort, Skyler dort.
Il me donna une pichenette au front et je lui frappai la cuisse.
Nous étions encore des gamins malgré notre âge et j'espérais que ça allait rester comme ça toute notre vie. Tout était plus simple comme ça.
— La prochaine fois que tu fais ça December-Daniella Lawson, je te tue, me menaça-t-il.
— Oui, roulai-je des yeux.
Il attrapa ma tête et me força à le regarder.
— Je ne plaisante pas, rigola-t-il. T'es vraiment insupportable comme fille. Est-ce que tu en as conscience ?
— Tes menaces ne me font plus peur Red, gloussai-je entre ses mains. Et arrête, tu me fais mal !
Il m'embrassa le front et je lui souris.
— Tu sais quoi ?
— Dis-moi, DD jolie.
— Je sais pourquoi je passe pour une égoïste, déclarai-je solennellement.
Il applaudit pour me vexer, mais cela me fit rire encore une fois.
— Sois sérieux Jared ! Je le suis là.
— Pas une seule seconde Dan. Je t'ai vu te mater au miroir et sourire, parce que ton retour s'est passé comme tu le voulais. Je te connais quand même.
Bon, il n'y avait pas vu que du feu.
— Un peu, admis-je. Mais je veux te le dire, parce que je sais que ce que j'ai fait t'a blessé. Belle-maman Hope me l'a dit.
Il leva les yeux et je me levai pour lui faire face. Ensuite, je posai mes mains sur ses épaules.
— Je me comporte comme une égoïste et comme une petite reine pour une seule et unique raison : le QG.
Il haussa les sourcils, curieux et je poursuivis.
— Il a été crée avec John et Grappy. Et pour moi, c'est un héritage. Et ... mon comportement est dû à cela. Jared ! J'ai toujours dû me battre plus que les autres pour montrer que je ne marche au népotisme. Je ne veux pas que les gens pensent que si je suis à cette place aujourd'hui, c'est grâce à Grappy, John et papa. Il fallait que je me démarque d'eux. Dès que maman est ... morte, j'ai voulu montrer que l'héritage familiale ne faisait pas tout, mais que le mérite permettait beaucoup de choses. Je mérite le QG, parce que j'ai travaillé toute ma vie pour ça et non parce que Grappy et John y ont fait quelque chose. Alors oui, la seule solution était l'égoïsme et mon comportement abject, quand je le voulais parce qu'en étant gentille, les gens me prendraient pour une faible. Quand tu es trop gentille, tu es trop vulnérable et plus facile à atteindre. Tu es un livre ouvert pour les autres et ça, je ne voulais pas. Je me l'interdisais. Être gentille ne m'aurait pas aidé, je pense. Être parfaite et m'entendre avec tout le monde ne m'aurait pas aidé non plus. Il fallait que je montre que ... j'étais différente des autres.
Son regard s'ancra au mien et il posa à son tour ses mains sur mes épaules. Je souris en coin me rappelant que nous faisions ça plus petits lorsqu'on se confessait à l'un et à l'autre.
— Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
— Parce qu'on ne s'engueulerait plus et que j'aime trop ça. Maintenant que nous sommes adultes et que ça fait partie de ma personnalité, j'ai du mal à m'en débarrasser, alors on ne peut plus rien y faire.
Nous nous sourîmes mutuellement et je finis par l'étreindre tout comme lui.
Ce type était toute ma vie. S'il lui arrivait quelque chose demain, je serai plus bas que Terre.
Il me relâcha doucement et caressa mes cheveux.
— Même quand je t'en veux, ça ne dure pas longtemps.
— Je sais Jared. C'est réciproque.
— Je vais y aller.
— D'accord. Apparement, Lauren dort chez papa et Hope.
— Ouais, rougit-il subitement en se massant la nuque.
— Jared ! chantonnai-je. Mais ... pourquoi t'es tout rouge ? ris-je.
— Parce que.
— Dis-moi !
Il tenta de s'en aller, mais je lui sautai sur le dos ce qui le fit rire.
— Allez !
— Descends de mon dos et je t'en parle rapidement.
J'abdiquai rapidement. Il me fit languir en m'évitant du regard, puis en passant sa main dans ses cheveux et en soupirant.
