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Un Noël créatif

Me poser devant ma fenêtre pour regarder la rue vivre était généralement une chose que j'adorai faire. Mais aujourd'hui, cette activité ne fit que me conforter dans ma tristesse. Noël n'était pas forcément ce qui animait le plus les foules à petite échelle, malgré les efforts de la société de consommation. Mais cette année, les gens avaient décidé de faire un effort. Je soupçonnai toute ma rue d'avoir fomenté ce complot juste pour m'énerver.

Ma maison était nue, comme tous les autres jours de l'année en fait. Mais particulièrement aujourd'hui, ça me faisait chier. Quatorze Noëls manqués, j'étais donc en droit d'en réclamer au moins un, je pense. C'est décidé, je vais demander à ma mère si on peut décorer la maison pour les fêtes, après tous, c'est les vacances et on a rien à faire. Je descendis donc dans le salon dans l'espoir d'y croiser ce qui me sert de mère. Elle était une nouvelle fois vautrée sur le canapé, une bouteille à la main.

– Maman... est-ce qu'on peut décorer un peu la maison pour Noël ? demandai-je tout timidement, appréhendant sa réaction.

La masse informe avachie sur les coussins se mit à grogner et retrouva une forme à peu près humaine, après avoir rabattu sa longue crinière en arrière. Elle me fixa avec de drôles d'yeux.

– T'en a jamais rien eu à foutre de Noël, tu dis que c'est un truc stupide pour faire cracher notre fric. Enfin ça, c'est quand tu me demandes pas des conneries pour faire comme tes copains.

Maman, je n'ai pas d'amis et j'en ai jamais rien eu à faire d'être à la mode ou non. De toute façon, tu ne m'achètes presque jamais rien, alors pourquoi te demander ?

– Oui, mais... Je me disais que ce serait sympa de décorer la maison comme les autres, c'est triste qu'elle ait la même tête toute l'année.

– Noah, on est le vingt-quatre décembre et j'ai mille choses à faire. Ta tante va arriver d'ici peu de temps. On y aurait été si tu m'avais demandé ça il y a trois jours.

Je soufflai bien fort du nez en m'éloignant d'elle. Ma mère se leva péniblement en titubant. Elle passa sa main dans ses cheveux pour ressembler à quelque chose. C'était sa méthode à elle, donner l'impression que tout était bien, alors qu'elle faisait juste le strict minimum pour que ce ne soit pas moche. C'était le cas avec son apparence, mon éducation et l'entretient de la maison.


Je remontai dans ma chambre en traînant des pieds. Je n'avais plus qu'une seule chose à faire, écrire. C'était l'activité qui occupait mes journées depuis tout petit. En primaire, l'époque où avoir des amis était très facile, je passai mon temps à vivre des aventures extraordinaires inspirées des films et séries que je regardais. Mes amis m'en ont d'ailleurs voulu. Comme si à huit ans, j'étais capable d'imaginer tout un scénario crédible sans piquer quelques idées à mes œuvres préférées.

Je m'installai donc à mon bureau et commençai à concevoir une nouvelle histoire. C'était Noël et j'avais vraiment envie de me mettre dans l'ambiance pour une fois. Qu'est-ce que je pourrais bien créer comme univers ? Je pianotai sur ma joue en fixant le mur couleur ciel devant moi.

Il me vint subitement une idée, un monde fantastique régit par la magie, je pourrais l'appeler Yrisia et on y suivrait de jeunes orphelins qui découvrent cet univers et ses traditions, notamment leur Noël.

Non, très mauvaise idée, ça existe déjà en plus. Je crois que je l'ai lu sur Wattpad. Dans ma tête, je voyais un immense château blanc, avec un peuple heureux et moi qui trônais fièrement au-dessus d'eux. Je portais une somptueuse tenue de prince.

– Merde, mais c'est pas moi ça ! me plaignis-je en me frappant fermement le front.

Je transformai donc ma tenue en une belle robe de princesse rose et le monde tout autour prit des couleurs criardes, comme une boîte d'Haribo. Toujours pas moi, mais il y a du mieux. Le côté Barbie, rose et perfection, ça n'a jamais été mon truc.

Je rendis le monde légèrement plus terne, enfin réaliste, et métamorphosai ma robe de carnaval en une tenue plus confortable, mais tout aussi jolie. Ce serait donc l'histoire d'une princesse qui cherche à rendre son peuple heureux en organisant la plus belle des fêtes de Noël pour eux.

Je me mis donc à rédiger les premières ébauches de mon texte, mais finit rapidement par perdre patience et froissa ma feuille. Cette idée me parlait, je voulais l'exploiter à fond. Je pris une autre feuille et une direction différente, mais le résultat fut tout aussi nul. Une deuxième feuille de gâcher. S'ensuivent rapidement une troisième, une huitième et une quinzième. C'est à ce moment-là que je me levai en fustigeant.

Dans ma chambre, il y avait un miroir à taille humaine. Il faisait froid, alors je portais un gros pull à capuche. En me voyant, je fus partagé. D'un côté, j'aimais le fait de paraître plus imposant que je ne l'étais, mais de l'autre, je savais que ce n'était pas moi.

J'enlevai mon pull et découvris mon corps tout maigrichon. Clairement, j'étais un garçon bien ridicule. Dire que la plupart des garçons de ma classe jouaient au foot et avaient autant de muscles que des bodybuildeurs. Enfin, ce n'était pas sur mon apparence que je devais me concentrer, mais sur mon histoire de Noël.

Je m'allongeai sur mon lit pour essayer de trouver une autre forme d'inspiration. J'avais sincèrement envie d'écrire, je n'avais que ça à faire de toute façon. Je me rendis ensuite compte que mon jean était une nouvelle entrave, je le tronquai pour un jogging, plus confortable.

Cette action illumina ma créativité, il me fallait un début plus « banal ». J'avais lu sur Internet qu'il ne fallait jamais raconter des détails inutiles, comme la tenue que portait notre personnage ou quand il se brosse les dents, ça sert à rien. Mais je savais qu'avec une idée clichée, je pouvais partir sur quelque chose de plus intéressant. Il me fallait un protagoniste. Moi ? Oui, Sacha, une jeune rebelle qui a envie d'envoyer chier la société merdique dans laquelle elle vit. Voici donc comment commence l'histoire de Sasha :


Sasha claqua la porte de son appartement et quitta précipitèrent sa résidence. Toute de noir vêtu, elle passa inaperçue dans la foule de passants. Ruminant sa colère dans sa barbe, elle s'arrêta nonchalamment près d'une ruelle. Ma mère est vraiment trop conne, pensa la jeune fille avec véhémence. Pourquoi, quand je lui demande de me comprendre elle m'engueule comme si j'étais une merde ? Une main se posa sur l'épaule de Sasha, qui sursauta sincèrement.

– Tu es perdue petite ? lança un homme sale et négligé d'un ton très inquiétant dans ce contexte. Je peux t'aider si tu veux.

Sasha dévisagea cet homme déguenillé sur toute sa hauteur. C'était un vieil SDF malpropre et puant l'alcool. Il portait une tenue rouge avec d'imposantes bottes noires et avait une longue barbe blanche à moitié noircie, tout comme ses cheveux.

– Vous être le Père Noël ? répliqua Sasha d'un ton désobligeant.

– Mais je ne suis pas le Père Noël crétin !

Fallait pas avoir la même dégaine que lui alors, pensa la jeune fille avec la même insolence que la première fois. L'homme afficha un effrayant sourire malsain. Sasha savait qu'elle était sans doute face à un psychopathe qui allait la découper en morceaux. Mais une très faible voix dans sa tête lui dit de faire confiance à cet inconnu qui empestait sincèrement la bière.

– Je m'appelle Santa Nicholas et j'ai peut-être un objet capable de résoudre tes problèmes, petite.

– Et moi, c'est Sasha, mais croyez-moi, vous ne savez rien de mes problèmes, rétorqua fermement la jeune fille.

Le vieillard farfouilla dans son bordel désorganisé et en sortit un crayon fantaisiste géant qu'il lui tendit avec un sourire encore plus pervers que le premier.

