Chapitre 5
Ouvrant les yeux, Clarke soupira et se tourna sur le dos. Elle frissonna et repoussa l'épaisse couette de plumes du lit. Un soupir près d'elle lui indiqua que Bellamy dormait encore et elle décida de se lever sans faire de bruits. Bellamy grogna en se pelotonnant quand elle rabattit les couvertures et elle sourit. Elle s'enroula ensuite dans une robe de chambre et quitta la chambre pour gagner la salle à manger où elle ranima la cheminée.
Cela faisait trois jours qu'ils avaient déniché cette maison providentielle et Clarke trouvait parfaitement normal de vivre ici avec Bellamy. Elle ne perdait pas de vue qu'il allait très bientôt repartir, car Heda l'attendait à Polis, mais plus les jours passaient et moins elle en avait envie... Il avait été clair pourtant, il serait bien resté avec elle, mais il redoutait que la voir tous les jours ne lui rappelle le mal qu'il lui a fait, à elle, en lui tournant le dos pour s'allier à Pike, et que de ce fait, ils ne pourraient guérir convenablement.
Alors qu'elle était en train de faire chauffer du café dans la cuisinière à bois en fonte de la cuisine, Clarke entendit des pas dans l'escalier et Bellamy apparut quelques secondes plus tard en passant ses mains dans ses cheveux.
— Salut...
— Salut, répondit la jeune femme avec un sourire. Je t'ai réveillé ?
— Non, non, j'ai senti l'odeur du café... Ils en ont à Polis, tu crois ?
— Oh oui ! répondit Clarke. Et en plus, il est vraiment très bon, ce n'est pas ce truc en poudre que j'ai ici...
Bellamy esquissa un sourire. Il embrassa la jeune femme sur la joue puis se dirigea vers un placard pour en sortir les bols qu'ils déposa sur la table.
— Tu ne te sentiras pas trop seule quand je serais parti ? demanda-t-il alors.
— Sans doute que si, au début, puis je m'y ferais, répondit Clarke en haussant les épaules. De toute façon, tu n'es pas loin, une semaine à cheval, ce n'est pas grand chose quand on y pense.
— Si tu continues vers le nord, de l'autre côté des Grands Lacs, tu devrais trouver la capitale des Azgedas, répondit alors le jeune homme.
— Oh, je ne compte pas aller jusque là-bas, tu sais... J'ai eu à faire à suffisamment d'Azgedas pour le reste de ma vie...
— Ah ? A ce point ? Ceci dit, tu parles d'Echo à Octavia et elle la trucide sur place...
— Justement, répondit Clarke. Echo, Roan, Ontari... Ras le bol de ces brutes sans éducation.
Bellamy haussa un sourcil. Clarke apporta alors la cafetière et la déposa sur la table avant de retourner dans le cellier récupérer pain, beurre et confiture.
— Je ne pensais pas trouver du beurre intact et pas du tout rance après autant d'années, dit-elle en revenant et en s'asseyant. Pour la confiture, je peux comprendre, c'est bien fermé, le cellier est sec, aucun problème de conservation, mais le beurre...
— Oui, répondit Bellamy. Je pense en fait que ce n'est pas du beurre comme les Ancêtres le faisaient, avec le lait des vaches, mais plutôt une sorte de gras végétal...
Clarke prit un bout de la matière blanchâtre et l'étala sur le pain qu'elle avait fait la veille. Elle serra les lèvres puis opina.
— Je crois avoir entendu parler de ça, à Polis, dit-elle. Si mes souvenirs sont bons, une femme m'a expliqué qu'ils faisaient du beurre avec de l'huile d'une graine appelée noix de coco, qu'ils la mélangeaient à de l'huile d'olives et aussi une pâte faite avec d'autres noix, mais je ne me souviens plus de leur nom, cajon, caju, un truc comme ça.
Bellamy haussa les épaules et se fit une tartine.
— En tous cas, je ne pensais pas que je te verrais un jour cuisiner, Princesse, dit-il. Ce pain est une réussite.
— Uniquement grâce à cette femme, à Polis, Laeny... Elle servait Lexa et quand elle a vu que je m'intéressait à ce qu'elle faisait, elle a commencé à me montrer quelques trucs et à m'expliquer comment me nourrir convenablement, même au fin fond des bois.
Bellamy rigola, la bouche pleine, et avala son morceau de pain en hochant la tête.
— Merci aussi aux grands-parents qui sont partis en laissant un cellier parfaitement plein et sain. Tu sais, je pense que le froid a empêché les denrées de pourrir, et les animaux de venir se servir. La maison est protégée par les arbres, nous sommes loin de la grand ville du coin, donc je pense que les bombes n'ont pas soufflé jusqu'ici.
— Plus j'y pense et plus je me dis que tu as sans doute raison, répondit Clarke en regardant autour d'elle. Cette maison est intacte, il n'y a rien qui a bougé depuis que les propriétaires sont partis, on dirait presque qu'ils vont revenir d'un moment à l'autre.
— Vu que nous occupons leur lit, je n'espère pas ! répliqua Bellamy en rigolant.