— Jared !
— Voilà. On ... On s'est embrassé, m'avoua-t-il.
Je faillis hurler de joie, mais il posa une main sur ma bouche que je repoussai avant le féliciter en le prenant dans mes bras. J'étais contente pour lui, parce qu'il avait besoin de ça. Il avait besoin d'aimer à nouveau. C'est ce que Gretchen voulait.
— Calme-toi DD. Je ... Je ne sais pas où j'en suis. Puis, il y a des facteurs qui ont créés cette situation.
Je perdis aussitôt mon sourire lorsqu'il m'expliqua la situation. Mon bonheur se dissipa aussitôt pour laisser place à l'angoisse qui avait été un peu atténué.
Jared, menacé ?
— Hé ! me força-t-il à me regarder. John m'a dit qu'on allait faire en sorte de retrouver son malade d'ex-mari.
— Mais ce type est fou Jared ! Et s'il te faisait du mal par jalousie ? Je suis sûre que Trevor 2.0 est derrière tout ça.
Il ne dit rien et cela confirma mes soupçons. Je repoussai ses mains.
— On est tellement proche qu'il sait que ça nous détruirait si l'un de nous ... partait.
Je lui tournai le dos et croisai les bras. Trevor 2.0 savait parfaitement que peu importe la personne que je perdais, j'allai en mourir intérieurement.
— DD ?
— Tu devrais dormir à la maison Jared, dis-je en me retournant.
— Ça va aller. Je sais encore me défendre.
— Oui mais ...
Isaac fit son apparition, ce qui coupa court à notre conversation.
— Ça va ici ?
— Ouais, lâcha-t-il. J'allai partir.
— On a pas fini. Jared.
— Je bosse demain. Bonne nuit.
Il déposa un baiser sur mon front avant de s'en aller. Je le suivis quelques pas avant de m'arrêter, dépitée.
Je venais de perdre toute ma bonne humeur en quelques minutes.
Je me dirigeai immédiatement vers mon lit qui m'avait manqué et m'y couchai, trop chamboulée.
Isaac vint me rejoindre, après m'avoir épié pendant plusieurs minutes et il s'assit au bord du lit.
— Tu as l'air bouleversé.
— Je suis juste fatiguée, soupirai-je.
— Moi aussi.
Je le scrutai et je compris aussitôt le double sens de sa parole. Je me disais que c'était trop beau pour être vrai pour qu'il ne me dise rien.
— Tu m'avais promis Dan, commença-t-il doucement.
— Je saiiiiiis, lâchai-je comme une gamine.
— Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ? dis-je en me redressant lentement.
— Tu ... m'as humilié d'une certaine façon December-Dan. Est-ce que tu te rends compte de ton action ?
Je le fixai, honteuse.
Oui, j'éprouvais une certaine honte, mais aucun regret. Ces quelques jours à la plage avait été fabuleux et si c'était à refaire, je le referai. Je le devais à Zeyn.
— Je l'ai dit, je n'ai pas réfléchi. Il m'a tellement fait de peine, Isaac. Je ne pouvais pas le laisser.
Il soupira et colla son front au mien. Je ne fis rien et soupirai encore une fois.
— Il faut que tu comprennes que ça ne va pas marcher si tu continues comme ça DD, déclara-t-il avec fermeté. Ma patience a des limites, même si je t'aime. Tu ne vas pas toujours courir à leur secours dès qu'ils ont un problème DD. Tu me demandes de pas douter de tes sentiments envers eux, mais comment faire ? Il faut que ça change et vite December-Dan, auquel cas, on repoussera le mariage. Vraiment. On fonce droit un mur, là.
Je déglutis, hébétée par ses propos et par son sérieux.
Son téléphone sonna ce qui coupa notre contact et il décrocha tout en me regardant.
— Oui ? Quoi ? Ralentissez ! dit-il en se levant, les traits serrés.
Je fis comme lui, paniquée face à la tête qu'il faisait.
— Quoi ? Non ! Vous plaisantez ?!
Je lui fis signe de m'expliquer mais il raccrocha, fulminant.
— Notre ... Notre maison a brûlé DD.
— Quoi ?
— Elle a brûlé ! me cria-t-il. Nous n'avons plus de maison ! J'en ai marre !
Je sursautai avant qu'il n'attrape sa veste et qu'il s'en aille en claquant la porte de notre chambre.
J'étais en état de choc, alors que mon téléphone vibrait sur ma coiffeuse.
J'allai le récupérer lorsque je me vis inondée de messages de Zeyn me disant que Will était l'enfant caché de Riccie.
Je soupirai avant d'étreindre mon téléphone pour aller m'endormir auprès de ma fille et de son innocence.
Le bonheur était toujours de courte durée dans ma vie. Je commençai à me demander si une vie normale n'était pas mieux qu'une vie d'agent.
***
WILL
— Bonsoir. Ravi de rencontrer ma nouvelle famille.
J'avais peut-être été un peu trop désinvolte, mais que pouvais-je dire d'autre ? Je savais très bien que ça allait envenimer la situation.
Mais il n'y avait que la vérité qui comptait pour moi.
Riccie fulminait, les poings serrés. Ses yeux étaient brillants d'une rage puissante. Et je renvoyais probablement la même chose pendant ces longues minutes de silence. Je ne savais même pas comment elle pouvait être ma mère. Elle faisait si jeune puis, nous n'avions aucune ressemblance. Peut-être le caractère. Oui, certainement le caractère car à cet instant, elle était extrêmement froide comme je pouvais l'être à certains moments.
Je quittai son regard pour celui des autres.
Madame Davis pleurait silencieusement. Je ne sais pas si c'était l'émotion ou le choc qui avait provoqué ça, mais je ne comprenais pas ses larmes. Quant à son mari, il semblait figé. Le mari de Riccie paraissait être ailleurs, et Drew et Zeyn étaient tout simplement stupéfaits par la nouvelle.
Ce qui me choqua, ce fut la réaction de Riccie après le silence de mort. Elle s'avança vers Jannie et la gifla. Ses cheveux volèrent autour de son visage et je réagis rapidement. Elle augmenta les pressions du choc dans la pièce avec son acte irréfléchi. Aussitôt, je plaçai Jannie derrière moi, me postai face à Riccie que je surplombai avec ma taille et la fusillai du regard.
— Tu es folle ?! Pourquoi avoir fait ça ?
— C'est ma fille ! Tu n'as aucun droit dessus ! vociféra-t-elle.
— Eh bien, je partage le même sang qu'elle, alors c'est ma soeur donc tu ne la frappes pas devant moi Riccie, appuyai-je menaçant. Elle n'a rien fait. C'est entre toi et moi le problème. Frappe-moi, la défiai-je.
Jannie ricana et se posta à côté de moi visiblement estomaquée par l'attitude de sa mère, après avoir retiré sa main de sa joue rougie.
— J'ai fait ça pour toi maman, lâcha-t-elle avec dégout. Je pensais que tu trompais papa en faisant des recherches sur un William Wilkin. Je pensais que tu avais des problèmes, parce que tu avais changé depuis quelques temps, mais en fait, c'est parce que tu nous cachais SON existence. Et après, ça se dit mère ? Après tu me dis m'aimer ? Maman ! Quand on aime, on dit la vérité !
— Eh bien je vais te dire la vérité Jannie, hurla Riccie à bout de nerfs. Je vais la dire à tout le monde, une bonne fois pour toute. Ta mère n'est pas parfaite. J'ai des antécédents que tu ne peux même pas t'imaginer. Je suis l'enfant issu d'un viol. Grand-mère, ici présente, a subi une agression durant son adolescence et elle m'a eu. Elle a du m'abandonner parce que pour sa famille, c'était une honte. Mon vrai salopard de géniteur est mort. Peter n'est pas mon véritable père, révéla-t-elle.
Peter prit dans ses bras sa femme qui sanglotait à présent et je compris sa réaction. Je restai stoïque face aux révélations qu'elle lâchait. Je n'aurais jamais pensé à ça. C'était juste ... atroce.
— J'ai vécu chez des proches des parents de maman. Ils l'ont forcé à se séparer de moi. J'ai grandi chez ces gens qui ne prenaient plus soin de moi, au moment où j'en avais le plus besoin. Où j'avais appris la vérité sur mon identité.
Tout en parlant, elle pleurait silencieusement.
