N'ayant d'autre choix que de prendre son mal en patience, Roan finit par se calmer et accepta de passer quelques jours à Arkadia. Jared, qui en voulait à Octavia, déçu de son attitude, n'arrêtait cependant pas de demander quand est-ce qu'ils allaient partir et rejoindre Clarke.
Comme il reposait à nouveau la question ce matin-là, après quatre jours passés à Arkadia, agacé, Roan lui annonça qu'il partait avec Octavia pour TonDC.

— Quoi ? Non !
— Tu n'es pas en âge de décider, petit, répondit le Roi d'Azgeda. Echo a été rapatriée à TonDC, tu vas la rejoindre et vous allez rentrer avec le convoi marchand à Otawa.
— Et ma sœur ?
— Elle reste avec sa nourrice, répondit le Terrien. Je vais partir chercher Clarke, puis je reviens chercher Bella et nous rentrons à Otawa. Après, j'espère que cette histoire sera terminée, parce que je n'ai plus de patience.

Contrarié, Jared croisa les bras et entreprit de bouder. Roan le bouscula pour sortir de la chambre, mais le garçon resta immobile.

— Fais comme tu veux, dit le Terrien en soupirant. Tu es tellement pénible comme enfant, maintenant je sais pourquoi je n'en ai pas !
— Tu es injuste !
— Injuste ? Et pourquoi je suis injuste ? Sais-tu seulement ce que veut dire ce mot ? répliqua Roan en faisant volte-face.

Le gamin l'avait suivit dans le couloir.

— Non, je ne sais pas, reconnut-il. Mais si tu me supportes pas, alors pourquoi tu veux m'adopter, hein ? Je serais aussi bien à l'orphelinat si c'est pour me faire gronder toute la journée.

Roan serra les mâchoires. Un bruit métallique se fit alors entendre et Raven apparut.

— Oh, je dérange ? dit-elle, surprise.
— Non, répondit Jared.

Il tourna ensuite les talons, retourna dans la cabine et claqua la porte. Roan tourna la tête.

— Qu'est-ce que tu lui as fait encore, à ce gosse ? demanda alors la mécanicienne. Tu ne peux pas lui ficher la paix non ?
— Il m'agace !
— Il a sept ans ! Il ne comprends pas la moitié des choses qui se passent ici, tout ce qu'il veut, c'est des parents, et toi, tu lui dis que tu vas l'adopter, mais tu fais rien pour lui montrer que t'en as envie, alors il t'en fait voir de toutes les couleurs, c'est normal.
— Si je l'adopte c'est uniquement pour contrecarrer les plans d'Echo.
— Ah ouais ? Parce que tu crois qu'un gosse c'est une marchandise, Roan d'Azgeda ? siffla Raven. Tu crois vraiment qu'en l'adoptant avec sa soeur, ils vont rester sagement dans un coin ? Non, mon grand, ça marche pas comme ça, hein !
— Qu'est-ce que tu en sais ? Tu n'as pas d'enfants et tu n'en auras sans doute jamais, avec cette jambe métallique ! rétorqua Roan.

Raven serra les mâchoires. Elle sentit la colère lui serrer les entrailles et elle crispa les poings. Elle inspira cependant profondément et s'aprêta à lui renvoyer l'ascenseur quand une main se posa sur son attelle. Elle baissa les yeux et regarda Jared. Elle serra les lèvres et hocha la tête.

— Jared a raison, dit-elle alors, tendue. Tu es injuste, Roan. Tu n'es pas un bon père, tu n'es pas un bon Roi, et tu ne feras jamais un bon mari pour Clarke. Elle a raison de partir loin de toi.

Sur ce, la jeune femme prit la main du garçon et s'en alla en claudiquant, le dos raide.
Roan grogna. Il tourna les talons et quitta la station en envoyant valser tout ce qui pouvait voler. Là, il se rendit sur l'un des chantiers de construction de maisons et attrapa une masse.
En voyant approcher la montagne Azgeda qui fumait presque de fureur, les Trikrus lui indiquèrent simplement où défouler sa colère, à savoir sur des pieux en bois faits de troncs qu'il fallait enfoncer dans le sol encore à moitié gelé...

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— Tiens, mon lapin...

Jared sourit. Il prit le morceau de biscuit que lui tendait Raven et le grignota en silence.

