07 ➳ MERCREDI
P A R T I E S E P T
— écoute, c'est pas ma faute si tu t'es étranglée avec un petit pois et que tu es traumatisée à vie depuis
═════
⁂
La voiture de Blaise Edmond — un des amis d'Elia et de Basile — s'arrêta soudainement devant la petite maison des Antonelli. Bianca, qui n'avait cessé de scruter l'écran de son smartphone depuis que huit heure avait sonné, se précipita vers le petit portillon en fer forgé. Olive, sur ses talons, triturait avec nervosité les pans de son débardeur à volants : la rouquine avait l'impression que ses entrailles étaient nouées en un nœud à treize boucles, indéfaisable.
Pourtant, ce n'était guère la première fois qu'elle se retrouvait en compagnie d'Elia. Hélas, la proximité avec sa bande d'amis rendait Olive nerveuse, tant et si bien que la jeune femme redoutait qu'un quelconque évènement déplaisant se produise. Il ne manquerait plus qu'elle renverse sa boisson sur Elia — bon, il était habitué à vrai dire — ou encore qu'elle laisse échapper une blague de mauvais goût.
Heureusement pour elle, Liv' pouvait compter sur Bianca pour la remettre dans le droit chemin. Puisque s'il y avait bien quelque chose que l'italienne ne tolérait guère, c'était les situations gênantes — "malaisantes" comme diraient les jeunes d'aujourd'hui. Un petit coup de coude discret et Olive saurait qu'il faudrait qu'elle se taise.
— Vous montez ? s'enquit Elia après avoir abaissé la fenêtre du côté passager.
Les deux amies ne se firent guère prier davantage et bientôt, elles se retrouvèrent serrées sur la banquette arrière, aux côtés de Basile Le Roy — d'où émanait une forte odeur d'eau de Cologne, guère le genre de Liv' Joly. Bianca ne put s'empêcher de tousser lorsqu'elle attacha sa ceinture, puis, alors que Basile était en train de récupérer quelque chose dans son sac à dos, l'italienne adressa un regard de détresse à la rouquine.
Vraiment, la soirée promettait d'être longue, pensa Olive en esquissant un sourire.
— Tout le monde est attaché ? s'enquit Blaise et les deux comparses hochèrent vigoureusement de la tête. Et bien, on peut y aller dans ce cas.
La petite Ford du jeune homme démarra sur les chapeaux de roues et Olive manqua de justesse de se cogner contre l'appui-tête rembourré. Bianca, qui elle non plus ne semblait guère avoir apprécié ce démarrage, prit la peine de se révolter contre Blaise :
— Tu t'es cru dans Fast and Furious ou quoi ?
Blaise rétorqua par un : "faut croire" et Elia lâcha un petit rire. Puis ses yeux dérivèrent vers le rétroviseur côté passager, où il observa brièvement Olive et sa tignasse légèrement décoiffée, à cause du vent s'engouffrant par les fenêtres arrières. Liv' lui rendit le sourire qu'il lui adressait et le jeune homme passa une main dans sa chevelure bouclée, brusquement gêné.
— On va manger où du coup ? s'enquit la rouquine en se redressant légèrement.
— À la pizzeria Rizzo, répondit Basile en ajustant sa montre à son poignet.
Olive Joly hocha simplement de la tête. La pizzeria Rizzo, elle connaissait plutôt bien pour s'y être rendue de nombreuses fois avec ses parents lorsqu'elle était enfant. C'était une sorte de petit établissement en pierre de taille, très italien, où la façade immaculée était jonchée d'une glycine rose. Souvent, Olive et sa famille dégustaient leurs mets en extérieur, sur la petite terrasse située à l'arrière du bâtiment, dans une cour fermée des plus pittoresques.
Néanmoins, vu la fraîcheur s'étant abattue sur Montdesbois ce soir-là, Olive doutait fortement que l'envie de rester dehors ne vienne à l'idée du petit groupe.
— C'est pas le restaurant des parents de Nine Mercier ? relança Bianca en plissant le nez et Olive fronça les sourcils.
— Maintenant oui, se permit de répliquer Elia en baissant le son du poste de radio. Avant il appartenait à la famille Rizzo, mais depuis que Adriano est parti faire ses études à Rome, ses parents l'ont suivi et ont délaissé notre cher village perdu.
— Ils auraient mieux fait de rester, intervint Blaise. Parce que franchement, si ça ne tenait qu'à moi, je n'irais pas manger chez cette pimbêche de Nine.
— Tu sais Blaise, je sens qu'on va bien s'entendre ! s'écria Bianca en se tortillant sur le siège du milieu.
Et les autres adolescents éclatèrent d'un rire certain.
*
— Mesdames, Messieurs, vous désirez ? questionna poliment la serveuse, une blonde âgée d'au plus vingt-cinq ans — probablement une saisonnière.
— Deux reines, une quatre saison, une savoyarde, débuta Elia avant de se faire interrompre par Blaise.
— Et une végétarienne s'il vous plaît.
