11. Au coin de la balançoire
La feuille devant mes yeux comporte des formules de mathématiques incompréhensibles. Je frotte mes paupières en espérant me remémorer certains cours, mais c'est peine perdu. Il est inutile de me forcer à comprendre une chose à laquelle je n'ai accordé aucune importance. Mon coeur bat la chamade au milieu de ces étudiants qui semblent totalement dans leur élément. Qu'est-ce que je fiche ici ? Est-ce que c'est vraiment ce que je souhaite ? Je serre fermement le crayon dans ma main en retenant un hurlement.
― Les études est une chose essentielle pour se construire un avenir.
Mon père est debout face à mon pupitre, la mine sombre. Je ne me souviens pas de la dernière fois où je l'ai vu sourire pour la dernière fois. Peu importe mes choix, je serais éternellement un échec pour lui. Je baisse les yeux pour ne pas croiser le sien, mais celui-ci frappe violemment le bureau pour attirer mon attention.
― La vie ne se résume pas à s'amuser !
― Alors quel est le sens de la vie ?
Je me réveille couvert de transpiration, le coeur battant à toute vitesse. Malcolm et Milo dorment profondément et je n'ai aucune envie de les réveiller. Je m'extirpe de mon sac de couchage le plus discrètement possible puis sors de la tente. Le ciel est lentement en train de se colorer par des tons matinaux. La température de l'air est agréable, ça fait du bien de ne pas brûler sous une chaleur étouffante.
Toutes nos affaires ont soigneusement été rangées avant d'aller nous coucher par crainte qu'une personne malintentionnée ne profite de cette occasion pour voler. Je décide de cette occasion pour marcher au bord de la mer afin de savourer l'air marin. Il n'y a personne pour gâcher cette belle vue.
― Il semblerait que je ne sois pas la seule à m'être réveillée tôt.
― Tu m'as fichu la trouille !
Perdu dans mes propres pensées, je n'avais pas remarqué la présence de mon amie. Skye est enveloppée dans un gilet, les cheveux relevés en un chignon haut avec un carnet posé sur les genoux. Elle tient fermement un crayon dans sa main et semble profiter du calme pour passer un moment seule.
Je gratte nerveusement ma nuque en cherchant quelque chose à dire. J'ai conscience de tomber au mauvais moment. Skye coince la ficelle de son carnet puis lève les yeux dans ma direction.
― Il est presque six heures du matin pour répondre à ta question.
― Qu'est-ce que tu fais debout ?
Elle hausse les épaules.
― Je dors peu la nuit alors lorsque je me réveille je profite de ce temps pour profiter du silence. J'aime bien dessiner lorsque la vue est dégagée, mais ce n'est qu'un passe-temps. Je ne croyais pas te voir lever avant au moins dix heures.
― Une nuit agitée, j'avais besoin de prendre l'air.
Skye m'observe quelques secondes sans rien dire.
― La ville n'est pas très loin, il suffit de rouler quelques minutes pour atteindre une rue commerçante. J'ai repéré une boulangerie et un restaurant dans lequel on pourra manger ce midi.
― Tu es partie explorée toute seule ! m'exclamé-je.
La concernée lève les yeux au ciel tout en jouant avec le pendentif autour de son cou. Elle est incapable de rester en place et d'attendre notre réveil. Skye retire le sable de son pantalon puis dépose son carnet dans la tente sans se préoccuper de réveiller Astrée.
― Je ne suis pas en sucre, tu sais.
― Mais on ne connaît pas cette ville, tu aurais pu rencontrer des mauvaises personnes. Essaie de nous attendre la prochaine fois pour que tu ne sois pas toute seule. Je ne suis pas rassuré que l'un de nous se balade dans un endroit inconnu.
― Aucune inquiétude, je suis tout à fait capable de me défendre.
