Quatorzième chapitre.
Il m'est déjà arrivé, en conduisant, de m'imaginer foncer droit dans le mur qui apparaît devant moi. De ne pas freiner, de ne pas tourner, jusqu'à l'impact, la collision fatale. Après tout, que je meurs d'un accident de voiture serait dans l'ordre logique des choses. Mais pourtant, je freine et je tourne toujours le volant. Il n'y a pas d'impact. Pas de collision fatale. Et pourtant...
Et pourtant, je me suis retrouvée dans un hôpital, l'hôpital de ma mère, avec les deux poignets bandés, durant presque trois semaines. Henry est venu me chercher, nous sommes maintenant dans son vieux Pick-Up. Il conduit en regardant droit devant lui, les mains crispées sur le volant. Alors je me contente de regarder par la fenêtre en jouant nerveusement avec les manches de la veste que je porte, tout en me remémorant les dernières paroles de l'infirmier Mark.
"N'ayez pas peur de votre traitement, des comprimés, des objets tranchants. N'ayez plus peur des monstres qui se cachent sous votre lit ou dans votre armoire. Affrontez les. Ouvrez les portes en grand et montrez leurs que vous êtes prêtes à leur faire face. Qu'ils ont certes gagnés une bataille, mais qu'ils sont encore bien loin d'avoir gagné la guerre."
Lorsque nous arrivons enfin, Henry descend de sa voiture et avance jusqu'à la porte d'entrée sans dire un mot. Soit, je crois que le message est clair, il me déteste et m'en voudra éternellement. Les choses ne peuvent pas être plus limpides. Je le rejoins alors qu'il tourne la clé dans la serrure et j'entends Murphy gratter derrière la porte tout en couinant. Je sens immédiatement mon coeur se compresser et alors que la porte s'ouvre, je le vois forcer à l'aide de son museau pour ensuite me sauter dessus tout en continuant de couiner. Je sens les larmes me monter aux yeux et je m'accroupis, permettant à Murphy de s'en donner à cœur joie pour me lécher le visage. Je ne peux m'empêcher de sourire tout en retenant mes larmes et sentir son pelage entre mes doigts me fait un bien fou.
Lorsque je me redresse après que Murphy se soit un peu calmé, je constate qu'Henry est déjà à l'intérieur et qu'il a laissé la porte entrouverte derrière lui. Je le rejoins dans la cuisine et je remarque qu'il prend soin d'éviter le moindre regard en ma direction. Ne sachant que faire, je traîne en me servant un verre d'eau, et je soupire lorsque je le vois quitter la pièce pour se rendre dans le salon.
Le coeur lourd, je regarde autour de moi en serrant le verre entre mes doigts, et je décide finalement de monter dans ma chambre. Je ne suis bien sûr pas interrompue par Henry. Je retrouve ma chambre comme je l'ai laissée, ou plutôt, comme elle était avant que j'aille me coucher et que tout dérape. Je secoue la tête pour chasser mes pensées lugubres, je n'ai pas envie de me laisser envahir par elles. Je reste un moment debout, au milieu de ma chambre, à ne pas savoir quoi faire, jusqu'à ce que mon regard se pose sur mon téléphone, posé sur ma table de nuit.
Je m'en empare et le mets en charge pour pouvoir l'allumer. Il ne réagit pas immédiatement et ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il commence à vibrer. Je m'assois sur le bord de mon lit alors que mon téléphone continue à s'agiter entre mes doigts.
"Neuf appels en absence."
"Cinq nouveaux messages vocaux."
"Huit nouveaux messages."
Je commence par regarder les appels en absence, et je reconnais immédiatement le numéro de mon université qui a essayée de me joindre une fois. Je constate ensuite que j'ai trois appels manqués d'Anna, deux autres d'Adam, et mon coeur se sert lorsque je vois ton nom. "Trois appels manqués de Tom.K Trümper."
J'enchaîne ensuite avec les messages vocaux. Le premier me vient de l'université, qui me tient informé de mon absence, et puisqu'il n'y en a pas d'autres, je présume qu'ils ont eut Henry au téléphone et qu'ils sont au courant de ma situation.