La jeune employée hocha de la tête avant d'arracher de son calepin, le petit papier sur lequel elle venait de griffonner. Elle déposa sur la table une bouteille d'eau plate, ainsi que de l'huile piquante et s'en alla en direction des cuisines.
Finalement, les cinq adolescents s'étaient installés en terrasse — contrairement à ce que pensait Olive sur le chemin de l'aller. Entassés dans un recoin de l'agréable cour, ils avaient vu sur l'ensemble du restaurant, ainsi que sur l'appartement situé au dessus, dans lequel, supposa Joly, vivait Nine et ses parents. Les volets verts étaient écaillés par le temps et les drapeaux français et italien pendaient tristement près d'un bassin à poissons rouges.
C'était peut-être pas le grand luxe, mais cela avait au moins la prétention de ressembler aux doux souvenirs de la rouquine, à ces longs instants passés à débattre sur la meilleure pizza de toute la carte, où à discrètement faire des bulles dans son soda en compagnie de ses cousins.
Olive, elle sourit en repensant à tout cela et Elia, il sourit en la voyant ainsi agir. L'estomac de la jeune femme se tordit de plus belle, néanmoins, contrairement aux précédentes fois, Olive en redemandait, encore et toujours. La rouquine voulait que Elia la regarde, lui parle sans cesse, jusqu'à ce qu'un feu d'artifices des plus grandioses n'occupe son ventre ainsi que ses pensées.
Elle était comme Jean-Baptiste Grenouille à vrai dire. Certes, elle ne vivait guère pour les merveilleuses odeurs l'entourant, mais plutôt pour les ravissants sourires d'Elia, qu'elle ne pouvait s'empêcher de contempler et convoitait secrètement pour elle seule.
— Au fait, vous ne nous avez même pas dit comment vous vous étiez rencontrés tous les deux, demanda Blaise après avoir siroté une gorgée de son Monaco.
— À la fête d'anniversaire des Rey, mais je voyais souvent Elia quand j'allais au café du Tournesol Levant, confia Olive Joly en coinçant une mèche flamboyante derrière son oreille.
— Avoue que t'avais flashé sur le p'tit Giordano avant et c'est pour ça que t'allais aussi souvent boire leur immonde cappucino ? se moqua Basile et Joly ne put s'empêcher de rougir légèrement.
— Je proteste ! C'était surtout pour espérer me faire prendre en photo, répliqua Liv' en contournant la question du blondinet.
Bianca leva les yeux au ciel et Olive lui donna un coup de coude : résultat des courses, Bianca renversa la moitié de son Montdesbois Sunset par terre. Après avoir fusillé Liv' du regard pendant quelques instants, la jeune femme en commanda un nouveau — et Olive aurait juré qu'elle allait le poser très loin d'elle.
Heureusement pour la rouquine, ce petit accident eut le mérite de détourner l'attention des deux garçons, y compris d'Elia — qui par ailleurs, se retrouvait être aussi gêné qu'Olive suite aux propos de ses amis.
Il était vrai que la rouquine avait toujours eu un léger béguin pour le fils des propriétaires de son café préféré. Il était vrai qu'elle s'y était souvent rendue dans l'espoir de l'apercevoir, lui et ses iris pétillantes. Il était vrai qu'elle avait été on ne peut plus ravie de l'apercevoir à la fête des jumeaux — de même qu'elle avait été on ne peut plus gênée de lui avoir recraché son shot au visage. Il était vrai que Liv' Joly avait passé une agréable semaine en compagnie du jeune italien, et qu'elle n'avait d'ailleurs guère envie que celle-ci se termine.
Alors oui, on pouvait dire que la rouquine aux iris ambrées, et aux expressions tordues, avait flashé sur Elia. De même que l'on pouvait supposer, que le jeune homme aux airs entraînant pleins la tête, et au vieux Polaroïd terne, avait flashé également sur Olive.
C'était peut-être réciproque, comme ça ne l'était guère. Mais de toute façon, cela ne pouvait être qu'éphémère, cela ne pouvait être que l'histoire de quelques semaines avant qu'Elia ne décide de s'en aller et qu'Olive ne retourne au lycée.
— C'est ce qu'elles disent toutes, conclut Blaise et les pizzas ne tardèrent guère à arriver suite à cela.
Bianca avait commandé une reine, de même qu'Elia. Basile s'était contenté d'une savoyarde — Olive avait horreur du fromage, aussi avait-elle bien fait de se placer loin du blondinet — et Blaise une végétarienne. En réalité, il n'y avait qu'Olive qui s'était lancée dans une quatre saison, au grand damne de Bianca, qui ne pouvait concevoir qu'on prenne du plaisir à manger une pizza garnie de légumes.
— Les pizzas, c'est pas fait pour être sain, avait-elle lancé alors que la serveuse venait tout juste de déposer la commande des cinq jeunes. Je sais pas moi, si t'avais envie de manger des légumes, t'aurais du amener un paquet de carottes plutôt que de détruire ce si délicieux et gras met.
