Clarke descendait l'une des rues principales de Polis. Elle était en ville depuis un mois et avait envoyé un message à Roan pour le prévenir. La réponse ne s'était pas faite attendre et le Roi d'Azgeda avait débarqué avec toute la troupe deux semaines plus tard.

Clarke serait bien restée seule avec Bellamy encore un peu, mais dès le lendemain de son arrivée, elle avait découvert avec un pincement au cœur que son ami avait une amoureuse. Alors certes, il ne semblait pas amoureux d'elle, mais elle, elle était conquise...

- Ma chère Wanheda... ou devrais-je t'appeler Azplana ?
- Oh, non ! Surtout pas ! rigola Clarke.

Le marchand devant elle lui sourit et lui tendit alors une caisse en bois odorante.

- Voilà la commande de Roan, dit-il. C'est déjà payé. Et ça, c'est un supplément gratuit, juste pour toi.

Clarke sourit en voyant le pain emballé dans un torchon posé sur la caisse.

- Tu es trop gentil, Dmitri... Jason aime tellement ton pain...
- Je serais honoré de t'apprendre à en faire ! répliqua le marchand avec un grand sourire. Allez, va-t'en vite avec tes poissons avant que l'odeur n'imprègne tes vêtements !

Clarke plissa le nez en hochant la tête, et fila. Pour son plus grand malheur, Roan raffolait des harengs saurs et ces trucs avaient une odeur monstrueuse qui ne laissait personne indifférent...

La jeune femme regagna rapidement la maison royale dans le quartier réservé aux Azgedas et ne fut pas fâchée de se débarrasser de son odorant colis.

- La prochaine fois, tes poissons, tu vas te les chercher, râla-t-elle. Je pue le poisson mariné !

Roan rigola. Il l'attira alors à lui et la fit asseoir sur ses genoux. Clarke rigola et se laissa câliner un moment avant qu'un pleur ne se fasse entendre.

- Dommage... dit Roan. Bella a besoin de sa maman... J'aurais bien continué un peu plus.

Clarke sourit et l'embrassa. Plus elle passait de temps avec cet homme et plus elle l'aimait. Ils n'avaient pas encore partagé leur lit, mais ce n'était pas l'envie qui leur en manquait. Malheureusement, les traditions Azgeda étaient strictes, l'union d'abord...

- Chérie... Et si on profitait d'être à Polis pour nous unir ? demanda alors Roan. Heda pourrait nous donner sa bénédiction. Non ?
- C'est tentant, je l'avoue, répondit Clarke depuis une pièce adjacente où leurs deux enfants adoptifs avaient leurs lits.

Elle revint dans la pièce principale avec Bella dans les bras et la déposa sur le tapis devant la cheminée. Roan se pencha aussitôt vers elle et la petite lui décocha un large sourire.

- Da ! s'exclama-t-elle.

Roan sourit. Il reporta son attention sur Clarke qui semblait pensive.

- Tu n'as pas l'air de vouloir m'épouser... dit-il alors.
- Non, ce n'est pas ça, pas du tout, répondit la jeune femme. C'est juste que j'ai un peu peur que si je deviens ta femme, tu ne changes vis à vis de moi.
- Changer ? Et de quelle manière ? Tu me vois tel que je suis depuis bientôt un an, Clarke...
- Tu sais de quoi je veux parler, Roan...

Le Terrien plissa un œil et se leva. Il jeta un regard à la petite puis rejoignit Clarke et lui fit face.

- Tu as peur que me dire oui devant un Prêtre ne me change en bête sauvage prêt à tout pour avoir un enfant avec Wanheda, je me trompe ? demanda-t-il.
- Ais-je tort ?

Roan inspira. Il posa ses mains la taille de la jeune femme qui posa les siennes sur ses bras.

- A vrai dire, tu as à moitié raison, avoua-t-il.
- Ce qui veut dire ?
- Ce qui veut dire que oui, je suis prêt à tout pour avoir un enfant avec toi, mais en aucun cas je ne t'y obligerais d'une quelconque manière si tu ne veux pas. Après tout, j'ai déjà mon héritier, et un enfant supplémentaire ne serait là que pour unir notre couple et sceller nos sentiments à travers le temps.

Clarke esquissa un sourire.

- Tu parles trop bien pour un guerrier sanguinaire, dit-elle en relevant le menton.

