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Chapitre 20

''Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors il l'ont fait''
Mark Twain

 Il faut croire que j'ai tout de même fini par m'endormir pas trop tard puisque, lorsque l'agitation extérieur me réveille, j'ai la sensation d'être pleinement reposée et disponible pour monter la fin de ce spectacle ambitieux. En ce deuxième jour, il est prévu que nous travaillions les trois dernières scènes du spectacle, à savoir celle sur Venise, l'Inde et l'Everest. Il y a encore tant de choses à prévoir, tant de choses à imaginer, de décors à concevoir, de chorégraphies à effectuer, de figures à travailler... Je me demande comment nous allons parvenir à tout paramétrer avant la fin de l'après-midi. Le spectacle se déroulera ce soir, et nous avons à peine réussi à en faire la moitié. Et encore, nous n'avons pas tous répété ensembles, cela se fera dans l'après-midi... Je sais bien que notre spectacle ne sera pas autant élaboré que ceux des artistes qui nous aident, mais j'espère que nous pourrons tout de même être fiers de nous. Dans tous les cas, cela nous aura tous rapproché, et nous avons pu, rien qu'hier, apprendre une quantité de nouvelles choses sur chacun d'entre nous. Et échanger, des sourires, des regards, des éclats de rire. Toute cette gaieté se retrouve ce matin, au petit déjeuné. Tout le monde tente d'imaginer comment se déroulera la matinée, de quelle façon nous allons pouvoir faire naître une Venise miniaturisée sous les yeux de nos professeurs. Comment nous modéliserons l'Inde sauvage, et l'Everest inatteignable. Nous avons tous la profonde conviction que nous pouvons, en nous unissant, relever ce défi fou.

Je continue aussi à penser à ce livre, qui m'a déjà fait tant progresser sur ma confiance en moi, en les autres aussi. En la vie peut-être. Je ne dirais pas que je suis désormais optimiste et incollable sur les façons d'être heureuse en toute circonstance, mais j'avance, pas à pas. Je ne comprends toujours pas ce qu'on pourrait me souhaiter bon, qui est associé à la chance et qui manque à beaucoup. Mais j'ai à nouveau décidé de ne pas chercher le sens de toutes ces phrases. Je sais au plus profond de moi qu'au moment où, je le saurais. Ces énigmes sont, depuis le début, plus que de simples énigmes. Je ne les cherche pas, j'attends que la vie me donne les réponses. Comme si c'était là, le bonheur. Ne rien chercher, juste profiter en attendant la prochaine bonne surprise. Tiens, le bonheur ? Non, on ne prends pas son bonheur dans les mains. Tant pis. J'ai davantage évolué en laissant les choses se faire comme elles doivent que ces dernières années, où j'ai sans cesse cherché à les provoquer.

Aujourd'hui, je serais plus avec les autres. Je vais essentiellement travailler sur le dernier tableau, avec Jess. Nous sommes chargées de la partie aérienne de la fin du spectacle. En bref, je dois me lancer dans le vide depuis un cerceau suspendu, sensé représenter le sommet de la montagne, ou la lune pour les rêveurs. Et être rattrapée par Jess. Rien que ça. Bon, on ne sera pas très écartées, mais quand même, à 4m de haut, se lancer dans le vide, c'est pas rien !! Rassurons les affolés, nous serons toutes les deux fermement harnachées dans des baudriers type escalade. Les répétitions individuelles se dérouleront toute la matinée, puis nous auront l'après-midi entière pour coordonner tous nos acteurs d'un soir. Je pense que je n'en dirais pas d'avantage sur tous les merveilleux moments que nous avons passés en répétition, après les étirements et échauffements réglementaires, car cela gâcherait la magie du spectacle qui suivra ces laborieuses tentatives.

***

Est-ce vraiment la peine que je vous raconte tout ? Est-ce que cela fait sens de vous expliquer tout ce qu'il s'est passé pendant ce spectacle et pendant le voyage retour jusqu'au collège ? Je pourrais simplement dire : je suis heureuse. Ça suffirait je crois. Pas besoin de plus de mots, décrire tous nos faits et gestes casserait toute la magie du truc. Des souvenirs gravés dans ma tête avec cette classe que, malgré tout, j'ai fini par apprécier. Rien n'enlèvera tout ce que j'ai vécu, rien ne me fera oublier toute cette souffrance. Mais finalement, c'est pas plus mal. Ce voyage nous a permis de nous trouver, de nous connaître, et peut-être même de nous apprécier un peu. Tout se brouille dans ma tête, mais je me doute que vous êtes curieux de savoir comment tout cela s'est terminé, et comment j'ai trouvé la solution de cette dernière énigme présentée par le livre.

Le rideau s'ouvre, le public se tait. Je suis seule sur la piste. Immobile. Les yeux clos. J'inspire... J'expire... C'est quand je veux. Le spectacle m'attend pour commencer. On attend mes gestes, mes quelques pas de danse, muette. Et pourtant, je pourrais rester plantée là pendant des heures. Attendre tranquillement ici, assise sur cette piste sableuse, assise à la croisée des mondes, à l'aube de mon destin. Je pense à tout ce que j'ai toujours voulu exprimer, toutes ces sensations qui se mêlent en moi jusqu'à ce que je ne parvienne plus à les différencier. Je pense à Yvan enfin, mon père. Un peu. Je pense à Jess, à Léo, à tous les gens qui m'aiment et me font tenir debout. Alors, par hommage, par respect, en toute humilité, je rentre dans la peau de cette petite fille, peut-être celle que j'étais, et je me lève. Les regards sont braqués sur moi, je les sens m'effleurer, m'encadrer, me soutenir, doux et bienveillants. La musique démarre tandis que j'esquisse les premiers pas de danse. Je ne suis plus Jeny. Je suis cette fille sans nom qui n'existe que le temps d'un spectacle et qui s'évanouira ensuite comme si elle n'était jamais apparue. Elle n'existe que là, pour nous raconter son histoire, pour nous la faire vivre un peu. Elle n'existe que pour partager, pas même pour dénoncer. Je tourne autour de cette boule qui fait la moitié de ma taille. Je l'enlace, puis recule promptement, comme si elle m'avait brûlé. Je joue l'étonnée, me rapproche, méfiante. Celle boule, elle m'intrigue et me fait peur à la fois. Je me force à le ressentir pour être crédible, puis ça vient tout seul. Elle pourrait être une allégorie bleutée de ma vie. Forte, étrange, impénétrable. D'ailleurs, on ne sait pas vraiment pourquoi elle est là, ni ce qu'elle représente. Enfin, moi, je sais, mais vous, pas encore. Pour l'instant, je ne fais que jouer avec elle. Je la tapote. Elle résonne. Je sursaute, puis joue du tambour dessus, sans prendre garde, sans même me poser la question de si c'est dangereux ou non. Et puis, je me lasse, je me détourne d'elle. Je fais quelques pas, puis me ravise. Après tout, je ne suis qu'une enfant. Alors je retourne la voir, grimpe dessus, la fait danser, elle en dessous et moi dessus. Je tourne, et la fait valser avec moi. Je tombe, la gronde : elle a mal exécuté un pas de danse. Puis, je lui pardonne, et retourne jouer avec elle, sans un mot. Et puis tout à coup, la musique s'arrête net. Bruits de tonnerre. Bruits de fusils. Des cris. De partout. Je me sens encerclée. Je me cache derrière ma boule, essaie de voir ce qu'il se passe.

Je suis le personnage principal. Je suis une petite fille curieuse, toute fragile, pleine de douceur. J'entreprends une sorte de voyage initiatique, un peu comme dans la vraie vie. La petite fille ne connaît que sa petite ville, son palais imparfait qui donne sur la guerre comme chante Lo'Jo11 dans la chanson qui a servi de musique d'ouverture de cet enchaînement de chorégraphies. Elle veut, un peu comme moi, découvrir le monde. Ouvrir la fenêtre et se lancer à l'aventure. Apprendre de nouvelles choses. Ressentir des émotions inconnues. Vibrer à nouveau. Au début, elle se retrouve au cœur d'une guerre sans nom. Une guerre sans but, où seuls les ordres comptent et où personne ne comprend. Les bruits de balles, le tonnerre, les éclairs. Les éléments se déchaînent autour d'elle, en moi. Ils se rapprochent, s'éloignent, m'oppressent et me donnent envie de fuir. J'ai peur. Des gens, mes camarades, sortent de partout. Cris de rage, cris de douleur, se mêlent dans un sinistre requiem. Ils se déplacent au ras du sol, en roulade, à quatre pattes, en me fixant avec des regards vidés. Qui leur a fait ça ? Des balles sifflent, les rasent, les frôlent dans une danse macabre. Ils les attrapent au vol et commencent à jongler, puis les relancent brutalement à leurs voisins. Jouer avec la vie, jouer avec la mort. Bon petits soldats qui ne font même plus la différence. De grosses balles atterrissent sur eux. Ils s'écroulent...