— Écoute, c'est pas ma faute si tu t'es étranglée avec un petit pois et que tu es traumatisée à vie depuis, rétorqua Liv' et Blaise tapa dans sa main.
Bianca Antonelli plissa les paupières et la jeune femme se contenta de déguster sa pizza garnie de champignons en silence. Des bribes de conversation animèrent la table des cinq jeunes adultes, ponctuées de questions sur l'avenir ou encore sur la vie de chacun. Ainsi Olive apprit que Blaise partait faire ses études de commerce avec son copain en Espagne — son petit-ami étant Catalan —, tandis que Basile avait rompu avec Laure Perbet — son ancienne copine — il y avait une semaine déjà.
— Alors c'est pour ça que je ne vous ai pas vu ensemble à l'anniversaire de Camille et Édouard, supposa Olive et Basile hocha de la tête.
— Il préférait se bourrer la gueule avec moi, avoua Blaise dans un sourire, surtout qu'Elia nous avait laissé tombé pour vous rejoindre toutes les deux.
— Surtout pour rejoindre Olive, jugea bon d'ajouter la brune et la rouquine lui écrasa le bout du pied.
*
Blaise, Basile et Bianca étaient partis fumer une taffe dehors depuis quelques instants, laissant Olive et Elia en tête à tête forcé — à moins qu'il ne s'agisse d'un côte à côte, étant donné qu'ils se trouvaient assis à côté l'un de l'autre. Le jeune homme jouait distraitement avec les boutons de son polo noir, tandis qu'Olive détaillait d'un œil absent les reliefs de la petite pizzeria familiale. Aucun des deux ne semblait apte à prendre la parole, aussi se contentaient-ils d'éviter de croiser leur regard, et lorsque cela arrivait, c'était avec un sourire gêné au bord des lèvres qu'ils détournaient les yeux.
— Chouette soirée, murmura finalement Olive alors que les cigales redoublaient d'ardeur dans leur chant.
— Contente qu'elle t'ait plue, répondit Elia en laissant sa main retomber sur la table, tout près de celle d'Olive.
Le jeune homme semblait se faire violence pour ne point s'emparer de la fine paume de la rouquine. Aussi, comme à son habitude, Liv' Joly se lança en première et scella nonchalamment ses doigts à ceux de l'Italien. Elia ne parut guère surpris — sûrement était-il habitué aux agissements d'Olive depuis une semaine désormais — et offrit même un furtif sourire à la jeune femme.
— Tu pars quand à la fac ? s'enquit finalement Liv' en se tournant vers Elia.
— Je rentre au mois de septembre, mais ma mère veut que je me réhabitue à la vie et la culture italienne avant afin d'être au top pour mes études. En conclusion, il est fort probable que je retourne à Florence d'ici la fin du mois, déclara tristement Elia Giordano en baissant ses iris chocolats.
— Vois le bon côté de la chose : au moins tu pourras manger des meilleures pizzas qu'ici, puis je suis sûre que tu vas te faire pleins d'amis là-bas, le rassura Olive d'un ton qui se voulait léger.
Cependant, le cœur de Joly n'avait cessé de se serrer au fil des secondes et alors qu'elle savait pertinemment qu'elle ne pourrait guère garder Elia à ses côtés, Olive ne pouvait tout simplement guère concevoir qu'il n'allait point tarder à s'en aller. Alors elle retint une larme et sourit à la place, un air nostalgique esquissé sur ses traits enfantins.
— Je suis contente pour toi, Elia.
Le brun aux boucles vagabondes ne prit guère la peine de répondre à la rouquine, préférant se pencher vers elle et déposer un doux baiser sur ses lèvres de rouge maquillées. Olive fut surprise et alors qu'elle s'apprêtait à retenir tout contre elle le jeune homme, ce dernier se retira et un rictus satisfait se dessina sur sa bouche désormais légèrement teintée de rouge.
Puis il éclata de rire, sous l'air intrigué de Liv'.
— Je suis content que tu m'aies pas recrachée ta Tequila au visage cette fois.
*
fin.
═════
Noooooon c'est la finnnnnnnn.
En tout cas, je voulais vous remercier d'avoir suivi cette petite histoire durant un mois, d'avoir voté et laissé d'adorables commentaires. Je savais pas trop dans quoi je m'aventurais quand j'ai commencé l'écriture, mais maintenant, je me dit que c'était pas si mal finalement.
J'espère sincèrement que l'histoire vous aura plu dans l'ensemble, que vous aurez pris du plaisir à la lire et à suivre la petite histoire d'Olive et d'Elia. Malheureusement, je ne pense pas refaire de nouvelles de la sorte pour le moment, mais c'était tout de même une belle aventure, que je ne voudrais effacer pour rien au monde.
Voilà voilà, merci encore beaucoup pour tout votre soutien, et à une prochaine fois j'espère !
Bonne journée / soirée !
Capu ton cygne ✶
musique :
Electricity — Dua Lipa
2300 mots
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro