Un Dîner Mondain
https://youtu.be/GMkmQlfOJDk
Musique à lancer pendant la lecture
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La soirée bat son plein en cette fin d'après-midi. Les morceaux de verres et de cristal renvoient les lueurs des chandelles sur le parquet de bois blond. Les robes aux mille couleurs chatoyantes tourbillonnent en cadence, suivant le rythme des violons, contrebasses et violoncelles qui remplissent la salle d'une douce mélodie. Je reconnais cet air, l'ayant entendu à de multiple reprise dans le salon de musique de ma Mère lorsqu'elle faisait venir ses amies pour le thé. Composé par le grand et célèbre musicien Johann Sebastian Bach, l'acoustique de la salle de bal et l'ambiance s'accordent parfaitement aux notes s'échappant des instruments de bois. Ne sachant que jouer quelques notes sur le clavecin de notre maisonnée, je ne peux qu'admirer la dextérité des violonistes pour faire vibrer les cordes capricieuses de leurs instruments.
Volontairement, je me suis écartée de mon chaperon et frère Paul, entouré de connaissances parlant politique à tue-tête. N'ayant aucune connaissance dans le domaine, je préfère garder le silence qui m'était de rigueur, et m'approcher un peu plus des musiciens. Mon frère ne remarque qu'à peine mon départ, discutant avec passion des problèmes de la société du XVIIIème siècle. Je profite de son inattention à mon égard pour me faufiler entre les convives et ainsi admirer de plus près les instruments de bois vernis.
Resserrant mon châle autour de mes épaules, je me laisse entraîner par la mélodie, toujours aussi merveilleuse à entendre malgré mes multiples écoutes au fil de ma jeunesse. Je ferme les yeux, bercée par la musique, oublieuse du monde m'entourant et savourant cet instant de plénitude.
« Ravie de constater que Bach ne vous laisse pas indifférente, Mademoiselle... »
Je rouvre les yeux et sors de ma bulle, surprise qu'on m'adresse la parole. Un jeune homme se tient à mes côtés, et regarde en direction des musiciens qui entament à présent la fin du morceau. Ses longs cheveux, bruns nuancés de roux, sont tirés en queue de cheval basse, et son costume noir ébène lui sied assez bien malgré son aspect défraîchit.
« Un grand homme... Et remarquable musicien, vous ne trouvez pas ?
-C'est difficile de nier ceci après un aussi beau morceau, en effet..., dis-je en approuvant ses dires, me concentrant à nouveau sur l'orchestre de violonistes.
-Etes-vous musicienne, vous aussi ? me questionne-t-il, visiblement enclin à me faire la discussion.
-Non, à mon plus grand désarroi, avoué-je en baissant la tête. Je ne suis pas assez douée pour cela. Je me contente d'admirer ceux qui en jouent, et d'apprécier la musique.
-Je suis sûre que vous pourriez devenir musicienne à votre tour..., affirme-t-il en me regardant dans les yeux.
-Seriez-vous en train de me faire la cour, monsieur ? répliqué-je après un moment, un brin amusé par ses flatteries.
-Peut-être bien, Mademoiselle..., me répond-il sur le même ton.
-Je ne suis pas venue ici pour qu'on me courtise.
-Mais si vous ne vouliez pas que l'on vous aborde, pourquoi restez-vous là, sans compagnie ? Une jolie jeune fille telle que vous serait-elle venue seule, sans chaperon, à cette réception ?
-Je ne suis pas venue seule, mais j'en ai eu assez de supporter les discutions assommantes de mon frère aîné...
-Et vous recherchez ainsi une compagnie plus plaisante que la sienne, je présume ? » me coupe-t-il en me souriant d'un air narquois.
Saisissant le sens caché de sa phrase, je m'offusque :
« Détrompez-vous, monsieur, dis-je en m'écartant de lui. Vous êtes bien malpoli de parler en mon nom de la sorte. Vous avez un bien piètre opinion de ma personne ... »
Quel indélicat ! Je ne suis pas une simple femme cherchant un homme pour me conter fleurette !
