01 ➳ JEUDI
P A R T I E U N E
— Je peux parler sans que tu ne me coupes avec tes répliques dignes de Bob l'éponge ?
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Le Tournesol Levant. C'était peut-être bien l'un des seuls endroits où Olive Joly se sentait bien. Les effluves de cacao, de café moulu ou encore de lait onctueux trottaient dans ses narines, éveillant en elle une entité sereine, qui vivait bien loin de ce coin perdu entre les monts et les bois.
Perchée sur l'un des tabourets de bar orangés, dont le revêtement miteux laissait entrevoir une mousse douteuse partiellement arrachée, Olive se plaisait à dessiner quantité de formes abstraites sur le comptoir en bois poncé, à l'aide de son index paré d'un énième pansement. Une tasse au bord taché de rouge à lèvres brun était posée devant la jeune rouquine, à moitié vide, et le café fumant qui s'en échappait, réchauffait le visage penchée d'Olive — et ce, malgré l'étouffante chaleur de cette après-midi de juillet.
On riait dans ce café convivial, on trinquait joyeusement avec son verre de Monaco et on sirotait bruyamment son Diabolo. L'établissement ne désemplissait jamais, surtout en période estivale où tout le gratin touristique tombait sur Montdesbois. On voyait de nouvelles têtes chaque jour, on souriait amicalement aux nouveaux arrivants et on refaisait le monde autour d'un expresso bien corsé.
Olive, elle aimait bien être ici, discuter avec les touristes ou encore dessiner un monde imaginaire sur le comptoir clair. Mais ce qu'Olive appréciait tout particulièrement, c'était le mur orangé recouvert de polaroïds. Des années durant, les propriétaires s'étaient amusés à photographier leurs clients, en passant du Vieux Sam — le libraire de la rue Ferry — riant aux éclats, sa moustache tachée de mousse chocolatée, au jeune étudiant concentré, les yeux rivés sur son ordinateur, un déca posé à ses côtés.
À chaque fois qu'Olive venait faire un tour dans ce petit coin de paradis, la rouquine tombait sur de nouvelles photos, toutes récentes mais toutes aussi charmantes. Et Olive souriait à ces nouveaux amis, comme si elle leur souhaitait bienvenue à sa façon, leur disait : "c'est chouette de vous voir ici". Et puis elle leur portait un toast, son cappuccino à la main, leur souhaitant la bienvenue et un bon séjour sur ce mur aux mille souvenirs.
Un clic soudain retentit et Olive Joly redressa aussitôt la tête, surprise. Non loin d'elle, affalé sur le comptoir poncé, tenant entre ses doigts de pianiste un vieux polaroid terni par les années, se trouvait le fils des gérants du Tournesol Levant. Le jeune homme sourit lorsque ses orbes malicieux rencontrèrent ceux surpris de la rouquine, et sa chevelure bouclée s'agita gaiement lorsqu'il récupéra le polaroïd fraîchement développé.
— Un magnifique cliché à ajouter à ma collection, lâcha-t-il en adressant un clin d'œil charmeur à son nouveau modèle.
Olive ne put s'empêcher de rougir suite à cette flatteuse remarque et s'empressa de terminer son café, les pupilles rivées sur le jeune photographe en herbe, qui tentait tant bien que mal d'accrocher son chef-d'œuvre parmi les centaines de polaroïds déjà suspendus sur le mur orangé.
Oui, vraiment, il n'y avait guère mieux comme havre de paix dans les horizons.
— Liv' ! Ça fait des lustres que je te cherche ! s'écria tout à coup une voix rauque, mais encore trop aiguë pour être celle d'un jeune homme.
— T'es sûre que ça ne fait pas plutôt des chandeliers que tu me cherches, Bianca ? rétorqua Liv', un sourire espiègle esquissé sur ses lèvres colorées.
La dénommée Bianca soupira, les poings sur les hanches, telle une mama fortement remontée. La jeune italienne aux longues boucles brunes et au teint caramel, bien qu'elle fut habituée aux blagues plus que douteuses de son amie, réagissait toujours de la sorte. Bianca aimait se la jouer "meuf exaspérée de la vie", aussi cela était devenu son passe-temps préféré au fil des années.
La jolie italienne soupira une énième fois avant de grimper sur le tabouret installé à côté de Liv'. Elle héla nonchalamment le serveur aux traits allongés et lorsqu'elle passa commande, Joly ne put s'empêcher de constater qu'elle sentait la cigarette à plein nez. Fronçant les sourcils, la rouquine demanda à son amie — bien qu'elle fut déjà sûre et certaine de sa réponse.
— Bianca... T'aurais pas recommencé à fumer par le plus grand des hasards ? s'enquit Olive d'un air suspicieux.
L'italienne parut outrée qu'elle puisse un instant penser ceci, aussi pointa-t-elle du doigt son torse, les iris cacaos écarquillés, les lèvres gercées entrouvertes, comme si Olive venait de proférer d'outrageux propos à son égard. L'expresso de Bianca arriva au même moment et la jeune femme adressa un large sourire charmeur au serveur, avant de reporter son attention sur la Montdesboisienne à ses côtés.
— Moi ? Fumer ? Comme si c'était mon genre tient ! pouffa la jeune femme en levant les yeux au ciel, avant qu'une quinte de toux ne s'empare d'elle.
— Tu disais ? ne put s'empêcher d'ajouter Joly en penchant la tête sur le côté, satisfaite que Bianca ait vendu la mèche d'elle-même.
— Bon, je... Ok. Mais c'était juste pour cette fois. C'est la faute de Snapp, il avait qu'à pas me proposer une taffe, bredouilla la brune en cherchant une énième excuse. Mais là n'est pas la question.
— Et elle est où alors ? Sous les sunlights des tropiques en compagnie de Gilbert ? rétorqua Liv' en esquivant la main de Bianca.
La rousse rit aux éclats suite à sa réplique, ce qui ne fut guère le cas de Bianca Antonelli. Néanmoins, la rouquine voyait clair dans son jeu : une seconde de plus et l'italienne allait s'affaler sur le comptoir hilare, et ainsi attirer une fois de plus, malencontreusement, l'attention sur sa petite personne. Car elle était comme ça Bianca, elle jouait la grande fille mâture mais au fond d'elle, elle n'était encore qu'une fillette sensible à l'humour douteux de ses amis.
— C'est bon ? Je peux parler sans que tu ne me coupes avec tes répliques dignes de Bob l'éponge ? railla Bianca alors qu'Olive lui tirait la langue. Édouard et Camille Rey organisent une soirée chez eux, demain, et devine quoi ?
— On est invitées c'est ça ? ironisa Olive en sachant pertinemment que les jumeaux de Montdesbois, étaient réputés pour avoir la main lourde sur les invitations. Je préfère tout de suite te prévenir, le planteur tu oublies ! ajouta la rouquine en fusillant du regard son amie.
Pour toute réponse, Bianca Antonelli leva les mains en l'air, en signe d'apaisement.
— Promis meuf, j'en boirai pas. Du coup, oui, on est invitées et de ce que je sais pour le moment, Noé, Ulysse et toute leur bande seront là aussi, si jamais l'envie te prend de pécho l'allemand ou le fils des pâtissiers..., se moqua Bianca.
— Dois-je te rappeler que c'est toi qui avait branché Noé à la dernière soirée chez Aurore ? Ou ton incroyable cerveau d'éléphant s'en souvient encore ?
— Il s'en souvient t'inquiète. Il se souvient même du puissant râteau que j'ai reçu sur les coups de minuit, grimaça la brune en jouant avec le sachet de sucre disposé sur la coupelle en porcelaine, celle où se tenait sa boisson désormais tiède. Toujours est-il qu'Édouard m'a dit d'inviter autant de gens qu'on pouvait et qu'on voulait aussi.
— Je pense pas que la maison des Rey soit assez grande pour contenir toute la fine fleur de Montdesbois..., rétorqua Olive Joly d'un air suspicieux.
— Faut croire qu'ils ont trouvé un autre endroit, conclut l'italienne en haussant les épaules. Bon, tant qu'ils n'ont pas choisi la supérette de mon oncle, ça me va.
Olive approuva les dires de son amie d'un signe de tête : il fallait dire qu'organiser une soirée à la supérette Au fourre-tout on trouve de tout ! n'était guère une idée judicieuse. L'endroit était si exiguë qu'on pouvait à peine y faire loger une vingtaine de personnes, et l'oncle de Bianca était... Comment dire... Légèrement tatillon sur les bords. Si l'on ne voulait guère finir de corvée de ménage, mieux valait déguerpir au plus vite de son commerce et ne rien déranger.
— Du coup, tu penses inviter qui à cette soirée ? relança Liv' alors que le fils des propriétaires, le jeune homme aux polaroïds, refaisait apparition derrière le comptoir.
— À vrai dire, j'ai déjà proposé à Nine Mercier, Bertille Blanchard, Astrid Van Nussem et Jason Beaugrand de venir. Même si je suis sûre que Nine va décliner : tu comprends, elle a mieux à faire que de traîner avec des gosses. Dixit la fille qui a sauté une classe au collège.
— On est trop bien pour elle, Bianca, mais ça elle l'avouera jamais, confia Olive en replaçant une boucle rousse derrière son oreille. Du coup, faut que je trouve une personne à inviter...
Bianca approuva d'un signe de la tête, sirotant enfin son expresso ayant totalement refroidi. Le regard ambré de Liv' décrivit un arc de cercle. La jeune femme recherchait une quelconque personne à inviter, or aucun adolescent ne se trouvait au Tournesol Levant en cette après-midi d'été.
Olive trouvait d'ailleurs cela normal : qui irait s'enfermer dans un modeste café de village alors qu'un lac somptueux et rafraîchissant se trouvait à quelques minutes de marche ? Vraiment, il n'y avait qu'elle pour aller contre toute logique.
Mais après tout, ne valait-il pas mieux faire son bonhomme de chemin ? Ne guère se soucier des autres ou encore fuir à tout prix le moule que cette société avait désespérément créé, espérant nous enfermer tels des rats de laboratoire ? Et puis on risquait quoi ? De se faire pointer du doigt ? Ce n'était guère une sentence fatale lorsque l'on était jeune, ce n'était pas cela qui allait faire changer notre vie.
Parce que nous on pouvait les pointer du doigt aussi.
— Moi je suis libre demain soir, déclara tout à coup une voix chantante, non loin des deux jeunes femmes.
Mais oui ! Comment avais-je pu ne pas y penser ? pensa Olive alors qu'un large sourire s'étira sur ses lèvres maquillées.
C'était le fils des propriétaires qui venait de s'exprimer, ce garçon dont Joly ignorait malgré elle le prénom. Il avait reposé son appareil photo sur le comptoir et se servait tranquillement un verre de jus de fruit. Son timbre de voix était léger, exotique, aussi Olive se surprit-elle à fredonner doucement, imitant le ton avec lequel le brun venait de s'exprimer.
Ses cheveux bouclés paraissaient comparables à une tornade brune, un peu enfantine, un peu vagabonde. Et la lueur malicieuse qui régnait au sein de ses iris cacaos, brillait telle une constellation étoilée. Olive se surprit à penser qu'il était plutôt mignon en réalité, lorsque son vieux Polaroïd terne ne cachait point son visage en cœur au teint hâlé.
— Dans ce cas, on se reverra à la soirée d'Édouard et de Camille, termina Bianca en tapant du poing sur le comptoir, telle une juge annonçant la fin d'un tumultueux procès. Allez viens Liv', on s'arrache.
Bianca descendit du tabouret suite à ses propos, tirant l'avant-bras d'Olive par la même occasion. La rouquine adressa un large sourire au jeune homme derrière le bar, avant de tourner les talons et de s'enfuir, telle une Cendrillon des temps modernes. Le brun au Polaroïd lui adressa un bref signe de la main, signe qui échappa à Olive qui déjà, n'était plus qu'un mirage.
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Ouhlaaaa...
Vous pouvez pas savoir comment je suis excitée et stressée à la fois !
Bref.
Je suis vraiment contente de vous présenter cette nouvelle histoire, qui est une nouvelle divisée en sept chapitres de ~2000 mots chacun.
J'espère que ce premier chapitre vous aura plu, qu'il vous aura replongé une fois de plus dans mon petit univers favori, mon petit coin perdu : Montdesbois.
N'hésitez pas à voter et à me faire part de votre ressenti ! Je serais vraiment ravie de voir votre avis vis-à-vis de ce nouveau projet !
Comment avez-vous trouvé ce premier chapitre ?
Quel est votre ressenti vis-à-vis de ces tous nouveaux personnages ?
Comment les trouvez-vous ?
Personnellement, je fonds littéralement pour Elia : c'est la définition même de la mignonnerie (oui, j'invente des mots). Quant à Olive, elle me rappelle beaucoup Darla, malgré le fait qu'elle, elle ne râle pas toutes les cinq minutes ahah !
À votre avis, où se déroule l'anniversaire des deux jumeaux ?
Que va-t-il se passer à cette soirée ?
La suite très prochainement !
Sur ce, je vous laisse.
Bonne journée / soirée !
Capu ton cygne ✶
2061 mots
musique :
Polaroid — Jonas Blue
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