Depuis ma plus tendre enfance, les repas s'enchainent et se ressemblent.
Non pas que ce soit le contenu de l'assiette qui est similaire à chaque fois.

Non, la similarité de la disposition de la table à ma place.
À coté de mon verre trônent cinq cachets, tous de couleurs différentes.

Je suis malade et ils me permettent de rester en vie..

Ce n'est pas à défaut d'avoir demandé à maman ce qu'il m'arriverait...

- Si je les prend pas il m'arrive quoi ?
- Tu sais très bien

Les seules fois où je lui avait demandé en espérant que les réponses soient différentes, elle me regardait avec un regard triste tout en soupirant lourdement.

Il n'y avait pas un jour où je ne les avais pas pris, pas un en mes dix neufs ans d'existence.

Puis il y'a eu ce jour, où ma fin d'adolescence rebelle m'a fait ne pas les prendre.
J'avais simulé les prendre tout en les cachant sous ma langue, je les avais recrachés lorsque je m'étais brossé les dents.

Pourquoi ai-je défié la médecine ?
Maman n'a jamais su m'expliquer ma maladie, prétextant qu'elle était trop complexe, et que les seules pistes envisageables n'étaient pas bonnes, au vu de la complexité de mon cas.

Je n'ai jamais pu en discuter avec le docteur, maman refuse que je sorte alors je vis ainsi.
Alors jusqu'à aujourd'hui je prenais les médicaments tout en me répétant ce qu'elle m'avait dit quand j'était petit :

"La pilule bleu sert à ton sang de bien circuler tout partout dans ton corps
La violette permet que tu ne perd pas la tête
La rose permet à tes muscles de ne pas s'atrophier/de s'engourdir
La jaune permet de ne pas souffrir
Et la dernière la blanche sont des stimulant c'est pour que ton cerveau donne à tes membres les commandes à effectuer."

Quand j'étais petit l'idée de perdre ma tête me faisait littéralement peur.
Je pensais que je me réveillerai un matin sans tête ! Mais avec l'âge j'ai compris que tout ceci était juste pour que je ne devienne pas fou.