Marcus Kane soupira. Abby lui jeta un regard puis quitta la Chancellerie et l'homme leva les yeux au ciel. Sa compagne était d'une humeur exécrable depuis que Clarke avait annoncé qu'elle rentrait chez eux. Cela faisait une semaine que l'oiseau était arrivé et Abigail était tendue comme un arc, impatiente de revoir sa fille.

Et il n'y avait pas qu'elle. Jared aussi était pressé de revoir Clarke, pressé de lui demander de devenir sa maman, pressé de repartir avec eux et avec Bella et de pouvoir enfin avoir une maison et de nouveaux parents, même s'il en avait encore gros après Roan.

Raven et Harper s'étaient d'ailleurs étonnées que le garçonnet ne soit pas plus triste que ça d'avoir perdu toute sa famille et un Terrien d'Arkadia leur avait expliqué que même si cela pouvait paraître sans cœur, on enseignait aux enfants dès qu'ils étaient en mesure de comprendre les choses, qu'il ne fallait pas s'attacher outre mesure aux gens, car les temps étaient durs et qu'un être cher pouvait disparaitre du jour au lendemain.

— Il m'a dit qu'il a pleuré quand sa mère est morte, dit Raven.
— C'est une bonne chose, répondit Harper. En fait, on est un peu comme lui, tu sais ?
— C'est-à-dire ?
— Eh bien... Nous avions nos parents à bord de l'Arche et pour la majorité, on ignore s'ils s'en sont sortis ou pas...

Raven baissa le nez en opinant. Elle venait de la station Mecha, du moins elle y était née et elle y avait grandi. Finn aussi, et ils s'étaient rencontrés là-bas et ne s'étaient plus jamais quittés. Ils avaient rapidement laissé leurs parents derrière eux pour ne plus compter que l'un sur l'autre et ils s'étaient même installés ensemble... Avant que cette envie dévorante de sortir dans l'espace ne fasse faire une bêtise à Finn qui s'était dénoncé à la place de son amie.

— Raven ? Tu es encore là ?

La jeune brune sursauta.

— Pardon, Harper, je me suis perdue dans des souvenirs... Tu penses que Clarke va adopter Jared et sa sœur ? Ça ne te fais rien de savoir qu'elle va aller vivre à Azgeda, si loin de nous, si loin de Bellamy ?

Harper sourit doucement.

— Ils sont inséparables, ces deux-là, dit-elle. La fin du monde pourrait arriver, ils trouveraient le moyen de se retrouver, alors je ne pense pas qu'un Terrien Azgeda puisse les empêcher de se voir quand ils en éprouveront le besoin.

Raven sourit doucement et les deux filles continuèrent leur balade en appréciant le retour des beaux jours. Il faisait encore frais le matin, mais on sentait que le printemps s'était définitivement installé et bientôt, les gens pleurnicheraient qu'il fait trop chaud...

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— On va s'arrêter ici pour la nuit.
— Ça m'a l'air propre...
— Depuis quand es-tu à ce point portée sur la propreté, Clarke ? demanda Bellamy.
— Sans doute depuis que je vis seule et que je peux prendre une douche par jour ? rétorqua la jeune femme en haussant un sourcil.
— Ouais, allez, descend de là, dit alors Roan. Et t'en fais pas, chez moi, tu pourras prendre des bains tous les jours si tu veux.

Clarke rigola, amusée, puis mit pied à terre et emmena les trois chevaux pour les desseller tandis que les deux hommes s'occupaient d'installer leur bivouac pour la nuit. Ils se posèrent ensuite autour du feu et se partagèrent les restes du lapin tué pour le déjeuner. Cela faisait une semaine qu'ils voyageaient et même si, avec les jours passant, Clarke avait hâte de rentrer à Arkadia, elle hésitait toujours à pardonner son écart à Roan.

Les trois jeunes gens passèrent une nuit plutôt froide, serrés autour du feu, et au petit matin, ils reprirent leur route et marchèrent toute la journée avant d'apercevoir, au loin, des fumées blanches.

— Arkadia ? demanda Roan.
— Sans doute, répondit Clarke en claquant de la langue. Allez, continuons, il ne doit plus nous rester long.

Bellamy la suivit et Roan ferma la marche.

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À Arkadia, l'attente était insoutenable et Abby et Marcus s'étaient déjà disputés à plusieurs reprises ces derniers jours. Une nouvelle dispute éclata soudain alors que le petit-déjeuner n'était même pas débarrassé, et Abby jaillit de la station en bousculant Emori. Celle-ci perdit l'équilibre et tomba sur les fesses.

— Skrish, Abi ! s'exclama la Wastelander en Terrien. Faites gaffe, bon sang !
— Ça va, Emori ? demanda une femme en s'approchant d'elle pour l'aider à se relever.
— Oui, ça ira, merci... Qu'est-ce qu'elle a encore ?
— Clarke ne devrait plus tarder maintenant, j'imagine qu'elle angoisse.
— Je ne comprends pas pourquoi, répondit la jeune Terrienne. Clarke revient juste chercher ses enfants, c'est tout... Pas besoin d'en faire toute une montagne !

La femme haussa un sourcil, hocha la tête puis Emori, contrariée et endolorie, rentra chez elle en maudissant les mères. Elle trouva John encore couché dans leur cabine et quand il lui demanda ce qui se passait, elle lui répondit que si Clarke ne se pointait pas rapidement, qu'elle ne répondait plus d'elle en face d'Abby...

