La nuit était bien entamée, peut-être même que le jour était en chemin pour pointer le bout de son nez. Le corps étendu sur le lit de Felix, on fixait le plafond dans un silence accablant de vérité.

Cela faisait quelques heures qu'on était rentrés, on avait à peine prononcé un mot. La sentence était tombée, j'avais pris ma décision et Felix ne pouvait que l'accepter. Pourtant c'était dur à digérer, pour lui comme pour moi. Alors on n'avait pas verbalisé tout ça clairement, on se terrait dans un mutisme pour repousser le futur qu'on ne voulait pas voir arriver. C'était lâche. Lâche, mais qui pouvait nous juger ? On était encore des enfants, certes dans moins d'un an le monde des adultes nous accueillerait mais l'heure n'était pas encore venue. Alors les responsabilités et les lourdes décisions qui nous collaient à la peau, elles nous minaient, on voulait les arrachés de notre épiderme. Malheureusement c'était impossible, la complexité de notre mésaventure était ancrée en nous, tatouée douloureusement.

— Dis...

Mes yeux coulèrent sur Felix lorsque sa voix épaisse décida de briser le silence.

— Tu penses que dans d'autres versions on reste ensemble jusqu'à la fin ? Tu penses qu'on vit une vie normale tous les deux ?

C'était dur à entendre, ces rêves d'espoirs qui s'écrasaient contre les murs sombres pour se briser en mille morceaux. C'était la seule façon que Felix avait trouvé pour accepter un peu mieux mon futur départ: s'imaginer qu'autre part, on était plus heureux.

— J'en suis persuadé. Y a peut-être des univers où on s'est jamais rencontrés, d'autres où l'un de nous deux n'existe pas, certains où on connaît une fin plus tragique qu'ici. Mais je suis sûr que dans la plupart des cas on vit paisiblement côte à côte. Et même que dans chaque version on est des âmes sœurs. Je plains d'ailleurs les Minho qui n'ont jamais croisé ta route, ils ne trouveront jamais leur moitié.

Je n'avais jamais dit à Felix à quel point il comptait pour moi, que notre amitié était la chose la plus précieuse qu'il m'ait été donnée. Mes mots pouvaient ressembler à une déclaration aux éclats de romance mais je lui criais seulement mon amour. Un amour fraternel, quelque chose qui ne se briserait jamais. Felix ça avait toujours été mon pilier, il devait le savoir avant que nos quotidiens ne s'éloignent de nouveau.

— On connait pas la meilleure des fins mais je serais à jamais reconnaissant d'avoir pu faire un bout de chemin avec toi, concluai-je finalement.

J'entendis un reniflement à ma gauche, puis une main se superposa à la mienne.

— Je suis désolé, j'ai l'air stupide à pleurer comme ça, prononça mon ami. C'est juste que t'as toujours été là et... et ça fait mal de savoir que je te verrais pas vieillir, qu'on serait pas ce fameux duo inséparable jusqu'à la fin de nos vies.

Je me décalai doucement pour le prendre dans mes bras, moi aussi les larmes aux yeux. C'est vrai, ça faisait mal. Mais c'est ainsi, on s'était fait rattraper par une situation bien trop grande pour qu'on puisse y faire face la tête haute. Pourtant l'issue aurait pu être pire. Oui on se dirait bientôt au revoir, malgré tout on saurait que quelque part, dans une autre réalité, l'autre continuerait de respirer. Et ça, ça avait le don de m'apaiser.

— Tu te souviendras de moi dans l'autre monde ? osa Felix, plus calme à présent. Peut-être qu'à ton retour je serais effacé de ta mémoire à toi aussi.

— Tu l'as dit toi-même, tu as laissé une trace indélébile en moi, je ne t'oublierai pas Felix. Tu peux en être sûr.

— Ça me rassure et pourtant c'est égoïste. On souffrira si on garde en nous des fragments de l'autre.

Je me relevai sur un coude pour faire face à son visage et plonger mon regard dans le sien.

— Je serais d'autant plus triste si je devais oublier tous les beaux moments en ta présence. Tu représenteras à jamais mes jours heureux.

Felix me sourit en retour, je crois que mes mots l'aidaient enfin à accepter la finalité des choses. Il était temps de tirer un trait sur ce monde, je devais reprendre la place que j'avais délaissé en voulant retrouver mon ami. Je n'avais plus aucun rôle à jouer ici, je le savais maintenant. J'avais envie de rentrer. Mon chez-moi me manquait.

✮ ⋆ ˚｡𖦹 ⋆｡°✩

#drame #séparation # sosad

Rdv vendredi pour le dernier chapitre 😗