Sasha resta plantée face à ce Père Noël de Wish et le dévisagea salement. Sans doute, était-ce la peur qui l'empêchait de bouger et de fuir ce danger plus qu'évident. Mais au fond d'elle, Sasha mourait de curiosité, elle tenait à savoir ce que ce crayon allait pouvoir lui apporter.

– Avec cet objet, tu peux écrire la réalité que tu souhaites, tu peux faire en sorte que ta mère t'aime ou souhaiter avoir le Noël parfait, expliqua Santa d'un ton presque mystique.

Interloquée, Sasha se saisit de l'objet en le regardant avec des yeux ronds. Elle se demanda naturellement pourquoi cet homme, qui en avait visiblement bien besoin, ne s'en était pas servi depuis le temps. Santa ricana et l'informa que son cerveau, détruit par la vie et les drogues, n'était plus capable de s'adonner à l'imaginaire. Seule une enfant au cœur pur avait ce don.

– Ho bordel, s'indigna la petite. J'envoie chier ma mère deux fois par jour, je n'ai pas d'amis, je passe mon temps à tout critiquer sur Twitter et j'emmerde le monde. Je ne suis pas ce cliché « d'enfant au cœur pur », expliqua-t-elle fermement en grimaçant.


Après quelques secondes à se regarder dans le blanc des yeux, le vieux reprit :

– Mon cerveau tout ramolli n'est plus capable que d'enlaidir ma réalité, déjà bien crade. Mais toi, tu as le pouvoir d'imager ce que tu veux et de le dessiner face à toi.

Sasha se retourna, si elle devait fuir, elle n'avait que quelques pas à faire. Derrière, se trouvait une rue passante. Quelqu'un serait forcément là pour l'aider. De toute façon ce clochard était tellement fragile qu'un coup dans le tibia et il finirait avec une jambe en moins.

Sasha ne savait pas vraiment quoi faire de ce crayon magique. Modifier la réalité était forcément un pouvoir dont elle avait rêvé, comme tout le monde. Mais était-elle prête à réellement s'en servir à des fins égoïstes ?

Pour son premier, essaie, elle imagina un écureuil, aussi précisément que son cerveau le pouvait. Il était biscornu et infirme, mais plutôt mignon. Machinalement, elle tendit le crayon face à elle et fit deux/trois gestes, ce qui fit apparaître un écureuil devant eux. Heureusement, il ressemblait à un véritable animal et pas à l'abomination que Sasha avait en tête. Ses yeux s'écarquillèrent quand elle comprit que le crayon était véritablement magique.

– Il y a quoi dans ce bâtiment ? demanda la jeune fille en montrant une fenêtre condamnée par des planches.

– Du vide insalubre, il fait aussi froid dedans que dehors, alors je m'en sers pour m'abriter de la pluie et rien d'autre, répondit Santa.

Avec la gomme, Sasha fit disparaître les planches de la fenêtre et pénétra à l'intérieur. Cela ressemblait à un grand hall vide et effectivement, on se les gelait toujours autant.

Grâce à l'immense pouvoir de son imagination, Sasha isola le bâtiment et y créa quatre pièces. Elle les aménagea avec des meubles et les décora même. Clairement, ce qu'elle avait en tête ne se transposait pas dans la réalité et tant mieux, sinon le tout aurait été franchement moche. Sur la porte d'entrée, Sasha y inscrit ceci « Chez M. Santa Nicholas ».

– Bienvenue chez vous, lança la petite avec un grand sourire.

– Mais... Je... Pourquoi ? bafouilla le vieux.

– En échange du crayon magique, répondit la petite avec un clin d'œil malicieux.

Sasha se servit une dernière fois de son nouveau pouvoir pour rapiécer la tenue de Santa et le nettoyer un peu pour le rendre présentable. Désormais, il ressemblait un peu plus au Père Noël. Malgré sa merveilleuse nouvelle, vie, Santa ne semblait pas heureux, ce qui agaça légèrement notre héroïne.

– Vous voulez quoi de plus ? Que je ramène votre femme ? Vos enfants ? demanda-t-elle avec insolence.

Monsieur Nicholas essaya de faire comprendre à l'adolescente que, malgré son pouvoir, tout ceci n'était pas réel. Ce n'était plus la vraie vie, celle où l'on travaille et mérite ce que l'on gagne.

Mais selon Sasha, cette réalité était à chier. Qu'importent nos efforts, les riches seront encore plus riches demain et les pauvres encore plus pauvres. Le monde était merdique et devait être changé. Sauf que pour Santa, ce n'était pas une bonne chose. Vivre dans une illusion de bonheur qui n'existait que dans notre tête, ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux à faire.

– Alors pourquoi ? cria la petite. Pourquoi m'avoir offert ce don si ce n'est pas pour que je m'en serve.

– Pour que tu comprennes cette leçon. Continues à modifier la réalité et tu verras que tout ce que tu crois être la perfection n'est que cauchemar. Je te mets en garde Sasha.

La jeune fille toisa l'homme et s'en alla, mais s'arrêta devant la porte de l'appartement. Elle avait une dernière question à lui poser.

– C'est quoi votre plus grand rêve ?

Santa répondit qu'il avait toujours rêvé d'avoir une usine de jouet. Agacée par ces ressemblances avec papa Noël, la jeune fille transforma le bâtiment en fabrique de jouets de la marque Santa Nicholas (marque déposée par la famille Nicholas depuis 1873).

Elle rendit également son sourire à ce vieux grincheux bougonnant. Après tout, rêve ou pas, il méritait d'être un peu plus joyeux.


C'est tout naturellement que Sasha s'appropria le pouvoir de modeler la réalité et qu'elle ignora totalement les conseils prodigués par ce qui ressemblait à un mentor éco+.

Elle se précipita dans son appart', défonça la porte au grand damne de sa mère et se confronta à elle.

– Je sais ce que tu vas dire, lança Sasha en se tenant stoïquement face à sa génitrice, le regard déterminé. Noël, c'est une fête commerciale qui ne mérite pas d'être célébrée. Je suis au-dessus de ça, trop rebelle pour demander des cadeaux futiles. Mais cette année, je veux que ça change !

La mère écarquilla les yeux et ne sut quoi répondre à sa fille. Jamais encore, elle ne s'était confrontée à une telle monté d'insolence. Sasha imagina alors une meilleure version de sa maman et effaça la première. Une femme charmante apparut dans le salon et vint embrasser sa fille.

– Ma chérie, je suis désolée de ne pas avoir écouté tes besoins. Tu as le droit d'être rebelle et d'avoir les mêmes envies fugaces que les autres enfants, exprima tristement la femme d'un ton désolé.

Sasha redécora magiquement l'appartement en y ajoutant des guirlandes vertes, blanches et rouges. Un sapin de la hauteur du salon fit son apparition, il était tout aussi merveilleux que les décorations de l'ado. Une étoile réellement brillante se retrouva au sommet de l'arbre.

Sasha plaça une crèche et divers objets chrétiens. Mais après réflexion, elle les gomma, voulant un Noël laïque dans le pur capitalisme.

La maison était merveilleusement décorée, Sasha était fière de son travail. Sa mère vint l'embrasser joyeusement en souriant comme une imbécile heureuse. Agacée, l'adolescente repoussa sa mère collante. Mais la maman était si folle de sa fille qu'elle continua d'insister en sur-complimentant la petite.

– Stop ! hurla Sasha, je préférais encore quand tu faisais des blagues de cul et que t'en avais rien à foutre de moi.

– Mais pas de problème ma chérie, je peux te dire que tu n'étais pas désirée, un bête accident de capote et de calendrier, surenchéri la dame avec un accent presque sudiste. Il faut dire qu'avec la cuite que j'avais prise avec ton père, j'ai oublié et les protections et l'avortement.

– Maman tais-toi ! gueula la jeune fille en se bouchant les oreilles.

– D'ailleurs, tu devrais songer à utiliser ta magie pour faire un ravalement de façade où tu vas passer un autre Noël célibataire. Après avec ton QI d'huître c'est pas étonnant que tu n'y aies pas pensé.

– Bordel, ferme-la !

Sasha n'en pouvait plus. Chaque fois que sa mère ouvrait la bouche, c'était pour partir dans un extrême pas possible. Il restait un dernier point de sa vie à régler. En ouvrant la fenêtre, elle vit qu'il neigeait. Sauf qu'elle n'avait jamais demandé ça. Un petit coup de gomme magique, et l'hiver était aussi chaud que le réchauffement climatique le permettait.


Sasha monta quatre étages de son immeuble et alla frapper à la porte de droite. Un garçon de son âge lui ouvrit. Sans prévenir, elle s'invita à l'intérieur et transforma le petit binoclard en un super beau gosse, un pur cliché d'ado sportif aussi banal que possible.

– J'ai jamais compris pourquoi, mais tu tenais tant à ressembler à ça, alors joyeux Noël Joshua, exprima joyeusement la jeune fille en le prenant par la main.

– Mais pourquoi ? Comment ? demanda faiblement le jeune garçon.

Sasha lui expliqua en bref ce qui lui était arrivé depuis son réveil. Joshua n'y comprit pas grand-chose, mais espérait juste que cet état n'était pas temporaire.

Tout était prêt pour un Noël parfait. En rentrant de nouveau dans son appart', Sasha eut une bien mauvaise surprise. Les guirlandes lumineuses brillaient de mille feux, ce qui était à la limite de l'aveuglement. Dehors, il neigeait toujours autant qu'avant qu'elle n'annule ce souhait et une cheminée était apparue dans le salon. Pas super écolo pour les pauvres arbres, mais cohérent avec la flambée des prix de l'énergie. Oui, Sasha était une ado bien au fait sur les actualités politiques de son monde.

La petite famille s'installa autour de la table joliment garnie de mets tous plus appétissant les uns que les autres. Sasha alla chercher les derniers ingrédients dans le placard. En l'ouvrant, elle trouva une femme d'âge mûr à la chevelure blonde, habillée en mère Noël sexy qui se mit à chanter le célèbre tube All I want for Christmas is you. Alors toi, ta gueule, fustigea la jeune fille en claquant la porte au nez de la chanteuse.

– Il se passe quoi ? demanda un Joshua interloqué.

– Je crois qu'il y a Mariah Carrey dans le placard, répondit une Sasha dépitée en s'appuyant fermement sur la porte.

Après avoir repris ses esprits, Sasha retourna à la table, mais n'eut pas le temps de s'asseoir, car on sonna à la porte. La maman s'empressa d'ouvrir, ce devait être le cadeau de Noël de sa fille. Un homme entra dans le salon en souriant, il lâcha la bouteille de lait qu'il tenait dans la main et s'accroupit en ouvrant ses bras. Sasha le dévisagea sévèrement en se demandant d'où il sortait.

– Ma puce, je te présente ton père, dit la mère, les larmes aux yeux. Il était parti chercher du lait depuis quatorze ans, mais il est enfin revenu pour toi.

– Ho putain le cliché TikTok, lâcha Sasha, désarçonnée. Il va vite disparaître de ma vie le père parasite.

Elle prit son crayon et gomma cet inconnu sans se soucier de savoir si c'était un homme bien réel ou une création magique. Derrière l'homme, se trouvait une chorale d'enfant de chœur qui s'invita dans l'appartement en chantant les pires chants de Noël possible. Sasha n'en pouvait plus, elle se boucha les oreilles.

– Fermez vos grosses bouches ! cria Joshua en lançant un ballon de rugby en pleine tête d'une pauvre fillette qui tomba à la renverse.

Ce dernier semblait d'ailleurs avoir perdu toute éducation et se comportait comme un primate. Il se confondait de plus en plus avec les autres camarades décérébrés de leur classe. Il s'assied en écartant les jambes et lâcha son meilleur croc dans une cuisse de dinde avant de roter comme un porc. Son image prit un sacré coup. Ce n'était plus le Joshua timide et distingué qu'avait connu Sasha. Encore un défaut de fabrication du crayon, pensa-t-elle.


C'en était trop pour la jeune fille qui s'empara fermement de son crayon et modela une réalité des plus précises. Plus de mère insultante, plus de meilleur ami aussi beau que débile, plus de Noël cliché. Juste un repas de famille simple avec des cadeaux et un bon moment tous ensemble.

Le dîner commença super bien, rigolade et bonne humeur étaient au rendez-vous. Mais un autre événement vint perturber ce bel instant. Le mur du salon se fit exploser par une lignée de Rennes tirant un traîneau duquel sortit un gros bonhomme tout de rouge vêtu. Il avait d'énormes lunettes de soleil et un cigare à la bouche.

– Qu'est-ce qu'il fait chaud chez vous, dit-il avec un accent texan.

Il sortit un éventail de billets de sa poche et se fit de l'air. Sasha crut reconnaître Santa, mais ce dernier dégaina des cadeaux de sa hotte et les balança à tout le monde. Un kit de science pour Joshua qu'il se prit en pleine tête, le faisant tomber par terre. Un calendrier coquin pour la mère, qu'elle parvint à attraper avec un sourire plus que gênant, et enfin, pour Sasha, bah rien.

– Putain, même mon imaginaire magique ne m'aime pas assez pour m'offrir ce que je veux.

– Tas le droit de choisir gamine, j'ai des packs PS5 avec télé 4K et chaise gaming, des kits de suicide, smartphones vendus quatre fois leurs prix ou des tickets de loto gagnant, énuméra Santa qui avait conservé son ignoble accent du Texas.

Oui, l'univers de Sasha est aussi pourri que le mien. D'où sa volonté future de créer un autre monde plus fantastique. Je n'ai pas oublié cette partie. Attendez, pourquoi je m'intègre dans l'histoire pour raconter ma vie ?

Sasha, qui fit comme si elle n'avait pas été perturbée par une intervention divine, demanda à Santa de s'approcher pour lui murmurer son plus cher désire à l'oreille.

Après l'avoir entendu, Santa baissa ses lunettes avec son index et lui fit de gros yeux étonnés. Il prit son cigare et cracha une bouffée de fumée sur la gauche avant de prendre un paquet de son traîneau et de le donner à sa protéger.

– Allez petite, Joyeux Noël, moi, je repars faire du fric avec ton usine, acheva monsieur Nicholas en remontant dans son véhicule.

Joshua était assommé par son cadeau, la mère partie essayer le sien et le salon était entièrement détruit. Sasha désespéra en s'allongeant sur le tapis près de la cheminée. Qu'avait-elle bien pu faire pour mériter un tel désastre ? Santa avait raison après tout. Cette histoire était le cliché du rêve qui devient cauchemar. D'ici peu de temps, elle allait se réveiller et comprendre que sa vie pourrie ne l'est peut-être pas autant qu'elle le croyait.

Au moins, elle avait échappé au traditionnel cliché de Noël de la fille perdue qui revient dans son village natal et rencontre le BG du coin dont elle tombe amoureuse après un quiproquo qui se résout au dernier moment. Au final, c'est peut-être ce qu'elle aurait dû souhaiter.

Malgré ses aires de rebelle, Sasha était une ado normale, mal dans sa peau et ne désirant que trois choses : avoir des amis, un copain et se sentir bien à la maison. Elle reprochait à sa mère de ne pas la comprendre, mais le faisait-elle de son côté ?

Les amis et l'amour étaient des choses qui ne se décidaient pas et qui allaient finir par arriver. En fin de compte, sa vie n'était pas si merdique que ça.

Comme prévu, Sasha se réveilla après avoir compris sa petite leçon de Noël. Elle s'attendait presque à voir un esprit quitter sa chambre. Mais non, c'était sans doute le signe qu'elle était de retour dans la réalité. Cette fois, il était temps d'organiser un beau Noël, sans magie ni catastrophes improbables.


Je me réveillai également en sursaut. Je regardai l'heure et réalisai que je venais de passer presque douze heures enfermer dans ma chambre.

– Je viens de vivre une inception, commentai-je, à moi-même, d'un ton fatigué. Ha non, je l'ai écrite, ajoutais-je en réalisant que j'avais terminé la première partie de mon histoire sur Sasha la rebelle.

Je n'avais pas encore exploité l'idée de faire un merveilleux Noël fantastique, mais cela allait venir. Je savais déjà quelle leçon Sasha apprendrait avec cette seconde aventure.

Je récupérai une vielle toupie dans mon coffre à jouets et la fit tourner. Réalisant que je sentais le ragondin, je pris mes affaires pour aller à la douche.

Je sentis une intense chaleur dans mon dos, je me retournai et sursautai en découvrant un petit enfant extrêmement brillant flotter devant moi.

– Ho merde, je suis mort ? demandai-je avec panique.

– Non, n'aie crainte, je suis l'esprit de Noël qui est là pour te faire comprendre une leçon.

– Moins brillant l'esprit s'il te plaît, la créature s'exécuta et je repris, j'ai déjà compris ma leçon. L'imaginaire, c'est cool, mais ça tourne souvent au cauchemar et ce n'est pas réel. Aussi nulle que soit ma réalité, je dois l'accepter telle qu'elle.

– Tu connais donc ta morale. Dans ce cas, pourquoi n'y crois-tu pas ? me demanda le chérubin.

La question de l'esprit me paralysa. Je savais que j'avais tort de faire apprendre à mes personnages des leçons auxquelles je ne croyais pas moi-même. Enfin, quand ce n'était pas « le pouvoir de l'amitié terrasse le mal absolu ». Là, c'était une morale qui m'était personnelle. Mais de toute façon, qu'est-ce que ça pouvait lui faire ?

Oui, Sasha était une version idéale de moi, oui, je souhaitais plus que tout pouvoir modifier la réalité et vivre dans un rêve. Mais je ne suis pas bête, j'ai conscience que le rêve, c'est à moi de le créer en passant moult épreuves initiatiques et en échouant, parfois même à avoir ce que je désire. Mais où est le problème ? Je ne crois pas que le monde peut s'améliorer, pas avec mes actions insignifiantes en tout cas.

Sasha vit dans une fiction, son monde peut être tout aussi merveilleux que chaotique, c'est moi son créateur, j'en fais ce que je veux, non ?

– Mon petit Noah, es-tu bien certain d'être un réel garçon, d'être vraiment sorti de ton imaginaire, ou de celui d'un autre ?

– Oui, enfin je... Oui, je crois ? Non, j'en suis sûr même. Tu crois que je suis quoi ? Un nom sur un papier ? répondis-je, désarçonné.

– Peut-être sommes-nous tous le fruit de l'imaginaire de quelqu'un ou de quelque chose. Ne va pas imaginer que les esprits de Noël existent réellement, Noah.

– Bref, pourquoi tu es là ? Si ce n'est pour m'apprendre ce que je sais déjà ?


L'esprit resta bien cinq secondes à me fixer pendant que je me dirigeais lentement vers la porte de ma chambre. Soudainement, Santa et Sasha apparurent face à moi, ce qui me statufia de nouveau.

– Quels sont tes plans pour mon avenir ? me demanda mon héroïne avec le plus grand calme qui soit.

Je n'étais pas certain que spoiler mon propre personnage sur son futur soit une bonne idée, mais était-ce réellement ma Sasha ? Allait-elle prendre vie dans mon cahier et décider de changer son destin comme l'a fait une certaine She-Hulk ? C'était trop invraisemblable pour que je le croie. Je lui parlai donc de ce que comptait faire d'elle et de Santa Nicholas, sans évoquer les autres personnages.

– Je veux que vous alliez sauver les Noël d'autres univers, que vous soyez heureux ensemble et compreniez l'importance du bonheur à petite échelle. Si on n'est pas joyeux soi-même, on ne peut pas transmettre la joie aux autres.

– D'accord, mais pourquoi ? Outre le fait de vivre une vie inspirée de Rick et Morty...

– Parce que j'y crois sincèrement ! lâchai-je avec dégoût, je tombai au sol et me mit à sangloter. Vos aventures, c'est le truc qui me rend moi heureux. Je ne sais pas comment améliorer le monde à ma petite échelle. Peut-être qu'en améliorant vos vies, je serai plus heureux et saurais comment améliorer la mienne.

– Tu sais que je n'aime pas ça, mais je dois te faire un câlin, dit-elle tristement en me prenant dans ses bras. Elle me fixa droit dans les yeux, un jour, tu auras le courage de devenir moi, elle posa sa main sur ma poitrine, écoute ton cœur.

Je séchai mes larmes et la pris à mon tour dans mes bras. Je me permis même de lui embrasser la joue. Je savais que Sasha m'y autoriserais, car c'était ce qu'il fallait pour que l'on grandisse tous les deux. La seule marque d'affection que j'autorisai à mon personnage.

Santa me fit un signe amical avant de disparaître avec sa petite protégée. L'ange, qui se tenait désormais au-dessus de ma toupie qui tournait sur mon bureau, disparu dans une poussière d'étoiles dorées.


Je me réveillai de nouveau en constatant que l'aventure de Sasha s'arrêtait là où je l'avais décidé, à son réveil. Je récupérai mes affaires et sortit de ma chambre pour prendre une douche.

Juste avant de fermer la porte, je remarquai que de légères particules brillantes descendaient sur ma toupie qui tournait encore. Elle allait sans doute s'arrêter dans quelques secondes, pensai-je en fermant la porte.

Une fois propre, je descendis. C'était Noël et je savais que ma tante était arrivée. Sans doute, était-elle trop occupée à commérer avec ma mère pour venir me saluer.

– Bonjour, la marmotte, Clara m'a dit que tu étais épuisé et triste, je n'ai pas voulu te déranger, me dit Célia avec un grand sourire.

Cette charmante dame était la meilleure amie d'enfance de ma mère. La seule qu'elle parvint à garder. Célia fut toujours là pour nous et je la considérais comme ma tata officieuse. Dans la cuisine, je croisai ma terrible maman, aussi éteinte que d'habitude, mais quand même souriante, ce qui changeait un peu.

– Célia n'est pas venue les mains vides, elle a un cadeau pour toi, intervint-elle de son habituel ton monocorde.

Franchement, si ce n'était pas une PS5 ou un nouveau PC portable, je n'en voulais pas de leur cadeau pourri. La réalité était affreuse et j'allais me retrouver solo au milieu d'un déjeuner entre copines. Ma vie était merdique et je n'avais qu'une envie, retrouver Sacha pour écrire son Noël fantastique.

Ma curiosité se retrouva piquée quand ma mère me dit que ma surprise était en train de mettre la table dans le salon. Avant d'aller voir, Célia me fit signe d'approcher.

– Tu te souviens de mon cousin Bruno ? me demanda-t-elle tristement. En vérité, non, mais je hochais la tête par politesse. Il vient de perdre sa femme d'un cancer, je lui ai donc proposé de venir habiter chez moi pour se reconstruire. Il a un fils de ton âge, je me dis que vous pourriez être ami, il aime les mêmes choses que toi, je crois.

J'avoue son histoire me toucha, mais je ne le connaissais pas ce gars et je doute qu'on puisse être amis. Je suis une bille en relation sociale. Pour preuve, je me suis enfermé douze heures dans ma chambre pour écrire sur un personnage que je rêve secrètement d'être dans la réalité.

– Noah, je te présente Tristan, coupa ma mère en ramenant face à moi un garçon super mignon, de mon âge.

– Enchanté... bafouillais-je avant de baisser les yeux sur son t-shirt. Attends ! Toi aussi, tu es Poufsouffle ?

– Tu es fan d'Harry Potter ? me demanda-t-il avec des yeux brillant.

Cet univers, c'était toute ma vie. Bon, on avait déjà un point commun et un sujet de conversation assez vaste pour la journée.

Nous partîmes donc dans le salon pour commencer à discuter et à débattre sur la qualité des films et faire des comparaisons avec les livres, avant de dériver sur complètement autre chose. J'appris notamment que Tristan dessinait en amateur depuis toujours. Moi, c'était l'écriture, mais on vivait tous les deux pour notre art.

Au fil de la conversation, nous nous découvrîmes pas mal de points communs. La réalité n'était peut-être pas aussi pourrie que je le pensais. Peut-être que j'allais rester ici encore un peu, avant de repartir dans mon imaginaire. Sans doute même que je pourrai y amener Tristan.

Pour être tout à fait honnête, en écrivant le personnage de Santa Nicholas, je ne croyais pas un seul mot qui sortait de sa bouche sentant la bière. Mais en découvrant Tristan, je commençai à croire qu'il avait peut-être raison. Il était beau avait les mêmes goûts que moi et c'était un artiste sans amis. Le cadeau de Noël parfait.

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