— Tu sais, dit-il. Clarke, elle m'appelle comme ça aussi... Et puis le docteur aussi...
— C'est parce qu'on t'aime bien, répondit Raven avec un sourire.
— Roan, il m'aime pas, grogna alors Jared.
— Je pense que si, à a sa façon.
— Ouais, bah c'est une drôle de façon, parce que j'ai bien compris que pour l'instant, je suis le fils de personne, juste un paquet qu'on trimballe partout !

Raven serra les lèvres. Elle repensa aux paroles de Roan et plissa le nez en accrochant ses doigts à son attelle.

— Pourquoi tu as ça ? demanda alors le garçon. Tu as mal à ta jambe ?
— Non, je n'ai pas mal, elle est morte... Sans cette cage de métal, je ne pourrais pas marcher.
— Tu es une Wastelander ?
— Oh, non ! rigola Raven. Non, non, j'ai été blessée... J'ai été touchée par une balle de fusil, juste dans le bas du dos, et le temps qu'on puisse la retirer, c'était trop tard, ma jambe était morte.
— Par morte, tu entends quoi ?
— Elle ne fonctionne plus du tout, répondit Raven en plissant le nez. Si j'essaie de me tenir debout sans mon attelle, je tombe. C'est un peu comme si je n'avais plus ma jambe.
— Ce ne serait pas mieux ?

Raven regarda le garçon avec un étrange regard. Pendant un temps, elle avait songé à cette alternative, puis elle avait pesé le pour et le contre et, sans sa jambe, elle serait contrainte de se déplacer avec des béquilles, donc impossible de courir ou de transporter quelque chose en marchant... Tandis qu'avec son attelle, elle pouvait marcher et courir et se déplacer en transportant des choses, même maladroitement.

— Non, mon grand, répondit-elle finalement. Cela me rendrait la vie encore plus compliquée. Mais parle-moi un peu de toi, tu as sept ans et tu es un Trikru ?
— Oui ! Je suis un Trikru et nous vivions au nord du territoire, vers Azgeda.

Il se rembrunit brusquement et Raven serra les lèvres.

— Vous alliez où quand Clarke vous a trouvés ? demanda-t-elle.
— Vers TonDC pour faire du troc... répondit Jared. Nous nous étions arrêtés pour la nuit quelques centaines de mètres avant là où ils sont tous morts...
— Clarke pense que ta famille est décédée d'une intoxication alimentaire foudroyante, dit alors Raven. Elle ne voit aucun autre problème qui puisse tuer des adultes en pleine forme et les faire tomber comme des mouches. Vous n'avez pas mangé la même chose que les adultes, ta sœur et toi ?

Jared secoua la tête. Il avait déjà raconté l'histoire à Abby, et pour la troisième fois, c'était moins douloureux. Mais il repensait encore à sa maman qui était morte en les tenant dans ses bras, Bella et lui.

— Maman m'a dit que je ne devais pas avoir peur, dit-il alors. Elle m'a dit qu'elle partait rejoindre les esprits des anciens et qu'elle n'aurait plus jamais faim ni froid... C'est vrai ?
— Oui, répondit Raven du tac au tac. C'est vrai. Quand on meurre, l'esprit s'envole vers un autre monde où il fait toujours beau et chaud, où personne n'a jamais faim ni froid, et quand tu seras très vieux, tu iras là-bas toi aussi, et tu retrouveras ta maman et toute ta famille.

Jared esquissa un sourire.

— Tu crois que ma maman serait fière que Wanheda la remplace ? demanda-t-il.
— Oh, oui, j'en suis certaine ! Clarke est une fille très forte, elle est très solide, et elle a beaucoup d'amour à donner.
— Pourtant, elle est partie...
— Elle est partie parce qu'elle aime beaucoup Roan, et parce que voir Echo attendre un bébé de lui, lui fait beaucoup de mal. Tu es un peu jeune pour comprendre ces choses, mais sache seulement que Clarke ne vous aurait pas gardés avec elle si elle ne vous aimait pas.

Le garçon sourit doucement puis termina de grignoter son biscuit pendant que Raven finissait sa tasse de tisane. Elle le laissa ensuite pour continuer son travail, et il trouva rapidement à s'occuper en triant les outils et les matériels divers et variés qu'il dénicha dans les grandes caisses s'entassant dans la pièce.