Roan haussa les sourcils puis rigola. Il l'embrassa et Clarke capta un mouvement du coin de l'oeil. Elle brisa le baiser et se mordit la lèvre.

- Regarde... dit-elle alors. Elle marche... !

Roan pivota aussitôt et Clarke s'accroupit en tendant les mains. Sur ses petites pattes mal assurée, Bella, quinze mois, se tenait debout, vacillante. Quand elle vit que Clarke avait son attention, elle tendit les bras à son tour et se lança. Elle tomba deux pas plus loin et Roan l'attrapa au vol.

- Bravo, ma crevette ! s'exclama-t-il. Va falloir qu'on la surveille encore plus ou qu'on l'attache quelque part, maintenant, ajouta-t-il pour Clarke.
- Oh, je t'en prie, ce n'est pas un animal... rigola Clarke en prenant la main de la fillette.
- Ma ! s'exclama celle-ci en tendant les bras vers la blonde qui la prit.
- Aujourd'hui je marche, demain je cours, et dans un mois, je monte à cheval ! dit-elle en la faisant sautiller sur son bras.

Roan rangea son sourire en observant Clarke pouponner. Depuis qu'elle avait accepté de vivre à Otawa, il n'avait qu'une idée, en faire sa femme, et cette pensée le ravageait de l'intérieur, tant et si bien qu'ici, à Polis, alors qu'ils dormaient dans le même lit faute de place dans la maison royale, il devait se faire violence pour ne pas se jeter sur elle. Oh, il savait pertinemment qu'elle n'apprécierait pas du tout qu'il la bouscule de la sorte, mais plus les jours passaient et plus il détestait les stupides traditions d'Azgeda ! Et dire que cela faisait pratiquement un an qu'il rongeait son frein et ses ardeurs vis-à-vis de Clarke ! Il avait vraiment du mérite et il aurait voulu que sa mère soit encore là pour lui montrer la preuve qu'il était tout à fait capable de gérer un clan ET d'avoir une femme ET une famille ! Pas comme elle.

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Deux jours passèrent. Et, aussi surprenant soit-il, Clarke avait demandé à voir Heda pour une possible union entre Roan et elle. Du moins, elle avait amorcé la discussion après en avoir longuement discuté avec Bellamy et Octavia, le frère et la sœur étant d'accord sur un point : elle torturait bien assez le Roi d'Azgeda comme ça depuis qu'il l'avait invitée à vivre chez lui, bien des mois en arrière.

- Tu ne te rends pas compte de ce que c'est d'avoir une belle femme à ses côtés tous les jours et de ne rien avoir le droit de faire avec, avait dit Bellamy.

La phrase avait legèrement fait tiquer les deux filles, même si le compliment avait touché Clarke, elle avait alors compris qu'elle était égoïste, encore, et ce sans toutefois le vouloir car elle savait qu'elle aimait Roan, elle n'en était peut-être pas encore amoureuse, mais elle l'aimait, et elle aimait la façon dont ils vivaient tous les deux avec les deux enfants qu'ils avaient adoptés.

Même un aveugle aurait remarqué les regards que lui lançait le roi d'Azgeda dès qu'ils étaient ensemble quelque part, des regards à la fois admiratifs et fiers quand elle s'imposait face à ses guerriers qui ne voyaient là qu'un bout de femme, ou lorsqu'elle s'occupait de Bella, mais aussi des regards gourmands qui longeaient son corps forgé par les combats. Il ne le lassait pas de la toucher, sa main dans son dos pour la faire passer devant lui, une main sur son bras accompagné d'un sourire et d'un regard qui en disait long, et tous ces signes avaient alerté tout leur entourage, sauf Clarke.

- Si, j'en suis consciente, et je le veux, mais... avait-elle dit en réponse à Octavia.
- Alors tu attends quoi ? Qu'il fasse comme Bellamy et trouve une autre femme ? avait répliqué Octavia.

Clarke avait serré les mâchoires. L'attaque avait été injuste car même si elle aimait beaucoup Bellamy, ils étaient bien trop esquintés pour pouvoir être ensemble, quand bien même cela leur déchirait le cœur à tours les deux.

- Je suis désolée, s'était aussitot excusée Octavia en voyant la mine de son amie.
- Ce n'est rien, avait sourit Clarke. Mais tu as raison, je dois faire quelque chose avant que Roan ne se lasse ou ne décide de mettre une amante dans son lit à ma place.

Clarke l'avait bien vu que le Terrien ne pouvait s'empêcher de la couver du regard, elle n'était pas si aveugle que ça, mais... elle avait peur. Peur qu'il ne veuille que Wanheda, son pouvoir, son aura et tout ce qu'elle pouvait apporter de ce sens là à Azgeda. Peur qu'il ne veuille pas d'elle, en tant que Clarke, en tant que jeune femme qui avait grandit un peu trop vite et en trop peu de temps.

Mais Bellamy avait été catégorique et Octavia avait approuvé : Roan ne différenciait pas Clarke de Wanheda. Il la voyait telle qu'elle était, une femme belle et forte qui ne se laissait pas faire, et il la respectait beaucoup trop pour oser la forcer à quoi que ce soit. Le frère comme la sœur avait alors insisté sur le fait qu'il attendait depuis presque sept mois que Clarke accepte sa demande lancée lors de ce sommet des Ambassadeurs... Car officiellement, même si elle avait "accepté" de s'unir à Roan d'Azgeda devant les Ambassadeurs, celui-là même où une tentative de meurtre contre Heda avait contrarié tous les plans du Roi des Glaces, elle n'y avait réellement répondu, ni par l'affirmative, ni par la négative. Et c'était surtout ça qui minait Roan, de ne pas savoir.

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Ce matin-là, après en avoir longuement discuté avec ses amis, Clarke avait donc prit le taureau par les cornes et décidé de demander une audience à Heda, à la fois pour qu'il la conseille, mais aussi pour qu'il bénisse cette union.

Inutile de préciser que lorsque Bellamy annonça au jeune Commandant que Wanheda souhaitait une audience privée, celui-ci s'en trouva plutôt déstabilisé car ils ne s'étaient encore jamais vraiment rencontrés entant que tels, en tant que Wanheda et Heda.

Debout devant la double porte de la salle du trône, Clarke était un peu anxieuse. Elle n'avait pas dit à Roan qu'elle venait ici ce matin, elle l'avait d'ailleurs laissé dormir en déposant Bella dans le lit près de lui, avant que Jason ne les rejoigne, une habitude qu'ils avaient prise depuis qu'ils étaient à Polis et qui semblait avoir cimenté un peu plus leur petite famille.

Soudain, le garde près de la porte se redressa et poussa le panneau. Il regarda ensuite Clarke et inclina la tête. Celle-ci lui fit un discret signe et entra dans la vaste salle ronde.

En voyant le jeune garçon dans son trône, Clarke eut un léger coup au cœur. Elle avait une horrible impression de déjà-vu et elle secoua la tête pour la chasser. Elle s'approcha du trône, croisa le regard de Bellamy, planté non loin, plutôt impressionnant dans ses habits Terriens avec une épée à la hanche et un poignard sur chaque bras, puis elle reporta son attention sur Heda et s'inclina respectueusement. C'était la première fois qu'elle se retrouvait face à lui depuis Otawa, et à ce moment-là, elle n'avait pas été particulièrement affectée par le fait qu'elle avait le Commandant Suprême des Terriens devant elle. Là, dans la salle du trône de la Tour du Commandant, elle le réalisait : le gamin avait son aura, et il en jetait...

- Heda, dit-elle.
- Wanheda, la salua-t-il. Je suis très honoré de vous avoir devant moi enfin de façon officielle, mais Bellamy n'a pas jugé nécessaire de me dire la raison de cette audience si matinale.

Clarke croisa le regarda de son meilleur ami qui inclina la tête, comme pour l'inciter à parler.

- Heda, comme vous vous en souvenez, il y a quelques mois, Roan a annoncé un fait qui avait semblé saugrenu sur le moment, dit-elle. Il avait annoncé devant vous-même et les Ambassadeurs, qu'il allait prochainement m'épouser, moi, Wanheda, ce à quoi j'avais adhéré, contrainte et forcée sur le moment, afin de ne pas perdre la face devant tout le monde.
- Oui, je me souviens de cela et votre visage plutôt décomposé à cette annonce. Seriez-vous devant moi pour me demander d'intercéder auprès du Roi d'Azgeda ?
- N-Non, Heda... répondit Clarke. Je...
- Je vois, sourit alors Jayden. Wanheda viens me demander ma bénédiction, je me trompe ?

Clarke releva le menton puis secoua négativement la tête. Demander sa bénédiction à un gamin de treize ans, c'était un comble, tout de même !