— Will est l'enfant que j'ai abandonné à l'âge de 15 ans n'étant pas responsable. Je ne savais même pas que j'étais enceinte, Jannie. J'aurais pu le tuer. Je prenais de la drogue et je buvais comme un ivrogne pourtant ce petit être a survécu. Il s'est battu à l'intérieur de moi. Je n'avais pas le droit de l'élever. Je ne pouvais pas être cette mère. C'est pour ça que j'ai toujours défendue, December-Dan. Je me retrouvais un peu en elle.
Je déglutis, la gorge nouée par les émotions. Je n'avais jamais songé à ce type d'histoire ...
Elle renifla fortement avant de reprendre :
— Celui qui était son père ne voulait pas de moi, me considérant comme sa meilleure amie et absolument pas mature. Christian était son père. Et ... il est mort. Tout le monde le sait. Il est mort, après qu'il se soit rendu compte qu'il m'aimait sauf que je l'ai repoussé comme il l'avait fait avec moi. J'ai dû abandonner mon enfant pour remonter la pente et Clay a été là. Ton père était là. Je ne serai pas ici si je ne l'avais pas rencontré à l'université. Je ne l'ai pas rencontré au lycée comme je l'ai fait croire à tes oncles, mais à l'université.
Elle abaissa la tête et essuya ses joues trempées.
— Et concernant mon âge, j'ai 41 ans réellement. Comme ton père qui a toujours dit qu'il n'en avait que 31 pour me protéger mon secret. Je n'ai pas 31 ans, mais dans les papiers c'est le cas, car j'ai pris l'identité de ma petite soeur Grace, qui est morte à 10 ans d'une maladie orpheline. C'était la fille de maman et Peter.
Tout s'illumina dans mon cerveau tout comme pour les autres.
Elle finit par se calmer et osa un regard envers moi.
— Je n'ai pas envie d'encore une fois raconter l'histoire, me dit-elle. Mais c'est en gros la vérité. Ce sont des stupides secrets de famille qu'on aurait bien voulu garder toute notre vie, mais impossible, ça nous revient toujours en pleine face. Sara et DD le feront pour toi, s'adressa-t-elle à moi. Après tout, c'est elles qui ont découvertes la vérité.
Sara baissa la tête, honteuse et Riccie nous contourna pour quitter le salon, mais je l'arrêtai :
— Non ! Tu ne peux pas comme ça ! Je ...
— Que veux-tu, William ? Que je joue la mère que tu n'as jamais eu ? Que je te prenne dans mes bras ? Que je te dise que tu m'as manqué et que je regrette, c'est ça ?
Elle ricana.
— Tout ça, c'est trop tard. Je ne peux pas être la mère que tu veux. Je ne peux pas être la famille que tu veux. Nous ne pouvons pas être la famille que tu veux, parce que c'est trop tard. Nous sommes trop différents, William.
— Et en quoi ? Parce que j'ai tué des gens par le passé et que j'ai été accusé de certaines choses pour le plan d'un connard ?! Oh ou parce que j'ai un métier différent du vôtre ? Il faut que tu comprennes et que vous compreniez tous, m'exclamai-je, que je m'en tape de l'héritage familial. Il y en a déjà qui sont bien là avant moi et qui le méritent, dis-je en pensant à Drew et Zeyn ainsi que Jannie et Zac-Hen. Je ne veux même pas porter un nom de famille qui a un rapport avec ta vie, je veux juste comprendre et ne pas être jugé par mon passé qui ne vous regarde en strictement rien.
Son regard se planta dans le mien. Elle paraissait hésiter et moi, je ne savais même pas comment j'avais pu dire tout ça.
— Eh bien, il n'y a plus rien à comprendre. Tu ... Tu me fais beaucoup trop penser à lui, révéla-t-elle. Quand je te vois ... je vois Christian.
— Je veux que tu m'en parles. Tu crois que trois mots ça sert à quelque chose ?! m'énervai-je. Tu es égoïste ! C'est mon droit.
— Et moi, je refuse d'en parler encore. Tu devrais t'en aller.
Elle croisa les bras et détourna mon regard.
Je déglutis dégouté et me tournai vers Sara en ne prêtant pas attention aux autres regards.