Elle lève les bras pour étirer son corps puis marche en direction de la mer. Je décide de respecter son besoin de solitude puis m'installe à mon tour sur le sable. L'appareil photo de Skye est soigneusement protégée dans une petite pochette avec quelques photographies à l'intérieur. Je suis content que mes cadeaux servent et conviennent à tout le monde. Il faut absolument que je trouve une boutique pour acheter le dernier appareil photo manquant.
Je reste un moment à contempler les vagues et le soleil montant de plus en plus haut dans le ciel. Je retourne dans la tente pour découvrir Malcolm réveiller avec mon appareil photo dans les mains. Il tient une pellicule sur laquelle se trouve une magnifique photographie de Milo, un filet de bave au coin des lèvres et les cheveux en bataille.
― Elle mérite d'être accrochée, non ?
― Carrément !
Nous profitons du sommeil profond de notre ami pour le mitrailler de photos. Milo se retourne en faisant une tête étrange, ce qui me fait mourir de rire. Nous utilisons cinq pellicules avant de nous restreindre. Malcolm et moi quittons la tente sans faire de bruit pour faire face aux filles en grande conversation.
― En attendant que le beau au bois dormant ouvre les yeux, on peut éventuellement se rendre en ville pour trouver de quoi nous préparer un bon petit-déjeuner et décider du programme de la journée ? suggère Astrée d'une voix douce.
― Les boulangeries ouvrent tôt, non ? demande Malcolm.
― Généralement c'est le cas, mais tout dépend de l'endroit.
Je me souviens que Skye était particulièrement douée dans la préparation de pâtisserie, mais je m'étais lamentablement planté en confondant le sucre et le sel. Nos cookies étaient abominables et ont finalement terminées dans la poubelle la plus proche. Nous convenons de laisser une personne auprès de Milo afin qu'il ne se réveille pas seul. Skye accepte la tâche puis retourne dessiner tout en prenant des photos.
Malcolm, Astrée et moi prenons la direction du sentier pour nous rendre sur le parking. Nous ne connaissons pas la ville alors il est préférable de prendre la voiture pour faire le tour. Je me rapproche de Malcolm en grande conversation avec Astrée afin de lui voler les clés de la voiture dépassant de la poche de son short. C'est une victoire ! Pour ne pas me faire attraper, je cours à toute vitesse pour mettre le plus de distance entre lui et moi.
― Alex ! Rends-moi les clés !
Malcolm tente de me rattraper, mais je suis bien trop rapide pour lui. Heureusement, le parking n'est plus très loin. J'appuie sur le bouton pour déverrouiller la voiture et me réfugier à l'intérieur en laissant mes deux amis dehors. Il me reste environ une seconde pour m'enfermer dans la voiture afin de lui échapper. J'ouvre la portière puis me glisse à l'intérieur en verrouillant à nouveau le véhicule, un sourire au coin des lèvres.
Malcolm tambourine comme un fou à la vitre tandis qu'Astrée éclate de rire. J'ai beau être un jeune adulte, je pense conserver mon aspect enfantin. Devenir un adulte est tellement ennuyeux, on en oublie de s'amuser et se détendre de temps en temps. Je m'installe derrière le volant en me demandant si Malcolm accepterait de me laisser conduire. Dans la situation actuelle, il n'aura pas vraiment son mot à dire.
― Dégage de ma voiture, Alexander !
― J'accepte de vous ouvrir à la condition de me laisser conduire.
― Dans tes rêves, elle est la prunelle de mes yeux !
Le moteur ronronne à mon contact, ce qui accentue la colère de mon ami. Je place mon pied sur la pédale pour avancer, ce qu'il remarque aussitôt. Il soupire puis hoche la tête avec une expression maussade. J'appuie sur le bouton pour activer l'ouverture des portières. Astrée s'installe à l'arrière tandis que Malcolm boude. Je règle les derniers détails pour conduire tout en plaçant mes lunettes de soleil. J'entends le bruit d'un appareil photo qui attire mon attention,
― Tu vas me le payer, je te le promets.
— J'attends impatiemment de voir ça, dis-je.
