Le doux bruit de ruissellement, qui s'entend près du lac, brise le silence du paysage figé.

Le vent d'hiver, froid et menaçant à la fois, recouvre de ses caresses la surface si lisse qu'on la croirait gelée, les sapins plongés dans une brume douce dissimulant toute vie au regard des hommes, et fait virevolter quelques flocons de neige qui viennent caresser le visage rougi d'une jeune fille brune et maigre, marquée par la faim et le désespoir.

Amara est assise sur une pierre près de la berge, ses pieds remuant à quelques centimètres de l'eau non sans douceur, semblant attendre quelque chose, quelque chose qui compte pour elle.

Son stress se ressent de très loin, brisant la douce quiétude du lac entouré de sapins. Amara a peur. Peur que cette quiétude se brise. Peur que sa tête ne roule, roule dans la neige si blanche, tâchant de sang la pureté du lieu.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Amara, et aujourd'hui, c'est sa dernière chance de vivre. Elle s'est enfuie d'un monde qui ne lui appartenait pas, recouverte des souillures de la cité et de la vie des filles de la rue. Amara a dix-sept ans. Elle est bien trop jeune pour mourir. Elle est bien trop jeune pour ne plus s'appartenir.

Amara est blessée, sa jambe droite est brisée. Elle ne peut plus marcher. Elle ne peut plus qu'attendre, espérer que son sauveur ne vienne, que celui qui lui avait promis de ne pas l'abandonner à son sort respecte sa parole, avant qu'elle ne regrette le courage qu'il lui a insufflé.

Non loin d'ici, à une journée de marche, il y a la ville. La cité, remplie de dangers, de bruits, d'humains et de tromperies. Amara est née dans ce monde, dans ce monde de tromperies, et n'a jamais pu s'en sortir.

Son sang a coulé de trop nombreuses fois, son corps s'est déchiré sans qu'elle puisse rien faire, et aujourd'hui, alors que pour la ville Amara est à peine une femme, la rue la voit déjà comme une mère dont l'enfant est mort.

Une petite mère de dix-sept ans qui enchaîne les grossesses, les enfants non désirés, les fœtus décédés abandonnés dans les poubelles, car Amara n'a pas la force de les enterrer.

Quatre ans d'un enfer qu'aucun homme n'est capable d'effleurer, qu'aucune femme ne chercherait à imaginer, mais que l'orpheline de la rue encaisse, depuis toutes ces années.

Aujourd'hui, Amara s'en est échappée. Elle qui avait été vendue par ses parents à la pire espèce de l'humanité, obligée de revenir honorer la souillure de son âme alors qu'il ne lui accorde jamais ce dont elle a besoin pour sa pleine santé, elle a tenté de sortir de sa vie toute tracée.

Son sauveur lui a donné argent et courage pour prendre un taxi et partir loin, très loin, de tout ce qui composait sa vie.

Elle a roulé. A marché. Est tombée. S'est relevée. Et est arrivée au bord du lac si calme, ecoutant le clapotis d'une fine rivière à proximité. Et elle reprend confiance. Son sauveur lui a dit d'être ici. Elle en a la certitude.

Donc elle attend. Et attend encore. Enfermée dans le silence du lac qui représente son dernier espoir.

Il n'y a plus un bruit. Aucun oiseau ne chante. Aucun animal ne sort. Il y a juste Amara et son ruisseau.

Une branche craque, et Amara sursaute. Elle ne sait pas qui c'est. Elle doit se cacher. C'est sa seule façon de survivre. Mais sa jambe brisée s'est engourdie, et ses tentatives pour se lever se soldent par un échec complet. Elle ne peut même plus bouger. Elle doit se contenter de prier.

Les sapins cèdent le passage à un homme sale, recouvert de terre et d'arbres. Sa barbe de trois jours et ses yeux jaunes plongent Amara dans l'angoisse la plus totale. Son sauveur a les yeux noirs. Et il n'a pas de barbe.

L'homme regarde Amara, et Amara regarde l'homme. Tous deux sont encore adolescents, chacun piégé dans un Enfer dont nul ne voudrait. Elle dans le cycle de la prostitution et lui dans celui de la mort. Sauf qu'aujourd'hui, ces cycles ont amené ces deux personnes dans un role d'ennemis. Il est le chasseur et elle est la proie.

Le silence se fait. Amara ne perçoit même plus le clapotis de l'eau. Il n'y a plus qu'elle et le chasseur, l'homme envoyé par son propriétaire pour la ramener.

Sauf qu'Amara a une jambe brisée. Une jambe brisée et engourdie. Une jambe qui a peu de chance de resservir un jour comme avant.

Et dans le monde de la rue, une fille non intacte est promise à la mort.

Les sapins secoués par le vent sont l'unique témoin des derniers instants de la jeune fille terrifiée et acculée.

Avec un dernier regard de regret, l'homme sort un revolver de son holster. Une détonation vient troubler le calme du lac, et Amara n'a que le temps de se sentir projetée en arrière avant que la noirceur bienfaisante ne l'envahisseur pour toujours.

Amara ne verra jamais son sauveur. Tout ce que trouvera son mystérieux bienfaiteur quelques heures plus tard, c'est un corps désarticulé aux yeux vidés de toute lumière, un trou dans le haut du crâne, étendu sur la blancheur de la neige, déjà recouvert de quelques flocons, qui se vide de son sang sur la berge.

Le doux bruit de ruissellement, qui s'entend près du lac, brise le silence du paysage figé.

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Nouvelle pour le concours de PtiteRenarde!

Avant de l'envoyer, je vais attendre quelques critiques pour corriger deux-trois trucs, n'étant pas vraiment satisfaite de moi.

C'était, en plus de ça, un des défis d'écriture que j'ai trouvé sur Pinterest, que voici: