Chapitre 7 | Le début du cauchemar (2)
Elle lève avec une tendresse infinie ma tête, ses doigts effleurant doucement mes joues comme pour chasser les ombres de la détresse. Mes yeux embués de larmes se plongent dans les siens. Elle est si belle à cinquante ans, même dans cette lumière pâle et fatiguée de la salle d'attente. Sa chevelure bouclée, d'un noir profond, semble presque vibrer sous les éclats de lumière artificielle, bien que quelques cheveux par-ci, par-là, commencent à grisonner, comme les premières traces d'un hiver inévitable. Ses yeux vert clair, que j'ai fièrement hérités, sont devenus des océans de courage et de sérénité. Ils transmettent toute sa force et sa confiance, me rappelant que malgré la tempête, elle est déterminée à se battre. Elle va se battre, elle ne va pas laisser la maladie prendre le dessus sur sa vie, et je dois en faire de même. Du revers de la main, j'essuie mes paupières, effleurant la peau trempée de larmes, et souris sincèrement, pour la première fois de la journée, un sourire fragile mais sincère. Je l'embrasse tendrement, le goût salé de mes larmes se mêlant au baiser, et lui promets que je vais l'accompagner dans ce combat. Je file ensuite au manoir, mes pensées tourbillonnant comme des feuilles mortes dans un vent d'hiver, les émotions partagées.
Le trajet me paraît plus long que les autres jours. Chaque minute semble s'étirer en une éternité, les paysages défilant comme un film flou. Je songe à ce que je pourrais faire pour aider ma mère. Concrètement, je n'ai pas trop de pouvoir sur la situation, mis à part être un réel soutien pour elle. Mon esprit divague entre plusieurs scénarios, les possibles et les impossibles s'entrelassant dans un remous de doutes et de désespoir, sans jamais songer à celui où l'issue serait fatale. Les voix des passants, le bruit des pneus sur l'asphalte, tout semble lointain, comme une bande sonore indifférente à ma détresse. Ce n'est qu'en arrivant au manoir que je commence à penser que l'argent pourrait résoudre nos soucis. La perspective d'une solution financière, aussi fantaisiste soit-elle, surgit comme un phare dans l'obscurité. Il est certain que si nous étions à l'aise financièrement, ma mère pourrait se payer les meilleurs médecins, qu'elle pourrait accéder à des cliniques privées et monter dans la liste des greffes de foie. Mais la réalité se rappelle brusquement à moi, tranchante et implacable. Mais de nouveau, il ne s'agit que d'un scénario tout droit sorti de mon imagination. Une rêverie évanescente, un mirage que la dure réalité ne permettra jamais de toucher. Cela ne se réalisera pas.
Ce matin, je suis de nouveau assignée au ménage de la salle de réception. Cependant, aujourd'hui, je ne parviens pas à apprécier la décoration. Les lustres en cristal suspendus au plafond, dont les facettes captent la lumière d'une manière presque aveuglante, ne parviennent pas à élever mon esprit. J'éprouve au contraire un certain dégoût pour cette pièce et l'ensemble de ce manoir. Les murs ornés de panneaux de bois sombres, les tapis persans aux motifs opulents, et les immenses tableaux encadrés de dorures ne font qu'accentuer le contraste avec la tourmente qui m'habite. Cette famille est si riche qu'elle peut se permettre d'acheter des objets hors de prix à déposer dans ces immenses vitrines, sans que personne n'y retouche ensuite. Je me surprends à détailler les objets précieux avec une attention morbide : les œufs en émail, d'un raffinement presque cruel dans leur éclat, reposent sur des coussins de velours comme des reliques d'un autre temps. Je suis persuadée qu'ils ont oublié l'existence de ces œufs. Ils sont peut-être juste des ornements poussiéreux dans un monde où l'exubérance ne connaît pas de limites. Je pourrais en voler un, sans que mon crime ne soit repéré.