Le deuxième me vient d'Anna :
"Pourquoi diable ne réponds-tu pas à mes appels et à mes messages ?"
Le troisième est un message d'Adam :
"Kate que se passe-t-il ? Personne n'a de nouvelles, personne n'arrive à te joindre... Si tu ne veux pas me parler je peux le comprendre, mais donne au moins des nouvelles à Anna."
Le quatrième message est de nouveau de ma camarade de classe :
"Kate, je te préviens que si je n'ai pas de nouvelles dans deux heures, je viens chez ton grand-père !"
Le cinquième message, lui, me retourne l'estomac, et je colle aussi fort que je le peux le téléphone à mon oreille : "Bordel fait chier !"
J'ai reconnu immédiatement ta voix, et je comprends que c'est un message que tu as laissé sans le vouloir après avoir essayé de me joindre. J'enchaîne ensuite avec les SMS.
Anna, le 23/04/2011, à 08h25 :
"Pourquoi tu n'es pas en cours ?"
Anna, le 24/04/2011, à 9h00 :
"Pourquoi n'es-tu toujours pas en cours ?"
Anna, le 26/04/2011, à 9h16 :
"Pourquoi tu ne réponds pas à mes appels ?!"
Adam, le 26/04/2011, à 12h14 :
"Kate tout va bien ? On commence vraiment à se faire du soucis pour toi !"
Anna, le 30/04/2011, à 17h02 :
"Je suis aller au secrétariat avant de partir, ils n'ont rien voulu me dire... Je m'inquiète vraiment ! Tout va bien ? Si tu continues comme ça je vais passer chez toi."
Tom.K Trümper, le 02/05/2011, à 00h48 :
"?"
Tom.K Trümper, le 04/05/2011, à 02h36 :
"Kate Hunderel répond au téléphone."
Tom.K Trümper, le 06/05/2011, à 18h53 :
"L'Australie vraiment ?"
Je n'ai pas compris ton dernier message. Pourquoi me parles-tu de l'Australie ? Peut-être était-ce un message qui ne m'étais pas adressé... Ceux d'Anna et de Adam n'ont fait que renforcer mon mal être et je coupe de nouveau mon portable avant de me coucher, tout en appelant Murphy pour qu'il me rejoigne.
Pour éviter de ressasser en boucle mes idées noires, j'essaye de m'endormir, et à ma grande surprise, j'y parviens au bout d'une bonne demie heure. Je me réveille en entendant les griffes de Murphy contre le sol du couloir, et quand j'ouvre les yeux, j'aperçois Jade qui entre dans ma chambre en refermant la porte derrière elle. Je sens une boule se former dans ma gorge et elle me rejoint silencieusement sous la couette. J'ai envie de parler mais je ne sais pas quoi dire. Je sens ses doigts s'emparer des miens et elle sert ma main tout en collant sa tête contre la mienne.
- Tu m'as fait la frayeur de ma vie... Murmure-t-elle au bout de plusieurs minutes.
- Je suis désolée...
Puis, aucune de nous deux ne vint rompre le silence qui nous entoure. Je ferme les yeux en me concentrant sur la respiration de Jade, et je ne saurais dire combien de temps nous sommes restées ainsi. Je crois que nous avions seulement besoin de ça. Être proches l'une de l'autre.
Les jours suivants ont été passablement les mêmes. Je faisais de mon mieux pour oublier ses bandages autour de mes poignets, de mon mieux pour oublier tout court... Jade venait dormir à la maison tous les soirs et Henry était enfermé dans son mutisme. Même ce jour où Noah est venu chez nous.
- Il me déteste, lui avais-je dis alors que Noah m'avait rejoint dans ma chambre.
- Il ne te déteste pas. Il a simplement eu peur de te perdre.
- C'est à peine s'il m'a adressé la parole depuis que je suis rentrée...
- Oh, ça ne change pas de ses habitudes alors !
Je souris en reniflant et Noah s'approche un peu plus pour me prendre dans ses bras. Noah, ou la parole d'Henry...
Le lendemain, je déjeune avec Jade alors que grand-père vient de partir pour la journée. Ça fait maintenant une semaine que je suis rentrée, et c'est la première fois qu'il me laisse seule plusieurs heures. Jade termine son café en vitesse, rassemble toutes ses affaires et me plante un baiser sur la joue avant de se diriger vers la porte pour aller à son travail. Je me lève à mon tour pour aller faire la vaisselle, histoire de m'occuper, tout en songeant qu'il va bientôt falloir que je retourne en cours. Après plus d'un mois d'absence, je vais avoir tellement à rattraper... J'ai écris à Anna quelques jours auparavant pour lui dire que j'allais bien, et que je revenais la semaine prochaine. Elle ne m'a bien évidemment pas cru sur le premier point.
Les manches de mon haut mille fois trop grand pour moi relevées, je m'attaque à la vaisselle tout en ignorant mes deux bandages. Je pourrais les enlever, bien sûr, mais je ne supporte pas de voir ces coupures en voie de cicatrisation. C'est trop me demander... Je suis interrompue quelques instants plus tard par la sonnerie de la porte. Je m'essuie les mains et m'approche pour aller ouvrir sous les aboiements de Murphy. Et là, ma respiration se bloque si brusquement que s'en est douloureux. Je reste un instant immobile, une main sur la poignée de la porte et une autre tenant mon chiffon de vaisselle, je te regarde me regarder en fronçant les sourcils. Tu me regardes d'abord de haut en bas, visiblement surpris de me voir devant toi, et je repense soudainement à la manière dont tu es partit il y a plus d'un mois maintenant. N'es-tu bon qu'à ça, Tom Kaulitz Trümper ? Partir et revenir ?
Comme souvent lorsque je me retrouve devant toi, je ne sais pas quoi dire. Le silence qui s'installe sournoisement autour de nous devient gênant. Tout en continuant à m'examiner du regard, je te vois esquisser un geste comme pour parler, mais tu t'interromps en fronçant de nouveau les sourcils, avant de finalement te mettre à ricaner.
- C'était donc ça, dis-tu d'un ton que je n'apprécie pas.
J'ouvre la bouche pour parler et lui demander à quoi il fait allusion, mais finalement, je comprends où il veut en venir en suivant son regard. Comment ne pas voir ces deux bandages à mes poignets ? Je me sens brusquement idiote. Tellement idiote d'avoir fait ça et de me retrouver dans une telle situation...
- Je présume donc que tu n'étais pas en Australie, ajoutes-tu froidement.
- Qui t'as dis que j'étais en Australie ?
- Ton grand-père.
- Tu...
Mais je n'ajoute rien. Tu serais donc venu et Henry t'aurais dis que j'étais en Australie pour expliquer mon absence ? Mais pourquoi aurait-il fait ça ?
- Tu sais quoi, je vais y aller, ça vaut mieux pour tout le monde.
- Tom, ce n'est pas ce que tu crois. Je...
- Ah non ? Ça m'a pourtant l'air très clair ! À moins que tu ne tiennes à me montrer ce qu'il y a sous ses bandages pour me prouver le contraire ?
Le ton de ta voix est froid, et encore une fois, je ne sais pas quoi dire. Bien évidemment que c'est ce que tu crois...
- Je...
- Je ne veux même pas savoir ! Laisse tomber, je laisse tomber, tout ça n'étais qu'une mauvaise idée depuis le début. Sérieusement, tu crois vraiment que j'ai besoin d'une putain de suicidaire dans ma vie ?!
La phrase de trop. La phrase qui fait déborder le vase. Je lève le bras et sans plus réfléchir, je vois et entends ma main venir claquer contre ta joue. Ton regard s'assombrit et je retrouve enfin la parole.
- Et je n'ai pas besoin d'une putain de star matérialiste dans ma vie.
Tu hoches la tête en pinçant les lèvres, et alors que tu te retournes pour partir, je referme la porte derrière toi. Je me tourne à mon tour pour m'appuyer contre la porte maintenant close pour essayer de calmer ma respiration. Murphy s'appuie contre ma jambe et je passe la main dans son pelage. Respire Kate, ce n'est pas grave. Tu es peut-être celui qui me donne l'impression d'être vivante, mais tu es aussi, et surtout, à des années lumières de ma vie. Ce n'est pas grave...
