12. Réveil du passé
La boulangerie ouvre finalement ses portes une vingtaine de minutes plus tard. Installé au sommet d'une cage à poules, je profite de la vue. La ville s'éveille notamment avec les voitures prenant une direction inconnue. Je quitte mon perchoir pour rejoindre Malcolm et Astrée. Je suis surpris qu'ils s'entendent aussi bien. Lors de notre séjour au camp, Astrée éprouvait une grande colère à notre sujet. Je ne pensais pas faire de mal, mais juste aider Milo à prendre confiance en lui, ce qui a fonctionné.
Je frotte mes mains sur mon pantalon puis décide de me rendre à la boulangerie. Nous n'avons peut-être pas encore décidé du programme du jour cependant je ne veux pas perdre de temps. Mes amis décident de me suivre en discutant toujours d'une chose que je ne comprends absolument pas. A mon grand soulagement, la boulangerie est ouverte avec une agréable odeur provenant de la boutique. Nous pénétrons à l'intérieur à la recherche de bonnes choses à manger pour le petit-déjeuner.
― Bonjour, que puis-je vous servir ?
Le boulanger est un homme d'une cinquantaine d'années avec une calvitie. Il ne cache pas sa surprise en découvrant nos tenues actuelles. Nous passons certainement pour des dingues, mais on ne compte pas rester alors ce n'est pas un problème. Astrée se penche en avant pour lire les étiquettes. Il fronce les sourcils puis se tourne vers nous en haussant les épaules.
― Notre boulangerie est une franchise provenant tout droit de Lyon, une grande ville en France. Nous possédons une gamme exclusivement française tout en conservant la saveur française. Pour un bon petit-déjeuner, je ne peux que vous conseiller des croissants ainsi que des pains aux chocolat. Pour les amoureux des fruits, notre boulangerie propose également des pains aux raisins qui sont un véritable délice.
Le boulanger se lance dans un exposé des créations françaises les plus appréciées. Je ne doute pas du talent de cet homme, mais je commence à avoir un sérieux mal de crâne. Astrée parvient à interrompre son monologue en choisissant les croissants et les pains aux chocolat. Un choix qui convient à tout le monde. Nous quittons la boulangerie avec soulagement, cet homme était bien bavard !
Nous prenons la direction du supermarché du coin pour acheter du jus d'orange afin d'accompagner le tout. Quelques regards curieux se tournent dans notre direction lorsque nous pénétrons à l'intérieur. Il n'est pas courant de voir quatre adolescents débarqués à une heure aussi matinale en pyjama. Je frotte mes mains l'une contre l'autre pour me réchauffer, la climatisation est activée à fond.
― Avec ou sans pulpe ? demande Astrée.
― La pulpe est une abomination, marmonné-je.
― Qu'est-ce que tu as exactement contre la pulpe ?
― Dans la bouche c'est écœurant, je ne sais pas comment on peut boire ça.
Nous débattons quelques minutes puis décidons de prendre deux bouteilles. Malcolm extirpe quelques pièces pour payer notre nouvel achat. Il s'empare d'une brochure présentant la ville puis quittons le supermarché. Je tiens les bouteilles tandis que Malcolm s'empresse de lire le contenu concernant la ville.
— Mansworth est une petite ville appartenant autrefois à une riche famille française. L'architecture est librement inspirée de ce que l'on retrouve en France tout en ayant une touche américaine. Boulangeries, pâtisseries et café typiquement français ! On est à Paris sans avoir payer les billets d'avion !
Astrée lui arrache la brochure des mains pour consulter elle-même les informations sur Mansworth.
— Le manoir appartenant à la famille fondatrice est désormais un musée dans lequel on retrouve leurs possessions notamment des robes, costumes et vaisselles de l'époque ! Ça a l'air très intéressant, on pourrait y aller ?
— Il y a une magnifique plage pourquoi visiter un vieux manoir poussiéreux ? Nous sommes en vacances, Astrée ! m'exclamé-je.
Celle-ci lève les yeux au ciel.
― On peut également s'instruire pendant les vacances, Alex. Je trouve que cela serait une bonne occasion de se renseigner sur la culture locale et en apprendre davantage sur l'endroit où nous nous trouvons.
― Un profond ennui, si tu veux mon avis !
― Arrêtez de vous disputer tous les deux ! Inutile de nous battre pour décider quel plan est le meilleur, ceux qui veulent visiter le manoir iront avec Astrée et ceux qui veulent aller à la plage iront avec Alex. Pourquoi se prendre la tête pour un rien ?
Astrée le remercie en souriant puis continue sa lecture sur l'architecture inspirée du style français. Je cesse d'écouter pour me focaliser sur une silhouette au loin attirant mon attention, durant une brève minute je suis certain que c'est Maël, mais c'est impossible. Le monde entoure de moi s'efface lorsque je pose mon regard sur lui. Pourquoi serait-il présent ? Nous avons rompu et l'univers n'est pas aussi cruel de m'imposer sa présence.
Je sens une main serrée mon épaule, ce qui me ramène dans le monde réel. Je secoue la tête effaçant la vision de mon ex petit ami.
― Tout va bien ? Tu fixes le vide depuis quelques minutes sans rien dire ? demande Malcolm.
― Ouais bien sûr.
Je vois bien que Malcolm ne me croit pas, mais je m'en fiche. Il est hors de question de confier mes peines de coeur alors que nous débutons les meilleures vacances de nos vies. Je lui lance mon plus grand sourire en attrapant son bras.
― Allons-y ils vont mourir de faim à nous attendre !
― Parce que tu crois vraiment que Milo est réveillé ?
