Chapitre 17
Clarke tira la porte de sa chambre en s'enveloppant dans son gilet gris.
— Réflexe !
La jeune femme se retourna et saisit à une main le long bâton qui lui avait lancé Echo. Elle le fit tourner et le posa sur le sol près de son pied en haussant un sourcil. La Terrienne sourit et s'approcha.
— Bravo, félicita-t-elle. Un entraînement ce matin, cela tente-t-il Wanheda ?
— Il est neuf heures du matin et il neige, répondit la concernée.
— Et alors ? Je m'entraînais contre Roan en plein blizzard quand j'avais ton âge...
— Tu es loin d'être âgée, Echo, répondit Clarke avec un sourire. Très bien, allons dehors, mais avant, laisse-moi avaler quelque chose.
Echo opina et annonça qu'elles se retrouvaient dans le corral, profitant du départ d'un groupe de chasse pour avoir l'espace libre. Le sol piétiné par les chevaux et gelé rendait l'entraînement encore plus sportif et Echo adorait ça.
Clarke descendit donc à la salle à manger et sourit à Roan quand elle entra. Il était occupé à lire un livre, installé devant la cheminée, et la jeune femme alla se servir à manger avant de le rejoindre.
— Encore ce livre ? dit-elle. Tu es dessus depuis au moins trois semaines...
— J'ai peu de temps pour lire, rétorqua le Roi d'Azgeda. Je ne passe mes journées à flâner dans le manoir, moi...
— Oh, c'était petit ça, répondit Clarke.
Roan lui sourit de façon victorieuse et Clarke mangea un morceau de biscuit au sucre. Elle posa ensuite l'assiette sur le canapé près d'elle et tendit les mains vers le feu de cheminée.
— Je vais m'entrainer contre Echo ce matin, dit-elle alors. Dans le corral.
— Oh, intéressant. Quelle arme ?
— Bâton apparemment. Elle sait que je n'aime ni cette arme, ni le corral, répondit la jeune femme en grimaçant.
— Tu sais, si tu deviens ma femme, il va falloir que tu saches te battre, répondit Roan d'un air de rien en retournant à son livre.
Clarke se renfrogna aussi sec. Elle récupéra son assiette et entreprit d'avaler son petit-déjeuner avant de filer se changer.
Roan rigola doucement dans son livre. Cela faisait trois semaines que la tentative d'assassinat contre Heda avait eu lieue dans ce même salon et Clarke vivait ici depuis bientôt deux mois. Quand tout le monde eut été remis, Heda avait organisé un sommet des Ambassadeurs pour mettre les choses au clair concernant Wanheda, et lui, Roi d'Azgeda, n'avait rien trouvé de mieux à dire qu'il comptait épouser la jeune femme prochainement, qu'il était donc inutile de continuer à envoyer des gens pour tenter de la kidnapper. Évidemment, cela avait fait jaser les Ambassadeurs qui avaient protesté en disant qu'il n'avait pas le droit de s'approprier le Commandant de la Mort et, coincée, Clarke n'avait pas eu d'autre choix que d'approuver les paroles de Roan en disant qu'elle s'était d'elle-même installée ici, en terre Azgeda. Elle avait été aussi convaincante que possible en disant qu'elle se plaisait dans ce clan, mais Bellamy n'avait pas été dupe, il la connaissait bien mieux que n'importe qui et il le lui en avait fait la remarque dès la fin du sommet.
Roan se souvint d'avoir assisté, indépendamment de sa propre volonté, à la discussion entre les deux amis, le lendemain du sommet, dans la chambre de celle-ci. Heda et ses Conseillers avaient passé un mois à Otawa, et pendant tout ce temps, Clarke et Bellamy ne s'étaient quasiment pas lâchés. Roan en avait d'ailleurs éprouvé une espèce de jalousie en les voyant rigoler et s'amuser entre eux dans la neige, mais Heda avait su lui parler en lui disant que les liens qui unissaient Wanheda et Bellamy n'auraient aucun égal dans ce bas monde, qu'ils s'aimaient autant qu'il était possible d'aimer quelqu'un, mais qu'ils s'interdisaient d'être ensemble pour ne pas souffrir.
Relevant le nez de son livre, Roan regarda les flammes dans la cheminée. Clarke n'avait pas reparlé de cette annonce de fiançailles en bonne et due forme qu'il avait faite sans lui en avoir parlé. Est-ce qu'elle l'avait oublié, est-ce qu'elle n'en tenait pas compte ? Elle se renfrognait et parfois rougissait quand il lui en parlait, mais elle ne lançait jamais le sujet. Peut-être qu'ils devraient en parler clairement entre quatre yeux ?