— Sara, on s'en va.
Elle acquiesça faiblement et nous nous dirigeâmes vers la sortie lorsque Jannie m'héla.
— Ne pars pas. Tu ne vas pas partir, parce qu'elle te demande de partir ? Tu es chez toi, ici. Peu importe ce qu'elle dit, tu fais partis de la famille. Tu n'as pas à écouter ce qu'elle dit, William.
Je me tournai vers elle. Elle avait les yeux baignés de larmes. Riccie nous regarda et exhala, excédée.
— Tu en as assez fait Jannie, lâcha Riccie. Tu devrais monter dans ta chambre.
Elle se retourna vivement vers sa mère, totalement déçue de son attitude.
— Je ne te pensais pas comme ça, maman. Tu m'as toujours dit que je devais prendre les problèmes et tenter de les régler mais toi, tu fais le contraire. Tu les repousses.
— Jan ...
— Non, la coupa-t-elle la voix tremblotante, je voulais vraiment t'aider, je ne voulais pas que tu sois triste et déçue de moi. Je vois juste que je me suis trompée sur toi. Tu as peut-être fait des erreurs dans le passé et sincèrement, je m'en fiche, mais il reste quand même l'enfant que tu as mis au monde à tes 15 ans. Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué dans ça. Alors, je ne te comprends pas et je pense que je ne veux pas te comprendre. Tu as une chance de rattraper les choses, mais tu ne veux pas la saisir, alors tant pis. Ce n'est pas toutes les mères qui abandonnent leur enfant qui ont les chances de les retrouver.
Elle se tourna vers moi et essuya ses joues.
— Je suis désolée, William. C'est de ma faute. Peu importe ta vie et ton métier, pour moi, tu restes quand même mon frère.
Elle s'approcha de moi, m'enlaça avant de passer à côté de sa mère avec un regard qui signifiait tout et elle disparut à l'étage.
Je regardai une dernière fois Riccie, ma soi-disante mère et quittai sa maison.
Le trajet jusqu'à la voiture était silencieux. Sara déverrouilla la voiture, lorsque Zeyn nous interpella et nous demanda d'attendre.
Essoufflé par sa petite course, il prit quelques secondes pour récupérer une respiration normale et il dit :
— Tu le savais depuis le début ?
— Comment ça ?
— Je parle du lycée. Trevor t'en avait parlé ?
— Non, répondis-je et Sara décida d'intervenir.
— Je pense, du moins, DD aussi ainsi que ta mère aussi, que Trevor le savait depuis le début. On ne sait pas comment. Peut-être qu'il a mené une enquête d'abord, mais ça restera un mystère. Mais non, William ne le savait pas. Il voulait juste savoir qui était ses parents biologiques et on a découvert l'envers du décor. On ne voulait même pas lui dire au début, parce que ... c'était trop gros à encaisser. Mais Jessie et Riccie nous ont tous racontés.
Je croisai le regard de Zeyn qui réalisait de minute en minute la situation.
— Si je peux me permettre, Jessie et Riccie ne sont pas les personnes à blâmer. Elles n'ont pas eu la vie facile. Comme nous tous ici, ajouta-t-elle. Ça s'appelle la vie. On ne peut rien y faire. Vous avez peut-être appris qu'elles vous avaient tenus éloignées de la vérité, mais elles n'ont pas changé. Elles restent pareilles.
— Oui mais ... Riccie avait une soeur. Riccie a une fausse identité, ajouta Zeyn.
— Et ? En tant qu'agent, nous aussi, nous prenons des fausses identités. Et elle reste une Davis malgré tout, rétorqua Sara.
Je ne savais pas quoi dire, ni quoi penser. J'étais trop secoué intérieurement.
— Depuis tout ce temps, dit-il, tu es ...
— Je suis votre neveux et Drew et toi, mes ... oncles. Que ça soit clair, je ne vous appellerais jamais oncle Zeyn ou Drew.
Nous nous regardâmes et nous esquissâmes tous les deux un petit sourire.
— On va y aller, annonçai-je.
— Tu ... as un numéro sur lequel on peut te joindre ? Peter et Jessie voudraient te parler.
— Oui mais ce n'est pas nécessaire.
Je rentrai dans la voiture sous le regard surpris de Zeyn et attendis que Sara ne me rejoigne. Elle finit par démarrer et nous primes la route.
En pleine réflexion, Sara la coupa en me demandant si tout allait bien.
— Je suis différent, elle a raison, dis-je faiblement.
Je ne pouvais pas effacer ses mots dans mon esprit. Oui, j'étais différent d'eux. J'avais les mains pleine de sang. Je ne pouvais pas être avec ce genre de famille parfaite. Ça ne m'était pas autorisé.
— Et alors ?
Je la regardai et collai mon front à la vitre.
— Drew ou Zeyn aurait pu mourir à cause de moi. Drew a failli d'ailleurs. Wallas est mort à cause de moi. Gretchen aussi et Shad aussi. J'étais au courant de ce qu'il allait faire, Sara. J'aurais pu l'arrêter, mais ... je ne l'ai pas fait. J'ai tué pleins de gens sans me poser les bonnes questions. Ouais, je suis irrécupérable. DD aurait dû me laisser en taule, même si ma belle gueule ne mérite pas de se trouver enfermée.
— Tu ne savais pas que c'était Trevor, dit-elle doucement avec un petit rire. Arrête de te dire ça. Tout le monde change, William. Tu as changé, tu sais.
— Ouais, grommelai-je.
Je constatai qu'elle ne prenait pas la direction du QG.
— On ne va pas au QG ?
— Non, répondit-elle. Je vais te montrer un truc.
Nous finîmes par arriver devant une grosse tour. Je devinai que ça devait être son lieu de vie car elle esquissa un bref sourire.
— Si je savais que tu allais m'emmener chez toi, j'aurais fait semblant de pleurer depuis longtemps.
Elle rit doucement tout en se garant dans le parking privé de l'immeuble.
— Ne rêve pas trop, William. Allez, suis-moi.
Nous primes l'ascenseur qui s'arrêta au RDC pour accueillir une personne. C'était une vieille femme que Sara salua chaleureusement.
— Vous allez bien madame Lohns ?
— Très bien. Et toi ? Oh, je n'ai pas à poser cette question, tu as l'air d'être en bonne compagnie. Qui est ce bel homme ?
— Un ami. William.
Je lui tendis la main qu'elle serra avec le sourire.
— Enchantée, mon garçon. Tu as une petite mine dit donc. Sara tu as intérêt à lui redonner le sourire.
— Tu vois, tu devrais l'écouter Sara, souris-je. Tu as intérêt à me redonner le sourire.
Elle leva les yeux et la vieille femme nous souhaita une bonne soirée, après nous avoir lancé un clin d'oeil espiègle.
— Elle est sympa, commentai-je.
— Oui, elle l'est.
Nous finîmes par arriver à l'étage désiré.
Elle s'arrêta devant la porte en question et se tourna vers moi.
— C'est pour que tu te sentes mieux, d'accord ?
— Ne t'inquiète pas pour moi, Sara. Tout est clair maintenant. Je ne vais pas chercher à entrer en contact avec eux.
— Ce n'est pas ce que je veux dire. Tu dois te battre pour ce que tu veux.
Elle râla avant de déverrouiller la porte.
Je la suivis tandis qu'elle allumait les lumières à notre passage.
Des cartons étaient éparpillés un peu partout comme si une personne allait déménager.
Je l'interrogeai du regard me demandant si c'est ce qu'elle allait faire, mais elle dit :
— C'est l'appartement de Wallas. Du moins, ça l'était.
Je me sentis soudainement très mal que j'avais envie de m'en aller. J'avais l'impression que le fantôme de Wallas allait apparaître à tout moment.
— Ça fait sept ans que je ne parviens à ... à ranger ses affaires de peur de le perdre à vie, me confia-t-elle. DD et Jared m'ont aidé à faire quelques cartons, mais pendant sept ans, j'ai continué à payer le loyer de son appartement. Je ne veux pas voir quelqu'un y vivre. Je ... J'essaye vraiment de passer à autre chose, mais c'est impossible. Ce type était toute ma vie William. Je l'ai rencontré un peu avant DD et je crois que je suis tombée amoureuse de lui dès la première fois, mais j'ai fermé les yeux dessus parce que je ne voulais pas briser notre amitié. Maintenant, je regrette. Il m'a aimé depuis toujours tu sais.