― Je lui jetterai des miettes pour le sortir de son profond sommeil.
Nous connaissons tous le sommeil profond de notre ami et son incroyable capacité à se lever à partir de midi. Je m'installe de nouveau derrière le volant, ce qui agace Malcolm cependant il accepte de me laisser conduire. Astrée continue de lire la brochure tandis que je me dirige vers la plage.
***
Skye est toujours installée sur le sable, un crayon dans la bouche et un crayon de couleur dans la main. Elle ne remarque pas tout de suite notre présence, mais lève les yeux lorsque Malcolm secoue le sachet contenant notre petit-déjeuner. Elle coince la page de son cahier avec les crayons puis quitte sa place.
― Le beau au bois dormant est toujours profondément endormi, déclare-t-elle.
― Ta technique des miettes est toujours d'actualité ? me demande Astrée.
― Balancer de l'eau serait plus efficace, ajoute Malcolm.
Une faible musique familière attire brusquement mon attention. Je regarde autour de moi à la recherche de la source de cette mélodie, mais nous sommes seuls sur la plage. La mélodie semble provenir directement de la tente ! Il ne m'en faut pas plus pour ouvrir et découvrir mon meilleur ami parfaitement éveillé, son portable dans la main.
― Ce n'est pas ce que tu crois ! s'exclame-t-il.
― Les portables sont interdits durant ce séjour !
Je lui arrache le mobile des mains puis fronce les sourcils en reconnaissant le jeu favori de mon ami : Genshin Impact. Il est parvenu à me convaincre de jouer uniquement en me montrant les plus beaux personnages. Je suis devenu accro en seulement quelques jours au plus grand bonheur de Milo. Celui-ci tente de reprendre son portable en fulminant.
― Tu sais bien que la nouvelle bannière est arrivée, il faut que je fasse quelques voeux ! J'ai économisé pendant quatre mois pour l'obtenir, accorde-moi au moins ça ! Je ne toucherai plus du tout à mon portable, c'est promis.
― Arrête de faire ce regard, je vais craquer !
― Je t'en priiiiiiie !
Je soupire puis cède finalement à son envie de faire des voeux pour obtenir le personnage de ses rêves. Une minute s'écoule en silence lorsque Milo explose de joie en secouant son portable sous mes yeux. Le personnage de Kazuha est officiellement débloqué ! J'éprouve tout de même une certaine jalousie, j'aurais voulu l'avoir aussi.
— Bon maintenant que tu as eu ce que tu voulais, peux-tu me donner ton portable ? Des vacances loin de tout, c'est la règle tu te souviens ?
— Ouais ouais.
Milo accepte de me donner son portable en ne camouflant pas la joie d'avoir obtenu ce qu'il voulait. Je soupire puis range l'appareil au fond de ma poche en me promettant de le mettre dans la petite caisse en plastique achetée pour l'occasion. La seule chose actuelle que nous tolérons c'est la musique dans la voiture.
Nous quittons la tente pour rejoindre les autres et débuter notre premier petit-déjeuner ensemble. Astrée déplie la couverture puis dépose le sachet de pains au chocolat ainsi que des gobelets et la bouteille de jus d'orange. Milo croise le regard de Malcolm puis le détourne aussitôt. L'alchimie entre eux est toujours bien présente. J'arriverais à les réunir une seconde fois.
— Pendant que tu « dormais » nous sommes allés en ville pour découvrir les activités locales et acheter de quoi bien manger, explique Astrée.
Elle arrache un morceau de son pain au chocolat puis en mâche un morceau avant de prendre de nouveau la parole. Je me contente de boire mon jus d'orange encore ébranlé par la présence fantomatique de mon ex. Quand vais-je être capable de parler de lui ? Quand serais-je suffisamment en confiance pour aborder mon ancienne relation ? Maël hante ma vie malgré moi.
Je regarde les vagues au loin accompagnées d'une odeur marine. Je ferme les yeux une brève seconde en me remémorant notre relation. Le goût de ses lèvres, l'odeur de son parfum et ce sentiment de protection. Suis-je aussi immature qu'on me le dit ? Max dit que je garde mon âme d'enfant, ce qui me rend incroyable. Mais il est peut-être temps pour moi de ne plus être un gamin et accepter d'entrer dans le moule de la société. Il le faudrait bien pour le bien-être de tout le monde.
— Tu n'as pas encore touché à ton petit-déjeuner et je risque fortement de te le voler. Bon, tu veux bien parler de ce qui te tracasse ?
Milo est très observateur et remarque bien lorsque je m'enferme dans ma « bulle » qui m'emprisonne malgré moi.
— Devenir adulte est une chose angoissante. Pourquoi doit-on abandonner notre côté loufoque et nos idées extraordinaires ? Quand je vois toutes ces personnes arpenter les rues avec un air sérieux, je me demande si c'est ce que je veux être.
— Certains n'ont pas la possibilité de réaliser leurs rêves à cause de nombreux obstacles, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont malheureux actuellement. Ils ont juste perdu cette envie de suivre leurs rêves.
Je baisse les yeux.
— Ce n'est pas ce que je veux.
— Personne ne peut t'imposer une telle chose, Alex. Tu n'as pas encore trouvé celui que tu voulais être dans la vie, mais chaque chose en son temps. N'oublie pas que tu n'as que dix-neuf ans !
Milo presse mon épaule en me souriant. Les rôles se sont inversés depuis notre rencontre, mais c'est plaisant. Je sais au moins que mon meilleur ami est totalement épanoui et ne cherche plus à se camoufler. C'est au moins une chose que j'ai réussi à accomplir dans ma vie.
01.10.2022
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