En entendant de coups de bâtons dehors, le Terrien quitta son fauteuil et s'approcha des hautes fenêtres. Il avait une vue sur les écuries et donc sur le corral où les chevaux étaient parqués le temps que quelqu'un s'occupe d'eux. Il avisa aussitôt les deux jeunes femmes qui avaient entamé leur entraînement.
Depuis que Echo était revenue vivre à Otawa, après avoir passé quelques temps à Polis après la guerre, il trouvait que Clarke était moins sur la défensive. Echo et elle n'étaient pas amies, mais Clarke avait trouvé en l'espionne une compagne certes plus âgée qu'elle, mais qui savait l'écouter quand elle en avait besoin. Et contrairement à Tihan, la servante assignée à Clarke, Echo connaissait Bellamy, elle savait quelle force avait le lien qu'il partageait avec Wanheda, et elle avait même confié à Roan qu'elle en était jalouse, qu'eux mêmes, alors amis depuis l'enfance, n'avaient pas un tel lien.
Avec un soupir, Roan décida de parler franchement avec Clarke ce soir après le dîner. Il devait savoir ce qu'elle éprouvait pour lui, ce qu'il pouvait espérer obtenir d'elle dans les prochaines semaines, les prochains mois, car lui, il était petit à petit en train de tomber amoureux d'elle...
.
Clarke leva son bâton pour parer le puissant coup asséné par Echo, et ploya le genou. Elle défit alors des doigts du bâton en baissant la tête, et Echo se redressa.
— C'était très bien, dit-elle en posant son bâton debout près d'elle. Tu commences à bien te débrouiller. Je pense que tu pourras me battre avant le printemps.
— Oh non, je ne pourrais jamais te battre, Echo, répondit Clarke en se relevant. Tu es bien trop puissante pour moi, je ne suis pas entraînée depuis mon enfance, comme toi...
— Sans doute, mais je maintiens que tu te débrouilles bien, insista la Terrienne. Allez, rentrons avant de prendre froid, dit-elle ensuite.
Clarke opina. Les vêtements humides de sueur, elle commençait déjà à grelotter. Elle se dépêchèrent de rentrer et Tihan les envoya dans leurs chambres en leur faisant monter de l'eau chaude.
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Clarke était assise sur son lit, en robe de maison. Elle dessinait au calme quand on toqua contre sa porte. Elle fit entrer et sourit à Roan.
— Je peux te parler, Clarke ? demanda-t-il en hésitant à entrer dans la chambre.
— Me parler ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Rien de grave, mais j'aurais aimé te parler de ce qui s'est passé pendant le sommet des Ambassadeurs...
Clarke serra les lèvres. Roan referma alors la porte derrière lui et s'assit au bord du lit recouvert de fourrures oranges. Un silence s'installa puis il grogna quelque chose.
— Je sais que tu m'en veux encore d'avoir fait une telle annonce sans t'en avoir parlé avant, dit-il. Mais je ne l'ai pas faite en l'air, et je... J'aimerai qu'on en parle, Clarke. Cela fait bientôt un mois que tout le monde est parti et pourtant rien n'a changé entre nous, j'ai toujours l'impression que tu es en vacances chez moi et que tu vas partir d'un moment à l'autre...
Clarke resta silencieuse une longue seconde avant de se décider à répondre.
— Quand tu as fait cette annonce, j'ai cru que j'allais te tuer sur place, dit-elle, les sourcils froncés. J'ai été contrainte d'approuver et ça m'a mise hors de moi. C'est Bellamy qui a payé, alors que c'est toi que j'aurais dû engueuler...
— Clarke, je suis vraiment désolé de ne pas avoir pris le temps de t'en parler, mais la situation était urgente... Les Ambassadeurs semblaient croire que tu étais une sorte d'esprit libre qu'il suffirait de mettre en cage pour avoir ses pouvoirs...
Clarke regarda le Terrien.
— N'est-ce pas ce que tu as fait ? demanda-t-elle. Me mettre en cage sans mon consentement ? Parce que cette annonce de fiançailles, Roan, ce n'est rien d'autre que ça...
— Non, Clarke, tu as ma parole, répondit aussitôt le Roi d'Azgeda en lui prenant les mains. Je ne t'empêcherai pas de vivre ta vie comme tu l'entends si tu deviens ma femme... Tu pourra retourner dans ta maison, ou même à Arkadia, si tu veux. La seule chose que je demande sans possibilité de négocier, c'est la nuit de noces, c'est tout...
Clarke remua les mâchoires en passant sa langue contre ses dents. Elle soupira alors et récupéra ses mains pour les poser sur celles de Roan.
— Je ne peux rien te promettre, Roan, dit-elle doucement. Je...
Elle hésita. Parler d'une chose aussi intime que ses périodes avec un homme qu'elle ne connaissait pas si bien que ça, était toujours un sujet délicat. Il lui épargna le problème.
— Si tu crains qu'avoir porté la Flamme ne mette ta fertilité en doute, alors va voir ta mère pour qu'elle te rassure, dit-il. Mais je ne te demanderai pas expressément un enfant, Clarke, parce que je sais que tu sais que quelque chose va se passer, et que je sais que tu en as très peur... Je ne suis pas stupide, personne de ceux qui étaient dans la salle du trône quand tu as été libérée de la Flamme, ne l'est. Nous avons tous vu la peur dans ton regard, cette terreur que seuls ceux qui connaissent un terrible secret, ont... Et je la vois encore, cette peur, six mois après.
Clarke baissa le nez et serra les lèvres. Roan lui caressa alors la joue et elle eut un souffle saccadé. Elle bascula ensuite vers lui et se coula sur ses genoux. Il lui caressa les cheveux et laissa glisser sa main le long de son flanc.
— J'ai beaucoup d'affection pour toi, Clarke, et beaucoup de respect pour Wanheda, dit-il doucement. Je serais vraiment honoré que tu deviennes ma femme devant les Ancêtres, même si ces sentiments ne sont pas partagés. Je peux t'offrir tout ce que tu désires, la protection, la sécurité, aussi bien que la liberté ; je peux t'offrir la paix de l'esprit tout en te gardant suffisamment occupée pour que tu ne sombres pas...
— Arrête, je t'en prie... souffla alors la jeune femme, tournée dos à lui, étendue sur son lit, sa tête sur ses genoux. C'est injuste, tu essaies de me faire céder, tu es infernal...
Elle se redressa alors sur une cuisse et il la regarda. Levant la main, il la posa contre sa joue, sa grande paluche couvrant la moitié de sa tête. Clarke ferma les yeux et soupira.
— Pourquoi moi ? dit-elle. Echo est amoureuse de toi depuis des années...
— Je le sais, répondit Roan. Et nous avons eu notre moment ensemble, mais aujourd'hui, je suis Roi et je dois penser au futur de mon peuple. Echo n'est qu'une espionne, elle est mon amie, mais elle n'est pas comme moi.
— Parce que moi, si ?
Roan hocha la tête et récupéra sa main.
— Toi, tu es encore plus qu'un Roi, plus que Heda, plus que tout, Clarke, dit-il doucement. Tu es Wanheda... Le Commandant de la Mort. Tu règnes sur la vie et sur la mort, les gens te craignent et te respectent... Et t'avoir rien que pour moi serait le plus grand honneur qu'un homme puisse avoir.
Clarke ferma les yeux. Elle avait eu trois longs mois pour penser à toute cette histoire, demandant des conseils par courrier à sa mère, à Raven, à Emori aussi, mais les trois n'avaient pas le même avis et n'étaient pas d'accord...
Rouvrant les yeux, Clarke regarda le Terrien. Elle leva la main et effleurant de l'index la cicatrice en arc de cercle qu'il avait sous l'œil droit. Se mordant la joue, elle se pencha alors et appuya ses lèvres sur les siennes. Il sourit contre ses lèvres et lui rendit son baiser. Se relevant du lit, il s'avança alors sur elle et Clarke s'étendit contre ses oreilles en brisant le baiser.
— Que comptes-tu faire, là ? demanda-t-elle. Je ne t'ai donné aucune autorisation, il me semble...
— J'avoue... sourit Roan. Mais cette robe laisse si peu de place à l'imagination que tu es irrésistible...
Clarke rigola doucement et Roan sourit de plus belle. Il soupira alors et s'allongea sur la jeune femme en posant sa tête sur sa poitrine. Clarke posa ses bras sur son dos et repoussa les longues mèches brunes.
— Quand tu seras prête, on annoncera officiellement le mariage, dit-il. Je te laisse tout le temps que tu veux.
— Roan, je ne te mérite pas, répondit la jeune femme en lui caressant le haut du dos. Tu aurais rendu Echo heureuse depuis longtemps si tu n'avais voulu toucher les étoiles...
— Je tâcherai de trouver un compagnon à Echo qui sera à sa hauteur, ne t'en fais pas...
Il soupira et sourit alors.
— Ton cœur est si calme... dit-il. Si je ne te connaissais pas, je croirais que je te fais rien...
Clarke sourit, mais ne répondit pas. Ils restèrent ainsi un long moment, tant et si bien que Roan finit par s'assoupir. Clarke reprit alors son carnet et entreprit de se dessiner, avec Roan, pour immortaliser cette scène à tout jamais.
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