Clarke ronfla, amusée, et secoua la tête. Bellamy annonça ensuite qu'il irait chasser et suivant ce qu'il trouverait, qu'il prendrait la route pour Polis le lendemain. Cette décision n'enchanta pas vraiment Clarke, mais elle était obligée de le laisser partir. Elle espérait ne pas mettre trop de temps à se soigner, et ensuite partir le retrouver à Polis...
.
Quand Bellamy revint, vers midi, avec un cerf, deux lapins et un faisan, Clarke eu l'impression que c'était le Jour de l'Unité. Ils passèrent le reste de la journée à préparer le cerf, à le découper et à faire sécher des lamelles de viande presque transparentes. Les deux lapins furent transformés en ragoût qui fut laissé à geler dehors ; quant au faisan, Clarke décida qu'ils se le partageraient pour leur dernier dîner ensemble.
— À quelle heure tu comptes partir ?
— À l'aube, répondit Bellamy en déposant une lanière de viande sur une corde à linge, au-dessus du fourneau de la cuisine. Clarke, je sais ce que tu te dis, mais tu sais que je ne peux pas rester.
— Oui, je le sais, mais... Non, ce n'est rien, je sais que Roan t'a trouvé un travail, et je suis très contente que tu deviennes le garde personnel de Heda. C'est un enfant, il n'a que douze ans, et je suis sûre que tu seras de très bon conseil pour lui. Et puis, quand je m'en sentirais la force, je te rejoindrai à Polis.
Bellamy sourit doucement et un silence s'installa, seulement troublé par le bois qui craquait dans le fourneau. Clarke en profita pour l'observer. Ces quelques jours passés avec lui, depuis leur départ d'Arkadia, lui avait permis de découvrir bien mieux son ami que tous ces mois passés ensemble depuis l'arrivée de la Navette, et elle se demandait ce qu'il pouvait ressentir à son égard. Elle l'appréciait beaucoup, elle avait une grande affection pour lui et une grande terreur aussi de le perdre un jour. Mais elle ne pouvait pas le garder près d'elle, pas maintenant.
— Je ne t'accompagnerai pas jusqu'aux arbres, demain, dit alors la jeune femme. Je n'aurais pas la force de te laisser partir encore une fois...
— Clarke...
La jeune femme leva la main et Bellamy comprit que la discussion était terminée. Il retourna à sa viande et Clarke quitta soudain la cuisine. Le jeune homme l'entendit monter à l'étage et il serra les mâchoires. Leur séparation allait être douloureuse, mais elle était nécessaire, même s'ils avaient réussi à dénicher un endroit tout à fait habitable, loin de la civilisation. Avec le temps, ils se feraient à l'idée et la douleur s'estomperait. Leurs retrouvailles n'en seraient que meilleures, sans aucun doute.
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Le soleil n'était pas encore levé et la neige tombait dru quand Bellamy quitta le lit chaud. Il s'habilla rapidement et descendit pour préparer son cheval. La veille, la soirée avait été un peu triste et lui s'était couché de bonne heure, laissant Clarke ruminer dans le salon en lisant près de la cheminée. Elle était montée bien après et il avait fait semblant de dormir quand elle s'était couchée. Il éprouvait un sentiment de culpabilité à l'abandonner ici, seule en pleine forêt, loin de toute civilisation, et il hésitait à lui laisser le talkie, mais la dernière tour radio de Skaikrus était à plus de quatre jours de cheval de la maison, il ne serait donc d'aucune utilité à la jeune femme si elle se blessait...
Quand Bellamy sortit son cheval de l'écurie, il découvrit Clarke sous le porche, enroulée dans un grand gilet de laine. La jeune femme se mordit la lèvre quand il la regarda. Il attacha alors le cheval à un ancien piquet de clôture et remonta vers Clarke qu'il prit dans ses bras en la serrant solidement.
— On se reverra, ne t'en fais pas, dit-il en lui caressant les cheveux. Tu vas vite guérir et me rejoindre à Polis, j'en suis certain.
— Je ne sais pas, cette nuit, j'ai encore fait des rêves terribles... répondit la jeune femme en reculant.
— Tu ne dois pas t'y accrocher, Clarke, répondit Bellamy en posant une main sur sa joue. Plus tu retiendras ces souvenirs, plus ils te ferons souffrir, de la même manière que je parle pour ne rien dire dans l'espoir de repousser encore mon départ...
Clarke pouffa et secoua la tête. Bellamy sourit et lui caressa la pommette de son pouce.
— Sois prudente, dit-il. Je demanderai à Heda d'envoyer quelqu'un chaque mois, pour prendre des nouvelles. Je pense qu'il ne fera pas le difficile concernant Wanheda.
Clarke sourit. Bellamy l'embrassa alors sur le front une longue seconde avant de l'enlacer de nouveau. Il tourna ensuite les talons, se hissa sur son cheval et le fit volter. Clarke le regarda alors, inclina la tête, puis il s'en alla au petit trot jusqu'aux gros arbres avant de disparaître derrière.
Clarke inspira profondément et serra les mâchoires. Deux larmes glissèrent sur ses joues et elle les chassa aussitôt avant de rentrer dans la maison. Pour chasser sa peine, elle entreprit de se préparer un petit déjeuner gargantuesque qu'elle mangea dans le salon, avec un livre, les pieds devant la cheminée.
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