- Bellamy, toi qui connais bien Wanheda, juges-tu cette demande appropriée ? A-t-elle réellement besoin de ma bénédiction pour s'unir au Roi d'Azgeda ? Et selon toi, est-elle à même de pouvoir soutenir un tel compagnon jusqu'à ce que la mort les sépare ?

Bellamy écarquilla les yeux. Depuis quand Heda lui demandait-il conseil ? Il darda un regard surpris sur Clarke, qui resta impassible. Pourtant, il remarqua qu'elle était tout aussi surprise que lui, si ce n'était plus.

- Je... pense que oui, Heda... Oui, cette union me semble légitime, finit par répondre Bellamy. Le Roi Roan nous a montré, ces derniers mois, mais surtout depuis qu'ils sont à Polis, que Clarke compte beaucoup, pour lui. De même que les deux enfants qu'ils ont adoptés. Ils sont très proches, très soudés, et une union ne pourrait que renforcer cela.
- N'ais-je pas à craindre pour mon trône ou ma vie, que Wanheda s'unisse corps et âme au Roi d'Azgeda, un clan qui fut longtemps l'ennemi de la Coalition ? demanda alors Heda.

Clarke ferma les yeux. Bien sûr. Elle s'était attendue à ce genre de réflexion. Plus que Clarke Griffin, simple médecin Skaikru, elle représentait bien plus de danger en tant que Wanheda, même si Roan ne faisait pas la distinction entre les deux personnalités de sa compagne, et qu'elle n'avait plus aucune envie de se battre, sinon pour sa famille.

- Non, répondit-elle alors. Je suis Wanheda et je le resterai jusqu'à la fin de ma vie, mais Roan ne désire pas m'épouser pour mon titre, mais pour ce que je suis moi, Clarke Griffin, médecin Skaikru, femme et mère. Il ne fait pas, plus, la distinction entre les deux, pour lui, je serais sa femme et uniquement sa femme, et la mère de ses enfants.

A moins qu'un conflit n'éclate et que je ne sois obligée de redevenir Wanheda, ajouta-t-elle pour elle-même.

Jayden resta silencieux un moment puis inclina la tête et se redressa dans son trône. Clarke releva le menton, dans le vain espoir de chasser de douloureux souvenir, et quand Heda tendit la main vers elle, elle s'approcha.

- Merci à tous les deux pour vos réponses, dit-il. Si c'est ce que tu souhaites, Wanheda, alors je t'accorde ma bénédiction quant à une prochaine union entre le Roi Roan d'Azgeda. Sache cependant, qu'une fois unie au Roi, ou à n'importe quel autre homme, tu ne pourras plus revenir en arrière. Te séparer de lui sera impossible, Wanheda, et à moins que ton actuel mari ne décède, tu ne pourras pas en épouser un autre. Ainsi sont les lois de notre monde. Suis-je claire ?

Clarke opina. Néanmoins, le regard qu'elle échangea alors avec Bellamy n'échappa pas à Heda, mais quelque chose dans ce regard l'avait convaincu qu'il ne s'était pas trompé en lui accordant le droit de s'unir à Roan. Il connaissait les liens qui unissaient son Garde Personnel à Wanheda, et il se doutait bien qu'il y avait un peu plus que de l'amitié, surtout quand on a côtoyé la mort de très près à plusieurs reprises, mais il avait l'impression qu'il devait, en quelque sorte, les forcer à se tenir loin l'un de l'autre. Non pas par punition, mais plutôt pour guérir de toutes les horreurs qu'ils avaient vécues depuis leur retour sur Terre.

- Je le sais, répondit finalement Clarke. Et je respecterai ces traditions, vous avez ma parole, Heda.
- Bien. Tu m'en vois rassuré. L'union aura lieu lorsque tes parents seront là. Je te ferais parvenir une tenue, si tu n'en as pas.
- Merci. Si elle pouvait rester... privée, cela serait apprécié. Je ne désire pas... que toute la ville soit présente.

Il inclina légèrement la tête, acceptant la requête et la congédiant par la même occasion. Clarke tourna donc les talons et sortit dans le couloir, le dos droit, et quand la porte se referma sur elle, elle soupira bruyamment. Cela fit sourire le garde qui lui souffla discrètement qu'à la salle à manger, elle pourrait trouver de quoi se remettre de ses émotions...