Chapitre 16
— C'est dégueulasse...
— C'est ça, ou la mort, choisi.
Clarke colla dans les mains d'un Terrien un bol de pâte de pain au lait et regarda celui qui avait parlé. Il grogna, prit une cuillère et se mit à manger en plissant le nez. Trois jours s'étaient écoulés et les malades les plus légers allaient déjà mieux, nourris à coup de pain moisi trois fois par jour. Bellamy, lui, était sur pieds et s'occupait de Roan avec Echo.
— Va dormir un peu, Wanheda, dit Heda en arrêtant la jeune femme dans le couloir.
— Dans un moment, Heda...
— Non, c'était un ordre. Va dormir.
Il lui prit la jarre remplie de soupe de pain et la jeune femme soupira. Elle se frotta le visage puis gagna sa chambre et s'écroula sur son lit. Elle s'endormit dans la seconde et quand elle se réveilla, il faisait nuit noire et on avait allumé les chandelles dans la pièce.
— Ah, tu te réveilles...
— Bellamy ?
Clarke s'assit au bord du lit en repoussant la couverture qu'on avait jetée sur elle. Elle se frotta le visage et Bellamy lui tendit alors une tasse de café.
— Merci... J'ai dormi longtemps ? Comment vont les malades ?
— Tu as dormi tout l'après-midi, répondit le jeune homme. Et les malades vont mieux. Roan et trois autres sont encore dans le cirage, mais les fièvres ont diminué.
Clarke secoua la tête.
— Comme si j'avais besoin de ça maintenant, dit-elle. D'abord ma tête mise à prix, et maintenant, quelqu'un veut tuer Heda...
— Ça, c'est mon problème, Princesse, répondit Bellamy. C'était à moi de le protéger et je n'ai pas fait mon travail.
— Tu vas avoir des ennuis ? s'inquiéta aussitôt Clarke.
— Non, je pense pas, mais dorénavant, je ne vais plus le lâcher, quitte à dormir dans sa chambre.
La jeune femme hocha la tête et on toqua contre la porte. Bellamy alla ouvrir et Echo apparut.
— Il est réveillé, dit-elle simplement.
Clarke ne se le fit pas redire, elle sauta sur ses pieds en finissant le café, puis ils regagnèrent la chambre de Roan. Clarke s'avança seule vers lui et s'assit au bord du matelas.
— Hé, Majesté... dit-elle en lui prenant la main. Tu nous a fait peur... Comment tu te sens ?
— J'ai connu mieux, répondit Roan en secouant la tête. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Echo s'approcha alors et raconta comment, trois jours plus tôt, elles avaient débarqué, avec Clarke, dans un village fantôme. Bellamy enchaina en expliquant que quelqu'un avait attenté à la vie de Heda en propageant le poison des Terriens dans la salle à manger, et que grâce à Clarke, une grande partie des malades avait été sauvée. Clarke expliqua alors qu'en cas d'infection ou de grosse fièvre, il fallait de la Pénicilline pour contrer les effets, et qu'en l'absence de médicaments modernes, la moisissure sur le pain faisait un très bon substitut.
Clarke proposa ensuite de laisser Roan se reposer et une servante resta près de lui alors qu'il se rendormait. Tout le monde gagna alors la salle à manger pour dîner, mais Heda était sombre. Clarke tenta bien de lui parler, mais le jeune garçon n'ouvrit pas la bouche de la soirée avant d'annoncer qu'il allait se coucher. Il refoula Bellamy quand celui-ci voulu l'accompagner, et Clarke fit signe à deux Azgedas de l'accompagner tout de même. Les deux hommes ne bronchèrent pas et Heda jeta un regard noir à Clarke qui le défia de répondre.
— Il est choqué, Wanheda, il faut se mettre à sa place, dit l'un de ses Conseillers alors qu'ils s'installaient tous dans les fauteuils en bois garnis de fourrures du salon. Ce n'est qu'un enfant malgré son titre, et c'est la première fois qu'on attente à sa vie...
— Vous devriez rentrer à Polis avec nous, Wanheda, dit un autre Conseiller en passant sa main sur sa longue barbe grise. Personne ne s'en prendra à Heda s'il a Wanheda à ses côtés...
— Je n'en suis pas certaine, répondit Clarke en pinçant la bouche. Je suis en danger dans une grande ville, tant que le problème avec les chefs de clan n'a pas été réglé.
Bellamy baissa le nez et Clarke lui jeta un coup d'œil suspicieux.
— Tu as quelque chose à dire, lui demanda-t-elle.
— Moi, non... non, rien...
— Dis, je te connais suffisamment, maintenant, je pense, alors parle.
Bellamy regarda les deux Conseillers - le troisième était encore malade - puis il soupira et abdiqua.
— Très bien, mais ne viens pas te plaindre après, dit-il à Clarke. Roan m'a dit quelque chose, un peu après notre arrivée ici, qui pourrait régler le problème de la mise à prix de ta tête, Clarke.
— C'est-à-dire ?
Bellamy hésita. Clarke, assise à côté de lui, lui cogna alors le bras pour l'inciter à continuer et il grogna.
— Très bien, tu l'auras voulu ! lâcha-t-il. Il veut t'épouser.
Un silence pesant tomba sur la pièce et Clarke émit un son étrange avant de se reprendre.
— Euh, eh bien...
— Je t'avais prévenue, tu m'as obligé, répondit Bellamy en croisant les bras.
— Ok, bien fait pour moi, mais je...
Elle chercha conseil du regard auprès des deux Conseillers de Heda qui se penchèrent l'un vers l'autre pour chuchoter.
— À voix haute, merci, grogna Clarke en croisant les bras.
— Pardon, Wanheda, mais nous nous disions que le Roi Roan n'avait peut-être pas tort...
— Je vous demande pardon ? Enfin, je ne peux pas devenir la Reine d'Azgeda, je suis Wanheda, un titre me suffit largement !
— Ah, mais il n'a pas dit que tu serais la Reine, dit Bellamy. Juste sa femme... et la mère de ses enfants, accessoirement.
Clarke ouvrit la bouche puis la referma. Elle inspira et regarda les deux Conseillers.
— Et en quoi cela serait-il une bonne chose ? demanda-t-elle.
— Eh bien, il se trouve qu'il y a une prime sur votre tête, Wanheda, dit l'un des deux. Cette union pourrait mettre un terme à tout cela, en montrant que le Roi d'Azgeda a été le plus coriace de tous en s'alliant Wanheda en personne...
— Coriace, marmonna Clarke. On dirait que vous parlez de chiens qui se battent pour un bout de viande.
Aucun des trois hommes ne répondit et Clarke se renfrogna avant de quitter le salon. Agacée d'être traitée comme un objet, elle monta s'isoler dans sa chambre, mais en passant devant la porte close de la chambre de Roan, elle se mordit la lèvre. Dans un sens, ils n'avaient pas tort, tous les trois, mais qui pouvait affirmer avec certitude qu'ils avaient raison ? Et si, au contraire, cette union ne faisait qu'aggraver les menaces qui pesaient déjà sur elle ? Elle n'avait pas besoin de ça, elle n'était pas une récompense à elle ne savait quel duel de coqs !
Devenir la femme de Roan, la mère d'enfants qu'elle ne voudrait sans doute jamais... Ah, ils en avaient de bien bonnes, les hommes, quand ils le voulaient... Et avec ça, le peuple d'Azgeda n'était pas vraiment le plus apprécié de tous, il fallait bien l'avouer. Ils étaient considérés comme des barbares sans foi ni loi et il serait sans doute impossible de faire changer d'avis le reste du monde. Et puis, que dirait sa mère ? Ses amis ? Elle disait à qui voulait l'entendre n'appartenir à aucun clan, mais en s'alliant de la sorte à Roan, elle se plaçait implicitement comme membre des Azgedas...
Clarke soupira face à ses propres pensées. Elle s'assit sur son lit et passa une main dans ses cheveux. S'allier... Voilà qu'elle voyait cet hypothétique mariage comme un accord politique ! De mieux en mieux !
Se laissant tomber en arrière, les bras en croix, la jeune femme grogna de mécontentement. Ah, vraiment, Roan et ses idées saugrenues ! Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour pondre une telle idée - et surtout en parler avec Bellamy - et la penser comme étant la solution à tous ses problèmes ?
— Il n'y a bien que cet ours mal léché pour avoir une telle idée, soupira alors Clarke en regardant le plafond en poutres apparentes. Et me mettre le cerveau à l'envers, soit dit en passant...
Agacée, la jeune femme décida d'aller prendre l'air et se rendit aux écuries pour s'occuper un peu de son étalon qui ne l'avait pas vue depuis des jours.
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