Une autre fille, maquillée, vêtue d'une longue robe blanche. Elle arrive, en dansant calmement. On dirait qu'elle ne se rend pas compte du malheur autour d'elle. Elle n'est pas quelqu'un, elle est la Paix. La Douceur. Peu à peu, à chacun de ses gestes tendres, les autres se relèvent. Elle murmure et sa voix semble venir d'ailleurs. Elle chante des paroles d'une autre langue, d'un autre temps. On jurerait la comprendre et pourtant on sait les mots inventés au fil de ses envies. Mais qu'importe, ils ont toujours plus de sens que la violence dont font preuve ces hommes.

Elle se laisse guider par les mots, mots qui semblent prendre vie sur ses lèvres avant de s'envoler, libérés, dans l'air sous le grand chapiteau. On dirait une reine oubliée, une princesse issue de contes qu'on ne lit plus. Sa voix change, se fait tout à coup plus forte et plus imposante, plus joyeuse et plus insouciante. Elle sourit désormais, et moi je l'observe. Parce que c'est dans mon rôle, et parce que j'aurai été incapable de faire autrement. Je la regarde, puissante, belle, libérée. Elle chante avec sa voix qu'elle aime tant, elle chante pour changer le monde. Et le monde change avec elle.

A chacun de ses pas, le décors se modifient doucement. Au début, on ne s'en rend pas bien compte, mais peu à peu les boîtes qui servaient d'abris aux soldats se transforment en un chemin sur-élevé. Elle l'emprunte, sur la pointe des pieds, comme si elle avait peur d'être trop présente sinon. Elle disparaît comme elle était arrivée, dans un élan de calme et de tendresse. C'est émouvant.

Des gens, habillés de longues robes bouffantes, apparaissent sur la piste de sable. Ils sont pied-nus et ont la figure barbouillée de terre, de saleté. La poésie s'en va, ils traînent des pieds dans la poussière. Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne va plus. Des chèvres les accompagnent. On pourrait croire à des bergers fatigués si l'on ne faisait que regarder du coin de l'œil. Mais bientôt, la vérité saute aux yeux. Reliés par des battes de jonglage, ils sont attachés. Enchaînés. Forcé à une longue marche éreintante. Des prisonniers de guerre. La folie des hommes est donc partout. Les robes sont déchirées. Les visages amaigris, les yeux cernés. Même plus la force d'appeler à l'aide. Même plus envie de pleurer. Les chèvres se dispersent, puis se regroupent. Étrange spectacle, danse des esprits. La petite fille en blanc arrive. J'arrive avec elle. Nous sommes deux, et pourtant à cet instant c'est comme si nous n'étions qu'une. Nous délivrons doucement chaque prisonnier. Échangeant au passage quelques passes avec chacun d'entre eux. Ils se mettent à danser, des foulards multicolores tourbillonnent autour d'eux. La malédiction est levée. Certains jouent avec les chèvres, les font passer dans des cerceaux ou traverser une poutre en bois. Elles semblent aussi gagnées par la folie ambiante, réclament leur récompenses à grand renforts de cris. Les gens rient à nouveau. Je me laisse entraîner par l'air de fête, par les sourires et la bonne humeur. Je saute, danse et tourne avec eux, inventant à chaque pas un morceau de cette belle chorégraphie. Tout le monde se regarde, les yeux pétillent.

La fête cesse, les gens disparaissent à nouveau. La petite fille en blanc s'est enfuie. Je me retrouve seule, apeurée. Trois sortes de tas de bois sortent de l'obscurité. Je me fige. Ils se mettent lentement à bouger. Au début, c'est imperceptible, rien que des frémissements. Une lumière rouge les éclaire. Je recule. J'aimerai m'enfuir, mais je n'ai nulle part où aller. C'est ici que vit la petite fille. Dans ce monde étrange. Je suis encerclée, cernée par ces montagnes qui se mettent soudainement à trembler. Mes camarades présentent l'une des chorégraphies qu'ils ont le plus répété pendant ces deux derniers jours. Ils se séparent, puis se regroupent. Tournent sur eux-mêmes sans changer de place. Des confettis rouges jaillissent d'entre eux. Les volcans grondent. Ils se gonflent. Je suis seule face à eux, à nouveau dépassée par les événements. Mais cette fois, ce ne sont pas les hommes qui en sont la cause. Alors je m'apaise. Je laisse la nature choisir pour moi. Cela est sensé. J'inspire calmement. La petite fille expire. Un voile bleu s'abat sur les danseurs qui s'arrêtent de bouger. La pluie est arrivée.

Le voile bleu est tiré de tout côtés, ondule. Je m'avance dessus. Des gondoles cartonnées, mises en mouvement par des gens masqués et costumés, s'avancent vers moi. Je grimpe dans l'une d'elle et me met à ramer doucement. Je plonge mon bâton dans l'eau que représente le voile. Derrière, des gens nagent, ils sont allongés sur de grandes boules solides et font des mouvements de brasse. D'autres, montés sur des échasses, semblent patauger tranquillement dans l'eau en bavardant. C'est une image bien plus calme que celles d'avant. Un bruit d'eau préenregistré meuble le silence. Mais très rapidement tous ceux représentant les vénitiens sont comme chassés par le voile, tiré hors de la scène. Les boules, rolla-bolla, échasses et échassiers quittent le rond de sable juste à temps pour laisser la place aux chevaux qui surgissent au tölt depuis le fond du cercle. Des shetland, affublés de cornes en carton sont lâchés à leur suite. Mais aux yeux de tous, ce ne sont plus des petits poneys, mais d'intrépides vaches et taureaux qu'il faut guider dans les steppes arides de Mongolie ou du Far-West. Chacun est projeté dans le monde qu'il se choisit, moi la première. Je suis entourée d'Indiens aux maquillages colorés, la peau bardée de peintures de guerres symbolisant ma bravoure, mon abnégation à ma tribu et ma sagesse. Je suis la petite fille qui parle aux chevaux sans même ouvrir la bouche. Je suis dans la peau de cet enfant tressée qui s'élance pied nu à la rencontre d'une fougueuse jument blanche. Je m'approche d'Ulka en trottinant. Tous les islandais ont pris le galop et tournent désormais sur la piste extérieure, dans un espèce de carrousel improvisé. Arrivée à sa hauteur, je ne suis plus Jeny Lee, je suis Abhay l'intrépide. J'aime cette sensation, cet oubli de moi-même pour devenir le personnage que je joue. J'arrête de penser au quotidien, à mon père tout juste retrouvé, à ma mère qui reste sceptique et me surprotège souvent, aux débiles du collège qui ne voient pas plus loin que la marque de mes sweets. J'oublie le couteau-suisse, les fugues pour essayer de mieux respirer, tout là-haut dans les arbres. J'oublie tout, sauf l'envie de me réinventer, de faire naître quelque chose de tout ça et de petit à petit me sentir peut-être un peu plus à ma place dans ce monde encore trop grand pour moi. Jeny ne se sent pas capable de grimper sur la jument blanche qui galope sur la piste, même si elle a passé des heures à travailler le mouvement. Même si elle y arrive parfaitement. Mais ce soir, ce n'est pas Jeny qui court à côté d'Ulka. C'est Abhay, c'est l'indienne bariolée, et elle, elle n'a peur de rien. Alors toutes les deux, Abhay aux commandes et Jeny repoussée dans un coin de l'esprit, elles s'élancent. Encore trois pas. Petit bond, on pousse sur les jambes et on tire sur le bras qui s'accroche à la crinière, on s'équilibre avec l'autre sur la croupe. Une fraction de seconde plus tard, j'y suis. A cru, je me laisse porter par le tourbillon de crinières autour de moi. Les chevaux sont rassemblés en troupeau par des mains invisibles, ils m'encerclent, et moi je souris. Quand tous se sont calmés, je me met debout sur la jument désormais immobile, et même sur la pointe des pieds, mains en visière, je cherche à comprendre ce qu'il se passe autour de moi.

