Zeik avait la tête pleine d'images.

Il s'imaginait en tenue de basket, courant sur le parquet ciré d'un terrain, le ballon volant d'un bout à l'autre, passant de joueur en joueur. Volé, perdu, repris. Le frémissement du filet, lorsque le ballon traversait le panier. Les sifflements de l'arbitre, les crissements des chaussures sur le sol.

Un sourire niait au visage, les yeux fermés, l'adolescent s'y croyait vraiment.

Lui...

Il l'imaginait aussi, parmi le public. Il revoyait son visage souriant. Le sourire de cette personne qu'il ne connaissait même pas.

- Zeik ?

Il rouvrit les yeux.

- Tu es avec nous ?

Ses parents le fixaient comme s'il était un phénomène de cirque. Pour une fois que son père regardait autre chose que son assiette durant le repas, cela en était presque flatteur.

- J'avoue que non, pas du tout.

- Toi tu es amoureux !

Zeik reposa sa fourchette qu'il venait tout juste de prendre. Ils n'allaient pas s'y mettre eux non plus. Il en avait eu assez avec Sâme.

- Maman ! Tu ne vas pas revenir sur le sujet !

- Pourquoi pas ?

- Parce que je ne suis pas amoureux.

Le pain eu raison de son père. Ce dernier le força à se concentrer sur quelque chose qui se mangeait, plutôt que son fils.

- Pourquoi es-tu dans la lune alors ? Questionna son père entre deux bouchés.

Même concentré sur son assiette, ou son morceau de pain, il continuait à suivre les conversions ?

- Dans deux jours il y un match amical au lycée.

- Mercredi après-midi ?

- Oui.

Après le passage du pain, l'assiette de monsieur Kaîda aurait pu être rangé dans le placard, sans passer par le lave-vaisselle. Elle était aussi propre qu'avant son utilisation !

- Tu resteras sur le banc, comme les trois autres matchs ?

Zeik secoua la tête, un air à la fois fier et vexé sur le visage.

- Les trois autres fois, je n'étais là qu'en tant que remplaçant et ils n'ont pas eu besoin de moi. Cette fois c'est différent. Je joue en tant que titulaire !

- Ils ont enfin reconnu ton talent !

Zeik regarda son assiette. Il ne savait même pas comment nommer le plat qu'il avait juste en face de lui.

- Oui et non. L'un des joueurs titulaires est blessé. Le coach a voulu que je prenne sa place. Ce n'est que pour un match et il n'est même pas officiel. Mais je vais jouer !

- C'est un début en effet !

- Oui. Vous viendrez me voir mercredi ?

Sa mère lui offrit le plus beau sourire qu'elle pouvait faire.

- Évidement !

***

Zeik n'avait jamais vu les gradins du grand gymnase aussi plein.

Ce n'était pas le premier match de l'année que l'équipe disputait, toutefois, c'était le premier qu'ils faisaient au sein même du lycée. Ce n'était qu'un simple match amical, pourtant parents, amis et professeurs étaient venu les voir. Troisième rangée en partant du haut, Zeik vit ses parents et Sâme. La jeune fille était venue avec son copain.

Le garçon craignait que cela ne se termine en complot contre lui.

- Ce n'est pas le moment d'être dans la lune la nouvelle star !

Zeik reçut un ballon sur la tête.

- Zeik, l'échauffement n'est pas fait pour rêver.

Le coach s'y mettait aussi.

L'adolescent se passa la main dans les cheveux. En attrapant le ballon que le capitaine lui avait lancé dessus, il jeta un coup d'œil à l'équipe adverse.

Une équipe lycéenne, tout comme eux. Leur couleur de maillot, le vert et le blanc. Cela ne s'accordait pas avec le noir et le rouge de leurs propres maillots.

Une manie chez Zeik, depuis qu'il avait commencé le basket. Il aimait quand les couleurs des deux équipes s'accordaient entre elles. Quand ce n'était pas le cas, il était presque certain de gagner le match et haut la main. Une manie vaniteuse et une prétention que le garçon avait toujours en match. Il savait que ce n'était pas bon, il n'arrivait pas à se défaire, même s'il le voulait.

D'un geste totalement informe Zeik lança le ballon. Il tapa le panneau et retomba dans le panier.

- Coach, capitaine, je suis prêt.

Nathan se contenter de détourner la tête, cachant ainsi le soupir qu'il venait de lâcher.

- Parfait, nous allons commencer.

Le coach siffla, les joueurs se rassemblèrent. Zeik regarda le capitaine adverse. Un blond pas très grand pour un joueur de basket. Quoique, Zeik n'était pas plus grand que lui. La taille aidait, mais ne faisait pas le joueur.

Ce capitaine avait envie de vaincre, cela se voyait dans son regard. Il semblait manquer de sûreté. Ils étaient débutants et le capitaine ne savait pas comment s'y prendre pour gérer la situation. S'il manquait de rage, cela pouvait être fatal pour le moral de l'équipe entière.

- Zeik, tu rêves encore !

- Non capitaine, j'analyse mes adversaires.

- Ne nous fais pas perdre la nouvelle star.

- Ne t'inquiète pas pour ça...

Les joueurs se mirent en place.

Un nouveau coup de sifflet, le match commença.

Le ballon vola haut, avant d'être pris, par l'équipe adverse. Tous courraient sur le terrain, le ballon ne s'arrêtait jamais, passait de mains en mains, d'une équipe à l'autre. Il traversait les filets, au rythme des scores qui augmentaient.

Les spectateurs félicitaient, applaudissaient, huaient. Pour eux, ils étaient autant sur le terrain que les joueurs.

Zeik les observaient tous, suivant les mouvements quand il fallait monter en attaque, ou descendre en défense. Il affronta chaque joueur adverse en un contre un. Face à lui, tous passèrent, une fois, deux fois, parfois même trois fois. A aucun moment il n'eut le ballon, ni n'alla marquer.

Un sifflement marqua la fin du premier quart temps.

Déjà ?

- Tu nous as fait quoi là Zeik ?

Le capitaine, déjà tout en sueur, le fixait du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix. Zeik regarda le panneau des scores. Les adversaires étaient au-dessus d'eux, de six points. Pas si mal pour des débutants.

- Tu te ventes de m'avoir battu, mais en match, tu es incapable de faire quoi que ce soit ! Maintenant c'est eux qui mènent.

Le capitaine écarta l'adolescent sans ménagement.

- Coach on fait un changement de joueur. Zeik n'est pas apte à joueur ce match !

Monsieur Hector regarda successivement le capitaine et Zeik. Il semblait être du même avis que Nathan.

- Kyaputen (capitaine) attend ! Je ne fais qu'utiliser la même stratégie utilisée contre toi ! D'abord j'observe leur manière de jouer, ensuite je passe à l'action. Je ne peux pas y arriver si je ne fais que les regarder de loin. Je dois... l'expérimenter ! C'est comme ça que cela fonctionne le mieux ! J'observe mieux quand je suis sur le terrain.

Zeik essuya la sueur qui perlait à son front.

- Coach, quand j'étais au Japon, le premier quart temps était toujours, pour notre équipe, notre quart d'observation et d'analyse. Ils menaient le match et nous, nous les comprenions au mieux. Ce n'était quand connaissant nos adversaires sur le terrain, que nous arrivions à vaincre. Les vidéos regardaient au préalable ne suffisait pas toujours. Il nous faut toujours notre quart ! C'est une technique qui n'aboutissait pas à chaque fois mais qui a plusieurs fois fait ses preuves.

A son tour, l'adolescent regardait à la fois le capitaine et le coach.

- Ils perdront l'avantage dans le second quart temps.