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Roan resta dix jours complets à Arkadia et Abby l'autorisa à partir en constatant que Bella reprenait du poids de façon constante. Elle tint cependant à garder Jared qu'elle ne pensait pas en sécurité auprès de Echo.

— Je la connais depuis longtemps, dit Roan. Echo ne lui fera pas de mal, Abigail.
— Là n'est pas la question, Roan, répondit Abby. Mais Clarke m'a clairement expliqué qu'Echo semblait avoir une mauvaise conscience et Jared en est également conscient. Octavia part ce soir pour TonDC, mais Jared va rester ici. Quand vous aurez convaincu Clarke de rentrer avec vous, vous reviendrez les chercher.

Roan sentit qu'il n'avait pas son mot à dire et il préféra abdiquer. Il accepta que Jared reste à Arkadia avec sa petite sœur et il sella son cheval pour un départ une heure plus tard.

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— Tu seras sage, d'accord ? Je ne sais pas combien de temps je serais absent, cela ne dépendra que de Clarke. Tu écoutes les Skaikrus, même Emori, c'est clair ? Je le saurais tout de suite si tu n'as pas été sympa avec eux.

Jared acquiesça doucement. Il avait passé un peu de temps avec la Wastelander, même s'il avait encore du mal avec elle car elle lui faisait peur. On lui avait toujours dit que les gens qui naissaient malformés n'étaient pas de bonnes personnes, qu'il ne fallait pas les approcher, pas leur parler. Heureusement, Murphy trouvait toujours un moyen pour lui prouver qu'Emori n'était pas si méchante que ça, et même si sa main gauche lui faisait très peur, il s'efforçait de ne pas la regarder.

— Tu me promets que si Clarke rentre, elle deviendra ma maman ? osa alors Jared, d'une petite voix, les yeux plantés sur le sol.

Roan, qui allait monter en selle, cessa son mouvement, déviant son regard sur le petit derrière lui. Il accrocha ensuite les yeux de Raven, qui ne pipait mot, mais qui semblait lui demander de ne pas repousser le gamin une nouvelle fois. Il se hissa sur le dos de sa monture et la fit tourner face au portail.

— Ce sera à elle de décider, Jared, répondit-il. Je ne peux pas lui imposer une vie dont elle pourrait ne pas vouloir, pis encore, deux enfants qu'elle n'aurait pas eus, tu comprends ? Et je ne peux pas m'occuper de vous deux tout seul.

Le petit poussa un soupir agacé et pivota brusquement avant de partir en courant.

— Raven a raison. Tu ne seras jamais un bon papa, ni un bon copain pour Clarke ! s'exclama-t-il.

Roan serra les mâchoires et ne répondit rien.

— Je m'occupe de Jared, Roan, lança simplement Raven en souriant legèrement. Ramène Clarke, évite de la faire souffrir encore, elle a assez souffert pour les cinquante prochaines années, tu ne crois pas ? Oh, et occupe toi d'Echo, aussi. La pauvre fille est malade de jalousie, elle ferait n'importe quoi pour toi, tu le sais très bien. Ce serait la moindre des choses à faire.

Roan resta silencieux, hocha la tête, observant un moment Raven qui tourna les talons et tentait péniblement de courir vers Jared. Dans un dernier soupir, il tourna bride et quitta Arkadia au galop. Si Abby disait vrai, alors il avait une grosse semaine de voyage, tout droit en direction du nord, avant de retrouver Clarke. Il espérait simplement qu'elle n'avait pas de nouveau filé entre temps...

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À la maison de Clarke pendant ce temps, ignorant complètement quand Roan allait débarquer, Clarke et Bellamy continuaient leur petite vie de reclus la société. Cela faisait un mois et demi que Bellamy vivait avec la jeune femme et ils avaient trouvé leur routine, une routine qui semblait plaire à Clarke.

— Petit-déj' !

Bellamy leva la tête du tas de paille qu'il retournait, et regarda les deux chevaux. L'étalon de Clarke et sa jument s'ignoraient superbement, chacun en train de manger, et le jeune homme posa sa fourche et regagna la maison. Il déposa ses bottes sur le perron et entra.

— Oh, tu as fait des œufs ? demanda-t-il.
— Oui, j'en avais acheté au dernier marchand, il fallait les manger rapidement.
— D'ailleurs, il faudrait racheter du grain pour les chevaux, répondit Bellamy. Le sac tiendra encore quelques jours, mais tant que l'herbe n'est pas suffisamment nourrissante...

Clarke hocha la tête et déposa la poêle sur la table. Bellamy se servit des œufs brouillés et du café, tandis que Clarke surveillait des tranches pain en train de griller dans une poêle.

— Ça fait plus d'un mois que tu es ici, dit alors la jeune femme. Heda ne va pas s'inquiéter ?
— Non, il est conscient que toi et moi, on a un lien très fort, et comme la majorité des Terriens, il ferait tout pour Wanheda...

Il grimaça et Clarke rigola en secouant la tête.

— Tu crois que Roan est parti de Polis ? demanda-t-elle alors. Il a dû rentrer maintenant, le temps devient trop chaud pour eux...
 — Quand je suis parti, les Azgedas étaient encore en ville, mais si tu dis qu'ils ont du mal avec la chaleur, alors oui, ils ont du repartir maintenant.

Il y eut un silence puis le jeune homme ajouta :

— Tu vas l'épouser alors, ou pas ?

Clarke soupira en s'asseyant près du jeune homme.

— Je n'en sais rien... Il me fait des avances, il me promet plein de choses, et au final, il s'envoie en l'air avec sa meilleure amie et elle tombe enceinte... Comment je pourrais lui confiance ? En plus, si j'ai bien compris, il a gardé les deux enfants Trikrus, donc il a sans doute dans l'idée de les adopter et je devrais m'en occuper...
— Tu seras leur mère, c'est ce qui est le plus important pour eux, tu ne crois pas ? dit Bellamy.
— Sans doute...
— Tu n'en as pas envie ou tu n'y crois pas ?

Clarke serra les lèvres.

— Bellamy, ALIE... commença-t-elle.
— ALIE est morte, Clarke, la coupa le jeune homme. Elle est morte et tout ce qu'elle a pu te dire pendant que tu étais dans son monde, pourrait n'être que des mensonges.
— Et si ce n'en était pas, hein ? Et si nous...

Elle se tut brusquement. Personne ne savait ce qu'elle avait vu dans le monde virtuel, elle n'en avait parlé à personne encore, et comme rien autour d'eux ne changeait, elle n'en éprouvait pas le besoin. Inutile de créer un vent de panique pour une chose qui, comme disait Bellamy, pouvait très bien ne pas arriver.

— Allez, mange, dit alors la jeune femme. Les œufs froids, ce n'est pas bon.

Comprenant que la discussion était terminée, Bellamy opina et Clarke quitta alors la cuisine avec le panier de linge sale sous le bras.

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Agenouillée au bord de la rivière, Clarke ruminait sa discussion avec son ami. Elle n'avait pas repensé à Roan depuis des semaines et il ne lui manquait même pas, mais pourtant, Jared et Bella, eux, hantaient son esprit. Elle n'arrêtait pas de se demander si Echo s'occupait d'eux correctement, si elle s'était résignée quand bien même elle ne les aimait pas car il représentaient un obstacle entre elle et son Roi...

Tordant un t-shirt qu'elle venait de laver dans l'eau glaciale, Clarke s'assit sur ses talons et regarda autour d'elle. Le printemps était définitivement de retour, mais il faisait encore très froid, sous le couvert des arbres. Un froissement de feuilles attira soudain l'oreille de la jeune femme et elle tourna la tête. Un cerf se montra et ils se regardèrent un moment, aussi surpris l'un que l'autre.

— Je n'ai pas d'armes, tu ne crains rien, dit Clarke en levant les mains. De toute façons, tu es trop gros pour moi...

L'animal remua son museau, mâchonna quelque chose, puis s'en alla et disparut en bondissant. Clarke soupira par le nez. Elle pensa alors à Jared et se demanda si le petit garçon n'en faisait pas voir de toute les couleurs à Echo ou à Roan pour se venger de l'avoir fait fuir. L'idée la fit sourire et, secouant la tête, elle retourna à sa lessive en remerciant les précédents propriétaire d'avoir été extrêmement prévoyants et d'avoir fait le plein de produits non périssables comme les paillettes de savon...