Elle fouilla dans un carton et en sortie un album photo. Elle me fit signe d'approcher et je le fis après quelques secondes d'hésitation.
Elle sourit en regardant la photo en question et j'en fis de même dès que je vis la tête de DD, Sara, Jared et Wallas. Jared était à côté de sa soeur et souriait timidement. DD nous exposait sa dentition en pleine construction en étranglant presque Jared et Wallas à cause de ses bras autour de leur cou et Wallas était au milieu de ses deux belles jeunes femmes. Ses yeux étaient pétillants de je ne sais quoi, mais il était clair que ce type était doté d'un coeur immense et d'une gentillesse sans nom, ce qui n'était définitivement pas moi. J'avais toujours été un tyran depuis que j'étais petit et ça c'était empiré à la disparition de mes parents adoptifs. Je me comportai bien avec Trevor, Marysa et ma tante. Après, avec les autres, j'étais exécrable.
— Notre quatuor. On était tout le temps ensemble. Wallas était le plus raisonnable de nous quatre. Toujours à réfléchir avant d'agir. DD était la plus chiante et elle l'est toujours. Toujours à commander, rit-elle faiblement. Jared était un petit ange et moi, j'étais la petite reine avec mes grands airs.
Je la regardai tandis qu'elle effaçait une larme de ses joues.
Elle me montra une autre photo de Wallas sur son skate, tout fier.
— Parfois, quand je regarde nos photos, je me dis que ... que s'il était encore en vie, on aurait passé nos soirées à rire de ces photos, avec une petite bière à ressasser le bon vieux temps.
Elle referma l'album et le rangea dans le carton.
— Viens, je vais te montrer sa deuxième maison.
Elle me prit la main que je regardai avant de la suivre. Elle déverrouilla la porte et alluma la lumière. Il y avait une dizaine d'écran éteint. Ça ressemblait au QG et encore une fois, je me sentais mal. J'avais l'impression de prendre sa place.
Et je ne voulais pas prendre sa place ou diner cette impression.
— J'ai un peu le même dans mon appartement, mais on passait la plupart de notre temps ici. Je vais devoir tout enlever dans quelques temps, parce qu'une famille a acheté l'appartement et que bien que j'ai les moyens de payer, j'ai vu cette famille avoir un coup de foudre, alors je me suis dit que c'était le moment de passer à autre chose.
Elle finit par lâcher ma main et elle soupira nostalgique.
— Je sais que ça ne te met mal à l'aise William, mais je viens de comprendre ce soir que ... que tu as un coeur et que tu peux éprouver de réelles émotions. Tu veux tout cacher comme une certaine personne que nous côtoyons, mais il ne faut pas. Un jour, ça explose et c'est mauvais.
— Tu veux prendre soin de moi maintenant ? ricanai-je nerveusement. Tu as pitié de moi Sara et je n'en veux pas.
Son regard triste me saoulait clairement à cet instant, alors je préférai m'en aller.
Je n'allai pas rester 20 ans sur le fait que Riccie ne voulait pas me parler.
Je lui tournai le dos et décidai de quitter l'appartement lorsqu'elle m'attrapa par le bras et je fis volte-face.
— Je n'ai pas pitié de toi, William. Crois-moi.
Elle plongea son regard dans le mien avant de s'avancer lentement vers moi et de m'embrasser délicatement la joue que j'en eus le souffle coupé.
Elle me regarda et je déglutis difficilement ce qui la fit sourire.
— Je suis là si tu as besoin et ... tu peux venir dormir chez moi.
Comment réagir face à ce retournement de situation ?
— Avec toi ? demandai-je en jouant la carte de l'humour.
— Ne rêve pas non plus, William. Allez, on s'en va.
Elle me contourna et je m'avançai vers le carton et en sortis l'album.
— On peut ressasser le bon vieux temps si tu veux.
Elle se retourna et me regarda avec l'album dans les mains.
— J'espère que tu as des bières, ajoutai-je.
Elle sourit et acquiesça.
Même si ce qui s'était passé n'allait pas me sortir de l'esprit, j'allai un peu libérer mon esprit.
***
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