Les lumières s'éteignent, plongeant la scène dans la pénombre. Je sais que cela signifie que la fin du spectacle approche à grands pas, mais il me reste encore un défi à relever. Je me laisse glisser à terre et aide mes camarades à faire ressortir les chevaux de la piste. Ensuite... C'est à moi de jouer. De la neige artificielle se met à tomber tandis que les lumières sont rallumées. Des gens chaudement vêtus m'entourent désormais, se promenant sur les trampolines qu'ils ont amenés à l'instant. Ils bondissent de l'un à l'autre dans de grands éclats de voix. Des chiens attelés à un traîneau sur roulettes débarquent à leur tour sur la scène, amenant Jess avec eux. Nous sommes les deux héroïnes de ce dernier tableau représentant l'Everest. Le début de notre ascension se fait avec les chiens. Je rejoins mon amie tandis que, petit à petit, au fil des tours de piste, les étoiles et la lune descendent du ciel. Ce sont des cerceaux décorés, accrochés au plafond du chapiteau qui descendent inexorablement à notre rencontre. Nous allons devoir grimper dessus et nous monter dans les airs. Et après... Après.

J'attache le crochet au baudrier que j'ai depuis le début sur moi...

Je grimpe, laissant la sécurité du sol aux autres...

Je me laisse hisser à plusieurs mètres de hauteur...

Je m'installe sur le trapèze le plus joliment que je peux, même si au fond de moi je redoute ce moment depuis que je cette dernière partie a commencé. Je n'étais jamais montée dans les airs, sans rien pour me retenir si je choisissais de lâcher le trapèze et de détacher mon baudrier. Je suis sur le point de monter faire des acrobaties à plus de trois mètre au-dessus de la tête du plus grand des adultes. Je ne me sens pas très sereine, il est vrai, mais la situation pourrait être pire. Je m'imagine à la place de quelqu'un n'ayant jamais grimpé aux arbres comme je l'ai tant fait jusqu'à il y a quelques mois, même si la raison n'était pas des plus glorieuses. Tandis que je commence à danser sur ce morceau de métal, je repense à tout ce qu'il s'est passé depuis que j'ai cessé de monter dans les arbres avec cette corde rêche, qui me permettait autrefois de voler quelques instants, à défaut d'avoir le courage de voler pour de bon dans les cieux.

Alors voilà. Il le faut, maintenant. Il faut y aller. Il faut sauter. Je n'ai plus vraiment le choix, même si d'aucun dira qu'on l'a toujours. Parfois, certaines choses s'imposent à nous, comme une évidence. Je savais que je devais monter me retrouver tout là-haut, sous ce chapiteau de toile tendue, cachant la lune qui m'aurait sûrement fait un clin d'œil complice, rapport à tout ce que j'ai vécu dans les hauteurs. Je sens des dizaines de paires d'yeux se braquer sur moi, mais j'ai le sentiment qu'aucun ne me voit vraiment. A part, peut-être une paire, qui me regarde plus profondément que les autres. J'ai l'impression d'être à la croisée des mondes, à l'instant où tout se joue, où tout est possible, où tout est encore à imaginer, à créer et à vivre. En fermant les yeux, je me revois un an auparavant, avec cette corde autour du cou que je glissais doucement ou rageusement le long de mes hanches en pleurant, sans jamais savoir pourquoi je me reprenais au dernier moment et m'empêchais de me laisser aller. Aujourd'hui, je n'ai plus de corde autour du cou, et malgré le baudrier dans lequel je suis sanglée, je me sens plus libre que jamais. Parce qu'après tout, c'est mon choix d'être ici, seule face au vide qui m'a si souvent appelé. J'ai comme envie de prendre ma revanche, sur la vie, sur la petite fille que j'étais et qui a grandi trop vite parce que la vie en a décidé ainsi. Je suis là, assise sur ce trapèze à plusieurs mètres du sol, je suis là, et je sais que je ne reculerai pas. Je me suis rendue compte il y a un moment déjà que ce saut ne serai pas comme tous les autres, ce n'est pas le saut de l'ange, c'est le saut de la diablesse qui veut se lancer à nouveau dans sa vie. Comme si il fallait prendre de la hauteur pour mieux me l'approprier, comme si tout ce qui s'était passé jusqu'alors ne comptais que parce qu'il y a un demain, et un autre après lui.

Je m'accroupis, prête à laisser mon passé ici, dans les hauteurs, et à laisser ma confiance à Jess, qui me projettera dans mon avenir. Croisant les doigts pour que Jess arrive aussi bien à me rattraper que pendant les répétitions, je prends mon courage à deux mains, et me lance dans le vide.

Courage, le mot du livre ? 

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