Je papillonnai des yeux doucement, la bouche pâteuse, mon corps douloureux et engourdit. Un rayon blafard dansait sur mes paupières, me faisant gémir d'inconfort tandis que je m'étirais sous les draps chaud du lit qui avait bercé ma nuit. Je pivotai mon visage vers Felix, m'échappant au rai de lumière qui m'avait réveillé. Le beau temps n'était pas revenu mais les nuages laissaient entrapercevoir une luminosité blanche, filtrée par leur couche cotonneuse.

Je sursautai lorsque je croisai le regard de mon ami posé sur mes traits teintés de fatigue. Sa tête était enfoncée dans son oreiller, des cernes accompagnaient ses tâches de rousseur dans le tableau qui se dessinait sous ses yeux. La chaleur de ses iris me rassura légèrement, bien que dérouté d'être ainsi observé dès le réveil.

— Hey, souffla-t-il de sa voix matinale au ton profond.

— Hey, lui répondis-je dans un murmure, mes cordes vocales ne semblaient pas encore aptes à laisser des sons clairs s'échapper.

On était tous les deux fatigués, la nuit avait été longue. Notre conversation avait duré plusieurs heures, on avait retourné la situation actuelle dans tous les sens. Et malgré ça on était toujours paumés, on ne savait plus quel chemin emprunté. Tout était sens dessus dessous. Alors on avait fini par s'endormir aux premières lueurs de l'aube, dans le lit de Felix, l'un contre l'autre pour se rappeler qu'on se soutenait mutuellement.

Le réveil était donc difficile ce matin, même pénible. Je n'avais pas envie de sortir de ce cocon à l'odeur de lessive. C'était réconfortant d'être ainsi emmitouflé dans la couette, on oubliait presque le vacarme de la réalité qui se jouait hors des draps duveteux de Felix. Je ne voulais pas mettre un orteil sur le sol froid, je ne voulais pas me faire rattraper par le casse-tête dans lequel nous nous étions embarqués.

— Minho. Je grommelai en entendant Felix m'interpeller alors que mes yeux s'étaient refermés d'eux même. Ma mère ne va pas tarder à débarquer, il faut que tu te caches.

Au même moment, des pas résonnèrent dans le couloir devant la chambre. On se fixa un instant, paniqués, avant que nous ne nous activions d'un même mouvement.

Felix ouvrit vivement son placard tandis que je m'y précipitai dedans. Il attrapa ensuite mes chaussures qui trainaient devant la fenêtre ainsi que le carnet violet pour me les refiler avant de refermer les portes sur moi. A travers les lattes des battants je le vis se recoucher en quelques secondes, essayant de calmer son souffle pour ne pas paraître suspect. Lorsque sa mère — que je ne reconnus pas — entra finalement dans la chambre, tout était en ordre. Rien n'aurait pu trahir ma présence.

— Felix chéri, tu vas être en retard, viens prendre ton petit déjeuner.

Il baragouina un son inintelligible pour lui signifier qu'il était bien réveillé. Elle s'avança alors simplement vers lui, passa une main emplie de tendresse dans ses cheveux et lui embrassa le front.

— Si tu n'es pas dans la cuisine d'ici cinq minutes, je te sors moi même du lit, dit-elle avec un brin de malice avant de partir en refermant la porte derrière elle.

Mon ami n'attendit pas une seconde de plus pour rabattre sa couette et ouvrir le placard dans lequel je me trouvais. Il s'accroupit à ma hauteur et posa ses mains sur mes épaules.

— Je reviens à dix sept heures ok ? D'ici là tu ne bouges pas de ma chambre et tu ne te fais surtout pas repérer par ma famille. On reparle de tout ça ce soir, pour l'instant on ne connait pas entièrement ta situation dans ce monde-ci, donc on ne prend pas de risque, tu restes caché.

Je hochai la tête, le cœur battant mais obéissant malgré tout. C'était ce qu'on avait convenu hier avec Felix. Si son retour était passé inaperçu dans ce monde, comme son départ dans l'autre, on n'en savait rien pour moi. Felix il avait sa place ici, lorsqu'il était revenu c'était comme s'il avait toujours fait parti de cette réalité, il s'était réintégré naturellement, personne n'avait remarqué son absence. Ce monde le voulait, définitivement. En revanche moi mon corps avait été retrouvé mort, le Minho du monde bêta avait pris ma place, c'est ce que mon ami avait découvert en faisant quelques recherches sur internet. C'était un vrai bordel, je devais me faire violence pour emmagasiner chaque information et comprendre quels événements appartenait à quelle version.

Actuellement pour les deux univers je m'étais fait faucher par un camion en réalité. Pour le monde bêta, dès mon départ, l'article de ma mort s'était transformé pour reprendre la forme qu'il aurait dû revêtir depuis le début : j'étais mort. Pour le monde alpha, mon corps inerte était ce dont tout le monde se rappelait, j'étais actuellement un fantôme pour eux. Finalement mon retour ici avait créé un déséquilibre, il y avait deux Minho dans cette réalité. L'un était sous un tas de terre dans un cimetière austère, l'autre était dans un placard sombre face à son meilleur ami qui était tout aussi dérouté que lui.

Ce soir nous devions impérativement trouver une solution avant que tout ne parte en vrille et ne se disloque un peu plus.

✮ ⋆ ˚｡𖦹 ⋆｡°✩

Les problèmes arrivent