Je respire un grand coup et m'éloigne de la porte pour retourner dans la cuisine, en essayant, encore une fois, d'oublier. De t'oublier, d'oublier ces marques sur mes poignets, d'oublier ma mère dans cet hôpital, d'oublier le silence d'Henry, d'oublier l'absence et le manque de mon père, et surtout, d'oublier ta dernière phrase.
Je plonge de nouveau mes mains dans le bac de vaisselle, dont l'eau s'est un peu refroidie, et je m'attèle à ma tâche, l'esprit ailleurs. Ce n'est pas grave... Je mets un moment avant d'entendre Murphy aboyer, et alors que je me retourne pour voir ce qui lui arrive, je sursaute violemment en me retrouvant face à toi. Surprise, j'écarquille les yeux en te regardant et avant que je n'ai le temps de réagir ou de dire le moindre mot, tu franchis la distance qu'il y a entre nous et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tes lèvres se retrouvent contre les miennes.
J'ai envie de réagir, de te repousser, de te rappeler la dernière phrase que tu m'as dites. Mais ma réaction est toute autre. Je ferme les yeux lorsque je sens ta main passer dans mes cheveux, et je savoure la sensation que tu me procures. La sensation d'ère vivante, et d'avoir un coeur qui bat. Tes lèvres finissent par quitter les miennes, mais tes mains, elles, restent dans mes cheveux. N'oublie pas de respirer, Kate.
- Ne me dis pas que tu as été assez stupide pour faire ça... Murmures-tu en collant ton front au miens.
- Ne me dis pas que tu as été assez stupide pour revenir dans la vie d'une suicidaire...
- Pourquoi ?
Je devine par là que tu me demandes pourquoi je l'ai fais. Pourquoi j'ai sauté le pas, franchi la barrière invisible, cette barrière si fine qui me sépare de ma mère. Tu éloignes ton front du miens pour me regarder dans les yeux, et tes mains qui étaient toujours dans les cheveux descendent jusqu'à mes joues.
- Pourquoi t'infliger ça ?
- Je... Je n'étais pas moi-même. Je n'arrivais pas à dormir alors j'ai pris quelques cachets et... Et je n'ai retrouvé pleinement conscience que deux semaines plus tard, à l'hôpital.
En t'expliquant tout ça, je baisse les yeux, honteuse de ce que j'ai pu faire, et ta main glisse jusqu'à mon menton pour me faire relever le visage.
- Si on m'avait dis que je me retrouverai dans une telle situation un jour..., murmures-tu.
- Tu peux toujours faire machine arrière.
- Je crois que je suis trop impliqué pour ça, maintenant...
Je ferme les yeux en me délectant un peu trop de ta voix et sans prendre la peine de réfléchir, je passe mes bras autour de ton cou pour venir retrouver la douceur de tes lèvres. On sait tout les deux que l'on se lance dans une histoire dont l'on ne contrôle rien, absolument rien, mais nous y allons quand même.
- Quand reprends-tu les cours ?
Je m'étonne de ta question et alors que je recule un peu, Murphy en profite pour venir renifler tes chaussures.
- Lundi, pourquoi ?
- Je t'emmène quelque part. Préviens ton grand-père, nous partons demain matin.
- Vraiment ? Et où allons nous ?
- Je peux juste te dire que tu seras de retour pour lundi, réponds-tu en souriant.
Partir cinq jours avec toi Dieu sait où ? L'idée est plus que tentante, mais convaincre Henry ne risque pas d'être une mince affaire... Surtout si c'est avec toi que je pars.
- Je... Je ne suis pas sûre...
- Ce n'est de toute manière pas négociable. Je passe te prendre demain matin.
- Tom...
Tu souris en venant déposer ton doigts contre mes lèvres avant de finalement l'enlever pour venir m'embrasser. J'ai l'impression que chacun de tes baisers est plus divin que le précédent, et même s'ils me donnent l'impression de foncer dans le mur en pleine vitesse, je ne suis pas capable d'enlever mon pied de l'accélérateur...
~~~~~~
Et voilà pour le quatorzième chapitre !
Je suis heureuse de vous voir de plus en plus nombreuses sur cette histoire, mon petit bébé depuis 2008...
J'espère qu'il vous aura plut et merci à vous de me lire. <3
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