Bien sûr que je plaisante. Le murmure de la culpabilité me rappelle rapidement à l'ordre. Jamais je ne volerai. Mais plus les minutes passent, plus mes yeux s'attardent sur ces œuvres joaillères. Les reflets chatoyants des pierres précieuses et des métaux précieux semblent se moquer de mon désespoir, chaque éclat rappelant cruellement ce que nous n'avons pas. On pourrait en tirer facilement quelques milliers d'euros. Un seul de ces œufs pourrait nous offrir un meilleur avenir à ma mère et moi. Je rêve d'un futur où les dettes et les incertitudes s'évaporeraient, laissant place à un horizon plus serein.
— Non Mia ! je me dis à moi-même.
Je réalise que, dans mon état de désespoir total, j'ai sérieusement songé au vol. Un tourbillon de pensées obscures a envahi mon esprit, une déviation dangereuse de mes valeurs fondamentales. Un acte qui va à l'encontre de tous mes principes. Moi, qui prône toujours l'honnêteté et la loyauté, comment ai-je pu une seconde penser à cela ? La honte m'étreint, me serrant dans ses griffes acérées. Je me déteste un instant et me promets que ce genre de pensées ne reviendra jamais.
Je poursuis mon travail, en me concentrant soigneusement sur chacune de mes tâches. Chaque coup de chiffon semble plus lourd que le précédent, chaque mouvement est un effort conscient pour échapper à l'obscurité de mes pensées. J'essaie de ne pas penser à ma mère, mais cela m'est impossible. Aucun rayon de soleil ne semble traverser les sombres nuages de mon esprit. L'angoisse a pris le contrôle de mon être.
En fin d'après-midi, épuisée et accablée par le poids de la journée, je trouve un coin tranquille dans le jardin du manoir. Je m'assois sur un banc en bois, rugueux et imprégné du froid persistant de l'hiver, dont les lattes sont encore fraîches du froid de l'hiver. Autour de moi, le jardin est encore endormi sous le manteau du début du printemps. Les branches nues des arbres se dressent comme des silhouettes squelettiques contre le ciel gris, et la terre, encore détrempée, respire la promesse d'un renouveau lointain. Les rosiers, à peine réveillés, montrent de maigres bourgeons prometteurs, mais aucune fleur n'a encore éclos pour égayer le paysage. Leurs tiges dénudées sont comme des doigts tendus vers un ciel incertain. Je ferme les yeux et respire profondément, essayant de trouver un semblant de paix intérieure. L'air est vif, presque piquant, comme une caresse glaciale sur ma peau, et il porte avec lui une promesse d'éveil, un souffle de renouveau qui semble presque intangible. Le jardin, bien que dépouillé de ses couleurs estivales, me rappelle que la nature est résiliente et que les cycles de vie continuent malgré les épreuves.
Soudain, le visage souriant de ma mère apparaît dans mon esprit. Elle est là, dans un halo de lumière dorée, me parlant avec cet éclat dans les yeux qui me réchauffait le cœur. Je me rappelle de nos promenades dans le parc lorsqu'elle me racontait des histoires sur chaque plante et chaque arbre. Ses récits enchâssés dans des éclats de rire et des anecdotes, comme des trésors enfouis dans ma mémoire. Ces souvenirs, bien que douloureux à évoquer en ce moment, me donnent la force de continuer. Chaque souvenir est une étincelle dans l'obscurité, une lumière guidant mes pas hésitants. Je sais que je dois me battre pour elle, même pour nous.
Alors que je me lève pourretourner à l'intérieur, je prends une dernière inspiration, imprégnant mespoumons du parfum frais des bourgeons, et me promets de ne pas laisserl'angoisse me consumer et de trouver des moyens, même petits, pour apporter dela joie et du réconfort à ma mère. La fraîcheur de l'air me rappelle que chaquesouffle est une victoire, même dans la tourmente. La journée est peut-êtresombre, mais je dois croire qu'il y a encore de l'espoir quelque part, cachéderrière les nuages.
***
Bonjour, ça va ?
- Qu'avez-vous pensé du chapitre ?
- Mia va-t-elle faire quelque chose de malhonnête et à l'encontre de ses principes ?
- Est-ce que la situation se règlera selon vous ?
- Qu'attendez-vous de lire ensuite ?
Merci pour votre soutien, cela m'encourage énormément !
xoxo
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