Je démarre la voiture en calant une première fois. Malcolm peste contre lui-même puis lève la main pour se tenir fermement. Je ne suis pas un mauvais conducteur tout de même ! Bon ma voiture offerte par mes parents lors de mon dix-huitième anniversaire est malencontreusement tombé dans le fossé. Un accident banal.
J'arrive finalement à nous emmener dans le centre-ville de ce coin paumé dans lequel nous nous sommes arrêtés hier soir. En soit, c'est une petite bourgade semblable qui comporte peu de choses, mais agréable à regarder. Je trouve une place devant l'unique boulangerie présente, ce n'est vraiment pas un endroit qui accueille une grande foule. Nous ne ressemblons à rien dans nos pyjamas, mais on se fiche de notre apparence.
Astrée s'approche de la boulangerie puis secoue la tête. Nous décidons de faire un peu de tourisme en attendant son ouverture et tombons sur un parc pour enfants. Les bancs sont suffisamment confortables pour s'installer en attendant que le temps passe. Malcolm consulte l'heure sur sa montre puis pousse la grille afin d'attendre. Je ne prends pas la peine de m'asseoir sur le banc puis fonce directement sur la balançoire.
― J'aime bien cet endroit, murmure Astrée.
― C'est pas mal, mais pas suffisant pour des vacances explosives !
Mon amie lève les yeux au ciel tout en prenant place sur la balançoire. Nous nous balançons en silence pendant un petit moment en contemplant le ciel s'éveiller au fil des minutes s'écoulant. Astrée pousse sur ses jambes en observant les alentours comme à son habitude. Même si nous sommes de nouveau ensemble quelque chose est différent. Nous ne sommes plus des adolescents, est-ce la raison ? Mon mal de ventre revient plus puissant que jamais. C'est alors que je sens une main serrer délicatement mon bras.
― Tu as encore cette expression, murmure-t-elle.
― Laquelle ?
― Lorsque tu es pensif, je te l'ai dit ne garde pas tout pour toi.
Je frotte mes mains sur mon pantalon de pyjama puis soupire. C'est devenu une habitude de cacher certaines choses à mes proches pour ne pas les énerver. Ma relation avec Maël a chamboulé toute mon existence et malgré mes efforts je n'arrive pas à remettre de l'ordre. Je ne suis encore qu'un enfant au fond.
― Est-ce que ce voyage est vraiment utile ? Je me demande si nous sommes encore amis et que nous n'étions pas forcés au camp. Nous avons créer des liens, mais j'arrive pas à me sortir ces idées de la tête.
― Tu crois que Skye aurait accepté de partir en vacances avec une personne qu'elle n'apprécie pas ? Nous avons nos propres raisons de t'accompagner dans ce voyage et je suis heureuse de faire parti de l'aventure.
― Il s'est passé beaucoup de choses cette année, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes plus amis. Lors de notre première rencontre, tu n'as pas hésité une seconde à m'apporter ton aide sans me connaître alors cette fois laisse-nous t'aider, ajoute Malcolm.
Je lève les yeux vers mes deux amis se tenant face à moi.
― Et si j'étais un cas désespérant ?
― Tu n'as aucune raison de chercher des excuses, nous trouverons un moyen de t'aider. La première étape est de te faire oublier ce connard qui souhaitait te changer. Milo avait raison, ton ex est vraiment une ordure, déclare Astrée.
Je devrais me sentir offensé d'entendre Astrée dire du mal de l'homme que je continue d'aimer malgré notre rupture, mais ce n'est pas le cas. Dans la vie, il faut savoir avancer pour écrire la suite de son histoire. Maël est un chapitre de mon passé et je me dois de continuer à avancer même s'il n'est plus présent.
― Une photo souvenir !
Astrée s'empare de son appareil photo emballé dans son petit sac puis immortalise le moment. Je sèche les larmes invisibles coulant sur mes joues puis quitte la balançoire. Je dois écrire la suite de mon histoire parce que ma vie ne se résume pas à un homme.
17.09.2022
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