Je fais mine de m'en aller en lui tournant le dos, mais il m'attrape le bras tout en se répandant en excuses :
« Veuillez me pardonner, je ne faisais que vous taquiner. J'ai été bien plus rustre que je ne le voulais. Je vous présente mes plus sincères excuses, Mademoiselle... »
Voyant son air sincèrement peiné, je décide de lui accorder une seconde chance :
« Je vous pardonne, Monsieur, mais qu'à une seule condition...
-Vos désirs sont des ordres, Madame, m'assure-t-il en s'inclinant galamment et en embrassant ma petite main gantée de satin ivoire.
Je retire gentiment mais fermement mon poignet, en cachant ma gêne du mieux que je peux. Je lui répond pour retrouver de la contenance :
«J'aimerai que vous convainquiez les musiciens de rejouer le morceau de Bach. Pensez-vous en être capable ?
-Bien évidemment. Douteriez-vous de mon charisme éblouissant, Mademoiselle ? lance malicieusement le jeune homme, pas le moins du monde offusqué par ma réaction, tout en plaçant sa main sur son cœur d'un geste qui se voulait séducteur.
-Non point, Monsieur, dis-je en rentrant dans son jeu, mais je n'en serai sûre uniquement lorsque le morceau enchantera à nouveau mes oreilles.
-Dans ce cas, c'est comme si s'était fait, Mademoiselle... Mais avant, pourrais-je au moins savoir à qui ais-je eu l'honneur d'échanger jusqu'à maintenant ?
-Appelez-moi simplement Marie.
-Marie... Quel charmant nom... Point de titre ?
-Pas de convention entre nous deux pour une fois, dis-je en accompagnant mes paroles d'un geste vague.
-Très bien, Marie Tout-Court... Enchanté de vous connaître
- Et moi de même Monsieur... Monsieur euh...
-Florian dit-il en me décochant à nouveau un sourire charmeur. Appelez-moi Florian. »
Il s'éloigne rapidement vers un contrebassiste. J'ai dû mal à voir Florian dans la foule, mais je mettrais ma main à couper que la bourse dans la main du musicien n'y était pas avant. Ce dernier rassemble le reste de la troupe et prennent rapidement une décision. L'absence de musique se fait sentir parmi les convives, et le murmure des conversations se fait de plus en plus fort dans l'assemblée de noble présent à la réception.
Je suis des yeux Florian qui monte sur l'estrade, aux côtés des violonistes et autres musiciens qui reprennent leurs feuilles noircies de notes. Le jeune homme lisse ses cheveux d'un geste nerveux, puis se décide à se lancer dans son discours :
« Mesdames, Messieurs, un peu d'attention, je vous prie. Je sais que parmi nous ce soir, il y a des amateurs de musique de chambre, tout comme moi-même. Vous avez précédemment entendu un morceau du grand compositeur Johann Sebastian Bach. Je vous le fais écouter à nouveau, juste pour le plaisir des oreilles, afin d'égayer notre si belle soirée. Je le dédie à une belle et douce jeune fille qui, je l'espère, aura l'immense bonté de m'accorder une danse ce soir. »
Ses yeux gris rencontrent mes prunelles noisette, et je tente vainement de cacher ma gêne. J'incline la tête pour confirmer ma réponse à sa demande, et il saute à terre pour se diriger vers moi :
« Ma très chère Mademoiselle Marie Tout-Court, auriez-vous envie de valser avec un humble amateur de Bach sur cette divine musique qui vous tient tant à cœur ?
-J'en serai ravie, mon ami. », dis-je en souriant.
Je prends le bras qu'il m'offre galamment et c'est tous les deux que nous rejoignons les autres danseurs sur la piste, ma robe azur tournoyant au rythme de la valse des violons que j'apprécie tant.
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