Le jeune homme soupira profondément, mais il n'en pensait pas moins, car depuis que Roan avait quitté Arkadia pour rejoindre Clarke, Abigail était infernale. Est-ce qu'elle avait réalisé que le Terrien allait lui prendre sa fille, avec sa bénédiction en plus, et qu'elle risquait de ne plus jamais la revoir, ou bien avait-elle capté qu'avec l'adoption de Jared et Bella, elle allait devenir grand-mère sans y avoir été préparée pendant neuf mois ? Toujours est-il que son angoisse et son impatience stressaient tout le camp, et Kane encore plus...

Heureusement, les trois cavaliers furent en vue en fin de journée, repérés par des chasseurs Skaikrus qui les escortèrent jusqu'à Arkadia. Ils arrivèrent de nuit et tout le monde fut très content de revoir Bellamy qu'ils n'avaient pas vu depuis de très longs mois.

— Clarke !

Le cri qui résonna dans le camp fit pivoter tout le monde et la foule s'écarta pour laisser passer Jared. Celui-ci se jeta dans les bras de Clarke et la jeune femme l'étreignit solidement.

— On t'a coupé les cheveux ? dit-elle en passant sa main sur sa tête. Tu fais grand comme ça !
— C'est Raven ! rigola le garçonnet. Je suis content que tu sois rentrée, tu m'a manqué, tu sais ?
— Ah oui ?

Jared hocha la tête et se serra contre son ventre. Clarke regarda alors Roan qui descendait de cheval, puis Bellamy. Elle détourna la tête pour accueillir ses amis, puis sa mère et Kane qui la gratifièrent tous les deux d'une solide accolade avant d'entraîner tout le monde dans la station.

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L'excitation de revoir Clarke était retombée et il était plus que tard, mais la jeune femme se promenait dans les couloirs d'Alpha avec cet étrange sentiment d'être rentrée chez elle. Elle avait la même impression dans sa maison blanche, et elle savait au fond d'elle qu'elle ressentirait aussi la même chose en entrant dans sa chambre, au manoir royal des Azgedas.

— Puis-je te tenir compagnie, snogon ?

Clarke tourna la tête et sourit à Roan qui s'approcha, les mains dans le dos. Il passa son bras sur ses épaules et la jeune femme soupira.

— J'ai l'impression d'être à la maison, dit-elle.
— C'est le cas, tu es chez toi, Clarke, répondit le Terrien.
— Jared est couché ?
— Oui, enfin... J'ai eu du mal, il tombait de sommeil, mais il voulait à tout prix rester debout pour être avec toi.

Clarke sourit.

— Tu veux vraiment les adopter ? demanda-t-elle alors.

Ils sortirent de la station et s'assirent sur un banc métallique proche.

— Je n'ai pas vraiment le choix si je veux contrecarrer les plans d'Echo, répondit le roi d'Azgeda. Si je n'ai pas un enfant plus âgé que le sien à sa naissance, il deviendra automatiquement mon héritier.
— Et tu crois que faire de Jared l'héritier d'Azgeda est judicieux ?
— Il a sept ans, il a tout le temps d'apprendre ce qu'il faudra pour me remplacer, répondit Roan. Je n'ai pas l'intention de mourir maintenant, tu vois.

Clarke secoua la tête.

— Et si nous avons des enfants ? dit-elle alors en lui prenant la main.
— Eh bien, ils seront dans l'ordre de succession après Jared et Bella, répondit le Terrien en portant la main de la jeune femme à ses lèvres. Dès que tu auras mis tes affaires en ordre, nous partirons pour TonDC et nous finaliserons l'adoption des enfants.
— Il ne faut pas être unis avant ?
— Non, Azgeda est un système patriarcal, seul mon avis compte dans ce genre de chose, répondit Roan en levant les yeux au ciel. J'aurais adopté ces deux gamins même si tu n'avais pas voulu m'épouser. Je dois quand même avouer qu'avoir une femme pour les élever sera beaucoup plus simple, surtout que Jared t'aime beaucoup, contrairement à moi.

Clarke se racla la gorge et rigola.

— En même temps, tu n'es pas quelqu'un de très avenant pour un si petit bonhomme ! dit-elle, amusée. Tu ressembles à une montagne de fourrures, de son point de vue !
— Hé ! s'exclama Roan en la bousculant de l'épaule. Je t'en prie, je ne suis pas un ogre, non plus...
— Hm, non, mais tu n'es pas un père, loin de là, répondit Clarke. Tu es un Roi et un guerrier, Roan, tu as encore beaucoup de travail à faire pour devenir un bon père.
— Parce que toi non ? bougonna le Terrien.
— Moi, j'ai l'instinct maternel, cela fait toute la différence !

Clarke se leva et Roan la regarda s'éloigner de quelques pas. Elle leva les bras et s'étira et le Terrien la détailla. Clarke lui sourit alors.

— Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? demanda-t-elle.
— Rien... Je me demandais simplement si ton tout petit corps aura assez de place pour un enfant issu de moi...

Clarke fronça les sourcils et renifla bruyamment. Roan se leva alors et la prit dans ses bras. Elle poussa un cri de surprise quand il l'enleva du sol pour l'adosser au mur d'un appentis, et la jeune femme repoussa alors une mèche derrière son oreille et le regarda un moment avant de l'embrasser du bout des lèvres.

— Ai hod yu in, Wanheda... souffla-t-il alors. Ai hod Klark kom Skaikru in seintaim... Osir keryon ste teina... (1)

Clarke se mordit la lèvre et posa son front contre celui du Terrien en laissant échapper une larme. Elle n'avait déjà eu des déclarations d'amour plus jeune, sur l'Arche, mais celle-ci était celle qui supplantait les autres, et de loin.

— Ai hod yu in seintaim, Roun kom Azgeda... souffla-t-elle. (2)

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(1) Je t'aime, Wanheda... J'aime aussi Clarke kom Skaikru... Nos âmes sont liées...

(2) Je t'aime aussi, Roan d'Azgeda...